Chapitre XX

Write by Tiya_Mfoukama

Chapitre XX


-Quoi ça ! Hurle Elodie en bondissant sur ses genoux. Mayéla, tu as laissé faire ? 

-Elo. Tenté-je d’expliquer. Je…

-J’ai pas demandé des explications, ma question est fermée et n’attends pour réponse qu’un oui ou un non. Mayéla ? Quand l’idiote là s’est présentée avec ses bagages et toute sa clique, tu l’as laissée s’installer ?
-….

Le soupir que je pousse en dit déjà long sur la réponse, et lorsque je détourne ma tête pour regarder ma tasse, puis les personnes attablés à côté de nous dans un restaurant du centre, pendant la pause déjeuner d’Elodie, je l’entends dire :

-Okay, je vois. Bon madame, je t’aime beaucoup, mais je dois te laisser. La bêtise est paraît-il contagieuse, et je ne souhaite pas être une des ses victimes. Pour peu que j’invite les maîtresses de l’autre là.

Elle est dure dans ses propos. D’accord j’ai laissé Peny s’installer mais elle devrait prendre le temps de m’écouter. Si elle ne veut pas, tant pis...
Ma grossesse est à un stade avancé, et jusqu’ici je n’ai vécu que des mésaventures. Une partie est due aux conséquences de mes décisions mais la seconde et la plus éprouvante est due au fait que je me laisse affecter et submerger par tout ce qui m’entoure. Et le souci, c’est que mon enfant en pâtit. Je veux me concentrer sur elle, sur nous et rien d’autres. Je me dois d’être forte, mais je sais que si je prends le temps d’examiner tout ce qu’il se passe et que je cherche à affronter tout ça, je m’effondrerai alors la seule solution que j’ai trouvée, pour le moment, s’est de m’éloigner, de m’enfermer dans ma bulle. Accessible à personne. Je peux me ressourcer tranquillement, m’apaiser et puiser ma force dans cette bulle.
Alors Peny peut venir avec le nombre de valises qu’elle veut, pour revendiquer la primauté de son union avec Shomari face à la mienne, je m’en contre fiche. Actuellement ce n’est pas le plus important.

-On se verra un de ces quatre. Dit-elle en réunissant ses affaires.
-…

J’acquiesce en hochant la tête sans faire d’effort pour la retenir. 

-Non mais franchement, Mayéla. Crie-t-elle en revenant sur ses pas. Je te comprends pas ! Comment tu peux laisser une femme, s’installer chez toi, dans ton foyer ! En faisant ça, tu t’exposes ! Tu lui donnes la permission de tout tenter pour te foutre dehors ! Pourquoi tu laisses les choses se faire ?! 
-….
-Réveille-toi Mayéla, bouge-toi et je sais pas… Agis ! Mets de l’ordre dans tout ça !
-Elodie ! Je ne vais rien faire parce que ce n’est pas une priorité ! D'accord ! Ma priorité pour le moment c’est ma fille ! Je veux qu’elle vienne au monde en bonne santé, je veux qu’elle puisse rester là, dans mon ventre, à l’abri de toutes les négativités qui constituent ce monde. Je ne pourrai pas toujours être là pour la protéger mais je veux au moins le faire jusqu’à ce qu’elle décide de sortir d’elle-même… Tu étais là ou a eu écho de toutes ces fois où pendant cette grossesse, je me suis retrouvée à l’hôpital, à cause d’une tension trop élevée, d’un stress ou d’une anxiété. A plusieurs reprises j’ai mis la vie de ma fille en danger parce que je me suis laissée envahir par tout ce qui m’entourait. Je ne veux plus de ça! Shomari peut inviter toutes les femmes du monde dans sa maison, actuellement ça m’est égal, parce que ELLE ! Fais-je en pointant mon ventre, elle est plus importante que tout. Et si tu n’arrives pas à comprendre ma décision, je ne t’oblige pas à rester !

Ce n’est qu’en finissant de parler que je me rends compte que je suis légèrement essoufflée et que mes propos ont été dits sur un ton sec voire dur. Mais je ne m’excuse pas… ça a été dit sur le ton que ça devait être dit. 

-….Donc tu sais t’énerver comme ça ? Lance-t-elle après une minute de silence
-….
-Okay, je peux comprendre ton argument. Mais chérie, après la naissance de ta fille, tu vas faire comment ? Tu ne fais que mettre le souci de côté, mais il ne disparait pas. Et pendant que toi tu la laisses faire sa vie dans ton foyer, elle monte des plans pour bien te déloger de là
-J’agirai en conséquence le moment venu…

Ma réponse à l’air de la contenter… Du moins pour le moment, la connaissant, elle va revenir sur le sujet plus vite qu’il ne faut pour dire « la dernière fois »
Elle se laisse aller sur son fauteuil puis interpelle un serveur, ce qui me laisse le temps de regarder les petites cabrioles qu’est en train de faire ma crevette. C’est plus comme avant où elle avait un grand espace pour se mouvoir et je regrette un peu ces moments. Elle bouge beaucoup moins et même si je sais qu’il y a moins de chance qu’elle ait un souci, j’ai toujours peur quand je ne la sens pas bouger. Les petites déformations que mon ventre emprunte sont pour moi de purs moments de bonheur puisqu’elles me rassurent.

-Elle est agitée on dirait. Remarque Elodie.
-Oui. Je t’avoue que ça me rassure. Elle n’a pas beaucoup bougé de toute la journée.
-Mais c’est normal à la fin d’une grossesse non ?
-Oui, mais moi j’aime bien la sentir bouger. Dis-je en caressant mon ventre à l’endroit même où il y a une déformation.
-…. N’empêche c’est un connard hein. Faire venir la go là chez vous ! Non mais il veut construire sa fortune sur ton dos où quoi ?

Qu’est-ce que je disais…

-Quand il fait tout ça. Poursuit-elle. Il veut te voir stresser puis atterrir à l’hôpital ou quoi ? Peut-être que sa famille à besoin de plus d’argent. C’est la seule explication que je trouve pour justifier son comportement : C’est un sorcier !

J’éclate de rire devant la tête qu’elle prend. On aurait dit un mathématien qui a passé plusieurs jours à tenter de résoudre une équation en utilisant les formules les plus complexes et qui finit par la résoudre en utilisant la formule la plus simple.

-Elodie !
-Non mais c’est ça ou il est con multiplié par mille ! 
-Hihihi !
-J’ai envie d’opter pour la seconde option parce que ça lui laisse encore une chance. On peut travailler sur la connerie des gens, par contre la sorcellerie faut une équipe de pasteurs pour intercéder, faut qu’il veuille sortir du pacte puis briser les liens, et tout et tout, non vraiment ça nous prendrait trop de temps. Mieux il est stupide une bonne fois. Soupire-t-elle en prenant sa tête entre ses mains. On va l’aider, la connerie ça se soigne. Je vais contacter les chercheurs qui ont travaillé dessus.

C’en est trop, je ris à gorge déployée, et n’arrive pas à me contrôler. Il y’a longtemps que je n’avais pas autant ri. Qu’est-ce que ça fait du bien. 

Nous restons encore dans le restaurant pendant une trentaine de minutes avant que nous ne sortions pour qu’Elodie puisse prendre le chemin du bureau.
Ça me manque un peu de ne pas travailler, mais j’oublie très vite ce manque quand je me réveille à 9h30 au lieu des 5heures et demi, 6heures d’autres fois.

Le temps est un peu lourd, et les nuages se dessinant dans le ciel gris, laissent présager que le temps sera bientôt pluvieux. 
J’aime ce moment qui précède la pluie, plus que la pluie elle-même. Lorsque le ciel est chargé en électricité, que les nuages se réunissent pour n’en former plus qu’un, et qu’il se rapproche de la terre ferme donnant l’impression que l’on peut les toucher si l’on tend assez la main.
Encouragée par cette athmosphère et la petite brise qui m’accueille à la sortie du restaurant, je me laisse tenter par une petite promenade dans le centre ville. 
Je finis ma promenade en allant m’asseoir à l’arrêt se trouvant en face de la trésorerie, pour regarder la cacophonie orchestrée par le trafic plus que chaotique, des taxis et des grosses voitures, qui font preuve d’un manque de civisme sans égal. 

Quand il devient vraiment difficile de respirer, l’essence et la pollution qui règnent, j’arrête un taxi et entre à la maison.

Je ne trouve personne, sans grande surprise.
Depuis une semaine qu’elle est là, j’ai remarqué que Peny se levait très tard puis sortait assez tard pour rentrer tout aussi tard. Mais d’après la discussion que j’ai entendue ce matin entre Shomari et elle, elle sera chez ses parents pour ce début de week-end.

Une fois débarrassée de mes vêtements, je vais prendre une bonne douche froide, et en profite pour me masser le dos –j’ai une douleur lancinante qui m’étreint depuis le début de la matinée – puis enfile une longue robe large avant de rejoindre la cuisine.
J’ai cassé mon dernier billet de dix mille pour aller m’acheter une boite de céréales à Park and Shop. Plus de Cinq mille la petite boite mais, ma crevette ne veut pas se montrer coopérative lorsque je mange autre chose. Rectification, elle se montre aussi coopérative quand je mange les grillades faites par la dame qui se trouve vers le marché Bifouiti en face du centre de formation militaire. Elle me donne des coups pour montrer son enthousiasme quand elle sent l’odeur. 
Je sens qu’on va avoir une petite gourmande, plus ou moins friande des bonnes choses.

-Bon, où est le lait ? Me questionné-je à haute voix

J’inspecte le frigo à la recherche du-dit lait qui se trouve tout en haut du frigo, à une place qu’il n’occupe pas d'habitude –mais j’imagine sans mal pourquoi – et me prépare un bol de céréales. Etrangement, je ne ressens pas un grand appétit. Pourtant j’ avais l’impression qu’il allait y avoir une compétition entre mon bol et moi. Tant pis, c’est pas plus mal. 
Je me suis fait beaucoup trop plaisir et dans quelques semaines, je vais devoir songer à la façon dont je me débarrasserai des kilos pris.

Je retourne dans la chambre, puis allume le split avant d’aller m’allonger sur le lit pour regarder des afro-movies sur mon ordinateur.
C’est un peu à ça que ressemble mes journées. Je ne fais rien de bien spécial, je mange, je regarde des films, je prépare les affaires de ma crevette, je me promène dans la ville, je discute ou déjeune avec Elodie ou ya Tal, puis je mange et regarde des films de nouveau.

Mais aujourd’hui est un jour différent. 

Mon mal de dos m’empêche de me concentrer et je sens de toutes petites contractions depuis le début de la journée –quoique ça, c’est depuis un moment et on m’a dit que ce n’était rien de bien grave mais aujourd'hui ça me paraît plus vif – je décide donc de me laisser emporter par le sommeil. 
Un sommeil bien agité, entre douleur et contractions.

-Roh, tu veux pas laisser maman dormir. Grogné-je les yeux fermés. Laisse-moi dormir jusqu’à … QUOI ! Mais ce n’est pas la bonne heure !

J’avise l’heure sur mon téléphone pour m’assurer que celle renvoyée par le réveil est la bonne. Et il semble que ce soit le fas. Il est: 00H17 !
Je pensais pas avoir réussi à dormir autant. 

-Bon, okay. Laisse-moi dormir jusqu’à 2h du matin après on se fera un petit encas du soir, ça te convient ?

Visiblement oui, puisqu’elle me permet de me rendormir mais seulement jusqu’à 1H39.
Et c’est par une vive douleur en bas du dos que je suis réveillée.

-Mince, ça fait un mal de chien !

Avec beaucoup de difficultés, j’utilise ma technique du caniche pour sortir du lit, et une fois debout je constate qu’il y a un souci de taille : Je sens la tête de ma crevette. Je remonte légèrement ma robe et passe ma main entre mes jambes

-Oh non ma chérie qu’est-ce que tu me fais là !

C’est pas le moment, de venir, vraiment pas !

*****

Quand le temps est aussi merdique, la seule chose à faire c’est manger mais y’a rien dans cette foutue baraque. Je suis sensée être mariée à deux femmes mais les étagères du frigo que je suis en train d’inspecter sont vides de chez vides. 
Je sors pas, je baise pas et maintenant, je ne mange pas ! Vive le mariage et encore plus la polygamie. 

Je referme la porte du frigo, puisque c’est pas en restant planté devant que la nourriture va se préparer. 
Faut pas que je reste trop longtemps dans cette pièce, je commence déjà à avoir de l’urticaire. 

Rapidement, j’analyse la pièce du regard et repère du quaker et des œufs. Bah on va faire ça ! C’est rapide et bourratif, que demande le peuple ? Que ce soit aussi bon, mais ça c'est en option, faut pas se leurrer.

Une dizaine de minutes plus tard, je m’installe dans le salon, devant la télé – qui déconne – avec un plateau contenant, une omelette brouillée avec des lardons et des oignons plus un bout de pain, un bol de quaker et des toasts pour l’accompagner, et une bouteille de bière pour faire glisser tout ça. 

Avant d’attaquer, j’ai une petite pensée pour Mayéla et ses plats. Si elle avait pu préparer, elle m’aurait fait un de ces plats qui donnent envie de se lécher les doigts pour garder le goût le plus longtemps possible. Quoique, même si elle aurait été en mesure de le faire, je doute qu’elle aurait accepté de ME le faire surtout après cette histoire d’emménagement de Peny. 
Quand je pense que ma mère jouait la femme blessée par mes propos et qu’après avoir réfléchi à ma discussion avec Lyne, j’envisageais de l’appeler pour m’excuser, je me dis que j’aurais été bien con de le faire. Elle avait bien prévu son coup. Peny qui débarque avec ses valises, le chef de quartier à témoin et ses oncles derrière pour être sur d’intégrer la maison, c’était bien pensée - Parce que je sais qu’elle est derrière tout ça - et son arrivée alors même que j’étais en train de me prendre la tête avec Mayéla est tombée comme un cheveu sur la soupe.
Mayéla doit être persuadée que j’ai orchestré tout ça alors qu’il n’en est rien. Mais aller la voir plus le lui expliquer… Enfin bref.

-Bon appét….

« AHHHH HUUUUUUM »

C’était quoi ça ? 

« AAAAAHH »

D’accord, je ne suis pas tout seul à la maison, je m’en doutais un peu mais… Elle fait quoi là ? Elle est en train de gémir ? 

« HUUUUUUUUM »

Mais… C’est quoi ? !
Mon esprit est déjà parti loin et pour ne pas le laisser divaguer trop longtemps, je me lève pour aller voir ce qu’il se passe. 

Je trouve Mayéla dans le couloir près de sa chambre, presque pliée en deux, une main sous son ventre, l’autre lui servant d’appuie contre la commode collée au mur. Son visage est déformé par la douleur et ses cries et gémissements raisonnent dans tout le couloir.

-Mayéla ça ?
-…

Elle halète comme un petit chien avant de se mordre la lèvre intérieure, puis tout lâcher et recommencer à l’haleter comme un petit chien

-Mayéla, ça ne va pas ? Y’a un souci avec l’enfant ? 
-Je… fou-fou-fou-fou… je suis sur le point d’accoucher. Balance-t-elle en serrant les dents 

Oh. 
Okay.
Bon.
Là…. Là, je ne sais pas vraiment quoi faire, ni comment l’aider, et encore moins comment me comporter.
Je fais quoi ?

-AAAAAAAAAH !
-…. Ca fait mal ? Demandé-je anxieux

Le regard qu’elle me lance, répond non seulement à mes questions mais aussi à toutes celles qui s’apparenteraient au même style. 

-Okay, euh. On va aller à l’hôpital. Dis-je calmement. Il plefortement mais en roulant doucement, on devrait y arriver
-C’est pas possible. Me répond-elle d’une traite, les dents serrées. Elle est déjà là.
-Elle est déjà là où ça ? La questionné-je surpris
-HUUUUUU…. Je sens… je sens sa tête entre mes jambes. Il faut… AHHHHH

Il faut quoi, il faut quoi ! Merde ! Mais c’est pas possible !

-Je croyais qu’elle devait arriver dans quelques semaines !
-Fou-fou-fou-fou
-Mayélà !
-ELLE A DECIDE DE VENIR PLUS TOT J’Y PEUX RIEN !

Mayelà qui crie alors que c’est l’incarnation même du mot tempérance, c’est qu’il y a un souci. 
Mon cerveay recommence à fonctionner et je pense à sortir mon téléphone pour composer le numéro de Lyne. 
Ce n’est pas elle que je veux joindre mais David son fiancé. A plusieurs reprises, on m’a conseillé de prendre son numéro de téléphone mais je ne l’ai jamais fait. Ça m’énervait de me dire qu’il se faisait ma sœur puis je voyais pas vraiment l’utilité d’avoir le numéro d’un gynécologue obstétricien dans mes contacts. Mais aujourd’hui, oui.

-Allô. Ai-je entendu après trois sonneries. 
-Lyne, David est avec toi là ?
-Humm oui, pourqu…
-Passe, le moi, vite ! Mayéla est en train d’accoucher !
-Comment ça ? Demande-t-elle avec une voix où le sommeil transparaît moins.
-PASSE LE MOI !
-Okay, okay… David, David, c’est Ari au téléphone, il dit que Mayéla est en train d’accoucher. L’ai-je entendu dire
-Allô ?
-David, Mayéla est sur le point d’accoucher mais je sais pas quoi faire. 
-Quoi ? Comment ça ?

Je lui expose la situation, de façon concise en insistant sur les points importants puis répond à toute la série de questiond qu’il me pose avec l’aide de Mayéla. 

-Okay, bon oublie l’hôpital, si je me fis à ce que tu m’as dit, elle va pas tarder à accoucher

Non, non pas ça….

-Ce qui veut dire que tu vas l’aider à accoucher. Reprend-il

Oh non, non, non !

-Ça va bien se passer si tu suis mes instructions à la lettre. Y’a pas de raisons que ça se passe mal.

Vraiment ?

-Qu’est-ce qu’il dit ? Me demande Mayéla entre deux cris.
-Que tu vas devoir accoucher ici, et je vais t’aider.

Je crois que pendant les cinq secondes qui succèdent ma phrase, elle a arrêté de sentir la douleur, et même tous les symptômes d’une femme enceinte, pour simplement être paniquée et apeurée. Ce que je comprends. Je suis dans le même état qu’elle, sauf que je fais tout pour ne pas le montrer.

-Il… Il peut pas venir ? 
-Dis lui que je me mets en route mais que je suis pas certain d’arriver avant que la petite arrive. Lance-t-il après avoir sûrement entendu Mayéla.
-Il dit qu’il arrive mais il est pas sûr qu’elle va attendre son arrivée pour sortir… Ca va bien se passer. Me suis-je senti obligé de dire en voyant le regard qu’elle pose sur moi, même si je suis loin de croire mes propres paroles.

Je n’ai jamais donné naissance à un enfant encore moins aidé à l’accouchement. D’ailleurs, concernant ce fait, Fred m’a toujours dit « le jour où ta femme accouche, même si t’as l’habitude de manger là-bas, ne regarde surtout pas, ce ne sera plus l’abricot juteux et tu seras traumatisé. C’est parce que je suis un bon pote que je te préviens. N’oublie surtout pas ça, ne regarde jamais en bas»
Ses paroles me reviennent avec force au moment où après avoir aidé Mayéla à s’allonger sur son lit, David me dit de regarder « en bas »

C’est obligatoire ai-je envi de lui demander ? Je m’expose à des traumatismes psychologiques ? 
Je me résous à faire ce qu’il m’a dit sans lui poser mes questions.

Damn. 

J’étais pas prêt, je ne suis pas prêt, et je pense que je ne serai jamais prêt à voir, ça.

Une autre batterie de questions m’est posée et des instructions me sont données, sur lesquelles je me concentre pour tenter d’oublier ce que j’ai vu, même si c’est peine perdue. 

-Bon, ça va aller très vite maintenant. Shomari, tu vas l’aider à gérer sa respiration et ses contractions. Il faut qu’elle respire bien entre les contractions et qu’elle se concentre puis lorsqu’il y en aura une, il faudra qu’elle pousse. Elle ne pourra le faire que lorsqu’elle sentira une contraction. Rassure-là, ça ne devrait pas être long, en trois voire quatre grosses poussées, le bébé sera là.
-Qu’est-ce qu’il dit ? Me demande-t-elle haletante 
-Qu’il va falloir que tu commences à pousser, mais ne t’en fais on va suivre à la lettre tout ce qu’il va dire et ça va bien se passer. Rajouté-je face à son air apeuré.

Ça ne la rassure pas, c’est même tout le contraire. 
Je lui prends la main, et lui demande de me faire confiance sur ce coup là. 

-Mwana, ça va bien se passer. Répété-je. Okay ?
-…. 

J’ai conscience que lui demander de me faire confiance avec tout ce qu’il s’est passé entre nous est quand même poussé mais on a pas vraiment le choix, c’est ça ou rien. Et elle le comprend quand elle acquiesce en remuant sa tête.
Je mets le téléphone sur Haut-parleur puis le pose sur le lit, à mes côtés et suis tous les instructions données.
Et moi qui pensais qu’il n’y avait que dans les films que l’on assistait à des naissances aussi étranges. 

-Mwana, à la prochaine, tu donnes tout et elle sera là. 
-……Huuuuuuuuum 

Pendant le quart de seconde qui succède ce moment, où je me retrouve avec cette toute petite personne dans les bras, je me demande si j’ai déjà été étreint par un sentiment aussi fort que celui qui m’étreint actuellement. Les mots me manquent pour le décrire mais je sais qu' ils riment tous avec « intense ». Je me suis sentie lié à elle à l’instant où je l’ai eu dans mes bras….
C'est fou comme elle est toute petite, je pourrais la tenir dans une main… 

-Mwana, t’as fait du bon boulot. Dis-je en nettoyant rapidement la petite comme me l’explique David puis en l’emmitouflant dans une serviette avant de la lui donner. Regarde.
-…Elle est toute belle
-Shomari. Fait David. Ce n’est pas fini. Avec le fil, tu vas…
-Attends David, tu m’as dit qu’il y aurait du sang mais là, je trouve qu’il y en a beaucoup. T’es certain que c’est toujours normal ? Demandé-je inquiet ?
-Qu’il y ait du sang oui, mais après qu’il y en ait vraiment beaucoup comme tu le dis, non. Mais de toutes les façons, je ne suis plus très loin. J’arrive

Mayéla semble affaiblie, et le sang continue toujours de couler en abondance.
Je lui ai dit de me faire confiance et que tout se passera bien, tout doit donc bien se passer …

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