Chapitre XVII

Write by Tiya_Mfoukama

Chapitre XVII 


« —Les chiffres sont bons, les chiffres sont très bons! Sourit mon père en se frottant les mains. Le partenariat et l'exclusivité sur six mois avec l’application “Ba dia” était une excellente idée Dylan. Les jeunes se sont rués sur nos téléphones ! 

—C’était un peu normal, ils aiment chiller, c’est à dire sortir et manger. Une application leur permettant de trouver un resto selon leur position tout en sachant qu’ils allaient pouvoir rencontrer d’autres jeunes et s’amuser, ça ne pouvait que marcher.
—Mais moi je n’aurais pas parié sur ces petits jeunes et leur application. Comme moi ! 
—Avec ça, il va falloir être beaucoup plus originale lors de notre prochaine compagne. D’ailleurs quand on est que tu penses communiquer sur « Shine » ?
—Je nous laisse encore trois mois. Mais je bosse encore sur une idée…. je préfère pas trop en parler pour le moment alors…
—Oui, oui, oui ! il fait en secouant la tête, un large sourire aux lèvres. Tu ne veux rien dire je comprends. Tu as raison ! Garde ça pour toi et épate moi comme tu sais si bien le faire !
—Ok. Bon, on a fait le point, je vais y aller à moins que tu aies quelque chose à rajouter ? je le questionne en me levant.
—Non. C’est bon pour moi. »

Tu m’étonnes que ce soit bon, je pense en sortant de son bureau. 
Les chiffres sont effectivement, bons, nos ventes ont augmenté de plus de 35% au dernier trimestre, mais c’était la résultante de plusieurs nuits quasiment blanches, de travail le week-end, de fatigue pour toutes mes épiques et moi-même. Je voudrais leur permettre de souffler un peu les prochains mois avant d’enchainer avec « Shine ». 
Pour l’heure, je leur ai donné à tous leur après-midi pour se reposer et je m’apprête également à en faire autant. 
Je range précipitamment mes affaires dans un des tiroirs de mon bureau puis prépare les clés de ma voiture et sors de là avec l’intention de me rendre chez Jesse.
Ça fait un petit moment que je ne l’ai pas vu. Il n’est pas un grand fan des téléphones et tout ce qui a trait à la connectivité mais il faisait au moins l’effort de me répondre quand je le bombardais de messages. Depuis un moment, il ne prend plus cette peine et à chaque fois que je veux le voir, il prétexte toujours une occupation de dernière minute pour annuler notre rendez-vous.
En début de semaine, je l’ai simplement informé que je passerai sans pour autant lui donner la date et l’heure afin d’être sur de le rencontrer.
Une demi-heure plus tard, je suis assis en face de lui sous la véranda et comprends mieux pourquoi il ne souhaitait pas que l’on se voit.

« —On peut savoir ce qu’il se passe ? je lui demande en m’enfonçant dans le canapé.
—Comment ça ?
—T’as l’air complètement out ! je constate surpris. Qu’est-ce qui ne va pas ?
—Rien. Tout va très bien. il me répond en dessinant.
—Donc l’air négligé, la barbe hirsute, et les poches sous les yeux , c’est pour le nouveau look que tu as choix d’adopter ?
—C’est exactement ça ! Je fais comme toi. il ajoute en caressant sa barbe… »

Je suis pas convaincu, il le comprend et ajoute après un silence :

« —J‘ai quinze chantiers, deux ouvriers à embaucher et je ne sais plus ou y mettre de la tête. il me dit sur un ton désinvolte.
—Quinze chantiers ? Quinze chantiers ? C’est super ! C’est le nombre que tu as eu en totalité l’année dernière ! »

Je me lève de ma place pour aller lui faire une accolade et le féliciter pensant que tout cet air blasé était un moyen d’annoncer sa réussite, mais ça ne l’est pas. Ce qui m’étonne. C’est quand même une sacrée consécration pourtant. Pour vivre de sa passion, il a accepté de ne plus rien recevoir de mon père et de changer le mode de vie auquel il était habitué. Ce n’était pas non plus l’homme le plus dépensier, fêtard ou extravagant qui aurait perdu ses repères en se retrouvant dépouillé de ce qu’il avait, mais ça a quand même affecté sa vie. Il a toujours clamé qu’il ferait ce qu’il voudrait de sa vie et qu’il savait que son travail finirait par payer et aujourd’hui c’est un peu ça. Ce en quoi il a toujours cru, est en train de marcher sauf que la réaction qu’on pourrait être en droit d’espérer n’est pas celle à laquelle on assiste et c’est déroutant.

« —Ouais, c’est vrai. C’est grâce à une de mes clientes. Tu sais celle dont on se moquait parce qu’elle prétendait s’y connaitre alors que non ? Elle a organisé un déjeuner avec ses amis à la fin du chantier et dès le lendemain je recevais des demandes de devis.
—Wahou ! C’est génial ! Je suis fier de toi grand frère ! je dis, excité pour lui.
—Merci….merci.
—Mais Jesse ! Tu devrais être plus content que ça ! Montrer ta joie ! Ou tu as déjà fêté avec Emeraude et donc maintenant avec moi ça tu n’as plus le même entrain. Ouais ça doit être cette option. je le charrie gentiment.

Mais là non plus sa réaction n’est pas celle que j’attends. 
Il soupire profondément, et s’enfonce dans son siège la mine défaite. J’en déduis qu’il y a un souci entre eux et que ce souci est la raison de son manque d’engouement.

« —Il semble que ce soit fini entre elle et moi….. Son mec est venu la chercher et …elle est retournée avec lui.
—C’est une blague ? je demande ébahi.
—Si seulement…. »

J’avais cru comprendre que lors de leur rencontre Emeraude était en couple avec un autre mais avec tout ce qu’il s’est passé depuis maintenant un an, sa relation avec Jesse qui a duré un peu plus de huit mois, je m’étais dit qu’elle avait mis fin à sa précédente relation. Puis après une année, lui de son côté n’avait pas tourné la page ?

« —Ils n’avaient pas rompu ? Et pourquoi il revient après un an ?
—J’en sais rien… mais je peux le comprendre. Emeraude est une femme généreuse, douce, à l’écoute et tellement…pfff. Elle est parfaite. il murmure en reprenant ses crayons. »

Il est piqué, il est complètement piqué et si elle ne revient pas, je vais le ramasser à la petite cuillère. 
Pour une femme parfaite, son comportement et plus qu’imparfait, je me dis intérieurement, avant de me reprendre. Non, j’ai connu Emeraude et je serai un grand menteur, hypocrite si je n’abondais pas dans son sens. C’est grâce à elle que j’ai pu dans un premier temps apprendre à vivre avec Tiya, puis elle a toujours été la pour calmer le jeu entre nous. En dehors de ça, elle s’est avérée être une très bonne amie, présente pour les personnes autour d’elle. Je l’ai vu traiter mon frère avec tous les égards, et cela malgré le métier qu’il a choisi. D’autres auraient profité de ce fait pour lui monter sur la tête ou se permettre de lui manquer de respect, mais pas elle. 
Avec tout ça, je ne peux pas dire de mal d’elle. Mais cette situation me tue pour mon frère

« —Tu as discuté avec elle ?
—Oui. Elle est venue au début de la semaine dernière. On a pu discuter et c’est à ce moment là qu’elle a décide qu’on ne devait plus ce voir. 
—….Et tu comptes laisser les choses se faire ? 
—Elle m’a demandé de ne rien tenter. Et je vais respecter son choix. »

Et c’est à cet instant que l’on voit toute la différence entre lui et moi.
Si j’étais à sa place, je n’aurais pas laissé, je me serais battu jusqu’à la fin, quitte à passer un peu pour un forceur.

« —Je sais que toi, tu aurais autrement. il lance en souriant.
—J’étais exactement en train de penser ça. je lui avoue en riant. »

Il se tait, garde longtemps les yeux rivés sur son jardin avant de déclarer :

« —….. Y’a des moments j’ai envie de me lever et d’aller la chercher. Lui rappeler tout ce qu’on a vécu et tout ce qu’on pourrait vivre si elle revenait… Je t’assure, ça me rend dingue cette histoire.il finit en soupir, las. »

Je suis plein d’empathie face à lui, mais complètement démuni pour lui apporter le réconfort dont il a besoin. Je tente néanmoins d’apaiser sa douleur avec ce que j’ai.

« —Tu sais quoi ?! Oublions cette histoire quelques heures et allons boire un verre et manger de bonnes grillades. Kyle n’arrête pas de me harceler ces derniers temps pour qu’on se voie, c’est l’occasion ! Ça fait un moment qu’on est pas sortis tous ensemble !
—Ouais mais… je suis pas d’hu….
—Y’a pas de ouais mais. Je le coupe en sortant mon téléphone de ma poche. Vas te changer, on bouge ! »

Je rédige un message à l’attention de Kyle, Jules et Françis, un très bon ami à nous, pour leur proposer une sortie spontanée.

« —Et on va où ? me demande Jesse.
—T’en fais pas pour ça, j’ai une application qui va nous donner le nom du lieu où il faut être. je dis mystérieusement.»

*
* *

Je ne suis pas éméché. Pas totalement. Je suis encore conscient de ce qu’il se passe autour de moi et peux tenir une discussion…modérée. Oui. Une discussion modérée avec qui que ce soit. Et quand j’aurai pris une bonne douche, je doute pas que je serai clean et dégrisé.
Cette application, est vraiment pas mal ! Après nous être géo-localisés, elle nous a conseillés trois resto-bars à proximité de nous et qui se trouvaient être dans le top 10 ! Et comme annoncé, on s’est éclatés. Surtout Jesse, qui a enchainé grillade et boissons. Pas spécialement forcément dans cette ordre et en quantité équitable. 
J’ai du le ramener chez lui, et même si demain, il se réveillera probablement avec une gueule de bois, ce soir, il n’aura pas à penser à ce qui cause sa peine actuelle.

J’entre dans la maison, sans reprendre le temps de regarder autour de moi et monte directement dans ma chambre prendre une douche.
Comme je le prédisais, j’en sors totalement dégrisé et avec un léger mal de tête en cadeau.

« —Faut vraiment que j’arrête de boire, je tiens plus comme dans le passé. je me fais la remarque en allant dans la cuisine. »

Là, je me demande si j’ai vraiment dégrisé quand j’aperçois Tiya aux fourneaux. Le genre de fait qui ne peut être qu’une illusion, car depuis les quelques mois qui viennent de passer et où beaucoup de choses ont changé, j’ai découvert que non seulement elle n’aimait pas cuisiner, mais en plus de ça, elle ne savait pas cuisiner. C’est quand même le comble pour une personne qui aime autant manger qu’elle. Elle bougonne quand on l’envoie en cuisine, y met toute sa mauvaise volonté et foire tout ce qu’elle prépare. Et le pire dans tout ça, c’est que le schéma reste toujours le même lorsqu’elle est prise de bonnes intentions et veut réellement préparer en y mettant du sien.
C’était bien ma veine de tomber sur une femme pareille, je me suis dit en découvrant cela. Heureusement que ce qu’elle m’a montré à côté en valait la peine et à sauver son nom. Parce que oui, j’ai enfin rencontré la Tiya que me décrivait Emeraude. Celle qui est agréable, joyeuse et pleine de vie. Moqueuse et pipelette aussi. Beaucoup plus intéressante que celle que j’ai connu jusqu’ici. 
Ça c’est fait graduellement, et la relation atypique qu’on a fini par établir y a quand même joué un rôle…

« —A t’es là. elle dit en se tournant vers moi avant de reprendre sa position initiale. Bonsoir.
—Bonsoir… Qu’est-ce que tu fais ? je la questionne en m’avançant vers elle.
—Une quiche au jambon fumé. Marcelline, une amie à moi qui a une quicherie « La quicherie de Ma’Marcé », et elle a enfin fini par m’envoyer la recette d’une de ses quiches ! J’ai voulu tester.
—Mais on avait pas convenu que tu devais arrêter avec les expériences parce que la cuisine c’est pas pour toi ? »

Elle me toise des pieds à la tête, et marmonne qu’elle ne préfère pas discuter avec moi tandis que je me retiens de rire.

« —T’auras pas une part de cette quiche et je ne veux pas te voir descendre dans la nuit pour la gouter !
—Je ne suis pas suicidaire. je souris de toutes mes dents.
—Tsss. »

Je me rappelle la raison pour laquelle je suis descendu : prendre de quoi calmer mes maux de tête et me prémunir d’une mini gueule de bois demain matin. Je prends deux comprimés de paracétamol et m’active dans la cuisine pour préparer le cocktail de Tiya contre la gueule de bois.

« —Pourquoi tu fais ça ? Tu as bu ? me demande Tiya en démoulant sa quiche.
—Ouais, on est sortis avec Kyle, Francis et Jesse. Ça faisait un moment qu’on ne l’avait pas fait.
—Ça c’est bien passé ? Vous vous êtes amusés ? »

J’acquiesce en opinant du chef tout en buvant mon cocktail.

« —C’est cool, c’est le plus important. Bon, pas touche à ma tarte ! Je vais la manger demain. elle dit en recouvrant ladite tarte d’un torchon. »

Personne ici n’est assez fou pour ça….

« —Roohh j’ai la flemme de nettoyer. elle grogne en prenant une éponge. On peut pas essayer de passer un deal tous les deux ? Genre tu nettoies à ma place et je te laisse manger une part de ma quiche ?
—C’est que t’es une marrante toi. je ricane après avoir fini mon verre.
—Tu n’es pas sympa. »

Avec toute la mauvaise foi du monde dont elle seule à le secret, elle range la cuisine, lui donnant un air de chantier inachevé, puis dépose négligemment le torchon qu’elle a utilisé pour essuyer la vaisselle, sur la table.

« —Je vais dormir. elle soupire, blasée. »

Elle s’approche de moi, se hisse sur la pointe des pieds et me tend ses lèvres que je capture, pour un bref baiser sauf qu’elle semble en vouloir plus.

« —Je pensais que tu voulais dormir ? je grogne en relevant sa robe.
—Huuuuumm…..après ça. elle murmure entre mes lèvres.
—Ce serait préférable que…. »

Elle secoue négativement sa tête, et me pousse jusqu’à une chaise où je me laisse tomber puis s’installe à califourchon sur moi. Je la laisse faire et prendre ce qu’elle veut, y’a que de cette façon qu’elle se montrera docile plus tard. 

« Biiiiiz-Biiiiiiz »
Son téléphone posé sur la table se met à vibrer avec insistance et elle finit par le décroché, agacée.

« —Allô ! Rohhh oui je sais….. Non, je n’ai pas oublié… Roh Oui Emo !...Oui ! …. C’est ça ! A demain, bonne nuit. elle termine avant de raccrocher et reprendre où elle s’était arrêtée.
—C’était Emeraude ?je la questionne entre deux baisers
—…..Hummm.
—Qu’est-ce qu’elle voulait ?
—Rien de spécial. elle soupire en se levant.»

Elle retire son sous vêtement, puis se réinstalle sur mes cuisses après avoir baissé mon pantalon et mon boxer. 
D’habitude, j’apprécie ces quicky, elle est réceptive, je le suis tout autant, on ne s’entoure pas de fioritures. Elle veut simplement recevoir, ce que je suis prêt à lui donner et puis on en parle plus. Sauf que soir, après cet appel, je ne suis plus aussi emballé. Je repense à Jesse à ce qu’il se passe entre Emeraude et lui, et à l’évidence qu’elle est au courant.

« —Au fait, cet aprèm’, Jes…
—Huuuummmmm. »

Elle vient de s’empaler sur ma verge, soupire à mon oreille, tout en ondulant ses hanches. 
Ça fait un peu plus d’une semaine que je ne l’ai pas touchée. Elle est étroite, chaude et pas prête de se contenter d’un quicky si j’en crois les mouvements de ses hanches. Elle m’annonce le genre de programme parfait pour finir une bonne journée mais j’ai besoin qu’elle me réponde, qu’elle m’explique pourquoi elle ne m’a pas parlé d’Emeraude et son ami, de retour.

« —T’étais au courant pour Emeraude et Jesse. Je lui demande.
—…..
—Tiya ! T’étais au courant ? je lui répète en l’attrapant par les hanches, bloquant ses mouvements.
—Au courant de quoi ?elle grogne en voulant retirer mes mains.
—L’ancien gars d’Emeraude est sur Brazza.
—Et toi tu veux qu’on parle de ça alors que j’ai ta queue entre mes cuisses ?
—Donc tu es au courant. Pourquoi tu m’en as pas parlé ?je la question sur un ton que je voulais neutre mais qui s’avère un peu élevé.
—Parce que ce n’était pas à moi de te le dire, parce que ça ne te regardait pas et parce que si c’était le cas, Jesse t’en aurait parlé plus tôt !
—C’est mon frère et ….
—Oh Dylan ! Tu fais chier ! elle siffle en se levant. 
—Comment elle peut le laisser comme une merde et retourner avec son gars comme si de rien n’était ? Elle jouait avec Jesse le temps que l’autre revienne ? je demande en remettant mon boxer.»

Elle réajuste sa robe, ramasse son sous vêtement puis me dit avant de tourner les talons :

« —T’as pas à parler d’elle comme ça puisque tu ne sais pas de quoi il en résulte réellement. Jesse c’est ton frère et Emeraude est ma sœur ! Je la protège autant que tu le fais avec ton frère. Si elle me confie quelque chose et me demande de ne pas le répéter, je ne le fais pas. Même avec toi !»

*
* *

« —Tu te souviens que j’existe ? 
—Maman …
—Maman quoi ? Depuis que tu t’es marié, on peut compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où je t’ai vu ici. 
—C’est vrai maman et je m’en excuse. Je ferai des efforts dorénavant. Tu mérites beaucoup plus t’attention de ma part.
—Oh laisse moi ton gros français là « fioton plus t’attention » ! D’abord tu viens chez moi pour quelle raison ? »

Intérieurement, je lui explique que je suis en froid avec « ma femme », qu’elle a préparé une quiche qu’elle pourrait présenter comme une arme de destruction massive aux américains et aux russes, tant elle est indigeste. Et pour s’assurer que je finirai par mourir, elle a donné congés à la gouvernante, qui n’a donc pas préparé aujourd’hui et tu restes ma dernière solution. 
Mais je me contente de lui dire qu’elle m’a manqué. Ce à quoi elle me répond par un de ses tics de langue avant de me servir.

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