CHAPITRE XII : Le droit de t'aimer

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Dean en se réveillant après une nuit agitée, constata que Andréa était depuis longtemps sortie. Consultant son réveil, il poussa un juron sonore et se précipita à la douche.

Il avait vingt cinq minutes de retard à son arrivée à Millenium@. Tous ses collaborateurs se trouvaient déjà installés pour la réunion qui dura quatre heures d’horloge.

Aussitôt qu’il pénétrât dans son véhicule, Dean posa sa tête sur son dossier et inspira profondément avant de démarrer. Pris dans les embouteillages, il ne put atteindre l’hôpital où était hospitalisée sa belle-mère que deux heures plus tard ; il était d’une humeur massacrante.

Il vit d’abord la vieille gouvernante des Kéty. Elle vivait avec eux depuis la naissance d’Andréa et était considérée comme un membre de la famille. Ses yeux rougis et gonflés par les larmes, ne le rassurèrent pas.

- Elle est tombée dans un coma profond il y a une demi-heure, annonça la gouvernante.

Il vit ensuite son beau-père et le regard douloureux de ce dernier lui fut insoutenable.

- Avez-vous pu parler au médecin ? demanda-t-il lorsqu’il fut un moment seul avec son épouse.

- Oui on a fait certaines analyses et les résultats ont été donnés il y a juste une demi-heure. Ses vertiges et ses maux de tête cachaient en fait un cancer.

- Un cancer ?

- Oui, elle a une tumeur au cerveau. Le mal évolue à une allure effroyable. Le cerveau est, chaque jour qui passe, de plus en plus compressé. Tu sais, j’avais remarqué depuis quelques temps qu’elle se fatiguait mais je croyais cela dû à son âge. Ils l’ont rasée Dean. Tu imagines ? Elle est aussi blanche qu’un linge. Que vais-je devenir sans elle ? S’interrogea la jeune femme en éclatant en sanglots.

Dean l’entoura de ses bras et murmura :

- Andréa, je suis là. Tu peux compter sur moi. Pense aussi à ton père ; il te faut être forte pour le soutenir dans cette épreuve. Ta mère a-t-elle une chance de s’en sortir ?

- Non, aucune, répondit-elle en secouant la tête. Ce n’est plus qu’une question de temps, quelques semaines, trois mois tout au plus.

Accablé, Dean sentit son cœur se serrer. Tandis que de longs sanglots secouaient les épaules de sa femme, un grand sentiment de culpabilité le prenait à la gorge. Il se sentait coupable de n’avoir pas tenu le serment de fidélité et d’assistance fait à Andréa le jour de leur mariage.

Alors que les larmes d’Andréa s’apaisaient, il essayait de toutes ses forces de repousser l’image de Cora qui ne cessait de s’imposer à lui. Il se jura intérieurement de soutenir sa femme, d’être à ses côtés, et cela malgré toutes les souffrances que cette décision lui imposerait, car en dépit de tout il devait s’avouer que Cora était la femme de sa vie. Mais abandonner celle qu’il avait choisie comme épouse dans une épreuve aussi douloureuse serait faire preuve d’égoïsme et d’insensibilité.

 

Une fois de plus, Cora évita de répondre à l’appel téléphonique de Steve. Sa mère inquiète n’arrêtait pas de se demander ce qui a bien pu se passer entre ce dernier et sa fille. Mais elle n’osa pas encore lui poser la question.

Cora, après avoir attendu en vain un signe de Dean décida de lui faire une surprise et se rendit dans son bureau à l’heure de la pause. Il s’apprêtait à aller déjeuner lorsque sa secrétaire lui annonça l’arrivée de la jeune fille. Il lui demanda de l’introduire en redoutant la réaction de la jeune fille à ce qu’il allait lui annoncer. Il était conscient qu’il fallait mettre un terme à leur toute nouvelle relation.

- Bonjour Dean, lança-t-elle en pénétrant dans le bureau.

- Salut Cora, assieds-toi, stoppa Dean alors qu’elle contournait le vaste bureau afin de l’enlacer. A ces mots, elle s’arrêta dans son élan et le considéra d’un air étonné.

- Nous devons discuter tous les deux de la dernière fois.

- ça y est, tu as des remords, n’est-ce pas ? Soupira Cora en se laissant tomber dans le siège en face du bureau.

- Ce n’est pas ce que tu crois. Es-tu au courant de la maladie de la mère d’Andréa ?

- Oui, les parents sont partis lui rendre visite. Mais je ne vois pas le rapport.

- Cora, je ne voudrais pas te faire du mal. Je t’aime trop pour cela. Mais il se trouve que ce qui s’est passé entre nous la dernière fois ne doit plus jamais se répéter, dit-il en essayant d’ignorer la douleur qui lui étreignait le cœur.

- Dean, je ne te crois pas. Tu ne peux pas me dire que ces moments-là ne comptent pas pour toi. Tu n’es pas sérieux n’est-ce pas ?

- Je le suis ! Andréa a plus que jamais besoin de moi et je n’ai pas le droit de lui tourner le dos.

- Ne sois pas cruel Dean, je t’en supplie.

- Cora, s’il te plait, ne rends pas cette discussion plus pénible encore. Je ne peux pas abandonner Andréa dans ces moments. C’est cela qui serait cruel.

- Tu es ignoble !

- Tu es jeune Cora. Tu oublieras très vite ces moments d’égarement, et bientôt je ne serai plus qu’un souvenir pour toi.

- Je t’aime Dean et tu l’as toujours su. Ne me rejette pas, je ne le supporterai pas, s’écria Cora en se levant. Tu n’as pas le droit de nous sacrifier. Je ne le souhaite pas mais la mère d’Andréa va peut-être mourir, mais crois-tu que ce soit une raison pour me rejeter ? Je croyais que tu m’aimais aussi.

- Bien sûr que je t’aime.

- Je ne veux plus de cet amour fraternel dont tu m’as entourée durant toute mon enfance. Je veux plus.

- Je ne peux pas t’offrir plus Cora, contra l’homme qui sentait son cœur saigner. Je tiens énormément à Andréa.

- Mon Dieu, s’écria Cora, les yeux dégoulinant de larmes. Pourquoi Dean ? Pourquoi m’arraches-tu le droit de t’aimer ?

Il assistait, désespéré, à la douleur de Cora qui reflétait aussi la sienne. Mais il n’avait pas le droit de faire autrement.

- Je suis désolé Cora.

- Tu me fais souffrir Dean, et jamais je ne te le pardonnerai, dit Cora en se retournant.

- Cora… Attends ! S’écria Dean alors que celle-ci claquait la porte du bureau sous l’œil ahuri de la secrétaire.

En sortant dans la rue, il lui semblait que le monde était tout à coup différent, morne. Ce soir-là, elle se coucha sans dîner et sans avoir vu ses parents. En les rencontrant le lendemain matin, elle leur annonça qu’elle avait pris la décision d’avancer la date de son départ pour Abidjan et désirait partir dans dix jours.

- Mais Cora, il était prévu que tu partirais dans quatre semaines.

- Je sais maman, mais je voudrais prendre le temps de m’installer, de m’habituer au pays avant le démarrage des cours.

- Tu es sûre qu’il n’y a pas une autre raison, questionna son père.

- Oui.

- Peux-tu me le jurer, ma fille ? Je te sens différente, distante. T’es-tu disputée avec Steve ? Questionna Ali à son tour.

- Steve ? Mais non papa !

- Alors pourquoi ce brusque changement ?

- Ce n’est pas un coup de tête maman. J’ai longtemps mûri cette décision avant de vous en faire part.

- Nous ne pouvons pas nous opposer à ta décision. Si c’est ton désir, nous ne pouvons que nous y plier.

Les préparatifs pour son départ l’absorbèrent à tel point qu’elle vit à peine Steve. Mais elle devait aussi s’avouer qu’elle cherchait à l’éviter. Ils avaient en effet eu leur première dispute lorsqu’elle avait mis son ami au courant du changement de la date de son départ. Malgré les insistances de Steve, elle ne voulut pas changer de décision. Elle avait un instant pensé à lui dire qu’il fallait mettre fin à leur relation, mais la douleur que le jeune homme ressentirait l’empêchait de prononcer ces mots fatidiques.

Lorsque Steve lui rappela qu’ils avaient décidé de vivre ensemble aussitôt qu’ils auraient aménagé à Abidjan, la jeune fille se rebiffa. Tout en elle était bouleversé et vivre avec lui tandis qu’elle avait conscience de l’amour qu’elle portait à Dean était au-dessus de ses forces. Celui-ci, averti par sa mère du départ imminent de Cora, vint plusieurs fois à la maison paternelle. Mais Cora refusa à chaque fois de le rencontrer. Après une visite faite à deux jours du départ de la jeune fille, il se résigna lorsqu’il aperçut Cora s’échapper par la porte de derrière. Il se rapprocha de sa mère qui était à la cuisine.

- Comment se porte ta belle-mère, s’enquit Cadia en l’arrachant à ses pénibles réflexions.

- Son état est stationnaire, mais elle semble condamnée. Elle n’en a plus pour longtemps. Quelques mois tout au plus selon les prévisions médicales.

- Andréa tient-elle le coup ?

- Mieux que son père en tout cas. Le pauvre homme est désespéré.

- C’est normal. Voir la personne aimée mourir à petit feu est horrible. Et toi avec Andréa, tout va bien ?

- Tout se passe bien maman, ne t’inquiète pas, mentit Dean. Il sentait en effet sa jeune épouse s’éloigner de plus en plus de lui.

Il prit congé de sa mère après avoir en vain attendu le retour de la jeune fille. Il se rendit au bureau. Après avoir travaillé durant deux heures, il se rendit à l’hôpital. En arrivant dans la chambre de la malade toujours dans un état comateux, il trouva le médecin traitant et son épouse en pleine conversation. Celle-ci éclata de rires et il se rendit compte qu’il y avait bien longtemps qu’il n’avait plus entendu le rire perlé de son épouse. Le médecin lui fit écho. Il perçut entre eux une forte complicité. Il savait qu’il devait en éprouver de la jalousie, mais cela le laissait presque indifférent.

- Vous avez l’air de bien vous entendre, remarqua pourtant Dean après le départ du médecin.

- Oui, il est si attentif et il fait de son mieux pour soulager maman.

- Il est peut-être amoureux de toi, plaisanta Dean guettant la réaction de sa femme.

- Mais non, il est simplement courtois.

- Je n’ai pas encore vu ton père.

- Il est parti mettre de l’ordre dans ses affaires. Il a tellement négligé les restaurants ces derniers temps. Je crois que cela lui fera du bien de respirer de l’air. Les hôpitaux l’ont toujours stressé.

- Toi aussi il y un moment que tu n’es plus allée dans le tien. Tu devrais y faire un tour.

- Tu sais bien que j’ai une directrice commerciale très compétente et qu’elle peut se passer de moi quelques jours encore.

- Tu ne sors presque plus de cet hôpital. Accorde-toi quelques heures afin de te détendre. Ta mère restera sous la surveillance des infirmiers. On donnera des ordres précis afin qu’on ait toujours un œil sur elle et s’il y avait la moindre modification de son état.

- Merci pour ta sollicitude. Le médecin m’en a parlé juste avant ton arrivée. Il m’a alors invitée à déjeuner tout à l’heure. Cela ne te gêne pas j’espère.

- Non ! Répondit son mari laconique.

Si Andréa éprouva de la peine face à l’attitude dégagée de son mari, elle n’en laissa rien paraître, mais elle ne put une fois encore douter de ses sentiments à son égard.


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