Chapitre 9 :

Write by EdnaYamba

Chapitre 9 :

 

Isabelle MOUKAMA

Ça fait 1 mois qu’on est sur Libreville.

La capitale, c’est donc ça la capitale dont tout le monde se vante au village après quelques vacances passées ici. Des tas d’immondices remplissent les rues, les odeurs nauséabondes, l’air frais de mon village arrive même à me manquer. Les gens sont toujours occupés, toujours à la recherche du mieux vivre, du comment vivre et de quoi vivre.  On parle de Libreville, ville libre mais je ne vois aucune liberté, les gens ont plutôt l’air stressés et anxieux qu’autre chose, ils n’ont pas l’air véritablement épanouis. Ils sont sur le qui-vive , ne sachant pas à quelle mesures s’attendre demain au réveil, d’après ce qu’a dit le voisin de mon frère hier, il semblait dépasser par le prix de l’huile qui a augmenté sans qu’on ne dise rien, et les taxis , a-t-il ajouté, ils font comme ils veulent, ils pourraient même décider d’augmenter le coût de la distance rio au PK5 à 500 que personne ne dirait rien. Ce n’est pas une vie ça ! s’est-il écrié.

Je l’ai regardé hébétée.

Je n’ai pas souvenir qu’au village on se plaignait autant.

J’imaginais la capitale autrement, ville propre, bien construite avec des routes praticables mais déjà quand on entrait dans l’Estuaire,  la nationale m’a fait déchanter,  j’ai prié pendant tout le trajet de rester en vie jusqu’à destination.

A Libreville, Bonjour les poubelles, le banditisme. J’ai assisté à un braquage en pleine journée. Je suis restée scotchée par la rapidité avec laquelle l’action s’est passée, l’insensibilité des policiers au carrefour.

Je vis survivre de toutes les façons ce ne sera pas pire que de vivre dans une communauté où tout le monde te déteste. Non ce ne sera certainement pire.

-         Mlle MOUKAMA, c’est votre tour ! me dit l’infirmière qui m’annonce

On m’a presqu’obligée de me rendre en consultation aujourd’hui à l’hôpital général.

Cette grossesse ne m’apporte aucune joie. Aucune. Je ne suis pas heureuse. Comment l’être ?

Il m’arrive de pleurer tous les soirs me demandant ce que j’ai bien ou faire pour mériter tout ça .  Où est BOUMI pourquoi m’a-t-il fait ça ? je veux comprendre.

-         Une femme enceinte devrait avoir un visage rayonnant ! me dit le médecin à mon entrée. Qu’est-ce qu’il y a voulez-vous en parler ?

Je ne prends pas la peine de répondre. Je le vois là en face de moi et je me dis Jonathan paraissait lui aussi gentil au début, je ne suis là que parce qu’il faut que je fasse ses consultations prénatales, c’est tout.

Quand je ressors de là, une quinzaine de minutes , je vais attendre le bus devant la S.E.E.G.

Qu’est-ce qu’il fait chaud !

Les taxis bus se font désirer aucun ne va directement où je vais.

-         Assieds-toi d’abord ici, me propose le marchand de fruits.

Ce que j’accepte volontiers. J’en profite pour prendre quelques oranges et je m’assois, quand je lève le visage , je crois apercevoir BOUMI de l’autre côté de la route, debout avec Mélanie, je regarde encore bien à nouveau pour être sur . Mon cœur bat fort. Moi qui cherchait des explications je les aurais certainement aujourd’hui même si je ne suis pas sure que mon cœur tiendrait s’il venait à se montrer méchant comme dans sa lettre mais il faut que je sache.

Je regarde à nouveau pour être sure.

C’est Bien lui.  Je me lève précipitamment pour me diriger vers eux.

-         BOUMI, BOUMI , crié-je mais BOUMI qui vient d’arrêter le taxi ne semble pas m’entendre.

Il monte alors que j’essaie de presser le pas, manquant de me faire renverser au passage, Mélanie jette un regard vers moi et monte rapidement dans le taxi qui démarre sans que je puisse les rattraper.

Ce sont les larmes pleins les yeux que je retourne attendre mon bus.

 

Antoine BOUMI

Mélanie et moi avons parcouru toutes les boutiques que nous avons pu pour acheter ce qu’il fallait, notre voyage pour la France est prévu pour cette fin de semaine. Je n’arrive pas à réaliser que je vais aller en France, je vais faire mes études en France avec une bourse de l’état.

C’est un rêve éveillé.

Mélanie et moi allons dans la même ville.

-         Qu’est-ce qu’il y a ? m’enquis-je alors que je vois que son regard ne cesse de regarder à l’arrière

Je veux tourner moi aussi le visage pour regarder mais brutalement elle m’en empêche

-         Eh oh, lui dis-je c’est quoi ?

Je me retourne et je ne vois rien

-         Y a rien ! me dit-elle

-         C’est pour rien que tu veux me briser le cou, dis-je en me malaxant le cou.

-         Désolée j’ai cru voir un fantôme !

-         Vu ton état, on pourrait vraiment te croire ! lui dis-je alors que sa respiration devient plus lente.

-         J’ai hâte qu’on quitte Libreville bébé! dit-elle en s’agrippant à mon bras

Oui j’ai hâte d’aller débuter ma course vers la réussite. C’est clair que les conditions d’études là-bas sont meilleures qu’ici. J’obtiendrais mon diplôme et je reviendrais trouver un travail ici dans mon pays, je me suis renseigné sur les secteurs porteurs , et je sais déjà où orienter mes études, je suis un homme qui marche avec planification. J’ai déjà une vision de ce que je veux demain….

L’image d’isabelle se forme mais je la chasse rapidement.

Je ne comprends pas pourquoi il m’arrive de penser à elle parfois.

     

8 mois plus tard                                                   

 Isabelle MOUKAMA

On dépose sur moi le bébé.

C’est une fille, je suis censée ressentir quelque chose de particulier à ce moment, d’après ce que m’a dit ma belle-sœur, pourtant je ne ressens rien. Je n’ai pas créé de lien avec ce bébé pendant la grossesse, j’ai passé cette grossesse amère, tellement triste et à la naissance non plus. On m’a dit que ce bébé m’apporterait de la joie pourtant je n’en ressens rien si ce n’est de la douleur associée à celle de l’épisiotomie oui parce qu’il a fallu qu’on me déchire pour qu’elle aussi sorte. Même elle est venue pour me pourrir la vie, pas étonnant avec le sang qu’elle porte.

-         Elle est belle votre fille, me dit la sage-femme souriante.

Je n’ai pas eu le temps de le remarquer. La seule chose à laquelle je pense, encore une MOUKAMA venue pour souffrir.

Encore. Je pleure. On pense que ce sont des pleurs de joie alors que c’est ma tristesse qui s’exprime.

-         Tu vas lui donner quel prénom ? me demande Léonie

Je n’y ai même pas pensé tout au long de ma grossesse. . Wou ba bissa (celle qu’on a refusée)

Ce serait un joli prénom pour elle, mais je me ravise. Je ne lui donnerais pas ce prénom. Je l’appellerais  comme ça dans mon cœur.

Les paroles de l’infirmière de BONGOLO me reviennent

C’est une grâce ! m’avait-elle dit.

-         Appelez là Grace Jeannie MOUKAMA.

Jeannie le prénom de ma grand-mère. Ma grand-mère bien aimée.

Peut-être qu’ainsi je l’aimerais un peu.

Meme si pour l’instant je n’y arrive pas, un jour

   

Mélanie BOMO

J’arrive chez Antoine. Je tape à la porte. Personne ne répond. Il a pourtant fini les cours, où est-ce qu’il peut être. 

Je frappe à nouveau quand une jeune fille vient m’ouvrir la porte, vêtue d’un tee-shirt de BOUMI et d’une mini-culotte. Je la pousse automatiquement.

-         Tu fais quoi ici ? tu fais quoi chez mon mec !?

Je saute sur elle et je lui administre de bonnes gifles. Les gabonaises d’ici ne me connaissent pas, elles apprendront à me connaitre. On ne joue pas avec Mélanie BOMO, si elle cherche un gars qu’elle aille ailleurs, elle ne sait pas ce que j’ai dû faire pour qu’il soit à moi. Oh non, elle ne sait pas.  Je les vois depuis qu’on est arrivé en France, elles tournent autour.

BOUMI par ci, BOUMI par-là, tu ne pourrais pas m’aider à faire ci, tu ne pourrais pas m’aider à faire ça !

L’aide là, c’est coucher ensemble. Elle va apprendre que ce n’est pas à moi qu’on détourne le gars. La porte s’ouvre sur BOUMI et un de ses amis qui viennent me retirer d’au-dessus de la fille, qui me traite de folle et de tous les noms.

-         Tu as un problème Mélanie ! me dit BOUMI alors que son pote emmène l’autre fille hors de la pièce.

-         Je vais porter plainte ! me crie-t-elle

-         Vas-y ! idiote ! lui dis-je. C’est moi qui a un problème BOUMI ! c’est moi, tu as voulu qu’on ait des appartements séparés pour ça ?

-         Ça quoi ?

-         Qu’est-ce qu’elle faisait là, chez toi dans ton tee-shirt ?

-         Y a eu une fête hier avec les gars, elle ne pouvait pas rentrer seule alors je l’ai proposé d’attendre ici.

-         Tu es devenu le bon samaritain ? je ne veux pas voir de filles chez toi BOUMI, je leur casserais à toutes la gueule. C’est la 3e fille BOUMI !

-         Bonne chance ! me dit-il en tournant le dos pour aller dans sa chambre.

Il me laisse là, seule au salon à ruminer ma colère comme à chaque fois.

Tu l’auras mais son cœur ne sera jamais totalement à toi.

Ces paroles de BOUTSOUROU me reviennent. J’inclinerais son cœur vers moi de force. Je souffle un peu avant de le rejoindre, il est allongé sur le lit dans le noir.

-         Arrête la lumière ! et viens ! me dit-il

Je m’exécute.

 

Antoine BOUMI

Quand je me lève le matin, Mélanie a déjà fait le petit déjeuner.

J’ai envoyé à mon pote un texto pour calmer la fille d’hier. Il m’a dit que la situation est réglée. Il a géré .Tant mieux. Je ne sais pas ce qui m’arrive, Mélanie est une petite-amie hors pair, mais même si je l’aime je ressens un manque que je ne m’explique pas et que je cherche à combler avec toutes ces filles dehors.  Au début , je n’avais aucune intention de la tromper , mais le vide devenait de plus en plus grand, j’ai l’impression qu’il me manque quelque chose, une partie de moi, j’ai essayé de m’impliquer à fond avec elle, mais ce même sentiment d’insatisfaction, me gagnait.

Puis un jour, en sortant de la fac, j’ai rencontré une gabonaise avec qui j’ai échangé, je l’ai trouvée une douceur que je ne retrouvais pas en Mélanie, une douceur que j’avais l’impression d’avoir connue avant, et je me suis attachée à elle, de fil en aiguille, j’ai commencé à la fréquenter à l’insu de Mélanie jusqu’à ce qu’elle le découvre et ne fasse des ennuis à la fille qui m’a quitté.

Mais après elle, ce fut une autre Elodie, en chacune de ses filles, il me semblait trouver quelque chose que j’avais connu essentiel pour moi.

Je n’y comprends rien.

Je ne suis pas de nature infidèle. Mais là, je me retrouve à aimer quelqu’un  mais à chercher quelque chose d’autre ailleurs. Qu’est-ce qui m’arrive ?

C’est plus fort que moi. Je me sens incomplet. Pourtant on dit que deux personnes qui s’aiment se complètent, alors où est le problème ?

 

Mélanie BOMO

-         Tu en as encore trouvé une chez lui ? me demande Fatima ma copine sénégalaise.

-         Oui, je l’ai copieusement tapé.

-         Mais pourquoi tu ne le quittes pas ?

-         Qui ? Antoine ? jamais, je l’aime trop ! en plus il ne le fait pas de lui-même !?

-         Je ne comprends pas !

-         Il y a une fille au pays qui l’avait fétiché, comme elle était amoureuse de lui et que lui ne l’était pas et donc depuis là son cœur est partagé.

-         Astarfoullaye ! quelle méchanceté, il faut l’aider donc ?

-         Mais comment ?

-         Je ne sais pas si tu crois en ces choses-là mais je connais un marabout ici au 18e arrondissement de Paris, au quartier château rouge, il peut t’aider

-         Tu crois ? fais-je intéressée

-         Oui kèh , me répond-t-elle. Quand tu seras prête fais-moi signe je t’accompagnerais.

On se quitte alors que je vais rejoindre BOUMI.

Je ne peux pas joindre BOUTSOUROU et c’est tant mieux d’ailleurs ce sorcier pourrait à nouveau abuser mystiquement de moi.

Peut-être que celui-là aura une solution meilleure pour moi.

Parce que je ne suis pas sure de lutter comme ça tous les jours de ma vie.

                                   
L'orpheline