Chapitre 7 : Garder espoir

Write by Sandy BOMAS

 



-William SACRAMENTO…Comment tu vas ? dit la jeune femme en face de moi en se levant. 

Je l’ai fixée en plissant les yeux. Apparemment aujourd’hui c’est la journée des rencontres. Je vous présente Joëlle SACRAMENTO. Fille unique de l’un des frères de mon père. Roland SACRAMENTO le genre de petite fille très gâtée par ses parents qui pense que tout le monde se doit d’être à ses pieds…La dernière fois qu’elle et moi avions été dans la même pièce remonte à plus de dix ans. Je devais avoir environ 25 ans et elle m’accusait devant tous les membres de la famille présents de l’avoir violée. C’est un sujet que j’ai horreur d’aborder parce que cela me fout les boules. 

-Que fais-tu là ? Demandai-je en la fixant. Suspicieux.

Elle a changé en dix ans. Elle est devenue plus belle. C’est le genre de femme qui trouve un homme à épouser quel que soit les tâches de son passé…Le genre qui se fait entretenir du début à la fin et sans scrupules. Les femmes claires comme elle pensent que la beauté s’arrête à leur niveau. À cause d’elles, je déteste les femmes claires. 

-On peut se parler en privé ? Demanda-t-elle. 

-Pour que tu dises plus tard que j’ai tenté de te violer ? Lâchai-je brusquement.

-Je vois que tu es plutôt rancunier Will. Je viens te parler d’un sujet très sérieux. 

-On va s’asseoir en salle de conférence. La pièce à côté. Vas-y. Je te rejoindrai.

Elle m’a lancé un regard très suggestif qui m’a fait tiquer. J’ai attendu qu’elle entre dans la salle puis s’installe avant d’aller dans mon bureau. Puisque mon bureau est vitré, tout le monde pourra nous voir. Je ne veux pas d’esclandre et j’en ai profité pour activer le système de surveillance. 
Au départ, j’ai mis les caméras cachées dans la pièce juste au cas où, car avec les histoires de faux témoignages et tout il faut se méfier. Je préfère me protéger en enregistrant systématiquement toutes les conversations que j’aurai avec les membres de ma famille car je sais de quoi ils sont capables. 

-Tu as beaucoup changé, murmura Joëlle dès que je suis entré dans la salle de conférence et tu es marié à ce que je vois. Dit-elle en désignant mon alliance du menton.

-Et moi je constate que tu ne t’es toujours pas mariée. Le temps passe tu sais et les hommes n’aiment guère les fleurs fanées sur lesquelles plusieurs abeilles ont déjà butiné. 

Elle a pâlit face à l’insulte à peine voilée. Je me suis assis en face d’elle le cœur léger. J’avais démarré la caméra. 

-Que veux-tu Joëlle ? Je te le redemande. 

-Papa m’a envoyé vers toi, pour te parler de l’affaire familiale. Il veut qu’on reprenne là où on s’était arrêté. Il a besoin de toi. C’est toi qui détiens tout le capital.

-Là où on s’était arrêté ? J’étais mêlé à vos histoires ? 

-Euh…

-Non ! Il n’y a pas de euh qui tienne ! J’ai posé une question claire, j’attends une réponse claire. J’étais mêlé à vos arnaques et crimes ? 

-Non…

-Alors pourquoi tu viens me voir pour m’en parler ? Le chef c’est Nathan et vous savez où il se trouve. Allez donc le voir !

Elle m’a lancé un regard surpris. Le jeune homme peu sûr de lui qu’elle avait connu a disparu. C’est ce qui l’étonne. Ça ne fait que commencer. Ils le seront tous.

-Bon maintenant que ce point est clair, passons au suivant. Que veux-tu exactement ? 

-On veut que tu nous finances. Le secteur des armes et drogue est plus que florissant et même sans ton père on peut le reconquérir et faire manger de la poussière aux MIKALA ! 

-Pardon ? Fis-je soudain intéressé. Qu’est-ce que les MIKALA ont à voir dans cette histoire ? 

-Nathan ton père est derrière les barreaux pour 15ans encore et toutes les tentatives pour la révision du jugement se sont soldées par un échec cuisant. La veuve MIKALA y veille au grain. Cela ne te fait rien du tout d’imaginer ton père derrière les barreaux ? Bastonné tous les jours ? 

-J’ai une question mais je pense que je poserai d’abord une autre avant elle. Nathan a tué ou pas Daniel MIKALA ? 

Elle m’a regardé bizarrement. Même lors du procès, l’avocat de la famille MIKALA a peiné à démontrer sa culpabilité puisqu’il avait des témoins certifiant qu’il était ailleurs au moment du crime. 

-Il l’a tué. 

-Bien…Alors pourquoi tu veux qu’il reste libre alors que les MIKALA pleurent leur disparu ? Il se devait de payer et voilà. Maintenant dis-moi. Pourquoi une jeune femme comme toi ne se cherche pas un travail respectable et un mari ?

-Cela ne te regarde pas…Je ne suis pas venue parler de moi. 

-Mais moi j’en ai envie. On fait comment ? Tu as utilisé cette fausse histoire de viol pour entrer dans les bonnes grâces de mon père. Ton sorcier de père et toi êtes des charognards. 

-Je ne te permets pas…

-C’est moi qui ne te permet pas de venir te payer ma tête. Tu es venue ici fièrement vêtue oubliant que ta famille et toi vivez sur les miettes qui vous restent du peu que papa vous a laissé…C’est toi qui m’a traité de violeur qui revient ici me demander un service ? Ton salaud de père n’a pas eu assez de couilles pour ça ? 

-Willi…

-William rien du tout Joëlle. Tu étais prête à gâcher ma vie. Puisqu’on y est, tu peux dire la vérité. On est seul. 

-Quelle vérité ? Demanda-t-elle verte de rage. 

-Tu as prétendu que je t’avais violé il y a de cela 10 ans. Est-ce vrai ou faux ? 

-C’était faux William. 

J’ai failli sourire….

-Et tu l’avais fait pourquoi ? 

-Mon père avait manqué une commande et Nathan voulait l’évincer. Il m’a demandé de jouer à ce jeu pour te porter préjudice comme ça ton père aurait été obligé de le garder dans l’affaire. Mais je t’aimais déjà et tu le savais. Je ne voulais pas te faire du mal. 

Un soir Joëlle est entrée dans ma chambre presque nue et m’a proposé qu’on couche ensemble. Je l’ai repoussé. Il était hors de question que ma cousine et moi ayons une relation incestueuse. Elle a essayé par tous les moyens et je n’ai pas cédé. Alors elle s’est mise à hurler : « Au viol ! Au viol ! A l’aide ! » 
En quelques minutes, les choses ont dérapé. Quand les gens sont entrés dans la chambre, tout ce qu’ils ont vu est une jeune fille nue qui pleurait toutes les larmes de son corps en affirmant que j’avais voulu abuser d’elle. Il y a eu réunions familiales sur réunion, humiliation sur humiliation. 
Personne ne voulait croire en ma parole. Au final, mon père a payé la famille pour taire l’affaire et puis la vie a suivi son cours. Cependant ils ont oublié qu’ils m’ont laissé une autre cicatrice. 

***Francine MIKALA***

« Je n’en reviens toujours pas. L’oncologue qui doit suivre Yasmine, celui qui a une méthode novatrice pour soigner ma fille se trouve au Bénin. Et dire que j’ai quitté le Bénin presque comme une fugitive il y a cinq ans. Fuyant à la fois Stella, William, et toutes les histoires liées au gang de mon père. 

La période qui a suivi mon départ du Bénin a été particulièrement difficile pour moi. Je n’avais pas eu le temps de faire correctement le deuil de mon père, qu’il fallait déjà que je pense à agir pour le bien de ce petit être qui grandissait en moi.

Jusque-là je m’en sortais plutôt pas mal. Après une reconversion professionnelle j’avais réussi à monter mon propre restaurant avec comme associé mon frère Yannick.

Le Palais d’Epicure est désormais l’un des restaurant les plus côté de Libreville ».

Après l’entretien avec le Docteur Faubert, Yannick et moi sommes allés rejoindre Aline qui était au chevet de Yasmine. Quand nous sommes arrivés dans la chambre la petite était endormie.

-Ah Tantine tu es là ! Dit Aline qui était visiblement soulagée en me voyant.

Elle se tourna vers Yannick et le salua avec un engouement qui ne cachait pas son intérêt pour mon frère. 

-Bonjour Tonton 

-Bonjour Aline, comment vas-tu ? 

Elle haussa les épaules.

-Ça va un peu….La santé de Yasmine m’inquiète beaucoup.

-Nous sommes tous inquiets, mais il y a un espoir.

Elle leva vers moi des yeux interrogateurs.

-Nous partons au Bénin dis-je, et j’aimerais que tu viennes avec nous Aline.

Voyant que ça faisait beaucoup d’informations d’un coup pour la nounou de Yasmine, j’essayais de la rassurer.

-On doit être à Cotonou dans deux jours maximum. Ça te laisse un peu de temps pour me donner ta réponse.

Je sais qu’Aline n’a pas sa famille proche à Libreville. Ça fait un moment qu’elle travaille pour moi. Je la considère comme un membre de la famille et Yasmine l’aime beaucoup. Cependant, je dois également tenir compte de sa vie privée. 

-D’accord Tantine…

-Ok…

(…)

Trouver trois places dans le vol de Asky qui part après-demain voici ma mission de ce matin.

Pour la première fois depuis des mois, l’énorme étau qui me comprimait la poitrine et l’estomac semblait s’être desserré un tout petit peu. 
J’avais l’impression de mieux respirer. Et pour la première fois j’ai dormi plus de trois heures d’affilées sans me réveiller en sursaut par un cauchemar. Dans lequel Yasmine succombait.

Ma petite princesse était allongée près de moi, elle dormait comme un petit ange.

«Les médicaments que lui a prescrit le Docteur Faubert pour calmer la douleur semblent être efficaces ».

Je me glissai hors du lit et sortis de la chambre à pas de loup.

Dehors Aline accomplissait ses tâches ménagères. Je la regardais par la fenêtre de la cuisine.

Elle venait de terminer de balayer et de ramasser toutes les feuilles qu’avait perdu l’immense manguier qui trônait dans le jardin puis elle s’attaquait aux deux grandes bassines de linge à étendre.

« Elle est bien brave cette Aline ! » 

Je m’éloignai de la fenêtre et me préparai un petit déjeuner pour bien commencer la journée. 

Je buvais la dernière gorgée de mon café lorsqu’Aline me rejoignis dans la cuisine.

-Bonjour Tantine

-Bonjour Aline

-Tantine tu as bonne mine ce matin ! 

-Ah bon ? 

-Oui ça se voit que tu as bien dormi, par rapport aux autres jours…

-Merci…

J’étais agréablement surprise. Aline qui d’ordinaire n’était pas très bavarde venait de me complimenter.

« C’est une grande première ! »

-Tu as réfléchis Aline ? Car c’est ce matin que j’achète les billets d’avion.

-Oui Tantine, je viens avec vous. 

Son ton était ferme.

-Tu en es vraiment sûre ? Car nous partons pour plusieurs mois.

-Oui Tantine. Il n’y a rien qui me retienne réellement ici…

-Et le jeune homme que tu fréquentais il y a un moment? Tu ne lui manqueras pas lorsque tu seras au Bénin ? 

Je vis passer dans ses yeux comme une gêne. La tête baissée Aline se contenta de me dire avec un sourire timide :

-C’est du passé Tantine…

-Oh...Je suis désolée…

-C’est rien Tantine. Je suis libre de vous accompagner Yasmine et toi au Bénin.

Elle paraissait tellement sereine. Je fus surprise par la hauteur avec laquelle elle gérait ce qui avait l’air d’avoir été une grande histoire d’amour. À peine âgée d’une vingtaine d’année, Aline ne laissait pas à son cœur le temps de s’égarer. C’est elle qui lui dictait les règles et il se devait de l’écouter point barre.

« Je devrais prendre exemple sur elle. Car moi le fait d’aller au Bénin me ramène à cinq ans plus tôt. 
Pour moi, Cotonou égal : William SACRAMENTO. J’ai essayé de le sortir de ma tête, de mon cœur, de ma vie. J’y étais bien parvenue jusque-là. Mais depuis deux jours j’avais sans cesse des flashs de mon histoire avec lui.
Une histoire d’amour vouée à l’échec dès le départ…Il était le fiancé de ma meilleure amie…Et son père a tué le mien… »

Mon cœur se serra et je m’interdis de penser à Will dans d’autres circonstances que celles-ci.

-Je suis contente que tu viennes avec nous. Tu sais que, tu fais partie de la famille Aline ?

-Merci Tantine.

Je terminai, ma tartine au beurre et à la confiture de mangue. Puis allai me préparer.

-Quand Yasmine se réveillera, tu lui donneras ses antis douleurs. 

-Oui Tantine.

-Arrête un peu avec tes « oui Tantine » et appelle-moi par mon prénom ! 

-Non, Tantine je ne peux pas ! 

Elle partit dans un rire gêné.

-Ok, si tu te sens à l’aise ainsi…J’accepte d’être « Tantine » même si je trouve que cette appellation me fait vieillir d’au moins quinze ans.

On éclata de rire toutes les deux et je sortis de la cuisine. Tandis qu’Aline continuait de ranger la vaisselle.

(…)

Ma montre affichait dix-sept heures lorsque l’avion se posa sur le tarmac de l’aéroport international de Cotonou. Yasmine était très contente de venir au Bénin. Pendant le vol elle ne cessait de me demander « c’est quand qu’on arrive ? » 

Aline aussi ne cachait pas sa joie d’être venue avec nous. L’espace de quelques secondes, on aurait dit que nous faisions un voyage normal, mais lorsque la casquette de Yasmine tomba et découvrit son petit crâne sans cheveux, mon cœur se serra.

« Non ce n’est pas un voyage touristique que nous faisons… »

Si Aline et la petite Yasmine étaient à l’aise, c’était loin d’être mon cas. J’étais hyper nerveuse. 

« Ça fait cinq ans que je n’ai pas mis les pieds ici, je suis hyper stressée…»

Aline m’a aidée à récupérer les bagages sur le tapis, puis nous sommes sorties de l’aéroport. À l’extérieur, de nombreux taxis attendaient. Je fis signe à l’un d’eux, qui ne cachait pas sa joie d’avoir des clients.

J’aurais pu demander à l’un de mes frères de venir nous chercher. Mais j’avais choisi de venir incognito. J’avais déjà assez de pression avec la maladie de Yasmine sans oublier mes vieux démons qui recommençaient à me hanter alors que j’arrivais à peine…

« Les SACRAMENTO…Stella…Comment vais-je vivre à Cotonou pendant les semaines qui viennent ? Pendant combien de temps vais-je dissimuler ce lourd secret ? Il ne faut pas que Stella voit Yasmine car elle comprendra tout de suite qui est le père. Et c’est valable pour tous les autres d’ailleurs. Yasmine tient tellement de William… »

 


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