chapitre VII

Write by EdnaYamba

Chapitre 7

Harry NDONG OSSAVOU

Je rouvre le dossier SOUNA, encore.
Il y a ce nom : Nziengui Gaspard, président d’une association caritative. 27 ans. Aucune trace d’un parcours classique, ni sur les réseaux, ni dans les fichiers fiscaux. Pas de compte bancaire professionnel, pas d’antécédent administratif.

Fantôme administratif.

Et ce même nom est apposé sur un acte de cession de 35 millions.

Intrigué, je prends mon téléphone et j’appelle un contact aux greffes du tribunal.

-         Allo, oui comment vas-tu Maitre ONDO ? j’ai besoin de tes services s’il te plait. Je cherche des informations sur un dénommé Gaspard Nziengui ? j’aimerai savoir si son casier judiciaire parle ou est muet ? je reste à l’écoute merci

Je raccroche.

Quelques minutes plus tard, je reçois un mail de mon contact que j’ouvre. Les informations sont pauvres.

Un dossier classé sans suite pour recel. Trop vague. Mais un détail retient mon attention.

Adresse de correspondance : Belle-Vue II.

Je connais cette zone. Quartier en ruines. Repère de trafics en tout genre.

Je poursuis. Je consulte les relevés de transfert associés à l'achat.
Et là, une autre anomalie.

Destinataire du dernier virement : M.E. consulting Services – Lomé (Togo).

M.E ?
Deux lettres qui me ramènent en arrière.
Deux lettres qui me parlent comme un murmure dans le noir.

Marcus Ebang.

Je fais une recherche rapide. Le nom complet n’apparaît pas.
Mais je sais lire entre les lignes.

Société écran. Domiciliation à l’étranger. Transferts fractionnés. Tout y est.

Mes recherches sont interrompues par un appel de Nguemaing, un client dont je dois défendre le dossier au tribunal demain

 

Victoria LECKA

Se rapprocher d’Harry.
L’espionner.
Voler les documents en lien avec Souna.

La mission la plus dangereuse de ma vie. Je ne sais pas par où commencer.
Et puis les mots me reviennent, clairs comme un écho :
« Si vous avez besoin d’aide, pour quoi que ce soit. Ma porte vous est ouverte. »

Il m’a laissé une porte ouverte.
C’est à moi d’y entrer.
Mais ce n’est pas une simple pièce. C’est un homme. Et je redoute ce que je pourrais y découvrir.
En lui.
En moi.

-         Tu restes encore, Victoria ?

Je me retourne. Marc-Antoine et Étienne sont déjà prêts à filer manger. Costumes défaits, sacs à l’épaule, visages détendus.

-         Je veux jeter un œil aux archives. Voir si je peux trouver quelque chose d’utile pour le dossier confié par maître NDONG.

-         On comprend pourquoi t’es sa préférée, lâche Marc-Antoine avec un clin d’œil complice à Étienne.

-         Je suis là pour apprendre, pas pour être sa préférée.

Mensonge.

Je veux apprendre, oui. Mais pas que.
Je veux trouver ce que Marcus cherche. Je veux fouiller, avant qu’il ne me pousse à faire pire.
Je veux comprendre pourquoi ce dossier l’intéresse à ce point. Et pourquoi je sens que tout est lié.
Souna. Marcus. Harry.

Les lumières du cabinet sont tamisées, les couloirs presque vides. Je veux descendre à l’étage inférieur, là où les anciens dossiers dorment dans des armoires métalliques qui grincent quand on les ouvre.

Clarisse surgit dans le couloir, paniquée.

Zut, mission échouée pour aujourd’hui. Tout le monde n’est pas encore parti ! c’est trop dangereux.

-         Victoria ! J’ai une urgence au hall. Tu peux apporter ça à maître NDONG ?

Un paquet scellé.
Je hoche la tête, le prends. Prétexte idéal. Porte ouverte.

Je frappe deux fois.

-         Entrez !

Il est au téléphone, la voix grave, assurée.

-         L’audience est à 14h30 demain. Oui, monsieur NGUEMAING, gardez votre sérénité. Je ne compte pas vous abandonner. Vous méritez que le droit soit lu en votre faveur. À demain.

Il raccroche.
Nos regards se croisent. Il semble surpris. Mais pas agacé.
Pas fermé.
Presque… bienveillant ?

-         Victoria ?

Garder le contrôle. Toujours garder le contrôle.

-         Clarisse m’a demandé de vous apporter ceci. Elle a dû descendre en urgence.

Je tends le paquet. Nos doigts se frôlent. Il ne retire pas la main tout de suite.

-         Merci, dit-il, sincère.

Je devrais tourner les talons. Mais quelque chose me retient.

-         Je voulais m’excuser pour l’autre jour. Vous vous êtes inquiété pour moi… Pour ma main. C’était… inhabituel.

Un sourire naît sur ses lèvres.

-         Inhabituel ?

C’est la première fois que je le vois sourire sans Tia dans la pièce.
Un sourire qui lui va trop bien.

Je sens une chaleur étrange naître sous ma peau.

– Victoria, dit-il enfin, vous voulez assister à une audience avec moi ?

Le cœur me tombe dans l’estomac.
Il m’ouvre une autre porte. Une que je n’ai pas prévue.
Pas dans mon plan.
Pas dans mon cœur

Je hoche la tête. Un « oui » discret, presque arraché à mes lèvres.
Il me regarde comme si ma réponse avait de l’importance.
Trop d’importance.

Harry NDONG OSSAVOU

Elle accepte.
Pourtant, ses yeux cherchent déjà la sortie, comme si un loup attendait derrière la porte.
Qu’est-ce qu’elle craint ? et pourquoi nait en moi, ce sentiment protecteur?

Je sens encore sa chaleur dans mes doigts après son départ.

                                                       ***

Victoria LECKA

Il est là, face au juge, calme et tranchant. Il porte la robe noire avec élegance et pretance.
Je le regarde plaider, et je comprends pourquoi les autres l’admirent autant.

Sa voix porte, mais demeure mesurée.
Chaque mot tombe avec justesse.
Il parle pour faire éclater ce qu’il croit juste. Et c’est peut-être ça, le plus déstabilisant.
Il y croit.
Il y croit encore.

J’ai mal de penser que je vais devoir le trahir. C’est plus fort que moi, je ne peux pas laisser tomber Anna.

À la fin de l’audience, il remporte la partie. Son client blanchi, heureux se fond en remerciements. Je reste admirative de ce que je découvre de lui. Un épris de justice.

J’ai presque honte d’être ce que je suis. Je n’ai pas le droit d’être là. Je veux me fondre dans la masse. Fuir.

Il sort, me cherche du regard. Chaque regard qu’il pose sur moi fait tomber les murs.
Nos yeux se croisent.
Et quelque chose se brise doucement.
Ou se crée.

-         Vous êtes là !

Il a l’air rassuré.

-          Et alors ? avez-vous appris quelque chose ?

-         Impressionnant.

Il hoche la tête. Nous sortons du tribunal côte à côte.

Je m’entends dire :

-          Vous étiez… juste.

Le mot sort tout seul. C’est le sien. Sa marque.
Et il me regarde d’un autre œil.
Comme si je venais d’entrer dans un lieu secret.

Dehors le temps s’est assombri. Le ciel gris menace de pleurer tandis que le vent souffle violemment.

-         Vous n’avez pas froid ?

Je secoue la tête.

Il ne parle plus. Moi non plus. Mais le silence est doux, cette fois. Intime.
Nous nous arrêtons devant sa voiture.

-         Je vous dépose !

J’hésite. Je ne peux pas l’emmener à Belle-vue. L’ombre de Marcus plane. Je ne sais pas encore ce qu’il lui veut. Mais je ne peux dire non. Il saura que je fuis.

Je trouve une alternative. Mentir encore une fois.

J’ai mal de penser que je lui mens.

Je lui dis que je vis à AKEBE.

Dans le SUV, la radio diffuse une émission de musique. Puis l’intermède est marqué par la publicité. Quand les animateurs reviennent, ils parlent du magazine People ‘’OK GABON’’. Un magazine anonyme à scandale. C’est ce magazine qui avait révélé la relation entre Tia Jackson et Peter SIMA. Tout le monde cherche qui est la rédactrice derrière ce magazine.

-         Elle a le don pour dévoiler les amours secrets. Commente-t-il.

-         Pour ceux qui en ont.

-         Vous n’avez pas d’amoureux Victoria ?

La question me surprend. Elle me déstabilise sur le coup.

-         Non.

Inutile de m’étendre plus sur le sujet. Il me jette un regard furtif avant de se concentrer à nouveau sur la route.

Il s’arrête devant ce que je mens être mon immeuble.
Le moteur tourne encore.

Je m’apprête à sortir.
Il me devance :

-         Victoria.

Je me tourne.
Et son regard me cloue.

Il ouvre la bouche, puis hésite. Il cherche ses mots.

-         Est-ce que je vous mets mal à l’aise ?

Ma respiration se bloque. Je devrais mentir.
Dire non. Ou fuir.

Mais je souffle :

-         Vous me troublez.

Il baisse les yeux vers moi et murmure :

-         Vous aussi.

Il se penche légèrement. Ce n’est pas un geste brusque.
Je ne bouge pas. Ses lèvres frôlent les miennes. C’est un effleurement.
Mais tout bascule. Mon cœur cogne.
Mes paupières se ferment.
Puis il vient, ce deuxième contact inévitable, plus franc mais timide.

Un premier baiser.

Je recule légèrement. Nos fronts se touchent.

Il murmure :

-         Bonne nuit, Victoria.

Je sors sans un mot. La fièvre sur mes lèvres.

Harry NDONG OSSAVOU

Elle referme la portière.
Et je reste là, les mains crispées sur le volant et le cœur en vrac.

Ce baiser…
Je n’ai pas prévu ça.

Et ce trouble que je vois dans ses yeux…
Je crois que je ne suis pas le seul à tomber.

Clic.

Je regarde mon téléphone. C’est un message de Manuela.

« J’ai appris pour le procès. Félicitations chéri. J’ai pris une bouteille. Je suis chez toi ne me fait pas attendre ! »

               
JUSTICE ET AMOUR TOM...