Chapitre XIV

Write by EdnaYamba


Chapitre 14

 

Harry NDONG OSSAVOU

Je retrouve Aaron dans un café discret de la ville, à l’abri des oreilles curieuses. Il m’attend, les bras croisés, son ordinateur ouvert devant lui.

-          T’en as mis du temps, mec. J’ai cru que tu me posais un lapin.

-          J’avais la tête ailleurs. Dis-moi que t’as du concret.

Aaron tape rapidement sur le clavier, puis pivote l’écran vers moi.

-          Regarde ça.

La vidéo est floue. On y voit une silhouette agile s’introduire dans une cour privée. Elle force une serrure avec dextérité. Le tout ne dure pas plus de cinq minutes. C’est la résidence Souna la nuit du vol. On ne voit pas le visage, évidemment. Elle sait comment éviter la camera.

Je regarde la silhouette. Quelque chose dans sa démarche me serre le ventre. Un détail presque imperceptible. Je sens un frisson glacial me remonter l’échine.

-          Tu as une idée de qui c’est ? Demande Aaron.

Je garde le silence quelques secondes.

-           Non. Pas encore.

Aaron me dévisage.

-          Tu fais une drôle de tête. T’as reconnu quelqu’un ?

-          J’ai dit non.

-           Harry…

-          Continue !

La vidéo se poursuit et quand le malfaiteur doit s’échapper par la fenêtre. La main qui éclate le verre de la fenêtre… La main gauche…Le Bandage de victoria à gauche.

Non c’est une coïncidence… Je Quitte Aaron sans lui livrer mon trouble. Il faut avant tout que je confronte Victoria.

16H20. Cabinet Jackson. Victoria n’est toujours pas là.

J’envoie un message.

« Où es-tu chérie ? »

Encore un appel qui tombe sur sa messagerie.

Désespéré ? j’en ai bien l’air.

Mon humeur est graduellement exécrable. Aussi exécrable que le temps qui s’assombrit. Les heures s’enchaînent, et je n’ai toujours pas de réponses. Avec la pluie, je peine à me concentrer sur quoi que ce soit.

Elle m’a dit qu’elle vit à AKEBE. Mais Akébé, c’est un foutu labyrinthe. Même si je retourne là où je l’ai déposée l’autre soir, je ne suis pas sûr de la retrouver. Et je ne peux pas me pointer comme un con, sous la pluie, sans savoir quoi dire.

Merde !

-          Il parait que c’est l’orage ici, et je ne parle pas que du temps. Me dit Tia en apparaissant.

Je soupire.

-          Je ne suis pas disposé à tes piques aujourd’hui !

-          Ouh la, cherchons des parapluies et mettons-nous à l’abri. Il est en colère !

Elle se moque. Elle entre comme à son accoutumée sans se soucier que l’invite ou pas et s’assoit en face de moi.

-          Qu’est-ce qu’il y a ?

Je serre la mâchoire. Je pourrais lui dire que rien que tout va bien. Mais je la connais. Elle ne lâchera pas.

-          Victoria n’est pas venue ce matin. Elle est injoignable et introuvable.

-           Et tu t’inquiètes ? Demande-t-elle, les sourcils haussés.

Je lui lance un regard noir.

-          Ok, ok. Pas touche au sujet sensible.

Elle me scrute silencieusement et longuement. Puis d’une voix douce :

-           Tu tiens à elle, hein ?

Je ferme les yeux un instant. Je ne réponds pas.

Elle se lève et s’approche. Elle pose une main sur mon épaule, légère et fraternelle.

-          Tu penses qu’elle a fugué ? Qu’elle est en danger ? Ou qu’elle t’évite ? Dit-elle enfin, posément.

Les trois à la fois, probablement.

-          Je ne sais pas. Je sais juste qu’elle n’a pas disparu sans raison.

-          Et tu n’as aucun moyen pour la joindre ?

Je secoue la tête. Tia soupire.

-           Qu’est-ce que tu veux faire ?

Je fixe la pluie contre les vitres, les mains jointes sous mon menton.

-           Je vais aller à Akébé. Là où je l’ai déposée.

-          Akébé ? Je croyais qu’elle m’avait dit Belle-Vue Ii la dernière fois…Ou j’ai mal compris ?

Je ressens au même instant un profond malaise, comme une intuition. Le vol chez les Souna…Le bandage à gauche…Le quartier Belle-vue… L’absence ce matin…Je me précipite sous le regard ébahi de Tia vers le coffre-fort. Tout semble normal, puis mon sang se glace.

Le dossier, le dossier a été consulté. Je vérifie. Deux actes ont disparu.

Tia qui m’observe s’avance.

-          Un souci Harry ?

Je me redresse lentement, referme le coffre.

Tia est derrière moi maintenant.
Ses yeux cherchent les miens.

-          Harry ?

Je me retourne, calme en apparence.

-           Non… Rien. Juste un doute sur un classement.

Elle plisse les yeux. Elle semble peu convaincue.

-          Tu es sûr ?

-          Absolument.

Elle hoche lentement la tête. J’évite son regard.

-          Bon… Je vais te laisser, alors. Ne fais rien sans avoir réfléchi !

Je ne réponds pas. Elle s’en va, non sans un dernier regard. Quand la porte se referme, le silence retombe brutalement. Je m’assieds, les coudes sur les genoux.
Deux actes notariés ont disparu.
Victoria ne vient pas au cabinet.
Elle a menti sur son adresse.
Quelqu’un a eu accès au coffre. Mais… Pourquoi ? Pour qui ? Je pense à Marcus.
Et soudain, je comprends. Victoria n’est pas seulement brillante, secrète et troublante. Elle est aussi peut-être... un pion ou une bombe. Et je l’ai laissée entrer.

 

VICTORIA LECKA

20H. Il tombe des averses sur la ville comme il pleut dans mon cœur.

Je regarde Anna qui range ses affaires, Gaspard debout l’attend. Je peux encore la dissuader une dernière fois de prendre ce risque. Ma Léontine et son mari sont absents. C’est le seul moment où Gaspard peut avoir accès à la maison.

-          Vous n’avez pas à fuir, je murmure.

Ils se figent.

-          On peut le piéger. Marcus. Tous ensemble. On peut retourner la situation.

Gaspard lâche un rire sec.

-          T’as perdu la tête, Vicky ? Ce type, c’est pas un dealer de quartier

-          Je le sais. Tu crois que je l’ignore ? Mais j’ai vu ce qu’il cache. J’ai des noms, des montages, des comptes, des documents signés. J’ai vu plus en une nuit dans ce coffre que dans toute ma vie à fuir.

Anna secoue la tête.

-           Et tu comptes faire quoi ? Aller à la police ? Ton Harry est avocat, pas magicien. Et Marcus a des taupes partout. Tu crois qu’on s’en sortira mieux en jouant les héroïnes ?

Je respire lentement. J’ai déjà pensé à tout ça. Dix fois. Mille.
Et pourtant…

-          Non. On ne va pas à la police. Pas encore. On lui fait croire qu’on est toujours ses pions. On le laisse croire que je vais récupérer ce qu’il veut. Mais cette fois, je glisse ce qu’il faut dans le dossier. Une signature falsifiée. Une clause qui le relie à tout. Un document de trop. Et pendant qu’il se compromet, on déclenche l’enregistrement. On le piège. Avec preuves. Avec témoins.

Ils se regardent. Longuement.
Je sais ce que j’ai dit est fou. Mais c’est la seule chose qui me tient debout.

Anna hésite.

-          Et si ça dérape ? Si Marcus sent le piège ?

Je baisse la voix.

-          Alors on court. Mais cette fois, avec des preuves. On balance tout à Harry. Lui seul pourra les faire valoir. Il est droit, mais pas naïf.

J’espère qu’il pourra encore me faire confiance. À cette heure, il doit déjà se rendre compte de mon forfait. Je sens sa déception jusqu’ici.

Il est tard dans la nuit quand je me décide enfin à allumer mon téléphone.

De nombreux appels en absence d’Harry, des collègues du cabinet, et même de Tia.

Dans la messagerie, deux messages :

« Où es-tu chérie ? »

Mon cœur se serre.

« Pourquoi ? »

C’est sûrement le message après la découverte de ma trahison.

 

JUSTICE ET AMOUR TOM...