Chapitre 7

Write by Lilly Rose AGNOURET

4ème jour de travail.

 

« Maintenant que nous sommes seuls, ôtes-moi d'un doute, Marlène Anderson. », fait Jalil en fermant à clé la porte de la salle de réunion qui s'est vidée de ses collaborateurs.

Je lève la tête pour le regarder alors qu'il avance vers moi avec une assurance désarmante. Si l'homme a pris des kilo, a un ventre qui se remarque et que ses pectoraux, et biceps semblent moins saillants, il a ce charisme qui se remarque et qui en impose à son interlocuteur.

« Plus personne ne m'appelle Marlène. C'est un prénom que je laisse au passé. Appelle-moi Merlie. »

« Pourquoi es-tu ici ? Caches-tu un couteau dans ton sac que tu me planteras dans le dos pour te venger. »

Je le regarde alors que mon cerveau me commande de rester zen. Je n'ai plus ni haine ni rage à son encontre et le fait qu'il soit aujourd'hui moins attirant et qu'il aie moins de charme que dans le passé, arrange bien mes affaires. La tension est retombée en moi en le voyant le premier jour. L'homme de mes rêves qui m'a tenu éveillée durant certaines nuits, a laissé place à quelqu'un de banal. Certaines femmes ont cette capacité là : enlaidir leur homme pour ne l'avoir que pour elle seule.

« Je n'ai aucune intention de meurtre vis à vis de toi, Jalil. Je ne suis revenue que pour le travail. »

« Hum ! Et je vais te croire. A d'autre, Marlène Azizet. Ce n'est pas le fait de changer de nom qui fait de toi quelqu'un de neuf. »

« Hum ! Ton avis importe peu. Et contrairement à toi qui ne semble pas pressé de rentrer chez toi alors qu'il est déjà 18h, quelqu'un m’attend pour dîner. », dis-je en finissant de ranger mes affaires.

« C'est évident qu'on attend madame pour dîner. Elle sait encore user de ses fesses pour réussir. »

« Je te demande pardon ! », fais-je surprise, pensant avoir mal entendu.

« Tu peux repeindre la carrosserie cabossée d'un voiture, elle reste la même. Qui a vendu son corps une fois pour sortir d'un taudis du quartier de Venez Voir, le fera éternellement pour réussir et s'habiller d'un tailleur Dior. »

Je me retourne sur lui et souris :

« Tu en sais quelque chose, n'est ce pas Jalil Ratanga ? Venant de toi, je prends tout cela pour un compliment. Maintenant, ouvre cette porte que je puisse sortir. »

Il semble désarçonné par ma réponse qui est sortie sans rage aucune ; j'ai décidé de garder mon calme. J'ai perdu trop de temps et d'énergie à haïr ces gens là : Jalil, ma mère, Nyama... j'ai appris la résilience car je savais que la haine m'aurait détruite.

« Je te mets dans mon lit quand je veux, tu comprends. »

« Oh ! La belle affaire ! Laisse-moi te confier quelque chose, monsieur Ratanga. Dans cette pièce personne n'est intéressé par tes prouesses sexuelles. Alors, ouvre cette porte que je puisse sortir. »

C'est d'un air qu'il veut dédaigneux qu'il me regarde. Cela n'affecte en rien la mine joyeuse que j'ai ce soir. La journée s'est très bien passée. J'ai un rendez-vous pour dîner ce soir avec Ivo. Et un client potentiel m'a appelé et m'a fixé rendez-vous pour sceller un contrat avec ma boite. Pourquoi me fatiguerai-je à m’énerver contre Jalil.

« Tu peux faire la belle avec tes heures supérieures, je te déshabille quand je veux. Tu oublies combien tu aimais ça, Marlène. Quand tu hurlais mon nom de façon démentielle chaque fois que je te propulsais vers le 7ème ciel. Personne je parie n'a été capable de te faire vivre de telles sensations. Tu reviendras mendier un peu de mon temps et surtout de cette énergie qui te faisait pleurer comme une enfant chaque fois dans mes bras. »

Je le regarde en détaillant chaque trait de son visage dont je trouve qu'il a été ravagé avec le temps, si ce n'est autre chose. Je le regarde puis lui dis avec beaucoup de sincérité :

« La vie m'a appris que le sexe n'est pas tout et qu'il rend idiot s'il n'a d'autre but que d'asservir les gens. Tu ne le vois peut-être pas Jalil, mais j'ai évolué. Mes enfants m'ont donné assez d'amour pour tenir debout et ne pas me laisser phagocyter par la haine. Tu peux continuer de voir en moi, la fille qui est sorti des mapanes (bidonvilles), mais cette fille là mérite juste un peu plus de respect de ta part. Peux-tu m'accorder cela ? »

Là, c'est avec beaucoup de hauteur qu'il s'éloigne de la porte, me balance la clé par terre et lance :

« Tu n'étais bonne qu'à baiser, Marlène Azizet. La preuve, tu as été incapable de retenir ton époux et tu viens ici nous servir : j'ai repris mon nom de jeune fille. Où serais-je aujourd'hui si je t'avais suivi ? Vraiment, pour moi tu reste juste une fille des mapanes. »

Je ramasse la clé de la porte et réponds :

« La fille des mapanes te bonsoir. Je suis en paix avec ma vie, quoique tu penses de moi. Bye bye monsieur Ratanga. »

Sans plus me soucier de ses états d’âme, je descends l'escalier qui me mène au rez-de-chaussée. Arrivée là, je suis surprise de retrouver Merveille, la standardiste et fille de mon ex-bourreau, toujours à son poste. Je m'approche pour la saluer.

« Hey, Merveille ! Vous faites des heures Supp ! »

Elle sourit et me dit :

« Je fais semblant. En fait, 3 soir par semaine, je reste là après les heures légales pour profiter du calme, de l'ordinateur et de l'électricité. Je prépare ma licence professionnelle. Il me faut réviser. »

« Oh ! Le calme et l'ordinateur, je comprends. Mais l'électricité, non. Il y en a dans tout Libreville, il me semble. »

« Ah, Mme Anderson, c'est compliqué. J'ai trois enfants et un fiancé au chômage. Je compte chaque sou. Et si je peux profiter de l’électricité ici pour ne pas plomber mon budget à la maison, ça m'arrange. C'est difficile, vous savez. Depuis la mort de mon père il y a 12 ans, ma vie a complètement été chamboulée. »

« Hum ! Comment ça, dites-moi. »

« Oh ! Le corps de ce dernier n'avait pas encore été transporté de l'hôpital  la morgue, que déjà, ses frères, neveux et sœurs étaient en train de piller la villa où nous vivions. Ils ont tout emporté : réfrigérateurs, télévisions, ordinateurs, même les costumes de mon père. Tout absolument tout. Nous n'avons eu que nos yeux pour pleurer quand une fois mon père mis en terre, les gens se sont arroger le droit de s'installer dans les villas qu'il possédait dans Libreville. Nous les enfants, n'avons rien eu. Notre mère a dû se démerder comme elle a pu ; et j'ai tout de suite été obligée de me trouvé des petits boulots de nounou ou serveuse pour subvenir à mes besoins. Donc, voilà ! »

Je ne suis pas étonné d'apprendre que Nyama est décédé. Je l'ai su il y 2 mois, quand l'idée de rentrer au Gabon a commencé à me trotter dans la tête. J'espère que sa mort a été violente et qu'il a eu le temps d'être dévoré par les remords et les regrets, ce gros porc sadique. Pourvu qu'il brûle en enfer. »

« Je vous souhaite beaucoup de courage, Merveille ! »

« Merci Mme Anderson. Il me faut décrocher ce diplôme pour honorer la mémoire de mon père. C'était un homme tellement doux, bon et prévenant, qui prenait soin de ses enfants. Je veux que de là haut, il soit fière de moi. »

J'ai envie de lui dire l'être abject qu'était son père, mais je m'abstiens de le faire. Je la salue et m'en vais en lui disant :

« Votre patron est toujours là ! Ne vous faites pas prendre. »

Elle sourit et me répond :

« Je serai parti dans un quart d'heure. A demain. »

Je sors de l'immeuble et traverse la rue pour me réfugier dans le véhicule d'Ivo qui est garé là.

« Comme s'est passée ta journée ? »

« Comme sur des roulettes ! Et toi ? »

« Je viens de finaliser deux contrats. J'ai signé en fin d'après-midi. Ça s'arrose. »

Je regarde ce suédois et son air jovial me donne du baume au cœur. Cela me fait oublier l'arrogance et l’imbécillité de Jalil. Je n'ai pas envie de me demander à quoi il jouait tout à l'heure, ni pourquoi il a autant changé. Je laisse tout cela de côté car il me faut penser à …

« Alors, champagne ou pas ? »

« Tu dis champagne, c'est ça ! Et si j'atteri dans ton lit après cela parce que je serais pompette et aurait perdue tout sens de l'orientation, que feras-tu ? »

« Ne me dis pas que tu ne tiens pas l'alcool. »

« Je ne bois plus d'alcool depuis que...En fait, l'alcool rend idiot. Raison pour laquelle je préfère ne plus en consommer. »

J'étais à deux doigts de lui dire que je ne bois plus une goûte d'alcool depuis que ce porc de Nyama, après m'avoir fait kidnappée à Pretoria il y a 12 ans et ramenée de force à Libreville par deux malfrats dûment payés, m'a séquestrée, enivrée et violée....J'irai pisser sur sa tombe. J'IRAI PISSER SUR SA TOMBE...

 

Une heure plus tard alors que nous sommes attablés au restaurant La Pointe des Amaldies, Ivo revient à la charge et me dit :

« J'aime beaucoup le mystère derrière ce que tu ne dis pas, Merlie. Mais j'aimerais vraiment savoir ce que t es revenue faire au Gabon. »

« Je suis venue pour le business. »

« Étrange. Vraiment étrange. Cela fait 12 ans que tu es partie et tu reviens pour le business !!! Et ta mère, ton père, tes grands-parents, tes racines ? »

« Sans importance. Mon père vit en Belgique. Ma mère je la verrai forcement. Mes grands-parents ne m'ont jamais protégée. Ma sœur est la seule réelle famille que j'aie. Et mes enfants sont mon monde. »

« Oui, mais tu n'en parles jamais. »

« Ivo ! Je pensais que nous étions là pour profiter du beau temps, de l'atmosphère tranquille de ce lieu et de ce plat de poulet yassa ? Tu n'as tout de même pas l'intention de plomber l'ambiance ? »

« Tu m’intéresses, Merlie Azizet. Tu m’intéresses. »

« Que dois-je comprendre par là ? »

« Que j'adore les énigmes. Raison pour laquelle j'ai prolongé mon séjour ici. »

« Je vois. Tu es le second homme que je rencontre aujourd'hui et qui n'est pas pressé de rentrer à la maison retrouver son épouse. »

« C'est donc ça l'effet que tu nous fait. Sans le vouloir, tu arrives à nous envoûter. »

« Ivo ! »

« J'ai le droit de me laisser séduire, non ? »

Je le regarde bien décidé à ne pas trop le prendre au sérieux. Un homme marié, non. Ça ira.

Notre repas terminé, il me ramène à l’hôtel en me promettant de m'inviter pour le déjeuner demain à 13h.

« A demain, alors. »

« Fais de beaux rêves, Merlie. »

Il s'en va et j'entre dans l’hôtel. Je me dirige vers la réception pour y récupérer le passe pour ma chambre. J’aperçois au loin dans ce qui semble être un bureau, un dos. Ce dos, je le reconnaîtrais même si j'étais morte. Ce dos est celui de ma mère. Je m'adresse alors au jeune réceptionniste qui me tend mes clés et lui demande :

« Qui donc est cette dame au dos tourné ? J'aime beaucoup sa coiffure. »

« Oh, elle, c'est madame Albertine Malanga. »

« Oh ! Je suppose que je pourrai la voir demain à la réception. J'attendrai pour lui demander le nom de son salon de coiffure. »

Je m’éclipse avant que ma mère ne revienne à son poste. Il ne manquerait plus que notre première rencontre se passe devant une foule. Je n'ai pas encore appris comment contenir ma rage envers elle. Il vaut mieux qu'il n'y ait pas de témoins au moment de LA RENCONTRE.

Je m'endors très vite une fois dans mon lit. Ma nuit est douce et tranquille parce que j'ai entendu la voix de mes enfants au téléphone et que j'ai ri quand mon ami et partenaire Salima m'a répété : reste loin de ce Jalil Ratanga ; ne replonge pas.

Non, je ne replongerai pas. Il me faudrait perdre la tête pour ça. Non !

 

Il est 5h 30 quand je me réveille ce matin et appelle la réception pour me plaindre du fait qu'il n'y a pas de gel pour mon bain. Le réceptionniste  cordialement me répond :

« Mme Anderson, je remédie au problème tout de suite. Une dame de ménage vous apporte les éléments demandés. Avec toutes nos excuses. »

Je raccroche et pianote sur la télécommande de la télévision pour capter les informations du jour. Bientôt, j'entends cogner à a porte. Vêtue d'un peignoir, je vais à la porte. Baissant la tête, une femme de ménage demande si elle peut entrer pour déposer dans la salle de bains, tout le nécessaire de toilette.

« Donnez, je vais me débrouiller toute seule. Et éviter ce genre d'erreur à l'avenir. », dis-je.

La jeune dame se confond encore en excuses. Elle est rabrouée gentiment par sa collègue qui lui dit :

« Lydie, tu as trop la tête en l'air. »

Cette voix me tétanise net ! Je reste là sans bouger alors que la petite corbeille dans laquelle avait été placé le nécessaire de toilette, atterri à même le sol.

« Quelque chose ne va pas, Mme Anderson ? », me demande la fameuse Lydie.

Alors que je veux répondre, la voix s'empresse de lancé à Lydie :

« Laisse, je m'en occupe. Charge-toi de la 322. Le client a libéré à 3h du matin. »

La jeune Lydie s'en va et me laisse face à Albertine Malanga qui se baisse pour ramasser les gels, sels et autres savons. Elle remet le tout dans la corbeille et me la tend.

« Bonjour Azizet ! »

« Bonjour ! », dis-je.

« Qu'est ce qu'il y a la belle dame ? Tu ne t'attendais pas à me revoir, c'est ça ? »

« Je ne m'attendais pas à te voir traîner un chariot dans un hôtel, non. Que fais-tu ici ? Tu travailles à la réception ? »

« Je fais les lits, je nettoie les salles de bains. »

« Tu es femme de ménage !!! Comment est-ce possible ? »

« Tout est possible quand sa fille ne tient pas ses promesses et qu'elle abandonne son bienfaiteur. Tout est possible quand on a une fille tellement égoïste qu'elle oublie sa mère après s'être attrapée un blanc qui l'a emmenée aux États-Unis. C'est bien là-bas que tu habites, non, Azizet ? »

Je la regarde, interdite. Moi qui pensais qu'elle était réceptionniste ! Ma mère fait le ménage dans cet hôtel, comme si les sacrifices de mon corps n'ont servi à rien.

« Mais comment peut-on en arriver là, Albertine Malanga ? Dis-moi à quoi ont servi les neuf mois d'anglais que cette entreprise t'a payé au Ghana. Dis-moi où s ont passé tes cours du soir en informatique. Merde, ce ne sont pas des WC de luxe que tu devrais-être en train de récurer, mais des rapports d'activités que tu devrais rédiger par ordinateur ! Qu'est ce qui n'a pas marché ? »

« Il se passe que ton con et ton cul ne valent rien du tout Azizet. Avec moins que ça, il y en a qui ont construit des châteaux à leur mère. Toi, Va au diable ! »

« C'est trop facile Albertine Malanga. Trop facile. Je te signale que mon corps t'a aidé à évoluer dans cette entreprise. Quelqu'un de consciencieux aurait fait des économies. Combien d'années as-tu vécu sans te soucier de payer l'eau et l’électricité ? Même ta bouteille de gaz et la nourriture qui chaque mois remplissait ton congélateur, sortaient de la poche de Nyama. Si tu avais été plus intelligente, tu ne serais pas là aujourd'hui à faire les lits dans un hôtel ! Ce n'est pas possible ! Elle m'a vendue pour se retrouver à nouveau femme de ménage. CE N'EST PAS POSSIBLE ! »

Je me sens mal tout d'un coup et suis obligée de me traîner jusqu'à la salle de bains pour dégueuler dans les toilettes. Cette femme est simplement un ZERO, du début à la fin. Moi qui pensais pouvoir me réjouir en la voyant mendiante, réduite à rien, j'ai mal de savoir qu'en brulant sa maison, mon plan a aussi bien fonctionné.

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