Chapitre 7 : Le mariage
Write by Alexa KEAS
Crédit photo: Joke Silva
Clémence
Dans la petite salle attenante à la grande salle de réunion, je me mets dans mon plus simple appareil. Je range mes effets dans mon casier avant de rejoindre les autres. Je balaie la salle du regard, il ne manquait que moi apparemment. Je me mets à ma place et attends que la reine mère donne le ton du début de la réunion. Je me rappelle de la première fois que j’ai franchie cette porte. J’étais remplie de doutes et d’appréhensions, mais plus encore de la rage de devenir riche. Seuls ceux qui n’ont pas connus ce qu’est l’extrême pauvreté, peuvent me jeter la pierre. Je parle de cette pauvreté qui fait de vous une pestiférée dans la société, à tel point que personne ne veut vous sentir près d’elle. Je me classe parmi ceux qui osent, ceux qui savent ce qu’ils veulent et qui font tout pour y arriver. La vie, nous n’en n’avons qu’une seule et il faut bien la vivre. Après tout, nous sommes dans une jungle où règne la loi du plus fort. On ne peut d’ailleurs pas atteindre le sommet, sans piétiner quelques uns au passage. La voix de la reine mère s’élève dans la salle, elle prononce les devises de notre secte et nous rétorquons. Aujourd’hui encore, cette voix arrive à me faire frissonner. La première fois que je l’ai entendu, j’ai faillis me faire dessus. Pour une femme, sa voix est comparable à celle du tonnerre qui gronde. Assise sur son trône faite entièrement d’or et de pierres précieuses, elle scintille. Sur sa tête, une couronne en tête de serpent. Dans sa main, un sceptre en diamant, faite à l’image d’un sexe d’homme. Tout comme chacune de nous les disciples, elle est nue. Malgré son âge, elle garde un corps de jeune fille et ça n’a rien à voir avec la chirurgie esthétique ou le sport. C’est l’énergie sexuelle de tous ces jeunes hommes avec qui elle couche qui entretiennent sa beauté. Pauvres hommes qui doivent penser être plus malins. Ils ne feront jamais rien de leur vie et pour les moins chanceux, leur chance de procréation se réduira à moins zéro. Dans notre secte, il ne suffit pas de coucher avec les hommes pour être riche. Quelques sacrifices s’imposent et il y a des choix qui se proposent. Nalida par exemple, avait sacrifié sa fertilité. Moi aussi j’ai dû faire un sacrifice, un des plus grands d’ailleurs. Tout ça est derrière moi maintenant. Après chants et louanges à la déesse des eaux, nous reprenons nos places respectives.
La reine mère demande à chacune de faire le point sur sa vie, depuis la dernière réunion. C’est également l‘occasion d’avancer des requêtes, s’il y en a, ou des préoccupations, ou simplement faire des annonces. Après avoir fait le point à tour de rôle, sur la vingtaine de femmes que nous sommes, cinq doigts au moins se lèvent, dont le mien. La reine nous donne un ordre à suivre. Je suis la dernière qui prendre parole. J’avance au milieu et élève ma voix.
-Je vais me marier.
-Toutes mes félicitations, ma fille !s’exclame la reine. J’espère que tu as bien évalué l’heureux élu.
-Oui, ma reine. Vous ne serez pas déçu.
-Quel est son nom ?
-Fabrice AGBOSSOU, ma reine. C’est le veuf de la princesse Nalida.
Nous sommes toutes appelées « princesse » ici. Des murmures s’élèvent, alors qu’habituellement, nul n’a le droit de se prononcer, même pas en murmure, quand l’une d’entre nous fait une annonce ou avance une requête. J’entends la voix de Sophie s’élever.
-Clémence, tu n’es qu’une traîtresse ! Cet homme, je le voulais et tu le savais…
-Silence !crie la reine. Comment osez-vous défier mon autorité ?
Celles qui ont murmuré et Sophie qui a osé parler, se mettent à genoux aussitôt, implorant le pardon de la reine. Cette dernière ne leur accorde aucun regard et me demande de poursuivre.
-Tu connais les règles, princesse Clémence. Si tu as choisi d’épouser le veuf de l’une de te sœurs, tu es donc prête à faire le sacrifice qu’il faut !
-Oui ma reine.
-Bien, qu’il en soit ainsi. Toutes mes félicitations.
-Merci ma reine, dis-je, un sourire en coin.
-Quant à vous, dit la reine, en désignant Sophie et les autres sur leurs genoux, je ne vous pardonnerai cet affront qu’à une condition. Je veux que chacune me dégote un jeune garçon d’une vingtaine d’années, pour ce soir.
Elles l’ont bien cherché, elles n’avaient qu’à garder leurs bouches fermées. La reine leur ordonne de se relever et la réunion se poursuit. Le grand esprit « nyoka » est invoqué. Son arrivée dans la pièce est annoncée par des sifflements, dignes de sa nature mi-serpent. Nous nous allongeons toutes, les jambes écartées et fermons les yeux. Nous n’avons pas le droit de voir son visage. Seule la reine a ce privilège. Les heures qui suivent sont marquées par nos gémissements de plaisir qui transpercent les murs de la salle. « Nyoka » qui a plusieurs sexes, nous baise toutes, au même moment. Nous entendons son grognement, pendant qu’il plonge et ressort ses sexes, en chacune d’entre nous. Il reprend ainsi, toutes ces énergies que nous avons dérobées chez les hommes avec qui nous couchons. Le coït avec « Nyoka » dure une bonne heure. La quantité du sperme qu’il laisse en chacune de nous, dépend de l’intensité de l’énergie que lui est offerte et c’est ce qui évalue également, la richesse à avoir. Ce qui explique que certaines d’entre nous puissent soient plus riches que d’autres. Après nous avoir arrosées de sa semence, « Nyoka » disparaît, nous laissant dans un profond sommeil.
Je me réveille, à l’instar de mes dix-neuf neuf heures. Chacune évalue entre ses jambes, la quantité du sperme reçu. La reine n’est plus dans la salle, elle doit bénéficier de sa part du traitement de « Nyoka », loin de nos regards.
Nous prenons chacune, un mouchoir dans une vase d’or, près du trône de la reine, et nous essuyons avec. Nous déposons ensuite les mouchoirs dans un autre vase et sortons de la salle. La réunion est finie pour aujourd’hui et comme d’habitude, nous en sortons extrêmement épuisée. Je plains celles qui vont encore devoir aller chasser des proies pour la reine, ce soir. Moi, j’ai hâte de me ressourcer et Fabrice rentre au petit matin. Sophie spécialement, me lance des regards en flèches pointues, mais je n’en fais pas cas. Il est vrai qu’elle m’avait confié être amoureuse de Fabrice. Elle n’avait qu’à agir, au lieu d’attendre qu’une occasion se présente. Les occasions, il faut les créer et c’est ce que j’ai fait, en prenant le taureau par les cornes.
Je me rhabille et sors de cette immense maison située en retrait de la ville. Je monte dans ma voiture, garée dans la cour et quitte les lieux, sans prêter attentions aux langues de vipères. Il ne suffit pas de vouloir, il faut pouvoir.
*
*
Fabrice AGBOSSOU
L’avion atterrit sur le sol togolais à huit-heures du matin. On n’est jamais mieux que chez soi, mais je dois avouer que pour une fois, rentrer chez moi ne me fait pas tant plaisir. Mon voyage a été bercé, par les souvenirs des moments passés avec Kimora. J’ai passé le temps à regarder toutes les photos prises d’elles et les quelques unes, prise de nous. C’est la première fois que je ressens ce sentiment qui donne l’impression de planer dans les airs. Sans me presser, j’effectue les formalités et sors de l’aéroport, muni de mes deux valises. La voix de Clémence, m’appelant me sort de mes réflexions. Je range Kimora et les souvenirs de Paris, dans un coin de ma tête et vais prendre Clémence dans mes bras. D’habitude, je me fiche du « qu’en dira-t-on » mais en ce moment, embrasser Clémence devant tout ce monde à l’aéroport m’est impossible.
-Tu as bonne mine, dit-elle.
-Et toi, tu as l’air fatigué !
-Oh oui. Mais je sais qu’après une bonne partie de sexe, je serai revigorée.
-Je devrais plutôt te reposer.
-Crois-moi, c’est de loin, ce dont j’ai besoin.
A quoi bon chercher à comprendre ? Nous cheminons jusqu’au parking en silence. Au moment de faire entrer ma valise, mon esprit s’illumine. Bien sûr, c’est moi sa source d’énergie. Vie de merde ! Mais je ne peux m’y soustraire. C’est le prix à payer pour ne pas perdre tout ce pour quoi je me suis sacrifié. Un de plus ou de moins, ne changera rien.
-Tu conduis ?demande Clémence.
-Oh non, l’honneur aux dames. Je vais même m’installer à l’arrière.
-N’importe quoi !rigole-t-elle.
Je dois avouer que ce qui est bien avec Clémence est qu’elle a le sens de l’humour. Ce n’est pas comme Nalida qui étai tout le temps sérieuse. Une fois installés dans la voiture et que Clémence démarre, elle me demande comment s’est passé mon voyage.
-Pas mal, dis-je.
-Juste ça ?
-Que veux-tu qu’il y ait d’autres ?
-J’espère que tu ne l’as pas trop utilisé, dit-elle en ayant une main tenant le volant et l’autre sur mon sexe.
Je me contente de sourire.
-Fabrice, n’en abuse pas.
-T’inquiète, ta part sera toujours bien gardée.
-Tu as intérêt, mon chéri, autrement, la solution de Nalida est toujours optionnelle.
-Je rentre à peine, que tu me menaces ?
-Je rigole, voyons !
Il n’y a qu’elle que ça fasse rire. Je garde le silence et tourne mon visage du côté de la vitre. Le reste du trajet se fait dans le plus grand des silences. Une trentaine de minutes plus tard, Clémence se gare devant la maison de Nalida. Je n’avais même pas fait attention que c’est la route qu’elle a pris.
-Que faisons-nous ici ?
-Tout comme le gymnase, j’ai fait opérer des travaux ici aussi. C’est ton héritage après tout ! En tant que ta future femme, il faut bien que je m’en occupe.
-C’est gentil.
-Je me suis également occupée des démarches pour le mariage. On se marie dans trois jours et en petite comité, comme tu l’as souhaité.
-Bien.
-Est-ce que tu vas la garder ou la revendre ?
-Quoi donc ?
-La maison, bien évidemment.
-Pourquoi ces options ? Je vais y vivre.
-Et moi alors ? Tu me vois vivre chez Nalida ?
-Est-on obligé de vivre ensemble ?
-Non Fabrice, je ne suis pas d’accord. Nous allons nous marier et c’est logique que nous vivions ensemble.
-Tu m’auras à chaque fois que tu auras besoin de moi. Entre autre, je pourrais passer quelques jours de la semaine chez toi. Je ne compte pas y vivre en permanence. Déjà, tu as des enfants et je n’ai pas envie d’endosser le rôle du beau-père. Je suis désolé mais c’est trop me demander.
-Dis plutôt que tu veux pouvoir coucher d’autres femmes en toute tranquillité !
-Penses-tu réellement que j’aurais besoin de toute cette maison pour ça ? Je n’ai même pas besoin d’un lit pour baiser une femme. J’ai envie d’avoir mon intimité, ce n’est pas trop demander !
-Nous en reparlerons.
-Si tu le dis. Au fait, il y a toujours un gardien dans cette demeure ?
-Bien sûr.
-Qu’attends-tu pour klaxonner ?
Elle se met à l’œuvre et les deux minutes qui suivent, le portail s’ouvre. Clémence fait rentrer la voiture. Je constate qu’elle a embauché un autre gardien. Cela ne me préoccupe pas tant que ça, alors, je me garde de lui poser des questions. Le nouveau gardien, accourt vers nous, après avoir refermé le patron.
-Soyez les bienvenus, dit-il, en faisant la courbette.
Je lui réponds par un hochement de tête.
-L’autre est parti, sans prévenir, dit Clémence.
-Ok.
Elle ordonne au gardien de faire rentrer les valises, pendant que j’avance vers la villa.
-Attend, j’ai fait changer toutes les serrures, crie Clémence.
J’attends qu’elle me rejoigne et qu’elle sorte un trousseau de clés dans son sac. Ça lui prend trois minutes pour trouver la bonne clé et ouvrir la porte principale. Le gardien entre à notre suite, muni des valises, et demande où les poser.
-Laisse-les ici, je m’en occupe.
-Bien, patron.
Dès que le gardien s’éclipse, Clémence referme la porte à clé et se débarrasse de ses chaussures. Je promène mes yeux et admire le nouveau décor du salon. C’est plutôt joli. Un mélange d’africanité et de modernisme. Les nouveaux meubles sont tout aussi blancs que les précédents. Les murs ont été repeints en blanc, avec une teinte d’acajou, par endroit. Quelques tableaux ornent les murs.
-Il ne reste que la cuisine dont les travaux ne sont pas finis. Le plus grand dégât a été fait dans cette partie de la maison.
Je me retourne et tombe sur une Clémence, nue comme le jour de sa naissance. Elle avance vers moi, une lueur de désir dans le regard. Mon sexe ne réagit pas. Clémence s’attèle à me faire bander, usant de ses mains et sa langue. Je n’ai pas le choix, que lui donner ce qu’elle veut. Je la baise avec bestialité et elle n’a pas l’air de s’en plaindre. Nous commençons au salon, continuons dans les escaliers et terminons dans la chambre. Clémence ne consent à rentrer chez elle, qu’après s’être assurée de me vider complètement. Je m’endors aussitôt.
A mon réveil, mon ventre crie famine. En me levant du lit, je suis pris par un vertige. Je me traîne tant bien que mal, jusqu’au salon. Je découvre des glacières qui m’attendaient visiblement sur la table à manger. Je les ouvre aussitôt et y découvre, pour mon plus grand bonheur, de la nourriture.
Ce n’est qu’après avoir mangé, que je daigne vérifier l’heure. Il est presque vingt-deux heures ! Eh ben ça alors, c’est quand même mieux que tous ces jours de semi-coma dans lequel me plongeait Nalida. Je range les plats et fais monter mes valises dans la chambre. Je retrouve mes vêtements, traînant au sol. Je fouille les poches et sors mes téléphones. Je me demande si je dois l’appeler, il est presque minuit à Paris. Elle m’a quand même autorisé à l’appeler à mon arrivée, sauf que je suis rentrée depuis près de quatorze heures maintenant. Après quelques minutes de réflexions, je consens à le faire. A ma grande surprise, elle décroche à la première sonnerie.
-Allô Fabrice, tu m’as fait une de ces peurs ! dit-elle, aussitôt.
Surpris par sa réaction, je garde le silence.
-Heureusement que les infos n’ont annoncé aucun crash d’avion !
-Tu attendais mon appel ?
C’est le silence de son côté.
-Mora ?
-Oui, avoue-t-elle, d’une voix faible.
Nous restons ainsi, sans mot dire, signalant nos présences au bout du fil, par l’unique bruit de nos respirations, durant quelques minutes. Je suis le premier à rompre le silence.
-On fait comme tu as dit.
-Ok, Fabrice. Porte-toi bien.
-Toi aussi.
Je raccroche et dépose le téléphone sur le lit. Il se remet à sonner aussitôt. En le prenant, je réalise que c’est Kimora. J’ignore pourquoi mais mon cœur se met à cogner violemment. Je décroche et prononce le fameux « Allô », avec la voix qui tremble légèrement.
-J’ai vu l’enveloppe que tu m’as laissé, c’est bien trop Fabrice, il ne fallait pas.
-Oh !
Je m’exclame comme pour dire, ce n’est que ça ! Voyons, que voudrais-je bien, qu’elle me dise d’autre ?
-Ce n’est rien Mora, juste une petite aide.
-Merci Fabrice. Merci d’avoir été cet ange gardien qui m’a empêché de sombrer.
-Je t’en prie princesse. Je t… Je te souhaite une agréable nuit.
Je ne me rendors qu’à trois heures du matin, proie à mes multitudes réflexions. Les deux jours me séparant du jour de mon remariage, s’écoulent assez vite. La cérémonie se passe dans une des suites du Radisson. Clémence a fait déplacer le maire. Comme convenu, ne sont présents que nos témoins. Je n’en ai pas vraiment, me contentant des amis de Clémence. Je n’ai pas jugé bon d’informer Dieudonné, de ma démarche. Il le saura plus tard et peut-être jamais. Ce n’est qu’au moment où le maire demande que nous venions signer le registre de mariage que je reviens à moi.Jusque là, je ne prêtais aucune attention à son blablabla.
-Vous pouvez embrasser la mariée, dit le maire.
Elle me sourit de toutes ses dents, rayonnante dans sa robe à la couleur bleu ciel. J’embrasse Clémence, tout en repensant au message de Sophie reçu ce matin.