Chapitre V

Boing, boing, boing,

Je dribble tout en faisant des jeux de jambes et en observant les mouvements de Gui. Il pense que je vais partir sur ma droite, alors je fais une feinte, et vais sur ma gauche, il se retrouve derrière moi, ce qui me laisse le temps de me positionner et de marquer un panier sans souci.

-6-4 pour moi. Annoncé-je. On a dit que le perdant payait un bière, n’est-ce pas ?
-On t’a jamais dit qu’on ne vendait pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué?

Et le voilà qui se met à me sortir ses proverbes de merde. Je suis un très mauvais perdant, et j’évite au possible de perdre surtout quand je sais que je suis bon. Ce qui est le cas ici, et dans tous les sports, du moins face à Gui-Gui. Je l’ai laissé marqué deux paniers pour ne pas l’écraser mais il est hors de question que je le laisse gagner même pour le plaisir et ça il le sait.
On se remet en position, lui en face de moi

-Check
-Check

Je dribble et veux feinter sur ma droite, mais il me voit venir, et réussit à récupérer la balle avant d’aller se placer pour un panier à trois points. Qu’il réussit sans difficulté. Je cherche même pas à le contrer ou quoi que ce soit.

-Sérieux, tu veux gagner avec des paniers de grands-mères? Lui demandé-je en le regardant venir
-Gagner c’est gagner, tous les moyens sont bons. Lance-t-il en s’épongeant le front. C’est pas ta Kala qui dira le contraire. D’ailleurs, ça en est où avec elle?
-Pfff, me parle pas de celle-là. Dis-je en me repositionnant en face de Gui-Gui. Elle s’est pointée chez moi pour qu’on s’explique, parce qu’elle trouvait mon attitude étrange. Non mais tu le crois ça ?
-Quoi, elle avait vraiment pas compris qu’entre toi et elle ….?
-Bien sûr que si. Elle voulait forcer une dernière fois, mais je lui en ai pas laissé le temps. 
-Check
-Check
-Qu’est-ce que tu veux dire par là ? Me demande-t-il en me marquant
-Je l’ai...Barré devant ma porte d’entrée. Ai-je répondu en le feintant
-Quoi ?

“BAM”
Je viens de dunker !

-8-7…..Je l’ai barré devant la porte d’entrée. Répété-je devant sa mine étonnée.

Il reste penaud pendant un quart de seconde avec d’éclater de rire, jusqu’à s’en attraper les côtés.

-Krrkrrr merde Ari, t’es pas sérieux !
-....
-C’est pas comme ça qu’on fait. Lance-t-il entre deux éclats de rire. Sincèrement, on ne jette pas une femme de cette façon,
-Mais c’est pas une femme, c’est une tchoukoumeuse, un hybride, un croisement entre la femme, la panthère et la hyène. Elle voulait faire de moi sa proie mais…

Je m’arrête et fais le signe de croix à plusieurs reprises

-...Je suis sous la protection divine.
-Pff, t'es con, je te rappelle que c’est la cousine de Mayéla, et toute cette histoire pourrait brouiller tes relations avec elle.
-Du tout, jusqu’à présent, Mayéla et moi n’avons jamais parlé de sa cousine. Elle ne sait même pas qu’il a failli se passer quelques chose entre elle et moi.
-C’est ce que tu crois, les femmes parlent entre elles.
-Sûrement, mais si c’est le cas, elle ne m’a rien dit et n’a rien laissé paraître.

D’un accord tacite, nous nous taisons et nous remettons à jouer. 
Je me concentre sur le match et réussis à remonter le score gagnant 12-9. Je me suis donné pendant ce match comme à chaque fois que je fais quelque chose, mais j’ai mis un peu plus d’entrain afin de mieux me défouler. Je vais m’asseoir sur le ban se trouvant près du terrain et tire sur mon sac de sport qui est à mes pieds pour en sortir ma bouteille d’eau. Rien qu’au touché, je sens qu’elle est encore fraîche.
Je bois deux grandes gorgées puis m’arrose la tête pour faire descendre la pression. 
Ça fait un petit moment que je suis sens activité, physique, et sa commence à me peser. J’aurais pu, tenter de m’arranger avec Kala, mais ça n’aurait pas été une bonne idée. Je pensais à appeler Karen, mon PQR, mais elle commence, elle aussi, à parler de relation sérieuse. 
J’ai mentalement fait le tour de mon répertoire et je n’ai trouvé aucune femme prête à coucher pour coucher. Elles ont toutes un souhait derrière, soit finir en couple, soit pomper un max de fric soit les deux. 
Ce n’est plus comme avant, où le sexe se suffisait, à présent le sexe à un coût, que je n’ai pas envie de payer.

-Donc si je te comprends bien, maintenant tu changes de cousine ? Me demande-t-il en prenant place à mes côtés. Tu essaies avec Mayéla ?
-Quoi? Non ! Louis me tuerait si je tentais quoi que ce soit. Puis Mayéla est trop….. trop…. trop loin de ce que je côtoie en temps normale. 
-Ah ça. C’est certain ! Je suis content que tu dises ça parce que, je la trouve ….

“Dring, dring”

-Excuse-moi. Fais-je en sortant mon téléphone. Allô
-Salut. j’ai besoin de te parler, on peut se voir ?
-.... Peny…
-Ari c’est vraiment important. S’il te plait ?
-Je serai chez moi dans une quinzaine de minutes. 
-Okay, je t’attends.

Je raccroche et range mon téléphone sans regarder Gui-Gui, je sais déjà ce qu’il va dire.

-Tu vas retrouver Peny? 
-Elle veut me parler d’un truc, me demande pas quoi je ne sais pas non plus
-Tu es sûr de ça ?

Je ne réponds pas à son interrogation et me contente de le saluer avant de réunir mes affaires et de rejoindre ma voiture. Gui-Gui, n’apprécie pas Peny et apprécie encore moins la relation que nous avons. Selon lui, plus je continue à entretenir notre relation ambiguë et plus elle va s’attacher. Sauf que moi, je n’entretiens rien du tout. J’essaie de m’éloigner d’elle, de créer de la distance et de ne surtout pas craquer avec elle lorsque je suis en période sèche, mais c’est comme si elle avait un détecteur, qui l’informe des périodes où je suis au plus bas. On m’a toujours dis que le mouton, broute l’herbe là où il est attaché. Bah même avec toute la volonté du monde… J’ai pas pu m’empêcher de brouter deux ou trois fois…
Mais aujourd’hui, il n’y aura rien, je la sens trop prête pour le mariage, quitte à se faire passer la bague au doigt, de la façon la moins classe qu’il soit.

Quand je m’arrête devant le portail, j’aperçois sa voiture garée en face de mon portail, et elle au volant, le visage à moité caché par une capeline. Je descends de ma voiture et vais me pencher à sa vitre, baissée. De là, j’ai une vue parfaite sur son buste et ses jambes dénudées.

-Je comprends mieux le “ je t’attends”
-Tu remarqueras que j’ai fait comme tu m’as dit, je ne suis pas rentrée
-Je vais pas non plus te féliciter...Ton chauffeur a fini par te lâcher ?

Elle repose sa tête contre son siège, ce qui aplatît sa capeline à l’arrière et me dit dans un soupir:

-J’avais envie de me promener seule

Je m’abstiens de lui balancer une pique, comme je l’aurais auparavant fait. 
Il y a quelque chose chez elle, qui m’empêche d’être désagréable avec elle aujourd’hui. 
Je retourne vers ma voiture et klaxonne pour que le gardien m’ouvre le portail. Je fais rentrer ma voiture puis je repars vers celle de Peny. Je lui ouvre la portière et la regarde descendre puis contourner la voiture pour s’asseoir côté passager. Mes yeux s’attardent sur la robe bustier qu’elle porte, très près du corps et qui souligne ses courbes, mais surtout sur ses chaussures, des scandales à talons avec une fine bride à cheville et une lanière devant. Je suis pas un fana de chaussures de femmes mais ceux-là, je les trouve diablement sexy. Elles donnent aux pieds des femmes qui les portent, bien, une démarche gracieuse, et surtout une allure démente. Je peux craquer bêtement à cause de ça. Mais encore une fois, aujourd’hui, je ne craquerai pas. Je ne sais pas pourquoi mais, j’ai l’impression que ce n’est pas le jour pour craquer.
Je m’installe à sa place, fais rentrer sa voiture puis l’invite à entrer.

-J’ai le temps de prendre une douche ou tu veux qu’on discute maintenant ?
-....Tu peux aller prendre ta douche. Dit-elle en retirant sa capeline
-Ok. Je ne traîne pas, j’ai fait des courses si tu as envie de grignoter. 

Je n’entends pas sa réponse, je suis déjà élancée dans le couloir. J’entre dans ma chambre, emprunter la porte se trouvant à gauche et entre dans ma salle de bains. Je n’aime pas que tout le monde ait accès à mon intimité alors j’ai installé une autre salle de bains à l’extérieur, pour les inviter. 
Je retire mes vêtements sales, les mets dans la panière adéquate et vais sous la douche. Je soupire d’aise lorsque je sens l’eau fraîche caresser sur mon cuir chevelu. Les premières secondes sous l’eau ont une allure de massage doux sur le corps, tout le stresse accumulé semble glisser le long de mon corps. Et inconsciemment, cette image m’apaise. Je profite encore quelques secondes de l’eau fraîche avant d’activer l’eau chaude.
Je m’apprête à prendre mon gel douche quand je sens des mains m’enlacer la taille et un corps chaud se coller à moi… J’ai dit que je n’allais pas craquer…. Alors même si elle continue de presser ses seins contre mon dos, même si elle continue de déposer des baisers sur mon épaule en caressant mes abdos avec ses petites mains parfaitement manucurées, je vais pas craquer…. Encore moins si une de ses mains s’aventure vers mon bas-ventre et exerce un pression….Damn.
Je ne voulais vraiment pas craqué mais il ne faut pas non plus abuser, je ne suis pas un saint.

-Ari?
-Humm
-... J’ai besoin de savoir où on va. Me dit-elle tout de go en venant se blottir contre moi.

Bon, elle commence déjà très mal son introduction.
Je la repousse gentiment et m’assieds sur le rebord du lit, à la recherche d’un caleçon, mais je me rappelle très vite qu’on venait de la salle de bains.

-Pourquoi tu deviens tout de suite distant quand je commence à te parler de nous ? Me demande-t-elle en s’asseyant, tirant les draps vers sa poitrine

mais peut-être parce qu'il n'y a pas de nous pour commencer. Non ?

-.....
-Il faut qu’on parle sérieusement, j’en ai marre de cette relation. Un coup tu te rapproches de moi et un autre tu me traites comme une grande pestiférée. Ça peut pas continuer comme ça, j’ai besoin de savoir où on va tous les deux et…
-Je veux pas te couper. Dis-je en la coupant tout de même. Mais, avant que tu n’ailles trop loin dans ton discours, je te rappelle une chose, on est plus ensemble depuis deux ans maintenant
-On sait tous les deux que ça ne veut rien dire. Lance-t-elle en levant les yeux au ciel
-Ah bon ? Et pourtant...Ecoute, je suis plus certain que ce soit le moment de discuter, on devrait remettre cette discussion à plus tard
-Non Shomari, on ne va pas la remettre à plus tard ! Crie-t-elle.Tu me fais toujours le coup à croire que je suis là simplement pour que tu me baises !

S’il y a bien une chose que je déteste c’est entendre les cris, surtout lorsqu’ils ne sont pas justifiés. J’ai tendance à répondre sèchement, par la suite et à dire de façon moins courtoise ce que j’ai à dire.

-Parce que c’est pas le cas ? Dis-je agacée
-Tu dis ça pour me faire mal, je le sais.
-Non, Pénéloppe, ce n’est pas pour te faire mal, ce n’est que la vérité. T’es partie avec ton libanais y’a deux ans, et notre histoire s’est arrêtée à ce moment là !
-C’est donc ça ? Tu m’en veux toujours à cause d’Abdel ? Maman m’a dit que c’était la raison pour laquelle tu tardais à reprendre notre relation

Et j’ai pas besoin de lui demander qui a mis cette idée dans la tête de sa mère , je sais très bien que c’est la mienne. 
Cette histoire commence à me fatiguer, et je me dis qu’on devrait finalement parler comme elle le veut et mettre les choses à plat.

-Mais non, ça n’a rien à voir. Dis-je en me tournant vers elle. Et pour être honnête avec toi, je m’en moque. Ca a été avec Abdel, ça aurait pu être un autre, mais dans tous les cas, ça n’aurait eu aucune espèce d’importance pour moi. Ça faisait déjà un moment que je voulais stopper notre relation. Si ta mère pense que je refuse de me remettre avec toi à cause de ta relation avec ton libanais, c’est parce que c’est ce que je fais croire à ma mère mais il n’en est rien… Pour moi cette relation est finie depuis bien longtemps

Elle reste silencieuse, stoïque et me regarde avec de gros yeux comme si c’était la première fois que l’on se voyait. Et je me fais la réflexion que j’aurais peut-être dû le lui dire avec un peu plus de tact. Même si je ne veux pas d’elle, ça reste une fille que j’apprécie

-ESPECE DE SALOP !

Je me retourne rapidement et me baisse à temps pour esquiver de justesse mon ordinateur portable, que je vois passer au dessus de ma tête et atterrir sur le mur, puis se fracasser en morceau. Mais elle est dingue !

-Oh ça va pas la tête?
-T’ES QU’UN SALOPARD DE LA PIRE ESPECE, T’AS PROFITE DE MOI ET MAINTENANT TU VEUX ME LAISSER ! Crie-t-elle en me martelant le dos de coups

Voilà une chose chez les femmes que je n’aime pas. On établie officiellement que c’est fini, mais elles l’entendent autrement, se créent des films et viennent se donner gratuitement. Mais le jour où on remet les choses dans leur contexte, elles viennent fièrement parler d’abus, de profit et que sais-je encore. 
A quel moment je l’ai obligée à se faufiler chez moi et se glisser dans mes draps ou me rejoindre sous la douche ? Qu'elle me le dise parce que moi personnellement j’en ai pas le souvenir

-Oh mais, Pénéloppe arrête ! Mais arrête merde ! PENELOPPE !

Elle continue de me ruer de coups en m’insultant puis sentant la colère monter, je l’attrape fermement pas les poignets et lui ordonne sur un ton sec de se calmer

-Pénéloppe, ça fait deux ans que c’est fini entre nous, mais que TU viens constamment vers moi. C’est TOI qui débarques à l’improviste en petite tenue, dans mon lit ou sous ma douche. Je ne t’ai jamais obligée à faire quoi que ce soit. Et maintenant tu me bousilles mon pc et viens me frapper sous prétexte que j’ai profité de toi ? A quel moment ?

Elle se prend la tête entre les mains puis se met à pleurer d’abord doucement avant d’être parcourue de soubresauts. 
Et merde manquait plus que ça…

-Peny…

Elle repousse violemment la main que je pose sur son bras et se déplace jusqu’à l’autre extrémité du lit.

-Peny....
-Donc pour toi tout ça c’était que du sexe, un moyen de te vider, à aucun moment tu ne te dis que j’ai fait ça parce que je t’aimais, et que je voulais te reconquérir ? 
-.....

Elle essuie rageusement ses larmes puis se lève et va en direction de la salle de bains. Moins de deux minutes après son entrée, elle ressort vêtue de sa robe, et ses chaussures à la main

-Peneloppe, attends pars pas comme ça. On a pas fini de discuter
-Tout a été dit. Je me suis assez ridiculiser pour les années à venir. Murmure-t-elle entre deux reniflements 

Je vais récupérer un jogging, que j’enfile rapidement et la rejoins à l’entrée de la maison.

-Peny ! Fais-je en la retenant par le bras. Pe….
-Lâche-moi !
-On a pas fini de discuter, je veux pas qu’on se séparer sur ce que je viens de te dire. 
-On est déjà séparer, depuis deux ans comme tu l’as si bien mentionné. Lance-t-elle, sarcastique
-Peny arrête ça. 
-Shomari lâche-moi ! Crie-t-elle en gesticulant
-Tu sais que je tiens à toi…
-Je t’ai dit de me lâcher

“PAF”

On se jauge pendant quelques secondes avant que je lui lâche le bras, et la regarde aller vers sa voiture.
Non, aujourd’hui c’était définitivement pas le jour pour craquer.

*****

“Humm….Ahhh ma copine, y’a pas ça entre nous ou bien ? … Non toi aussi, le bolingo là ne peut pas finir comme ça….. Ah voilà, j’aime quand tu me parles comme ça, bon sinon j’ai vu deux tops et une jupe évasée avec des motifs fleuries là, faut me garder ça, je viens les prendre aujourd’hui même…..Humm…. Okay, je viens directement chez toi…..D’accord” à toute”
Clic
Je reporte mon attention sur le tableau excel se trouvant en face de moi, même si ça fait un bon moment, que je le regarde sans le regarder. La discussion d’Elodie, une collègue, m’a quelque peu intriguée.
Elle était au téléphone avec une de ses amies qui a une boutique. Elle vient de recevoir un arrivage de vêtements et Elodie a vu les nouveaux modèles, qui sont assez sympas, je dois l’avouer. Je le sais parce qu’elle m’a donnée le nom de la page de son amie pour que je puisse voir les modèles, pesant que je pourrais être intéressée. C’est le cas mais…. Le style de vêtements ne me correspond pas. J’aime bien les vêtements plus discrets.

-Ma chérie, tu veux venir avec moi ? Me demande Elodie. 
-Non merci Elodie. 
-Tu vas passer à côté de jolies tenues !
-Je me doute bien, mais… une prochaine fois. On peut pas..pas y aller toutes les deux, il … il faut bien qu’une deux, reste. Prétexté-je pour ne pas avoir à lui dire que le style ne me correspond pas.
-Ma chérie, si c’est seulement ça, allons. Le travail là va nous trouver aussi demain. Range vite tes affaires, je vais avancer ma voiture.
-Mais...mais….

Elle n’est déjà plus dans le bureau. 
Si Makoua ne nous trouve pas dans le bureau, demain, on va se faire remontrer les bretelles et je n’aime pas ça. J’évite au maximum de me faire remarquer, la discrétion est l’une de mes qualités.
Je vais lui envoyer un texto pour lui dire que je ne peux pas. Je sors mon téléphone portable et entre dans mon répertoire quand je me souviens que je n’ai pas son numéro de téléphone. 
Mon bureau se trouve près très loin de l’entrée alors, je sors discrètement de mon bureau puis de l’immeuble, et repère la voiture d’Elodie 

-C’est bon ?
-Euh, non...non… Si…
-Mais dépêche-toi ma chérie, regarde comment je suis stationnée. Vous les congolais vous aimez parler, faut pas faire tes parents vont mettre leurs bouches sur moi kèh.

Mais je lui dis quoi là ?
Ne trouvant pas mes mots, je finis par retourner dans mon bureau, prendre mes affaires et la rejoindre dans sa voiture.

-Jonathan-éééé, ééééé-éééé Jonathan”

Elle chante à tue-tête, et tape des mains en exécutant quelques pas de danse de temps en temps. 
Elle me fait rire Elodie. Elle me rappelle Kala, les mimiques et l’intérêt pour les hommes en moins. Elle ne se prend jamais la tête et relativise toujours lorsqu’une chose ne va pas dans le sens qu’elle avait prévu au départ “y’a pas de problèmes, y’a toujours une solution” dit-elle souvent.
Elle est ivoirienne et est venue à Brazzaville pour s’installer avec son copain, après une relation à long distance. Ca fait maintenant trois ans qu’elle est ici, mais ne souhaite pas s’éterniser. Elle a pour projet de repartir à Abidjan parce que selon elle “rien ici ne vaut son petit Paris”. On s’entend plutôt bien elle et moi mais nous ne sommes pas vraiment proche. 
En fait, quand on y réfléchit, c’est notre première “sortie” en dehors du boulot. 

-“Applaudissez ééééé, il est pas mort,.... galopez galopez, krikata krikata krikata pan pan saut mouton saut mouton”
-...
-J’ai vu une belle robe là, j’espère qu’elle est pas partie, je vais mettre ça pour mon prochain show
-....
-Tu sais qu’elle vend aussi des petites nuisettes sexy là. Faut regarder, peut-être que tu vas trouver ton bonheur et celui de ton chéri. D’ailleurs il va bien ? Je l’ai pas vu ce matin
-Ce n’est pas...mon..mon chéri. Ai-je répondu gênée
-Oh laisse ça, on connaît ça ! C’est pas ton chéri mais il vient te déposer tous les matins et te laisse avec le petit déjeuner quand vous n’avez pas pris le temps de le prendre à la maison et c’est pas ton chéri ?

Oui.
Shomari, parce que c’est de lui qu’elle parle, est un ami prévenant et attentionné. 
Depuis le jour où il a dormi à la maison et m’a déposée au boulot, il a décidé de venir me chercher tous les matins pour m’emmener au travail. C’est pour que je sois plus à l’aise, les taxis tous les jours c’est pas le pied. 
Mes collègues de travail l’ont repéré dès le premier jour et me questionnent souvent sur lui et notre pseudo couple. 
Si seulement elles savaient…
Je souris en réponse à sa question parce que je sais qu’elle ne va pas croire en ma réponse, et l’écoute me parler des chansons qui constituent sa play-list.
Nous arrivons chez son amie, une congolaise assez corpulente mais avec un très beau visage qui après les présentations, nous invite dans son salon, spacieux et très convivial, décoré avec bon goût, dans les tons beiges, marrons foncés et bordeaux. 
Des vêtements sont posées sur l’un des deux canapés bordeaux qui se font face ainsi que sur la petite table basse qui se trouve au milieu et femme est en train de sélectionner des vêtements

-Les filles, je vous sers quoi, du jus, de l’eau, une bière ?
-Non Natasha, c’est gentil ma chérie mais on va seulement faire vite, faut encore aller s’occuper du mari, de la maison, et tout et tout… Répond Elodie en s’asseyant sur une des places que nous fait Natacha, sur le canapé précédemment remplit de vêtements.
-Humm vraiment, je vais préparer le repas après. Bon, tu sais déjà comment faire, regarde, si tu vois quelque chose qui te plait en plus de ce que tu as mis de côté et on s’arrange après
-Okay
-Natacha, le haut la est à combien ? Demande la femme qui se trouvait là avant nous

Je sens Elodie se raidir, puis je la vois couler un regard noir vers la femme. Elle attrape ensuite un vêtement qu’elle examine devant elle et mumure un “ elle a digba ventre mais c’est encore elle qui veut mettre les serré-serré”. 
Je comprends qu’elle a apprécié le haut que la femme examine, et espère qu’elle ne le prendra pas. Ce qui est le cas. Elle finit même pas partir cinq minutes plus tard.

Je ne pensais pas regarder les vêtements proposés parce qu’ils ne correspondent pas à mon style mais, il y a vraiment de belles pièces, qui valent la peine d’être regarder. Le petit plus des vêtements vendus par Natacha est qu’ils sont pour les femmes “ plus ou moins pulpeuses”. 
Si j’assumais un peu mes formes j’aurais probablement pris cette jupe trapèze orange. Elle est pas trop courte et je ne pense pas qu’elle me moulerait au niveau des fesses.

-Mayéla, regarde le haut là et cette jupe en cuir, c’est top hein? Crie Elodie, surexcitée. Ca là, tu mets ça lors d’une petite soirée en amour avec ton gars, mais il va BIIIEN te manger !

J’écarquille mes yeux au possible pour mieux voir la tenue qu’Elodie, qui s’est entre temps mis en tête qu’elle devait me trouver une tenue sexy pour mon homme, me propose et retiens un cris de surprise. 
Mais elle est complètement folle, moi Mayéla porter une tenue pareille ? JA-MAIS-DE-LA-VIE, ni même de l’au-delà !
Je passerai pour… Je n’ose même pas imaginer pour quoi je passerai. Je ne peux pas porter une tenue pareille !
E voilà Natacha qui la rejoint dans son trip. Les deux dames sont tout bonnement en train de s'extasier sur la tenue !

-Tu as bien vu Elodie, et j’ai une petite veste bi-matière noir qui pourrait aller avec. Ajoute Natacha. Attends, je vais chercher ça

Non, non, non mais… JE NE PORTE PAS CE GENRE DE VÊTEMENTS, CE N’EST PAS MON STYLE. 
Moi c’est le noir oui, mais large pour les hauts qui s’arrêtent après les fesses de préférences, et pas trop des pantalons pas trop serrés qui affinent la taille. ai-je envie de leur dire

-C’est le seul exemplaire que j’ai et en plus, c’est ta taille ! Lance Natacha en revenant. Essaie !

Malgré moi j’essaie la veste, et constate avec effroi qu’elle me va.
Mais je ne vais jamais la mettre, elle s’arrête avant les fesses.

-Non mais, avec la jupe et le haut, si tu trouves une belle paire de sandales, ton gars va avoir peur dans Brazza ! Rit Natacha en tapant dans la main d’Elodie

Je m’apprête à leur dire que je ne prends ni la veste, ni le haut et encore moins la jupe quand mon téléphone sonne et affiche le prénom de Shomari, enfin Ari. 
Je comprends pas pourquoi il trouve son prénom lourd, moi je trouve sympa et très viril, mais bon.
Je m’excuse auprès de Natacha et Elodie puis vais répondre en me mettant un peu à l’écart

-Salut
-Salut, ça va ?

Je remarque qu’il a la même petite intonation que ce matin quand il m’a appelé pour me prévenir qu’il ne viendrait pas. Cette petite intonation qui m’informe qu’il n’est pas bien. Quand je lui ai posé la question ce matin, il m’a dit qu’il avait eu un week-end étrange, sans plus. Je ne voulais pas le forcer à me parler et de toute façon, nous ne sommes pas encore au stade où nous parlons de “vraiment tout”. En bientôt un mois de co-voiturage, si je peux dire, on ne s’est échangé que des banalités sur nos boulots respectifs, nos horaires, nos réunions, nos ambiances de travail. Que des trucs bateaux pour meubler le silence qui commence bien souvent par le genre de discussion que nous sommes en train d’avoir. 

-Moi très bien, c’est plutôt à toi qu’on devrait poser la question. Tu vas mieux ?
-....Euh ouais, ça va mieux ouais. Merci de demander. J’ai pas pu répondre à ton message tout à l’heure mais, oui ta pochette était rester sur le tableau de bord, tu la récupèreras demain

J’ai un sourire penaud qui étire le coin de mes lèvres

-Tu viens me chercher demain ? Faut pas te sentir obligé
-Je ne me sens pas obligé. A demain, Mayéla, passe une bonne soirée
-A demain Ari

Je raccroche et ai à peine le temps de faire un pas vers les filles qu’Elodie, m’interpelle

-Natacha, tu vois ce sourire bête-bête là, c’est le sourire des débuts, quand il t’appelle encore pour troubler tes oreilles, avec les belles phrases là. 
-Mais non, pas du tout
-C’est ça. Bon règle Natacha, on va quitter ici. 

Quoi ? Non , mais je ne prends pas la tenue. Je ne la prends pas !
Je la prends ?