
Chapitre XIII
Write by EdnaYamba
Chapitre 13
Victoria LECKA
Le silence du cabinet me colle à
la peau. Un silence dense, trop dense. J’ai passé le badge que j’ai réussi à
dérober à Clarisse en journée. J’ai désactivé l’alarme grâce au code de
maintenance. Cinq chiffres. Juste cinq chiffres, et me voilà ici. À quelques
pas du bureau d’Harry. Il est presque minuit. Je ne devrais pas être là.
Le couloir semble plus long que
d’habitude.
Je n’ai pas croisé un chat. Pas
même le veilleur de nuit.
Marcus s’est occupé de tout. Le
bureau d’Harry est au fond. Ma main tremble légèrement quand je l’effleure. Je
pousse la porte.
La pièce est plongée dans
l’ombre. Seule la lumière de la ville filtre par les stores, zébrant le parquet
d’un quadrillage froid. Je referme derrière moi. Le parfum d’Harry est encore
présent dans la pièce.
Je m’arrête un pincement au cœur
devant l’écriteau : RIEN N’EST PLUS BEAU QUE DE RENDRE JUSTICE.
Allez Victoria, du courage !
Mon regard parcourt la pièce, sur
le bureau, un ordinateur éteint, quelques dossiers empilés, un cadre retourné.
Je sais où chercher. La dernière fois que je l’ai vu consulter le dossier
Souna, il l’avait glissé dans le coffre. Je m’avance. Je sens ma gorge se
serrer. Je sors discrètement la fine tige de métal. Encore ce réflexe ancien,
appris avec Gaspard.
Un clic.
La serrure cède. À l’intérieur,
plusieurs classeurs. Je reconnais celui-là : dos noir, étiquette blanche,
écriture nerveuse. Souna – transactions / annexes persos.
Je m’installe sur le fauteuil
d’Harry. Soudain, j’ai l’impression qu’il est là, juste derrière moi, qu’il
m’observe et souhaite voir jusqu’où ira ma trahison.
Pardonne-moi Harry !
Je n’ai pas le droit. Mais
j’ouvre le classeur. Rapidement, je feuillette. Actes de vente, documents
notariés, une lettre de Maître Nzaou, un plan du projet immobilier avec des
annotations au stylo. Là. Une série de pages annotées. Signature de Maître
Alevina. Cachet d’une société-écran.
Et il est là le papier qui
intéresse Marcus. Les papiers sur les transactions de 2022.
Mes yeux butent quand sur un
autre document, je vois le nom d’Anna, de Gaspard et ….V.
V ?
Je suis dans ces documents !
Je photographie chaque page avec
mon téléphone rapidement. Les mains moites, les yeux qui brûlent.
Soudain, un bruit.
Je retiens ma respiration. Le
cœur au bord de l’explosion. Je coupe la lampe torche de mon téléphone.
Silence.
C’est peut-être un courant d’air.
Un meuble qui travaille. Ou alors… quelqu’un. Je me lève. Rangement rapide. Je
remets tout en place. Le classeur. Les documents. Je verrouille. J’efface mes
empreintes du bureau avec la manche de mon sweat. Une dernière chose. Le cadre
retourné. Je le redresse. Une photo. Harry, souriant, bras autour de Tia. Et
derrière eux, floue… Je me reconnais. Je m’enfuis. Je viens de voler l’homme
que j’aime !
Je retrouve Anna et Gaspard qui
m’attendent là dans l’ombre. Anna angoissée ne cesse de tirer sur son pull.
-
C’est bon, tu l’as ? Demande Gaspard
Je hoche la tête.
-
Oui, allons-y !
Mes doigts tremblent encore de
peur devant ma découverte. Nous roulons dans la vieille carcasse de Gaspard. Le
trajet est silencieux.
Les rues défilent. Mes pensées échappent à mon contrôle, le visage d’Harry, son
parfum dans la pièce… Je serre chacune de ces preuves.
Le tribut est trop lourd.
Quand nous garons, j’étale les
preuves sur mes genoux.
-
Anna, ton nom, celui de Gaspard, vous êtes là
sur les documents de 2022. Des actes de vente, des transferts de fonds, des
signatures. Vous avez été utilisés comme prête-noms comme pions
Elle devient blême.
-
Je... Je ne savais pas ce que je signais.
C’était juste des papiers… Marcus a dit que c’était temporaire, pour l’aider…
-
Tu lui as fait confiance ?!
Ma voix se brise. Je tente de me calmer.
-
Il nous tenait. Réplique-t-elle
-
Comme il nous tient encore ! Il faut qu’on
trouve une solution !
-
Assez, Vicky. Tu prends tous les risques. Il
faut arrêter. Intervient Gaspard nerveux.
-
Parce que vous avez une autre solution,
vous ?
Ma voix est sèche. Marcus nous a
utilisés comme des pions sur son échiquier. Un silence glacial s’installe entre
nous. Anna le brise.
-
De toutes façons, tout ceci import peu désormais.
Elle ne semble pas comprendre. Et
ça m’irrite. Puis je vois sa main se poser sur son ventre.
-
Tu … Tu … Es…
-
Enceinte Vicky ! Termine-t-elle. Gaspard et moi avons décidé de
fuir !
-
Fuir ….Pour aller où ?
-
Anna, nous risquons tous la prison !
-
267667 Km2 est assez grand pour qu’on trouve bien un endroit quelque part
pour se reconstruire, nous et notre bébé.
Peut-on vraiment se séparer de
Marcus comme ça ? Cet homme est dangereux. Son danger est si présent qu’il
occulte la joie que je devrais ressentir à l’annonce de cette grossesse. Je ne
peux m’empêcher d’être anxieuse. Et même elle, elle n’est pas sereine. Gaspard
s’approche, pose une main sur son épaule. Il évite mon regard.
-
On ne veut pas te laisser tomber, Vicky. Mais on
ne peut plus rester. C’est fini. On veut une autre vie.
-
Vous croyez qu’il vous suffira de prendre un
train pour LECONI ou un bus pour LEBAMBA pour échapper à Marcus ? il vous
retrouvera toujours !
Je m’entends parler. Je me
déteste un peu. Mais je ne peux pas les laisser partir comme ça. Anna prend une
grande inspiration.
-
Peut-être. Mais je ne veux pas que mon enfant
grandisse dans la peur. Je ne veux plus être une pièce sur son échiquier.
Je détourne les yeux. Elle a
raison. Et pourtant… Elle se trompe.
Ils descendent de la voiture et
me laissent là, seule, les preuves avec moi. Dans ma poitrine se répand une
douleur insurmontable. J’ai volé l’homme que j’aime, je suis sur le point de
perdre la seule famille que j’ai, et je suis seule, au bord du précipice.
Harry NDONG OSSAVOU
Le matin, je suis debout avant le
réveil. Je suis pressé de la voir. Comme un gosse.
Et je suis… Heureux. Ridiculement heureux à l’idée de croiser Victoria.
D’échanger trois mots, un regard.
Le dossier Souna peut bien attendre.
6h50. Pas là.
7h30. Toujours rien.
Je vérifie mon téléphone. Rien. Pas d’appel. Pas de message.
8h15. Le doute s’installe. J’ai
un nœud au creux du ventre.
Mon pied bat nerveusement sous le bureau. Depuis des semaines, elle n’est plus
en retard. Jamais.
Je me lève, direction la salle de réunion.
-
Mademoiselle Lecka vous a-t-elle
prévenus de son absence ? Demandé-je à ses collègues.
Ils échangent un regard.
-
Non, Maître.
Je fronce les sourcils.
-
Vraiment ? Vous ne trouvez pas cela étrange ? Elle ne vient pas et personne
ne s’inquiète ?
Quelque chose cloche.
Et ce quelque chose porte son nom
14 h. « Retrouve-moi au lieu
indiqué, nous allons visionner la vidéo de surveillance » un message
d’Aaron.