Chapitre 9 : L'enlèvement
Write by Fleurie
°°° Yannaël °°°
J’ai quitté la maison comme un voleur ce matin. Pour ne pas que la culpabilité me ronge plus tard, j’ai laissé un petit mot sur la table à ma dulcinée. Elle va trouver mon départ très étrange, ce qui n’est pas dans mes habitudes. Il fait encore légèrement sombre dehors. J’ai mis un pullover, parce qu’une petite fraîcheur se fait ressentir. Malgré la saison pluvieuse qui bat son plein à Cotonou, il ne m’a pas été difficile de trouver un zémidjan. L’homme souffre trop pour survivre de nos jours. Pendant que d’autres dorment paisiblement chez eux à cette heure, certains sont déjà sur pieds à la recherche de leur gain journalier.
Il m’a enfin déposé et je l’ai généreusement rémunéré par sa gentillesse et son dynamisme. Comme la toute première fois, je pensais le trouver m’attendant devant l’immeuble de la structure. Mais à ma grande surprise il n’y est pas. J’ai enfoui une main dans ma poche, pour prendre mon téléphone et le contacter. Ce n’est qu’à cet instant, que j’ai réalisé que j’ai laissé mon téléphone portable chez moi. Je ne peux plus y retourner. Mike penserait que je ne tiendrais pas ma promesse, ce qui n’est pas le cas. J’ai nerveusement passé la main sur le visage, avant de poser l’autre à la hanche. Ne sachant pas quoi faire, je me suis adossé au mur de la concession d’en face, en croisant les pieds.
-Eh toi, viens par là.
Je me suis demandé d’où vient cette voix si arrogante. J’ai regardé autour de moi, sans vraiment trouver personne. Je me suis avancé et j’ai aperçu une Highlander noire qui est garée sur le côté de la voie. Les vitres sont teintées au point où, je n’arrive à rien voir de l’extérieur. Je n’ai jamais vu Mike conduire une telle voiture. Mon cœur s’est mis à sauter dans ma poitrine. J’ai rapidement fait une petite prière intérieurement. Un homme dont j’ignore l’identité, se trouve debout du côté conducteur. Il a les bras croisés devant lui, avec des lunettes noires. Il a tellement serré la mine, qu’il m’est difficile de lire quoi que ce soit. Il est vêtu d’un bel ensemble gris. J’ai avalé ma salive en me mettant à sa hauteur. Il est très élancé avec une barbe comme celle de Rick Ross. Avec un corps très bien bâti comme le sien, il fait vraiment peur. De teint noir ciré, il a le crâne rasé et qui brille de mille feux.
-Le boss t’attend à l’intérieur.
Comme un élève assidu, j’ai exécuté l’ordre en m’engouffrant dans la voiture. Il est assis à l’arrière de cette dernière toujours aussi bien habillé. Cet homme vit paisiblement, on dirait un roi. Il tire sur son tabac comme dans ses habitudes, tout comme si sa vie en dépendait. Il me donne des fois l’air d’un homme très mystérieux.
-Je vois que tu es toujours ponctuel. Tu es un vrai homme. Commença -t-il en remplissant l’habitacle des bouffées de fumée de son tabac.
-Que dois-je faire Mike, je suis là ?
-Relaxe, c’est un travail assez délicat, tu dois complètement te détendre, pour bien le faire. Ce n’est rien de difficile.
-D’accord.
-Jules, donne-moi le coffre.
-Ok monsieur.
L’autre a apporté le coffre en question. Il le lui a tendu, et il l’a saisi en le fixant intensément. Il s’est arrêté pendant un moment, avant de l’ouvrir. Il en a fait sortir deux photos, un mouchoir tout blanc, et d’autres objets dont j’ignore l’usage. Je ne sais pas ce que j’ai exactement à faire, mais je suis impatient.
-Sers lui un peu de whisky, dit-il à l’endroit de l’autre.
Il est revenu cinq minutes après avec un verre en main. Il me l’a remis. J’ai hésité avant de le prendre. Les yeux de Mike ne m’ont pas quittés une seule seconde. Je wanda ce qui se trame par ici.
-Bois-le, il te le faudra pour être plus à l’aise. Il faut que changes d’état mon cher.
-Que se passe-t-il, je ne bois pas à cette heure du matin.
-Un homme ça ne parle pas trop.
Les mains tremblantes, j’ai porté le verre à ma bouche. J’ai fermé les yeux en pensant à ma femme. Une voix intérieure m’est parvenue. J’ai fermé la bouche.
-Pense à tout ce que tu peux t’offrir après ceci. Penses-y. Ne sois pas bête. Je ne te veux aucun mal.
A entendre cette phrase, j’ai vidé tout le contenu d’un trait. Je suis conscient que je suis ambitieux, mais j’ai des limites. Mike est un homme de confiance, il ne peut jamais entraîner dans une affaire louche. S’il le dit, c’est qu’il n’y a rien d’alarmant.
°°° Nellie °°°
Je ne suis pas une novice dans ce domaine. Vous vous demandez pourquoi j’ai donné l’idée à ma fille de voir un féticheur. Bah, c’est aussi simple, pour moi il y a des choses qu’il faut faire sans consulter la deuxième partie. Un enfant ne retient pas un homme, mais on s’en bat les couilles. Si cet idiot de Eddy pense qu’il va l’engrosser et fuir comme ça, ce n’est pas avec moi. Tout au début de leur histoire, j’ai interdit à Teany de le fréquenter. Têtue qu’elle est, elle a continué par le voir à mon insu. Pendant qu’il y avait un homme riche et éperdument amoureux d’elle, prêt à tout lui offrir, elle préférait ce misérable. Et voilà les résultats aujourd’hui, tsuiiiip. Nous sommes parfois si naïfs, au moment où nous courons après celui qui se fiche de nous, il y en a qui court après nous que nous ignorons. La vie est bizarre.
Je me nomme Nellie CHIBOZO, âgée de 42 ans je viens de Abomey. Les gens craignent souvent les natifs de cette région, mais nous n’avons rien à cirer. Je suis mère de deux belles filles. Le mariage n’est pas une chose aisée. Si j’ai su garder mon couple jusqu’à présent, vous savez le reste, les sages ne parlent pas trop. Un coup d’œil à ma montre, et je constate qu’il est l’heure de me mettre aux fourneaux. Georges ne va pas tarder à venir.
-Milli, où es-tu ? Criai-je pour qu’elle vienne.
-Un instant maman
Elle est venue avec son pagne attaché à sa poitrine. J’ai immédiatement froissé la mine.
-Combien de fois vais-je te dire, que je ne veux plus te voir te balader les épaules en l’air. Tu le fais dans ta chambre, pas dans la maison.
-Avec cette chaleur, dit-elle en secouant la tête.
-Vas t’habiller rapidement, sinon tu vas recevoir ma main sur ta joue.
Elle a boudé avant de se retourner. La jeunesse et ses caprices, que Dieu nous garde. J’ai pris les légumes que j’ai lavées avant de les mettre dans l’eau qui boue. Teany ne fais que dormir depuis notre retour. Je finis de préparer et j’irai la voir.
[ … ]
La porte est entrouverte, je me suis glissée à l’intérieur sans frapper. Je ne l’ai trouvée nulle part dans la pièce. Je me suis par la suite dirigée vers la salle de bains. Elle est assise sur la cuvette avec sa tête baissée entre les cuisses.
-Tu vas bien, tu as l’air pâle ?
-Ce sont juste les vomissements qui me secouent un peu. Ça peut aller, ne t’en fait pas. Je tiens le coup.
-Millie va t’apporter un citron que tu vas laper. Tu seras soulagée pour quelque temps. Le repas est prêt.
J’étais sur le point de tourner les talons lorsqu’elle m’a appelée.
-Maman, dis-moi tu penses que tout ira bien ?
-Suivons seulement toutes les instructions du grand maître et tu verras ma puce. Il viendra ramper à tes pieds. Fais moi confiance.
-Ok, je me sens fatiguée.
-Il faut que u manges
Elle s’est difficilement levée et m’a suivie. Georges est assis dans son fauteuil habituel. Nous nous sommes tous attablés et j’ai servi. Nous avons pris le déjeuner dans une bonne ambiance.
°°° Charlotte °°°
C’est ma deuxième semaine de jeûne. Le diable est entrain de roder autour de ma famille. J’ai un mauvais pressentiment depuis un certain temps. Et je sais que mon instinct ne me trompe pas. Lorsque j’ai cette sensation, il n’y a que la prière et le jeûne qui sont mes armes les plus puissantes. Je n’arrive pas à connaître l’origine de ce sentiment qui ne me lâche plus. Mes nuits sont agitées, les unes après les autres. Je suis consciente qu’avec la prière, aucune mauvaise onde ne viendra perturber mon foyer.
Le bruit du téléphone me tire brusquement de mes songes.
-Allô !
-Oui maître, il y a un client qui aimerait vous rencontrer. Dit la secrétaire de sa fine voix.
-Ok, merci fais le venir s’il te plaît.
-Je vous en prie maître.
La porte s’est ouverte sur un bel homme. Il s’est glissé à l’intérieur et, Mia a pris soin de fermer la porte derrière elle. Je lui ai désigné la chaise en face de moi pour qu’il s’installe.
-Bonjour monsieur.
-Bonjour maître ASSIONGBON.
Après les salutations de courtoisie, il m’a fait part de sa préoccupation. J’ai pris son dossier que j’ai parcouru en silence. Il fait partie des cas les plus courants que je rencontre souvent.
-Eh bien, j’ai entendu assez d’éloges vous concernant, et je sais que vous allez nous aider mes frères et moi à trouver un terrain d’entende. Je souhaite que ma femme ait la paix.
-Vous pouvez être rassuré, le problème sera réglé le plutôt possible.
-Je vous en serais éternellement reconnaissant. Qu’en est-il des honoraires ?
-Veuillez bien voir cela avec ma secrétaire.
-Au revoir monsieur BARRA.
Nous nous sommes serré la main, et il a pris congé de moi. Une fois seule, je me suis adossée sur mon fauteuil, en posant mes bras sur les accoudoirs de ce dernier. Mes pensées se sont lentement convergées vers ce sujet qui me tourmente. Je n’ai pas réalisé à quel moment je me suis endormie.
[ … ]
J’ai jeté un regard à la montre accrochée au mur, il est midi et demie. Quel est ce sommeil qui m’a autant emporté, au point où je n’ai pas vu l’heure filer. Je dois aller chercher mes filles. Elles seront mortes d’inquiétude, mes pauvres poussins. J’ai rapidement enfilé mon chemisier. J’ai pris mes clés et mon sac à mains, en sortant de la pièce. Le couloir est désert, on peut entendre les mouches voler. Le silence qui s’y trouve semble, comme si personne n’y travaillait. Ils sont tous partis à la pause. J’ai hermétiquement fermé avant de quitter mon cabinet.
Le soleil est très ardent. J’ai mis mes verres de soleil, en me dirigeant vers le parking. J’ai mis le contact, sans attendre. Quelques minutes plus tard, je suis coincée dans un embouteillage. C’est la galère quand l’un des feux de Cotonou brûle. Il ne manquait plus que ça. Prenant mon mal en patience, j’essaye de me calmer. J’ai fini par continuer après une bonne dizaine de minutes. Je suis enfin arrivée dans leur école. Cette dernière est moins animée que d’habitude. Les enfants sont déjà rentrés chez eux. J’ai regardé les alentours, mais je n’ai vu aucune d’elle. J’ai couru à l’endroit habituel, où elles m’attendent souvent, mais nada. Apeurée je suis empressée d’aller voir la directrice, dans son bureau. Cette fois-ci je pense qu’elle prendra ses responsabilités d’adulte, tsuiiiip.
-Madame la directrice, où sont mes filles ?
-Mais où sont passé vos manières ?
-Ne me cherchez pas, où sont Anaïs et Ariane ?
-Une nouvelle tante est venue les chercher. Elles semblaient la connaître. Je n’ai pas pu les retenir, le temps de vous contacter, elles ont déjà disparu.
-Je ne vais pas tolérer que l’incident précédent se soit répété. Vous n’assurez pas du tout votre rôle. Je compte bien arrêter leur scolarisation dans votre école. Des bons à rien comme vous, je n’en ai pas besoin.
-Contrôlez votre langage madame ABIOLA. Vous n’allez pas venir m’accusez, pendant que c’est vous qui avez accusé du retard pour venir chercher vos filles. Je ne vais pas me laisser faire.
C’est à croire qu’elle avait une dent contre moi. Non mais je rêve ou quoi ?
-Je m’en vais, mais vous aurez de mes nouvelles si jamais quelque chose leur arrive.
-Hum, dit-elle simplement avec sa longue tronche.
C’est en ruminant que j’ai quitté l’école. Je me suis arrêtée près de la voiture. J’ai ouvert mon sac, pour en faire sortir mon téléphone portable. J’ai appelé Ayanda qui affirme qu’elles ne sont pas avec elle. Espérant toujours, j’ai appelé Nora pour vérifier.
-Ma puce, il y a trois jours, qu’est-ce qui se passe ? Je te sens un peu angoissée. Demanda-t-elle inquiète.
-Je ne retrouve pas mes filles, snifff. Personne n’a aucune idée de leur localisation.
-Calme toi soeurette, as-tu appelé leur père pour lui demander ?
-Oui, tu étais mon dernier espoir. Fis-je en éclatant de plus bel en sanglots.
-Elles doivent être quelque part toutes seules. Ne pleure pas viens pour qu’on en discute. Je ne peux pas sortir, Emmy est encore très petite.
-Je sais, ok j’arrive.
J’ai essuyé mes larmes et je me suis rendue chez Nora.
[ … ]
Nous étions en train de réfléchir à la situation, lorsque mon téléphone s’est mis à vibrer dans ma poche.
-Qui est-ce ?
-Ha ha ha ha, je parie que tu verses déjà toutes les larmes de ton corps. Lança sèchement la voix à l’autre bout du fil.
-Qui êtes –vous ? Où sont mes enfants ?
-Tu vas te taire et m’écouter, elles sont avec moi. Je veux te voir souffrir, encore et encore, ha ha ha ha ha ha.
-Que me voulez-vous ? Combien voulez-vous ?
-Tu ne pourras pas payer ce que je veux. Sache qu’elles sont avec moi…A bon entendeur…
Ce n’est qu’après le bip que j’ai réalisé qu’elle vient de me raccrocher au nez.