Chapitre 71

Write by Jennie390

⚜️Chapitre 71⚜️


Yolande Otando


Mes doigts sont crispés sur la crosse du revolver, si fort que mes jointures blanchissent. La pluie bat la terre, s’écrase sur mon visage, dégouline de mes cheveux trempés, mais je ne bouge pas.


Émile se tient debout devant moi, imposant malgré l’arme braquée sur lui. Son regard est rivé au mien, et ce sourire… ce foutu sourire est toujours là. Moqueur. Méprisant. Comme s’il savait déjà comment tout cela allait finir. Comme s’il était sûr que je n’appuierais pas sur la détente.


— Tu vas vraiment me tuer, ma chérie ? souffle-t-il, presque amusé. Au fait Maman, je ne pense pas avoir eu l’occasion de te présenter ta belle-fille. Yolande, mon petit bébé, ajoute-t-il en s’adressant à une personne invisible.


— Arrête de m’appeler comme ça, craché-je entre mes dents. Je ne suis rien de tout ça pour toi !


Il incline légèrement la tête, un rictus tordu au coin des lèvres.


— Pourquoi ? C’est ce que tu es, non ? Ma femme.


Sa voix est un venin qui rampe sous ma peau. Une boule de rage me brûle la gorge. J’ai été sa femme, oui. Sa chose. Son jouet. Pendant un an et demi, il m’a possédée, enfermée dans cette cage où j’ai subi un traitement si ignoble qu’on ne l’infligerait même pas à un chien. 


Pourtant, il fut un temps où je l’ai aimé. Mon Dieu, que j’ai été stupide !


J’ai tout laissé derrière moi pour lui. Mon indépendance. Ma liberté. Moi-même. Je me suis laissée éblouir par une image clinquante de lui sans savoir que je me jetais à pieds joints dans un piège infernal. Il a mis un point d’honneur à m’arracher toute forme de joie, de paix et de confiance en moi. Si aujourd’hui je suis encore debout, c’est parce que mon esprit n’a jamais pu se résoudre à abandonner Mélissa entre les griffes de ce monstre.


— Plus jamais, Émile.


Ma voix est dure, tranchante. Son sourire s’élargit.


— Tu veux jouer à la femme forte, c’est ça ?


Il fait un pas en avant.


— N’avance pas ! Ou je t’explose ton cerveau de mal*ade mental !

Il s’arrête, juste à la limite, et lève légèrement les mains. Mais son regard n’a rien perdu de sa lueur narquoise.


— Allez, souffle-t-il. Tire-moi dessus.

Au moment où je m’apprête à appuyer sur la détente, j’entends :


— Ne fais pas ça.


Mon cœur rate un battement. C’est la voix de Landry, grave, tendue, mais pleine de douceur.


— Ne le tue pas, ajoute-t-il. Il ne mérite pas que tu souilles tes mains avec son sang. La police sera là dans quelques minutes, tu n’as donc pas besoin de lui ôter la vie.


Les yeux d’Émile se posent sur Landry avant de revenir vers moi.


— Même pas six mois que tu es sortie de chez moi et tu ba*ises déjà avec ce petit docteur de pacotille ? lance-t-il, la voix pleine de mépris. Je ne savais pas que la bordellerie faisait partie de tes qualités, chérie.


— Ne le laisse pas entrer dans ta tête, continue Landry. Tu n’as pas besoin d’en arriver là. Ne mets pas une telle image de mo*rt dans la tête de Mélissa.


À ce moment, je suis légèrement distraite lorsque mes pensées se tournent vers ma petite Mélissa, blottie derrière moi. Émile profite de ce court instant d’égarement pour tenter de foncer sur moi. Alors, sans réfléchir davantage, je tire deux fois. Une balle dans sa cuisse gauche, l’autre dans son genou droit.


La détonation claque dans l’air. Émile hurle et s’écroule dans l’eau, tandis que ses mains tremblantes se plaquent désespérément sur les blessures.


— Espèce de… Tu m’as pé*té la… Oh merde !!!


La douleur déforme ses traits tandis qu’il halète comme un bœuf, tentant de stopper l’hém*orragie. La pluie continue de tomber, effaçant le rouge vif qui s’étale autour de lui. Je sens les petits doigts de Mélissa s’enfoncer dans ma peau, tellement la scène doit être choquante pour son jeune esprit.

Le souffle d’Émile est rauque, mais il me fixe encore avec une lueur de défi.


— T-tu crois que c’est fini… ? articule-t-il entre deux halètements. Ce sera fini quand je l’aurai décidé.


Sa voix est agitée, pleine de venin.


— Si, cette fois, c’est terminé.


Je me tourne vers Landry, qui me regarde en silence. Il ne dit rien, mais je vois dans ses yeux qu’il est soulagé que je n’aie pas tué Émile. Puis, mon regard se pose sur ma sœur. Elle serre ses bras autour d’elle, tremblante, les larmes se mêlant à la pluie.


Je la prends dans mes bras et la serre très fort. Mes larmes aussi se mettent à couler.


Je prends une grande inspiration et murmure :


— C’est fini.


Et cette fois, je sais que c’est vrai.


***

Landry Ratanga


La pluie martèle le pare-brise alors que je coupe le moteur. Je sors de la voiture en trombe, la chemise déjà trempée en quelques secondes. Mon cœur bat trop fort. Je serre les dents. Yolande n’aurait jamais dû partir devant. Pas comme ça, pas sans moi. On ne sait vraiment pas à quoi s’attendre actuellement, il faut être sur nos gardes.


Je jette un coup d’œil contre la vitre du véhicule rouge, il est vide. Je peux facilement voir le sentier tracé dans l’herbe. C’est par là que Yolande est passée.


Mon téléphone vibre dans ma poche. C’est l’inspecteur chargé de l’enquête. Je remonte dans mon véhicule et décroche.


— Inspecteur ? Vous l’avez trouvé ?


La voix de l’homme est rauque, tendue.


— Pas encore. Mais ça ne saurait tarder, me répond-il. Toutes les frontières du pays sont prêtes. D’ailleurs, depuis Libreville, nous avons obtenu l’information selon laquelle il aurait quitté son cabinet hier matin au volant d’une BMW rouge.


Mon cœur fait un bond dans ma poitrine, car je me trouve à deux pas d’une BMW rouge. Je comprends donc pourquoi Yolande est devenue tout agitée en la voyant. Elle a reconnu le véhicule de ce psy*chopathe.


— Une BMW rouge immatriculée « BZ 267 AA » ?


— C’est exactement ça, s’exclame l’inspecteur. Vous l’avez aperçu ?


— Je l’ai sous les yeux, à cet instant. En fait, j’étais en voiture avec Yolande Otando et lorsqu’elle a vu le véhicule garé sur le bas-côté de la route, elle s’est précipitée vers lui.


— Il y a quelqu’un à l’intérieur ?


— Non, mais il y a comme une sorte de sentier tracé non loin. Peut-être qu’Émile Biyoghe est passé par là, et Yolande a certainement eu la même idée, car elle est partie en courant dans cette direction. Je vais également y aller, on ne sait jamais.


— Dans quelle zone vous trouvez-vous exactement ?


— On est à environ 5 ou 6 km du marché municipal, je réplique. On est passé devant un château d’eau sur le chemin.


— Très bien ! Je sais où ça se trouve et ça tombe bien, car une patrouille est non loin de votre position. Elle peut vous rejoindre en quelques minutes.


— D’accord, vos agents verront le véhicule rouge de Biyoghe garé sur le côté de la route et le mien de couleur blanche non loin de là. Ils devront juste suivre le sentier tracé au cas où Yolande Otando et moi ne serions pas de retour.


On se met d’accord et je saute hors de mon véhicule pour emprunter le même chemin que Yolande. La broussaille s’étend devant moi, profonde, menaçante. Je prends une inspiration et continue, m’enfonçant dans la végétation. Je prie pour que Yolande ne soit pas déjà tombée sur ce malade, parce qu’avec lui, il faut s’attendre à tout.


J’accélère le pas. Chaque branche fouette mon visage, chaque pas s’enfonce dans la boue. Mon souffle est court, mon cœur cogne dans ma poitrine. Mais je ne ralentis pas. Puis soudain, j’entends le bruit d’une rivière qui s’écoule et je débouche, après quelques minutes, sur une clairière. La scène qui se déroule devant moi est totalement invraisemblable : Yolande braque une arme sur Émile. 


Un frisson glacé me traverse. Elle va tirer. Je le vois à sa posture, à la tension dans ses épaules…


Émile, lui, ne bouge pas. Il la défie, ce sourire narquois toujours plaqué sur son visage.


Je sens mon estomac se nouer. Je ne peux pas la laisser faire ça. Elle ne doit pas devenir comme lui et surtout, la mort serait même un peu trop simple pour lui. Il doit vivre et subir le poids de ses actes derrière les barreaux, dans la précarité, la honte et le déshonneur.

Alors, sans attendre, je hurle :


— Ne fais pas ça !


Quelques minutes plus tard, le coup part. Émile s’effondre sur un genou, un hurlement arraché de sa gorge. Je retiens mon souffle. Yolande vient vraiment de tirer, pas pour tu*er, pas pour se ve*nger totalement. Mais pour lui faire mal.


Et là, je comprends.


Elle a attendu ce moment depuis trop longtemps. Elle ne veut plus être cette femme brisée qu’il a façonnée. Elle veut qu’il ressente, ne serait-ce qu’une fraction de ce qu’il lui a fait subir. Émile n’est slorsplus que cris et halètements.


Je la fixe, le souffle court. Je ressens une grosse fierté au fond de moi. Très peu d’êtres humains auraient pu endurer ne serait-ce que la moitié de ce qu’elle a traversé et se relever aujourd’hui avec autant de force pour continuer à se battre.


Les minutes qui suivent filent à la vitesse de la lumière. Les policiers débarquent sur les lieux, très certainement orientés par le bruit des détonations. Émile est emmené dans le véhicule des forces de l’ordre, non sans proférer toutes les me*naces et inj*ures qui lui passent par la tête à ce moment-là. Je finis par me dire qu’il doit même avoir perdu la raison, tellement la majorité de ses paroles n’ont ni tête ni queue.


Je regagne Libreville avec Yolande et Mélissa, qui s’est endormie sur la banquette arrière, tellement les événements de ces dernières vingt-quatre heures ont dû l’épuiser.


***

Deux mois plus tard…


Nous sommes tous assis autour d’un déjeuner agréable chez Hortense et Richard. La discussion tourne depuis près d’une demi-heure autour des récents événements qui ont marqué l’actualité.


— Il y a un truc que je ne comprends pas, Vincent, dit Yolande. Pourquoi Émile ne se trouve-t-il pas derrière les barreaux comme le gros crimi*nel qu’il est ? Cette histoire d’asile psychiatrique ne me convient pas. Le gars a commis les pires exactions et aujourd’hui, il nous sort une histoire de f*olie pour échapper à la prison. Ce n’est pas juste.


— Ce n’est peut-être pas juste, vu tout le mal qu’il a fait, mais ça n’aurait eu aucun sens de le mettre en prison, réplique Vincent. Je ne sais pas exactement à quel moment boulon a sauté dans son cerveau, mais je peux t’assurer que son état mental actuel n’est pas celui d’un homme normal. Le mettre en prison, c’est mettre en danger les autres détenus.


— C’est vrai que tu n’as pas voulu assister au procès, renchérit Hortense en regardant Yolande. Mais si tu l’avais fait, tu aurais compris, lors des plaidoyers, que le seul endroit où il pouvait être envoyé, c’était un hôpital psychiatrique. Les différents médecins qui l’ont examiné ont été unanimes : le gars est sch*izophrène. Il n’en avait peut-être pas l’air avant, mais c’était déjà là. Il y a sûrement eu un élément déclencheur qui l’a fait dérailler pour de bon dans les derniers moments avant son arrestation. 

Pendant le procès, il fallait le voir : totalement à l’ouest. Il a passé son temps à parler avec sa mère, c’était dérangeant.

C’était vraiment perturbant, surtout lorsqu’il a commencé à demander à sa « maman » si elle se souvenait combien c’était bon quand ils faisaient l’amour dans leur sous-sol. Même moi, en le regardant, j’ai su qu’il avait perdu la boule. Mais lorsqu’on comprend enfin ce qu’il a vécu dans son enfance, ce n’est pas étonnant que son esprit ait fini par craquer.


La schi*zophrénie est un trouble complexe qui résulte d'une interaction entre des facteurs génétiques, neurobiologiques et environnementaux. Des études montrent que les traumatismes précoces (maltraitance physique ou émotionnelle, ab*us s*exuels, exposition à la violence domestique, etc.) peuvent augmenter le risque de développer des troubles psychotiques, dont la schi*zophrénie. Il a eu une enfance merdique, c’est vrai, mais on ne peut pas dire que le terrible Émile Biyoghe qu’il est devenu aujourd’hui est uniquement le fruit de ses traumatismes. 


Certaines personnes ont subi des épreuves très dures dans leur enfance, mais elles ne deviennent pas forcément des psychopathes en grandissant. Certaines se font suivre par des psychologues, d’autres se réfugient même dans la religion pour essayer de guérir leurs blessures.

Émile s’est cru au-dessus de tout et de tous à cause de son argent. Il a développé un très mauvais fond : arrogance, nar*cissisme, ego démesuré. Ajouté à cela, ses penchants sex*uels douteux… 


On avait affaire à un homme si mauvais que, même si on réussissait à le soigner pour ses problèmes menta*ux, je suis certain qu’il ne pourrait jamais devenir une bonne personne. On dit que « les yeux sont le miroir de l’âme », et en regardant dans les siens, on sait qu’il n’y a rien de bon à en tirer.


Richard prend la parole et me sort de mes pensées.


— Il faut aussi reconnaître que si le juge a pris la décision de l’interner plutôt que de l’envoyer en prison, c’est à cause de ses résultats médicaux catastrophiques. L’insuffisance rénale, qui est déjà une maladie très grave, mais en plus de ça, la paralysie due aux tirs qu’il a reçus dans les jambes.


— C’est vrai qu’une balle à la jambe peut rendre paralytique ? demande Hortense. Il ne pourra plus jamais marcher ?


— Plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu, dis-je en la regardant. Dans le cas d’Émile, j’ai appris que la balle a gravement endommagé le nerf sciatique. Il s’agit du plus gros nerf du corps humain, qui contrôle une grande partie des mouvements et de la sensibilité de la jambe. Il n’a pas été conduit à l’hôpital à temps, ce qui a aggravé son état. Cette jambe-là, il ne pourra plus la bouger. La balle dans le genou a aussi fait des dégâts. Malheureusement pour lui, il finira sa vie en chaise roulante. Sans oublier l’insuffisance rénale que les médecins ont diagnostiquée, ce ne sera vraiment pas facile pour lui.


— Insuffisance rénale, paralysé et interné chez les fous, dit Yolande d’un ton glacial. Ce n’est pas comme s’il ne l’avait pas mérité. J’espère qu’il ne va pas mourir de sitôt, mais qu’il vivra de longues années dans la souffrance.

Tout le monde la regarde en silence. Elle avale une gorgée d’eau avant de se racler la gorge.


— C’est une très bonne chose que nous soyons tous réunis ici, ajoute Yolande. Je tenais à vous dire un grand merci, du fond du cœur. Si vous n’aviez pas été là, mon histoire serait totalement différente aujourd’hui. Vous vous êtes levés comme un seul homme et vous vous êtes battus pour Mel et moi. Une vie entière ne suffirait pas pour vous exprimer ma gratitude. Vous avez tous été incroyables, et Dieu vous récompensera pour moi, dit-elle, les yeux pleins de larmes.


— Yolande, s’il te plaît, pas de larmes, fait Hortense, amusée. Maman, tu as trop pleuré. Maintenant, c’est le moment de retrouver ta joie de vivre, de recommencer à zéro.


Yolande essuie ses larmes avec un sourire.


— Justement, j’ai l’intention de repartir de zéro, loin d’ici.


— Comment ça, loin d’ici ?


— Je vais m’installer en Suisse, répond-elle. Avec l’argent que j’ai obtenu en volant le chèque à blanc d’Émile et celui que j’ai eu après le divorce, j’ai de quoi recommencer une nouvelle vie ailleurs. Le Gabon, ce n’est plus pour moi. Je vais ouvrir un business là-bas et placer Meli dans un établissement spécialisé pour son cas.


Pendant que Yolande parle, Hortense me jette un regard en biais, mais je préfère ne pas croiser son regard. Je sais qu’elle aimerait que je dise à Yolande de rester, maintenant que tout est fini. Qu’il pourrait y avoir quelque chose entre nous. J’aimerais bien, mais je ne le ferai pas. Elle en a suffisamment bavé ici. Si elle estime qu’elle a besoin de s’éloigner pour panser ses blessures, je ne devrais pas l’en empêcher.


— Si ça peut te rendre heureuse, fonce ! dit Vincent. Je te souhaite tout le meilleur.


— S’il y a bien quelqu’un qui mérite de tout reprendre à zéro, c’est bien toi, ajoute Richard. Bonne chance et surtout, donne-nous régulièrement des nouvelles.


— Tu as vraiment intérêt à nous donner souvent de tes nouvelles ! rigole Hortense. Je ne m’inquiète pas pour toi, je sais que tu es une guerrière. Tu vas t’en sortir comme une cheffe.


— Merci infiniment à tous !


Une heure plus tard, Yolande et moi avons les pieds dans la piscine.


— Je tenais particulièrement à te dire merci, Landry. Tu as été un grand soutien pour Meli et moi. La petite t’adore tellement que ce sera difficile pour elle de te dire au revoir.


Je souris simplement, car la seule chose qui me vient à l’esprit, c’est : « reste ». Comme si elle lisait dans mes pensées, elle ajoute :


— Je sais que mon départ peut sembler inutile, mais j’ai vraiment besoin de me retrouver. Reprendre à zéro loin d’ici. Effacer ces souvenirs noirs. Offrir une meilleure vie à Meli.


— Je comprends. Fais ce qu’il faut pour vous deux. Mais vous allez me manquer… Tu vas me manquer.

Elle m’adresse un sourire chaleureux.


— Toi aussi, tu vas me manquer.


On se regarde un moment en silence avant de fixer la piscine.


— Vous partez quand ?


— Dans deux semaines.


Je hoche simplement la tête sans rien ajouter. J’aimerais tellement en dire davantage. Lui dire qu’elle devrait rester, que je vais l’aider à guérir, à se reconstruire, que je vais l’aimer…


Mais je préfère me taire.


***


Yolande Otando


Enfin libre.


Ce mot résonne en moi alors que je regarde par le hublot de l’avion. Les nuages s’étirent à l’infini, porteurs d’un avenir que je n’ai jamais osé espérer. En bas, quelque part, se trouvent les cendres de mon passé. Ce passé qui m’a brisée, qui m’a volé environ deux ans de ma vie, qui a failli m’anéantir. Aujourd’hui, je le laisse derrière moi.


 Définitivement.


Émile a été définitivement mis hors d’état de nuire, et ce n’est pas demain la veille qu’il sortira de sa geôle. Il a commis bien trop d’exactions, et ce n’est que justice qu’il paye enfin. Grâce à Vincent, la procédure de divorce a été accélérée et le jugement est tombé : je ne suis plus Madame Biyoghe. 


Désormais, son emprise sur moi s’est éteinte, comme une ombre chassée par la lumière. Il n’a plus aucun pouvoir sur moi, plus aucun droit sur ma vie, sur mon corps, sur mes pensées. Je peux enfin tourner la page sans une once d’hésitation, comme on tranche une chaîne rouillée qui nous entrave la jambe depuis trop longtemps.


Je ressors de cette expérience avec une leçon que j’ai durement apprise : NE JAMAIS SE FIER AUX APPARENCES ! Celui qui a dit que « L’habit ne fait pas le moine » avait raison sur toute la ligne. Je me suis laissé aveugler par une apparence trompeuse : un homme beau, charmant, riche, attentionné, aimant, charismatique… Il avait tout pour lui. Je pensais être tombée sur la perle rare, je croyais être une Cendrillon des temps modernes ayant trouvé son prince. À aucun moment, je n’aurais pu imaginer qu’il s’agissait d’un loup déguisé. Que toutes ses soi-disant qualités n’étaient que de la poudre aux yeux.


Le plus terrible, c’est que je n’étais pas la première à me faire avoir de la sorte, et je ne serai malheureusement pas la dernière. Des prédateurs comme lui, il en existe des tonnes. Des prédateurs déguisés en princes charmants, en hommes parfaits, et qui se baladent impunément dans nos sociétés. Ils continueront de faire des victimes tant que les gens ne comprendront pas que LA PERFECTION N’EXISTE PAS.

Quand vous tombez sur un homme ou une femme qui semble un peu trop parfait(e), fuyez !


Je suis libre.


Mais cette liberté, je ne l’ai pas conquise seule. Je le sais. 


Je ne serais même pas là aujourd’hui sans toutes ces personnes qui m’ont tendu la main lorsque je m’effondrais, sans celles qui ont cru en moi quand je doutais de ma propre force. Sans elles, je ne serais pas ici, assise dans cet avion, prête à recommencer ma vie. Des personnes qui n’avaient aucun lien de sang ou d’affinité avec moi, mais qui pourtant se sont levées pour Mélissa et moi, et ce, au péril de leur vie. Elles ont tellement fait pour moi que je leur serai reconnaissante à jamais.


Et lui, Landry.


Je ferme les yeux un instant, son visage me revient. Son nom flotte dans mon esprit, et une pointe de tristesse s’y accroche. Son regard apaisant, sa voix douce mais ferme, sa présence rassurante… Il a été là, toujours. Dans mes pires nuits, dans mes moments de doute, dans mes crises de panique où je me sentais encore piégée dans l’ombre d’Émile. Il ne m’a jamais jugée. Il ne m’a jamais forcée à être autre chose que ce que j’étais : une femme brisée qui essayait de recoller les morceaux.


J’aurais aimé le rencontrer avant. Avant Émile. Avant que tout ça ne me transforme en quelqu’un qui ne sait plus comment aimer, qui ne sait plus comment faire confiance. Peut-être que nous aurions eu une chance. Peut-être que j’aurais pu être une autre femme à ses côtés. Il aurait voulu que je reste, que je reste pour nous, je l’ai vu dans ses yeux. Mais il n’a pas osé me le demander, parce qu’il sait ce que j’ai vécu et que ce serait égoïste de sa part de vouloir me garder pour lui malgré mes cicatrices. D’ailleurs, je l’en remercie pour ça.


Mais aujourd’hui, il n’y a plus de place pour un homme dans ma vie. Ni dans mon cœur. Ce que j’ai vécu m’a marquée au fer rouge. Je dois apprendre à me reconstruire seule. Peut-être qu’un jour, je regretterai. Peut-être qu’un jour, je me réveillerai avec cette certitude absurde que j’aurais dû essayer de nous donner une chance.


Pour l’instant, tout ce que je ressens, c’est le soulagement. Un immense soulagement, parce que je sais que je m’envole vers un nouvel avenir pour Mélissa et moi. J’ouvre les yeux et regarde ma petite chérie qui dort paisiblement, le visage enfin détendu. 


Nous allons recommencer ailleurs, loin de tout. Là où personne ne nous connaît. Là où nous ne serons ni des victimes, ni des rescapées. Là où nous serons simplement nous.

Je ferme les yeux un instant et inspire profondément. 

Je suis prête.


                    FIN

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