Chapitre 9

Write by sokil

Je dois avouer que les paroles de la mégère tante Rachel ont fini par faire son effet ; jusqu’ici ses attaques sont toujours restées vaines ; mais vu sous cet angle le marqueur a eu raison de nous. On aurait dit que la potion magique qu’on avait absorbé pour lutter et se défendre contre elle vient d’être résorbé. Le réveil est si brutal que nous commençons vraiment à nous poser des questions, il y a ma mère qui commence à ne plus vouloir me faire entièrement confiance, et quant à moi je commence aussi à douter un petit peu de Steve; nous sommes toutes plongées dans un état de suspicion permanente. Nous avons élucidé tous les contours avant d’encaisser ou même d’admettre les cruelles paroles de cette dernière. Avec Steve j’ai passé mon temps à lui faire une crise de jalousie qu’il a bien sûr pris très à la légère.

- Oui! Oui! Toi!

- Qui ça moi?

- Je parle de qui alors?

- Tu me fais rire! Tu as encore sans doute les effets de l’alcool, du moins les restes dans ton cerveau!

- Donc je suis folle? Je me souviens très bien, j’avais les idées très claires avant de…

- Ton cerveau te joue des tours chou, ne va pas croire un seul instant ce que tu imagines là! Je préfère blaguer et ne pas m’attarder sur ce genre de détails. En plus le jour de ton anniversaire! C’est ridicule!

- Alors pourquoi LaSimone jouait elle les importantes? A chaque fois qu’elle nous voyait ensemble toi et moi elle n’a pas arrêté de faire sa diva, de serrer la bouche et de bouder? Pourquoi n’a-t-elle fait que me toiser à tous les coups et pour couronner le tout, vous vous éclipsez tous les deux ! Et Pourquoi …

- Ahhahahahahah !!! Oooooh mes côtes !!! Ahahahah !!!…. Chérie….. A ce point ? Je te savais jalouse mais de là à imaginer un seul instant…. Ahahahahaha ! Oooookoo Klariza !!! Yaaaa !!!! Change de vocation ma belle tu ferais une très bonne scénariste pour films je t’assure !

- Tsuiiip ! Et tu ris bêtement comme ça !

- Oui je ris ! Bien sûr que je ris ! Parce que le film que tu te fais dans tête est bien loin, très loin de la réalité !

- Et puis ? Tu trouves normal que cette fille me toise parce qu’elle nous voit ensemble ! Et ça te fait rire ! Tu m’énerves !

- Elle est capricieuse sur les bords, pas à cause de toi, ni de nous ! Elle avait un problème particulier, Elle devait rentrer ! Elle en a parlé avec tout le groupe !

- Comment ça ?

- On en reparle, je dois aller en cours !

- Quoi ? Mais attends !

- Bisous ma belle ! C’est toi ma meuf et sache le ! Je dois filer, je te fais signe plus tard !

Steve et moi sommes comme les deux doigts de la main, on se connait depuis notre tendre enfance, et ça même Rachel le sait ; ça a toujours caqueté de partout, ils ont toujours dénigré mon gars à cause de son statut. Je finis par comprendre que non seulement elle, tout comme mon père ne l’aiment pas, mais le complexe, celui de supériorité fait en sorte qu’elle se permet de dire n’importe quoi, de sauter sur n’importe qu’elle occasion pour envenimer les choses ; il ne manquait plus qu’elle soit présente dans cette boîte de nuit. J’ai pensé, après le coup de fil de Steve que j’avais peut être tout faux et que je faisais fausse route au sujet de cette fille. Depuis qu’il fréquente cette nouvelle bande d’amis, à laquelle il m’a présentée d’ailleurs, LaSimone en fait partie ; tout ce que je sais, c’est qu’elle serait une enfant gâtée, fille unique à son papa, Monsieur l’Ambassadeur de la République démocratique du Congo, au Cameroun.

Les choses finissent par s’apaiser et je reviens aux bons sentiments, après que Steve m’ait envoyé plusieurs fois dans la journée, des messages pour me rassurer. Et pour couronner le tout, il m’a surprise le lendemain après les cours, en venant me chercher. C’est son ami Fabrice, le fils du ministre qui l’a déposé, et bien entendu, LaSimone était assise à côté du chauffeur. La bonne dame m’a saluée de la main avant que le véhicule ne démarre et que Steve ait fini de parlementer avec son ami. Il m’a demandé de choisir à ma guise ce que je voulais qu’on fasse en ce début d’après-midi.

- Tes désirs sont des ordres ! Tout ce que tu veux !

- Oh je sais pas ! Tu me prends de cours!

- Viens, je vais te fait découvrir un coin super ! On prend un taxi course !

Le coin est vraiment super, et j’avoue que je suis un peu bluffée ; je ne connaissais pas cet endroit qui me semble nouvellement construit et aménagé ; c’est une espèce de fast - food à l’africaine, un mélange de parfums et de saveurs occidentales et celles du pays. Je me rends compte que le milieu est surtout très fréquenté par les jeunes, ce qui me détends et me mets très à l’aise.

- C’est bien ici ! J’aime ! Comment tu connais cet endroit ? Apparemment tu es déjà venu ici plusieurs fois !

- Non c’est la deuxième fois ! Et j’ai voulu te le faire découvrir… Passe ta commande !

Pendant que je regarde le menu, Steve en profite un cours instant pour me prendre la main et me parler sérieusement, les yeux dans les yeux.

- Je ne veux pas que tu t’inquiètes pour des choses qui n’existent pas ! Ça fait combien d’années que toi et moi on se connait ? C’est vrai, nous sommes jeunes et on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, mais depuis tout ce temps que je suis avec toi, penses-tu un seul instant que le jour de ton anniversaire je choisis d’aller batifoler, et qui plus est avec LaSimone…

- Je suis désolée ! J’avais juste des impressions, je me faisais sûrement des idées !

- Aller ça va ! J’aimerai aussi te demander pardon ! Au fond j’ai su, j’ai su que tu nous as vus tous les deux en boîte lorsque je l’ai prise par le bras… Mais j’étais persuadé que tu étais déjà dans les vap’s alors j’ai souhaité que tu ne te rappelles de rien !

- Ah voilà ! Je savais que je ne m’étais pas trompée.

- Nous allions juste la raccompagner, son chauffeur est venu la chercher, sur ordre de son vieux ! Il ne supporte pas la voir traîner avec des gars comme nous, alors elle est un peu aigrie, la solitude peux la tuer ; le fait de nous voir nous amuser constamment, lui donne parfois des envies, elle devient jalouse et fait des caprices !

- Elle n’a pas d’amies ? Je veux dire des copines ?

- Si, mais avant que son père ne soit affecté ici, ils étaient en Belgique alors, elle est un peu dépaysée, tous ses amis sont restés là-bas ; c’est Fabrice qui l’a rencontrée en premier, donc …Et par ricochet, elle a sympathisé avec nous ! Elle aime bien notre présence et ne fait pas d’amalgame, tu vois ce que je veux dire ?

- Non !

- Eh bien, elle me prend comme je suis, un bon ami, malgré ma condition et ça ne la gêne pas du tout !

- Je comprends !

- T’en fais pas, tout va bien, je suis là, je suis à toi !

- Je dois t’avouer que je me faisais de la bile, mais en même temps ma tante… Rachel, elle…C’est elle qui a envenimé la situation !

- Ça n’allait pas m’étonner… Les Tsoungui me détestent en fait ! Mais c’est pas grave !

- Moi je suis là, et je tiens à toi, c’est tout ce qui compte !

- Merci de croire en moi ! J’imagine ce qu’elle ressent au quotidien, ta mère !

Ma mère est de plus en plus inquiète depuis la dernière dispute avec sa belle-sœur ; en répondant aux attaques directes de cette vipère de tante, on aurait dit que ses paroles lui ont mis la puce à l’oreille et réveiller quelque chose en elle. Il est grand temps pour elle d’ouvrir les yeux, elle ne peut plus rester les bras croisés, peut-être est-ce un mal pour un bien ou l’inverse, mais l’essentiel est que nous savons toutes les deux qu’elle devrait se bouger un peu. Chose qu’elle fait savoir à sa sœur Claude.

- J’ai un mauvais pressentiment Claude ! Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûre et certaine que les voyages de Ferdinand sont louches ! Maintenant quand il voyage, il s’éternise un peu trop ! C’est vrai que je n’aime plus trop le sentir près de moi, mais en même temps je le soupçonne du pire ! Je l’ai d’ailleurs toujours soupçonné ! Tu te rappelles de ce que Rachel m’a craché au visage et à haute voix ? Même Klariza a entendu ! Ses paroles ne font que confirmer mes doutes. Au point où, je suis allée fouiller dans son bureau secret, tu sais qu’il déteste qu’on y entre ; mais, à son insu, j’avais fait faire un double de clés. Je ne suis jamais entrée, mais cette fois ci le vice m’a poussée et je l’ai fait ! Je me suis permis d’entrer. Tu ne devineras jamais ce que j’ai découvert…

Tante Claude, l’écoute attentivement pendant qu’elle mange son plat de légumes à base de feuilles de manioc pilés, le « Kpwem ». Elle marque une pause et ouvre grands les yeux, et même la bouche, à moitié pleine. Moi aussi je me languis de la suite qu’elle va lui révéler, je me rapproche encore plus près, sans me faire voir.

- Yeuuu ! Tsoungui ! Il… il a un bureau secret ? Une pièce secrète dans cette maison ?

- Ouiiii ! Celle qui est au bout du couloir en haut, après notre chambre, elle est toujours fermée !

- J’ai toujours pensé que c’était une chambre pour les étrangers !

- Eh bien non !

- Et qu’est-ce que tu as découvert ?

- J’ai trouvé des documents ! Des documents d’achat d’une maison en France et des terrains acquis çà et là et même ici. J’ai rien compris il ne m’en a jamais parlé, mis le pire c’est le nom qui est inscrit sur tous ces dossiers, le nom d’une femme… Carine Abessolo ! Je n’en suis pas si sûre, mais ce nom m’a tout l’air familier; ces temps ci je n'ai pas les idées en place dans ma tête, et je n’arrive pas à me rappeler où et à quel moment j’ai entendu ce nom !

- Quoi ? Tu es sûre de ce que tu dis ?

- Oui, ça me semble très sérieux !

- Et ? quoi d’autre ?

- Rien pour le moment je vais continuer mes investigations !

- Hum ! Laisse-moi aussi me renseigner de mon côté ; je connais pas mal de gens qui connaissent Ferdinand, peut-être ils m’en diront un peu plus ! En tout cas je te conseille d’être sur tes gardes avec lui on sait jamais ce qui peut se tramer ? Sa sœur n’a pas craché ces insanités pour rien !

Pour une fois je vois ma mère tenter de relever la tête et de regarder l’avenir en face. Mon Dieu qu’est ce qui se trame dans cette maison ? Papa nous cacherait-il des choses depuis tant d’années ? Je sens comme une boule à chaque fois que j’y pense. Ça fait plusieurs jours qu'il s'est absenté et cela devient de plus en plus récurrent. Voici, les fêtes de fin d’année qui approchent à grand pas et chez nous c’est toujours un rituel de passer les fêtes en famille comme partout ailleurs. A une semaine du réveillon et tellement absorbés par les problèmes qui minent en permanence nos esprits, nous avons failli oublier le principal, celui de faire les courses avec ma mère, un moment que j’ai toujours tant apprécié.

- Klariza, on va faire quelques courses il faut bien qu’on ressente le passage de la naissance de Jésus dans nos cœurs même si ton père n’est pas là.

- Ok ! Mais maman… Est-ce que cela t’attriste ? Le fait que papa ne soit pas revenu depuis un bon moment ?

- Tu es là présente c’est le plus important… Allons-y !

C’est un bonheur immense de faire ces emplettes avec elle ; tout a été fait, du moins l’essentiel, sapin, guirlandes, décoration. Cette fois ci elle aimerait que ça soit assez spécial, ça nous mettra du baume au cœur. C’est quand même Noël ou bien ? J’ai aussi par la même occasion profité pour aller décorer le sapin chez Steve, notre petit nid d’amour. Avec ma propre carte bancaire, cadeau offert par ma mère lors de mon anniv, j’ai pu acheter deux ou trois petites choses ; en tenant compte bien sûr de ne jamais dépasser le quota imposé par la banque.

Nous avons passés le réveillon à l’Eglise qui était pleine à craquer, rien que toutes les trois, ma mère, tante Claude et moi, ma seule vraie famille. Tout le reste était simple et assez convivial. Steve a souhaité que je fasse également partie des leurs en ce jour, chose que j’ai fait en m’éclipsant dans l’après-midi juste après le repas traditionnel de Noël. Heureusement que ma mère et ma tante sont bien occupées à recevoir du monde, alors mon absence n’a pas trop l’air de se faire ressentir.

J’ai pour l’occasion pris un gâteau à la boulangerie de la place. Cela m’a fait plaisir de voir les parents de Steve et de constater que la petite maison familiale d’avant a bien changée depuis tout ce temps. Sa mère n’a pas cessé de vanter les mérites de son fils à ce propos. Ravie et en même temps un peu intriguée, je me suis quand même posé la question de savoir si c’était toujours ses revenus de répétiteur qui lui permettait de faire tous ces travaux. Je me suis abstenue néanmoins de tout commentaire ; tout semble parfait et le repas est délicieux. J’ai remis les paquets à tout le monde et nous sommes finalement sortis en début d’après-midi. Fabrice, l’ami de Steve nous a invités à une soirée « chez lui » ; ses parents lui ont offert une nouvelle maison, et pour l’occasion il a voulu faire d’une pierre deux coups, pendre la crémaillère pendant les fêtes de Noël et organiser une soirée chic avec la crème de la crème.

- Chou, je t’avoue que cette soirée « chic » avec presque tous les étudiants de la catho et autre ne me séduit pas du tout, mais pour te faire plaisir je viens avec toi ! Mais je ne dois pas trop m’attarder, je ne veux pas que ma mère se pose encore des questions, je lui ai promis !

- Je sais mon cœur et tu sais que je ne peux pas y aller sans toi ! Je te promets qu’on ne restera pas longtemps, on fait juste un acte de présence !

- Ok, ok ! Lui ai – je répondu pendant qu’il me couve de petits baisers sur le front.

Nous nous sommes donc rendus chez Fabrice le fils du ministre. Il y a plus d'une heure que la fête a commencé. Tout le monde a son verre à la main, les conversations deviennent de plus en plus bruyantes et certains sont déjà en train de jouer à ces défis débiles qui ne manquent jamais dans les fêtes estudiantines. Le DJ en même temps fait vibrer nos tympans avec un très bon registre musical, j’avoue qu’il est doué, car toutes mes chansons sont à l'honneur. Vu le nombre d’invités on a vraiment l'impression que toute la fac est présente...ou plutôt que toutes les filles de la fac sont présentes ! Les gars ont vraiment joué le jeu des invitations; du coup, les filles font au moins les 3/4 des invités. Toutes vêtues de tenues assez affriolantes et sexy, on aurait dit que je suis la seule fille coincée de la soirée avec une robe mi courte, stricte et d’un rouge pâle, que j’ai finalement décidé d’arborer. Steve est là et ne me lâche pas heureusement, ce qui me rassure et me rend moins ridicule. Les vigiles sont postés devant l'entrée de la propriété pour vérifier que personne n'entre avec des substances illicites. Personnellement, je me serais bien passé de tout ça, mais surtout de voir toutes ses groupies lancer des sourires en coin çà et là à Steve me met dans un sale état, je deviens très nerveuse.

- Tu n’as rien à craindre ! N’y prête pas attention, ce sont toutes des filles légères d’esprit ; la preuve j’ai tenu à ce que tu sois là avec moi !

Mais est-ce que cela suffit il à me rassurer ? L’ambiance finit quand même par battre son plein, mais à 21 heures je commence à marquer des goûts de fatigue et je baille sans cesse, mais surtout, je ne veux pas que ma mère s’inquiète pour moi, bien que j’ai fini par lui envoyer un message pour lui dire que je suis finalement allée au goûter chez une de mes copines ; elle m’a donc sommée de rentrer le plutôt possible.

- Mais le Stevy, ta meuf est casse va la déposer et tu reviens ! Tu ne peux pas partir si tôt ! Gars, ça ne fait que commencer, y’a encore pleins de boissons ! Lui lance Fabrice avec un large sourire qui a eu le temps de remarquer que j’affichais déjà des signes de fatigue et d’impatience. Et Steve, la mine très embarrassée me pose la question sur le champ.

- Je te raccompagne et je reviens ? Ou alors on reste encore un peu ? Lequel tu préfères ?

Juste quand je suis sur le point de lui répondre, nous sommes interrompus par une voix féminine ; sans gêne je la vois se rapprocher de nous, mais plus précisément de Steve ; non seulement elle m’ignore complètement, mais son geste me cloue sur place et je finis par perdre mon latin. Je vois la bonne dame s’approcher et se lover contre mon mec.

- Bonsoir Mamour ! Mmmmouacck !

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