Chapitre 8 : Destins croisés

Write by Moktar91

Chapitre 8 : Destins croisés


Cotonou


Aéroport Cardinal Bernardin Gantin


Marvin venait de franchir le rubicond de contrôle de l'aéroport. 

C'était la première fois qu'il remettait pied sur son sol natal depuis dix sept longues années. Il se rappelait avec précision de ce jour, où son neveu dans les bras, il embarqua pour le Canada où l'attendait son mari et son travail. Il se rappela de ce regard impassible qu'avait sa grande sœur ce jour là... Il en frissona presque devant tant d'animosités...


Ses pas étaient hésitants et lents.

Bien de choses ont changés depuis sa dernière visite. 

Cotonou présentait un aspect nouveau qu'il ne s'imaginait pas voir avant sa mort. D'ailleurs lui même avait pris un coup de vieux... Il s'était ramolli avec le temps, devenant plus tendre et plus aimant. Il aurait pu rester au Canada et s'occuper de son mari et de ses deux filles. Mais non, son cœur de père aimant le poussait à revenir sur son sol natal. 


Quand il héla un conducteur de Bénin taxi, il n'eut aucun mal à s'exprimer naturellement en fon. Il se surprit de l'aisance avec laquelle le fluide de sa langue maternelle coulait en lui. Il se mordit les lèvres, conscient que même s'il feignait de se rejeter et de rejeter son identité, son subconscient le guidait toujours vers ce pays qui coule en lui...


À bord du taxi, il contemplait Cotonou la belle...



Elle s'arrêta quelques minutes après devant le somptueux hotel qu'il avait pris le soin au préalable de se trouver une chambre, le méridien hôtel. 


Quand il rejoignit sa chambre, Marvin composa le numéro de son mari. Il avait une folle envie d'entendre la voix grave de son homme... Sa conversation dura quelques minutes. Quand il deposa enfin le portable. Il se mit à sourire bêtement devant cet immense amour qu'il pouvait ressentir pour cet homme. Et dire qu'ils viennent de faire vingt ans de couple, avec à la prime trois enfants. C'est vrai que son mariage homosexuel était presque resté inconnu de tous. Il n'avait jamais voulu attirer l'attention sur lui encore moins de vagues... De tous les rejetons de Maurille Amoussou, son feu père, que son âme brûle en enfer, il était avec Naimath les moins sulfureux... 


D'ailleurs, il devrait la voir... C'est la seule avec qui il avait gardé les contacts. Il se rappelait de la manière dont il lui avait cédé ses parts dans l'entreprise afin d'evincer sa grande sœur dont les frasques desservaient la renommée de l'héritage familial. C'était des années en arrière. Cinq ans ? Six ans ? Il ne s'en rappelait plus. De toutes les façons, il s'en souciait très peu. 


Il se glissa sous la douche pour un bon bain. 


À son retour, le voyant de son ordinateur signalait un mail. Il s'y précipita, et après l'avoir ouvert, lu d'un œil rapide le contenu avant de le refermer. Ce n'était point la réponse qu'il attendait. 


Son regard se laissa divaguer dans le vide ondoyant de la chambre. Alors que son corps se glissait dans le lit, Marvin essayait encore de se trouver mille raisons qui pouvaient justifier sa présence dans ce pays. Il essaya de se convaincre qu'il avait fait le bon choix... 


-<<Mais non mec, tu as élevé cet enfant comme le tien pendant dix sept ans. Tu ne lui dois plus rien. Tu as fais ton job d'oncle.>>


-<<Mais non, ta sœur serait si fier de toi à l'instant.>> 


Il privilégia cette voix. La seconde qui lui donnait une conscience tranquille. Cette image propre et irréprochable de lui qu'il avait toujours tenu à avoir. Et c'était bien pour ça qu'il était ici... Retrouver son neveu disparu depuis deux mois déjà.


Il sonnait 11h23 quand Marvin se tira de ses draps. Le décalage horaire l'avait laissé sur le carreau. Quand il visita ses mails, un large sourire eclaira son visage.

Il avait enfin mis la main sur sa cible.


Il consulta rapidement sa montre et fit un rapide calcul dans sa tête. Il avait encore 45 minutes Exactement pour se retrouver au lieu de'u rendez-vous.



Quand Marvin descendit du taxi, il se retrouvait en face de Jacob. Les deux hommes se firent une accolade avant de se diriger vers le restaurant. Jacob tira son vieil ami et dans son rire hilare qu'il avait gardé, il se tapota le ventre avant de s'asseoir et de prendre ses aises. Malgré le poids de l'âge, il n'avait rien perdu de son espièglerie, de sa gentillesse mais surtout de sa spontanéité. Marvin observa l'homme en face de lui et eut un petit rire. Lui, c'était bien Jacob Ekouala. Le plus camerounais des béninois qu'il lui était donné de connaitre. Leurs chemins s'étaient séparés ce jour quand Marvin s'envolait pour le Canada la première fois. Mais depuis, ils avaient renoué les contacts lors des obsèques de son père.


-<<Alors, veille branche, la vie est belle ? >>


C'était Jacob. Il avait pris l'habitude d'appeler ainsi son ami depuis des lustres. Marvin émit un faible sourire et acquiesça de la tête. Comprenant que son ami n'était pas là pour rigoler, Jacob Ekouala reprit tout son sérieux avant de dire : <<Tu as toutes les informations nécessaires. Il est actuellement dans un taudis à Gbedjromede. Fais attention à toi ou si tu veux je t'y accompagne. Mais je tiens à te prévenir que ce que tu verras ne va point t'enchanter.>>


Marvin fronça les sourcils essayant de plus comprendre.


L'homme détourna juste le regard qu'il plongea dans son whisky qu'il avalait d'un trait.


-<<Je ne te dirai rien. Va et découvre toi même...>>



Marvin s'engouffra dans le taxi qu'il avait sa disposition une vingtaine de minutes plus tard. 

Alors qu'il essayait de retrouver l'endroit, il ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil aux clichés que lui avaient donné son ami. Il y voyait son fils. Le jeune homme ne présentait aucun aspect désirable. Il était endormi sur toutes les photographies. Une capuche à la tête à chaque fois. Marvin ne pouvait comprendre comment son ami n'était pas arrivé à photographier son fils lorsqu'il était en éveil. 


Mais la réponse sauta à ses yeux plutôt que prévu. Quand il vit son fils couché, là à même le sol chez ce guérisseur, il comprit que la situation était plus critique que ce qu'elle ne laissait présager.


Light-Keny était allongé à même le sol... 


Alors que le guérisseur ne voulait rien dire au départ, il se résolu à parler quand Marvin menaça d'alerter les autorités pour séquestration de mineur... Son visage vira de l'indifférence à la peur.


-<<C'était une amie qui me l'a apporté. Elle a dit qu'il a sombré dans un sommeil alors qu'il venait de prendre un verre dans son bar. Depuis il est ici. Il ne s'est pas réveillé mais il n'est pas mort pour autant. Il respire correctement. Juste qu'il refuse de se réveiller, comme ci son âme se l'interdisait. Déjà quatorze jours qu'il est ici. Svp n'appelez pas la police. Je ne suis qu'un simple guérisseur.>>


Marvin regarda l'homme et pour un rien le crut.


Il sortit de sa poche son chapelet qu'il se mit à egrenner. Si il y a une chose qu'il avait retrouvé c'était sa foi. À peine avait-il fini le premier dizenier que son fils réveilla dans un soubresaut de spasmes incontrôlés. Il savait que sa mission était accomplie. Son fils revivait.



Cotonou


Quartier Haie Vive


Au même instant



La lumière blanche revint à nouveau. Elle enveloppa toute la maisonnée. Cella qui squattait au pied du lit de sa fille se réveilla. Elle ne comprit rien mais garda son calme imperturbable. Jaël vint les rejoindre... Quand ils jetèrent un regard à Imela, son visage resplendissait de bonheurs et de grâces. Un sourire se dessina sur les lèvres et comme si elle se réveillait d'un sommeil de quelques heures, la jeune fille se leva et demanda à boire...



À cet instant précis, deux destins venaient d'être liés. Celui du bien, Imela et celui du mal, Light-Keny...

Dieu n'est pas ici