Chapitre XXIX
Write by Tiya_Mfoukama
Chapitre XXIX
« Je bois plus oh héhé je suis soulé, a coupé, nyènè oh
Je bois plus ooooh-hé. Je suis soulé, a coupé, nyènè oh.
Laisse mon dahico. »
C’est exactement ce que je compte faire, je me dis en me levant d’un bond. Étrangement, je ne suis pas pris de vertiges comme ça a souvent été le cas après une si grande cuite. Fait encore plus étonnant, j’arrive à annoncer mon départ, sans aucun souci de diction.
« —Dylan, tu m’fais quoi là ? lance Kyle en se levant à son tour, les bras écartés en signe de protestation. »
Je salue chaque personne se trouvant dans mon champ de vision, puis présente mes excuses à Kyle avant de prendre la direction de la sortie.
J’ai donné le peu qu’il me restait encore durant cette soirée. Là, je suis au bout littéralement. Je sais qu’à n’importe quel moment, mon corps finira par me lâcher et me faire regretter la façon dont je l’ai traité jusqu'à présent. Je n’ai pas d'idée précise quant à la date à laquelle cela risque d’arriver, mais une chose est certaine, cette date est imminente. Et comme tout ce qui est en train de me tomber dessus, j’essaie autant que faire ce peu, de le prendre avec pragmatisme.
« —Et tu penses réellement que je vais te laisser partir comme ça ? dit Kyle en refermant la porte de sa maison derrière lui. »
Avec honneteté, je dois avouer que oui. Je pensais qu’il serait trop absorbé par la soirée qu’il organise et ses invités qu’il ne remarquerait pas mon absence, encore moins qu’il soit affecté, mais j’aurais du me rappeler que j’avais à faire à Kyle et non un simple « ami ».
Il a beau être au courant de tout ce qu’il se passe actuellement dans ma vie, tant personnelle que professionnelle,ça reste en largeur. Il n'en connait pas la profondeur, je ne lui dis pas grand-chose. Du moins depuis le début de mon calvaire. Hormis les grandes lignes que je lui ai révélées, tout ce qu’il sait de plus n’est que la résultante des messes basses qui se font entendre tel un brouhaha dans les cours de maison, et les couloirs de l’entreprise. Il n’y donne aucune importance et attend simplement que je lui donne ma version des faits, mais je préfère attendre. Attendre que les choses se tassent, attendre d’y voir un peu plus clair. Attendre.
« —C’est quoi ces façons de faire ? il me demande, les mains enfoncés dans les poches de son jean. Tu viens à la maison, tu passes la soirée à m’esquiver tout en restant dans un coin et puis tu pars aussi discrètement que t’es arrivé ? Bro c’est comme ça qu’on fait ?
—Y’a du monde, c’est pour ça que tu ne m’as pas vu. j’essaie de plaider. »
Il arque un sourcil pas convaincu pour un sous de ma défense, et prend en air grave tout en gardant le silence, ce qui me fait lâcher un rire bref.
Il y a trois choix, soit la tête que j’arbore doit plus être similaire à celle d’un déterré, ce qui justifierait son air, soit ce qui se dit sur moi tant dans le domaine privé que public est sacrément sale, soit c’est les deux en même temps. Dans tous les cas, se retrouver avec un Kyle aussi sérieux, ce n’est vraiment pas bon signe.
« —Je m’inquiète pour toi frère. T’as vu l’état dans lequel tu es ?
—L’état carrément ? je répète en riant. A t’entendre, on croirait qu’il s’agit d’un état semblable à celui d’un mort vivant.
—C’est à peu près ça…. Ça s’est toujours pas arrangé cette histoire de vol ? »
Je secoue la tête négativement.
Après les deux semaines qui viennent de s’écouler, rien ne s’est arrangé et on ne sait toujours pas quelle est l’identité de la personne qui a donné nos informations. Nous avons essayé de mener de discrètes investigations pour ne pas créer un vent de panique surtout au niveau des partenaires financier mais là encore, nous n’avons rien su gérer, du moins je n’ai rien su gérer, ce qui a occasionné la programmation de réunions d’urgence, sur réunion d’urgence. N’ayant aucun élément sous la main, je me suis efforcé de bricoler une histoire pour tenter de calmer le jeu, mais ils n’étaient pas aussi dupes que cela. J’ai donc pris la résolution de jouer carte sur table lors des réunions de la semaine prochaine. Pour ce faire, j’ai dédié mes journées de lundi et mardi à l’établissement de ce que j’appelle un constat qui consistera dans un premier temps, à établir un point clair sur l’état de nos finances actuelles avec le pôle compta, puis dans un deuxième avec l’aide des conseillers d’entreprise, nous analyserons la situation, avec les différentes donnés que nous fournira le pole compta, et nous tenterons de trouver des solutions que nous proposerons lors des réunions suivantes. C’est tout un programme qui nécessiterait plusieurs jours de travail voire des semaines, en temps normal, mais je vais devoir m’efforcer de le faire en deux jours, et tout cela malgré l’immense fatigue qui s’empare de moi, tant physiquement que mentalement. Mais lui dire tout cela serait trop long, et épuisant, alors je me contente d’un simple non.
« —Toujours pas d’idée de qui est derrière tout ça ?
—Toujours pas non…. gars, je suis fatigué, je vais aller comater.
—Depuis quand tu fais autant de mystères avec moi ? Tu sais que tu peux tout me dire.
—Ouais mais là, je suis K.O. Vraiment. je lui réponds calmement, le laissant voir toute la fatigue qui traverse mon corps. »
Il lève ses mains en l’air, en signe de reddition, puis me propose de me reconduire, offre que je décline avant de le remercier et prendre congé de lui.
Assis dans l’habitacle de ma voiture, je prends le temps de souffler quelques secondes, puis me donner des gifles afin de rester éveiller durant le trajet. Ce n’est pas prudent ce que je fais, j’en suis conscient, mais j’ai besoin de ça. De focaliser les spectres d’énergie qui me reste pour réussir à m’écrouler sur mon lit.
Alors que tant ma main vers la clé de contact déjà installée, les clignotants discontinus de mon téléphone illuminent l’habitacle et me fait savoir par la même occasion que je suis en train de recevoir un appel. J’ai dans l’idée d’ignorer l’appel jusqu’à ce que je fasse plus attention au nom de l’émetteur qui s’affiche et qui n’est autre que celui d’Emeraude.
Je fronce des sourcils perplexes, m’interrogeant sur l’éventuelle raison de son appel.
Cela fait un moment que nous ne nous sommes pas parler. Il faut reconnaitre que je ne sais pas sur quel pied danser avec elle et je pense que la réciproque est de mise. Entre sa relation en dent de scie avec Jesse, puis la mienne avec Tiya qui est tout aussi tranchante, je ne savais pas comment me comporter avec elle. Aujourd’hui, elle est certes de nouveau avec Jesse et tout semble aller pour le mieux entre eux, mais mes relations avec Tiya qu’elle considère comme ça sœur ne sont pas au beau fixe, et même si en temps normal, j’aurais fait la distinction entre ce qu’elle est vis-à-vis de mon frère et ce qu’elle est vis-à-vis de Tiya aujourd’hui, je ne suis pas certain de vraiment vouloir faire de distinction. Elles ont beau être opposées dans beaucoup de domaines, elles se ressemblent énormément et je ne suis pas sûr de vouloir me retrouver en face d’une autre Tiya.
Je laisse mon portable sonner puis reporte mon attention sur la route. J’enclenche le contact puis commence à manœuvrer lorsque mon téléphone se met à sonner de nouveau.
Sous l’insistance de la sonnerie, je finis par répondre en mettant le haut parleur tout en roulant vers la maison.
*
* *
C’est totalement con de ma part et j’en suis encore à me demander pourquoi j’ai fait une chose pareille lorsqu’elle vient m’ouvrir la porte.
« —Wahoo !Tu as fait vite ! elle s’exclame avant de porter sa main à sa bouche en faisant de gros yeux. Seigneur, Dylan, ça va ?
—Ouais. je réponds avec un sourire en coin pour paraitre moins terne. Je suis un peu fatigué, mais tu m’as dit que tu voulais me parler.
—Euh oui. Oui en effet. elle répond en marquant plusieurs temps d’arrêt un peu comme si elle analysait la situation. »
Elle jette des regards derrière elle puis sur moi pendant un peu plus de deux minutes, puis marmonne ce que je pense être un « advienne que pourra » et m’invite à prendre place dans le salon.
« —Ne fais pas trop attention au bordel. elle dit en m’installant sur un canapé. Je passe beaucoup plus de temps chez Jesse qu’ici. Résultat, je me retrouve dans un petit désordre. Je te prie de m’excuser. »
Je balaie l’endroit d’un coup d’œil en riant intérieurement. Elle n’a vraiment pas idée de ce à quoi peut ressembler une maison avec un « désordre » aussi petit soit-il. Murielle a pris quelques jours de repos et depuis son départ la maison ne ressemble à rien. Et ce n’est pas avec mon emploi du temps que je réussirais à rétablir un semblant de propreté.
« —Tu veux peut-être boire quelque chose pour te réveiller un peu ? Tu as l’air vaporeux.
—Non, ça ira, je te remercie. Par contre, je voudrais bien que tu m’expliques le pourquoi de ce rendez-vous tardif, parce que ça n’a pas l’air aussi urgent que tu le laissais sous entendre au téléphone. »
Et si j’avais su, je me serais abstenu de venir, je me retiens de lui dire.
Le ton qu’elle a employé au téléphone était loin d’être identique à celui qu’elle emploie actuellement, même si les octaves de sa voix sont toujours basses selon moi.
Entre la Emeraude que j’ai eue au téléphone et celle qui est en face de moi, il y a deux mondes. La première avait un ton apeuré et murmurait une demande d’aide tandis que a seconde, assisse en face de moi paraît plus stressée qu’apeurée.
« —Oui, je sais. Je suis désolée pour la façon dont je t’ai fait venir ici. Je reconnais que je t’ai délibérément laissé croire que j’avais besoin de ton aide. C’est le cas ! elle ajoute rapidement. Mais disons que ce n’est pas pour un problème qui me concerne directement. Disons que je suis un dommage collatéral qui aimerait bien voir la situation se décanter à tous les niveaux.
—Où est-ce que tu veux en venir. je lui demande en me pinçant l’arrête du nez.
—Je trouvais que l’on s’entendait plutôt bien toi et moi lorsque « tout allait bien », et je trouve ça dommage qu’aujourd’hui, on arrive plus à aussi bien discuter… Tout comme je trouve dommage que votre relation à Tiya et à toi se soit autant dégradée. »
Ouais. Mais on n’y peut rien, c’est comme ça et il n’y a plus rien à faire, je me dis intérieurement en passant une main sur mon visage.
« —Au deçà de la façon assez atypique qui vous a amené à vous marier, vous avez réussi à créer une relation qui aurait pu aboutir à une belle histoire et…
—Emeraude, je t’arrête tout de suite. je la stoppe sans tourner autour du pot. Entre Tiya et moi, il n’y a rien, et il n’y aura rien. Nous avons des points de vue différents, des positions différentes, et des caractères différents qui ne sont pas fait pour se compléter.
—Tu ne peux pas me dire ça, pas après ce que j’ai vu quand tous les deux ça matchait. Ce dont vous avez besoin, c’est de temps pour discuter, vraiment discuter, mettre les choses à plat…
—Mais ce temps je ne l’ai pas. je lui réponds en me levant. Et même si je l’avais, je ne le prendrais pas pour discuter avec elle. Ça serait une perte de temps. Autant pour elle que pour moi.
—Je suis persuadée que non. elle rétorque en se levant à son tour, l’air déterminé.»
Je me retiens de lâcher un soupir et lui faire voir que je suis passablement irrité.
A l’heure qu’il est, je serais probablement dans mon lit, en train de dormir comme un loir pour faussement essayer de récupérer, mais au lieu de ça, je suis venu pour entendre parler de la dernière personne dont j’ai envie de parler. Si ce n’est pas du foutage de gueule de la part du destin ça. ..
« —Je vais devoir y aller, mais sache que j’ai entendu le début de ton propos, que je suis d’accord ave toi et que je ferai dorénavant en sorte de remédier à ce silence de ma part. Et je profite de ce moment pour vous féliciter Jesse et toi, je suis content que vous ayez pu vous remettre ensemble.
—Je te remercie, j’espère que toi aussi…. Dis-moi, j’ai ce panier à mettre sur le bureau de mon père, mais il est un peu lourd et je me suis fait une entorse au poignet. Elle m’explique en remuant son bras et en grimaçant à chaque mouvement. »
Je récupère ledit panier et la suis vers le bureau de son père, plus pressé que jamais de rentrer.
« —C’est moi où il y a une personne sous la douche ?
—Non, il n’y a personne. elle répond rapidement. Tiens, c’est juste ici, tu peux le poser sur le bureau, c’est pour mon père à son retour ? »
Je m’avance dans la pièce, puis dépose le panier sur le bureau mais avant que je n’ai le temps de comprendre ce qu’il se passe, je la vois fermer la porte et l’entends la verrouiller.
Quand je suis fatigué, il peut m’arriver d’être sujet aux mauvaises plaisanteries de mon esprit. Et parce que je pense être en plein dedans, je m’avance vers la porte puis tente de l’ouvrir… En vain.
« —Emeraude ? Emeraude ? »
S’insiste à plusieurs fois et vais jusqu’à forcer la porte sans parvenir à un résultat.
« —Emeraude ! je l’appelle en tambourinant sur la porte. Emeraude ! Mais à quoi ça rime tout ça ? »
Et comme pour répondre à ma question, la porte se trouvant sur le mur se trouvant à ma droite s’ouvre, pour me laisser voir une Tiya enroulée dans une serviette l’air hagard.
« —Mais qu’est-ce que tu fais ici ? Qu’est-ce que qu’il se passe là ? »
Je me disais bien que j’entendais comme un ruissèlement…
*
* *
J’essaie de prendre sur moi malgré la douleur des maux de tête qui m’assaillent depuis mon réveil, sans y parvenir. Passer la nuit à alterner entre le canapé et le fauteuil ne m’a pas permis de récupérer, et m’a offert des courbatures et encore plus de fatigue. Ce qui a rendu les migraines étaient inévitables.
Avec le peu de force qu’il me reste, je me dirige vers le petits frigo trônant dans un des angles de la pièce, à la recherche de quelque chose à grignoter. Sauf qu’en ouvrant le frigo, je fais face à de étagères vides de tout aliment. En soupirant, je retourne m’asseoir à ma place initiale et observe d’un œil distrait le panier en face de moi avant de recevoir une décharge semblable à un coup de jus et tendre ma main vers la panier.
Elle me l’a fait porter en m’expliquant qu’il s’agissait d’un panier mis à la disposition de son père, mais tout me dit qu’il s’agissait d’un mensonge et que ce panier nous était destiné. J’en ai la confirmation en sortant plusieurs vivres soigneusement emballés dans du papier aluminium et deux petites bouteilles d’eau. J’en laisse sur la table, et finis la seconde d’une traite, puis sélectionne ce qui me semble être un sandwich, retire son emballage en aluminium et croque à pleine dents dedans.
Mettant de côté le système de cohabitation que nous avons tacitement installé, je récupère la bouteille d’eau précédemment posée sur le bureau et un sandwich, et les propose à Tiya installée dans la baignoire de la salle de bain.
« —Y’en a d’autres dans le panier. je l’informe en lui tendant la bouteille et le sandwich »
Elle grimace tout en me regardant de travers pendant de longues secondes avant d’accepter les aliments que je lui tends, tout en murmurant un « merci » à peine audible.
Sans plus échanger avec elle, je retourne dans le bureau et continue de manger avant de m’allonger sur le canapé.
Ça fait un peu plus de 17heures que nous sommes enfermés ici si j’en crois l’horloge murale.
Lorsqu’Emeraude nous a enfermé, Tiya, après avoir essayé toutes les méthodes qu’elle pouvait, s’est réfugiée dans la salle de bains, d’où elle venait, tandis que moi, je restais dans le salon. Je n’ai pas compris la raison de cet enfermement, d’ailleurs je ne l’ai toujours pas compris. J’aurais bien tenté de nous sortir de là mais je suis tellement fracassé que les différents coups que j’ai pus porter à la porte m’ont plus desservis qu’autre chose, puis mon téléphone étant déchargé, je n’ai aucun moyen de prévenir qui que ce soit de la situation actuel. Mais j’ose espérer qu’elle ne va plus tarder à revenir ouvrir les portes, aussi bien du bureau que de la salle de bains, un d’entre elle étant tout de même idéale et qu’elle viendra nous expliquer le pourquoi du comment de toute cette mise en scène.
« —C’est ridicule. Ça n’a pas de sens. Il n’y a absolument rien à dire. lance Tiya en déposant une feuille qu’elle replace dans une enveloppe. Elle est complètement folle. Et puis je n’aurais certainement pas fait comme ça. En tout cas, moi je vais la tuer et puis c’est tout. »
Je ne comprends pas où elle veut en venir, d’ailleurs je me demande comment elle a fait pour se retrouver quasiment en face de moi sans que je ne la voie. Elle récupère un sandwich dans le panier tandis que je lorgne sur l’enveloppe, mue par la curiosité. Je finis par la prendre, et lis les quelques lignes visiblement écrites par Emeraude.
« Si vous lisez cette lettre enfermés dans le bureau de papa, c’est que mon plan a réussi. Je vous avoue que c’est avec beaucoup de scepticisme que je l’ai réalisé, mais j’ai essayé de faire honneur à Tiya et ses « plans » en imaginant celui là. Vous ne m’avez pas laissez le choix. Je ne savais plus comment faire pour vous obliger à discuter et à enfin mettre des mots sur ces silences qui détruisent votre relation.
Vous en avez besoin. Je vous en prie, discutez. Au moins pour décider ensemble du sort que vous me réserverez lorsque je viendrais vous ouvrir la porte lundi matin. »
Je ris en reposant la lettre sur le bureau. Je ris jaune, parce que pour une fois, je suis d’accord avec Tiya. Il n’y a absolument rien à dire. Tout a été dit et aujourd’hui, il ne nous reste plus qu’à attendre, que le temps passe et que nous puissions enfin instruire une demande de divorce en justice.
« —Qu’est-ce qu’on pourrait bien se dire que l’on ne sait pas encore dit ? elle me demande, avec sarcasme. Des excuses tiens ! Et si tu me présentais les tiennes, ce serait un bon début !
—Des excuses ? Je te dois des excuses. je répète en souriant.
—Ouais je pense bien. En fait, c’est ce que font les gens normaux lorsqu’il accuse à tort une personne, comme tu l’as fait. »
C’est vrai, elle a raison sur ce coup je lui en dois, mais en même temps, on ne peut pas m’en vouloir de l’avoir soupçonnée. Son comportement était tellement troublant, qu’il faisait penser à s’y méprendre à celui d’un coupable. Puis elle aurait pu calmer le jeu dès le début si elle avait parlé au lieu de me répondre de façon énigmatique et avec dédain comme elle l’a fait.
« —C’est peut-être vrai, mais il faut reconnaitre que rien de tout cela ne se serait produit si tu m’avais répondu la première fois que je t’ai demandé des explications.
—Pardon ? Parce que maintenant c’est de ma faute ? Avec tout ce qu’il s’est passé entre nous, c’était tout bonnement irrespectueux que tu penses un instant que j’aurai pu être capable de faire une chose pareille ! elle dit avec véhémence. Et même si je t’avais dit la vérité, je doute fortement que tu m’aurais cru ! Tu passes ton temps à ne voir et imaginer le pire de moi.
—La faute à qui ? T’as passé ton temps à me montrer que le pire !
—Te montrer que le pire ? elle répète comme abasourdie…. Wahou….Okay. »
La tête baissé, elle expire un soupir bref, et reste immobile un instant avant de poser son sandwich et retourner dans la salle de bains.
Et voilà, encore une fois, elle fait ce qu’elle s’est faire de mieux, partir sans rien dire alors que rien n’est clair, laissant son interlocuteur dans le flou et après elle viendra se plaindre que je tire des conclusions de ses silences et son comportement. C’est elle qui veut ça ! Et je me lève pour le lui dire. J’en ai assez de passer pour le méchant de l’histoire !
La porte de communication entre la salle de bains et le bureau étant ouverte, je rentre sans bruit dans la pièce et la trouve debout devant le lavabo, les mains devant sa bouche pour étouffer ses pleurs. J’ai le cœur qui se serre en la voyant dans cet état et je descends d’un cran. Je crois que les fois où je l’ai vu avec cet air à la fois fragile et vulnérable peuvent se compter sur les doigts d’une seule main. Jusqu’à présent, elle m’a toujours montré l’image d’une femme forte, qui se laisse très peu affecte, et la voir dans cet état pour une simple phrase que j’ai prononcé me déstabilise quelque peu.
« —Tiya… »
Elle pivote de sorte à ce que je ne voie plus son visage. Seules ses épaules sautillant à intervalle régulier m’informent qu’elle est toujours en train de pleurer.
« —Tiya…je répète en m’avançant vers elle.
—J’ai détesté les débuts de ce mariage. elle commence en faisant volte-face. Tu peux pas savoir à quel point j’ai détesté les débuts de ce mariage. J’en voulais tellement à mon père de me faire une chose pareille alors que je ne le connaissais pas, qu’il ne me connaissait pas. Je me suis sentie comme un objet. Un objet qu’il pouvait troquer comme bon le semblait, et je lui en voulais…. Je lui en voulais de ne même pas avoir pris le temps de me connaitre et d’avoir seulement fulminé une idée pareille après toutes ces années sans m’avoir vu. Alors j’ai montré le pire de moi-même pour qu’il sache, qu’il comprenne que je n’étais pas un objet. Et je me moquais bien que tu sois au milieu de tout ça, je voulais que lui il sache… Puis la donne a changé, j’ai pris conscience que tu étais là, que tu pouvais autant souffrir de cette union que moi, alors j’ai essayé de te connaitre et de changer…. De vraiment changer. J’en suis même arrivée à faire des choses que je ne m’imaginais pas faire à cause de toi, et parce que je me suis imaginée pendant un court instant que ….. que toi et moi sa pouvait marcher. Mais toi tu n’as rien vu, absolument rien. Tu as continué à me voir comme cela t’arrangeait, comme la Tiya du début. Et je t’en ai voulu, de ne pas te rendre compte de tout ce que j’avais changé alors j’ai recommencé à être celle que tu avais envie de voir, et encore, parce que j’ai compris une chose ; que je parle ou pas, que je change ou pas, cela t’importe peu, tu continueras à ne voir que le pire en moi….
Finalement, c’est peut-être moi qui te présenter des excuses. »
Sa tirade me fait intérieurement rire jaune, car comme je le pensais quelques minutes plus tôt. Contrairement à ce qu’elle prétend, j’ai vu ses changements, mais j’ai surtout entendu ses paroles et elles étaient parfaitement claires. Il ne s’agissait que d’un leur pour lui permettre de s’adonner à ce qu’elle voulait réellement ; être avec son ami sportif. Ce n’était pas pour moi qu’elle a changé, et ça, elle ne pourra prétendre le contraire. Mais même en possession de toutes ses informations, je suis resté le même, j’ai toujours fait en sorte qu’elle ne manque de rien dans cette maison, je l’ai toujours traité avec respect ! Alors je ne peux pas la laisser sous entendre que c’est de ma faute si aujourd’hui nous en somme là.
« —Bien que tu avances le contraire, sache que j’ai vu tes changements, mais avoue que ce n’était pas pour moi comme tu le dis. Pour la simple et bonne raison qu’on ne change pas pour une personne mais parce que l’on le veut vraiment. Et si selon toi je n’ai pas vu tes changements, ce n’était pas une raison pour redevenir la peste que tu étais au début. Je ne te demandais pas grand-chose ! Une cohabitation paisible ! c’est tout ce que je te demandais !
—Et c’est ce que je me suis efforcée de faire par la suite ! Tu vois, tu ne m’écoutes pas quand je te parle ! Tu ne prends que la partie qui te plait et t’arrange et le reste ! A la poubelle. Tu ne m’écoutes pas ! Tu ne m’écoutes pas : Tu ne m’écoutes pas ! elle hurle.
Toi non plus j’ai envie de lui répondre, mais je m’abstiens…. Parce que ça ne mènera à rien….