CHAPITRE XXV : L’Oasis
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Les premiers jours qui suivirent leur départ, après la fermeture de son agence, Cora déambulait sans cesse dans la grande maison vide. Avec la naissance des enfants et les exigences de son travail, elle s’était habituée à ne plus avoir un seul instant de liberté. L’image de Steve s’imposait souvent à elle. La jeune femme essayait de bannir cette amertume qui prenait possession de son cœur pour ne se rappeler que du meilleur.
Elle pensait beaucoup à ses enfants qui lui manquaient. Mais par-dessus tout, elle pensait à Dean. Durant son séjour, elle s’était habituée, comme aux temps de leur enfance, à se trouver auprès de lui.
Les enfants passèrent toutes les vacances à Cotonou. A leur retour trois mois plus tard, accompagnés de Dean, leur mère nota tout de suite un changement à leur niveau. Ils étaient redevenus insouciants, joyeux, turbulents, comme tout enfant de leur âge. Cora en était heureuse.
Dean qui avait prévu repartir le lendemain, resta toute une semaine. La première nuit qu’il passa chez Cora fut une véritable torture pour la jeune femme. Elle faillit à plusieurs reprises le rejoindre, mais seule la pudeur la retint. En effet, Steve n’était décédé que depuis cinq mois. Mais la seconde nuit, elle ne put se contenir. Comme une somnambule, elle se dirigea vers la chambre de Dean. Celui-ci ne dormait pas non plus.
- J’espérais de toutes mes forces que tu viendrais, se contenta-t-il de dire dès qu’elle y entra.
- Oh Dean, serre-moi fort dans tes bras, j’ai tellement besoin de toi.
Aussitôt il exauça sa prière. Elle s’accrocha désespérément à lui comme à une bouée. Dean, grisé par le parfum de la jeune la plaqua contre lui. Durant un long moment, ils ne cessèrent de s’embrasser, de se désaltérer de la saveur unique des baisers qui s’enchainaient, inlassablement.
Enflammée, Cora renversa la tête en arrière, offrant sa gorge aux lèvres brûlantes de son compagnon qui y dessina un sillon de lave brulante. Dean se redressa et d’une main tremblante défit la ceinture qui retenait son peignoir de la jeune femme et fut une fois de plus émerveillé par la beauté de son corps gracile et frémissant. Un corps resté parfait malgré les maternités. Une féminité insolente qui semblait être juste créée pour fleurir dans ses bras. Du bout de la langue, il excita le bourgeon d’un sein tandis que l’autre épousait parfaitement le creux de ses doigts.
Tous deux enivrés, laissant de part et d’autre du lit leurs vêtements, ils ne pensaient plus qu’à étancher ce désir violent, presque convulsif qui les tenaillait.
Dean était tel qu’elle se le rappelait : athlétique, doux et fort, tout à la fois. Sa peau cuivrée avait conservé cette odeur mâle, un mélange de musc et d’eau de Cologne citronnée. Un corps magnifiquement ciselé qu’elle redécouvrait de ses doigts fins sur sa peau. Il frémissait au moindre de ses contacts et laissait s’échapper des gémissements qui l’enchantaient.
Elle s’agrippa à lui comme il traçait un sillon ardent dans la vallée de ses seins, sur la peau tendre de son ventre, pour enfin se perdre dans l’intimité de ses cuisses. Elle s’arc-bouta et ne put lutter contre la sensation magique qui naissait dans tout son être. Elle cria son nom et comme pour lui répondre, il la posséda. Aussitôt le plaisir déferla en elle comme une vague. Incapable de se retenir, Dean la rejoignit dans la folle jouissance qui les déchira. Brisé par l’émotion, Dean s’écrasa sur son Cora tandis que son souffle effréné lui parvenait.
- Mon Dieu ! Je ne t’ai possédée que moins d’une minute, mais j’ai l’impression d’avoir traversé le paradis.
- Moi aussi mon amour, c’était magique.
Cora écarquilla les yeux de surprise alors qu’elle sentait Dean, toujours incrusté en elle, renaître.
- J’ai toujours envie de toi, s’entendit-il murmurer.
- Moi aussi, avoua la jeune femme en prenant ses lèvres.
Cora ne retourna dans sa chambre qu’au petit matin avant le réveil des enfants. Il en fut ainsi tous les soirs jusqu’au départ de Dean.
La veille de son départ, celui-ci lui avait demanda après un long silence :
- Cora veux-tu me suivre ? Toi et tes enfants ?
Au creux de ses bras, la femme tressaillit :
- Tu sais bien que c’est impossible.
- Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui te retient ici ?
- Ma vie est ici ; j’y ai tout. De plus, je ne veux pas bouleverser les enfants en leur faisant changer de cadre.
- Ils ont été heureux à Cotonou. Si tu n’étais pas ici, je crois qu’ils ne voudront plus revenir.
- Je ne peux pas quitter Abidjan.
- Tu veux prendre du temps pour réfléchir ?
- C’est ma décision Dean. Je ne changerai pas d’avis.
- Cora, on ne peut pas continuer à vivre ainsi. Epouse-moi. Tu es la seule au monde avec qui je veux me marier. Je te veux mon amour à mes côtés. De toutes mes forces.
- Steve est décédé il n’y a pas longtemps et je ne voudrais pas salir sa mémoire.
Le lendemain Dean repartit, déçu. Cora sentait sa colère, mais elle n’y pouvait rien.
Presque tous les mois, Dean se rendait à Abidjan où il passait deux ou trois jours ne pouvant délaisser Millenium@ plus longtemps. Chaque fois qu’il quittait Cora et les enfants, il se sentait malheureux. Mais Cora restait ferme sur sa décision, même si elle avait la sensation de mourir un peu à chacun de ses départs.
L’année passa, au rythme des visites de Dean. La jeune femme ne vivait plus que pour ces quelques jours volés au temps. Alors seulement, tel le phénix de ses cendres, elle renaissait. Son amour pour lui était maintenant plus fort que jamais, immense, incontrôlable. Tant de fois elle avait voulu tout laisser tomber et le suivre, même jusqu’au bout du monde. Mais la peur de voir tout basculer comme avec Steve dès qu’ils commenceraient à vivre avec lui, la tenaillait et c’était la raison principale de son incompréhensible refus.
Dean et Adnane passèrent Noël avec eux. Les enfants n’avaient manifestement plus envie de se séparer.
- Cora, je t’en supplie, viens avec moi, implora une fois de plus Dean ; ce n’est pas une vie qu’on mène ainsi. Se voir deux ou trois jours par mois ne me suffit plus. Je veux t’avoir à mes côtés à chaque instant. Je veux t’épouser.
- Ne reviens pas sur ce sujet s’il te plaît.
- Raison de plus pour venir avec moi. Regarde les enfants, ils s’adorent. Anna et les jumeaux sont aussi mes enfants, au même titre que Adnane. Tu sais bien que mon fils vit avec moi depuis deux mois, après avoir refusé de suivre sa mère et son mari aux Etats-Unis.
- Et mon travail, tu n’y as pas pensé ? Contra la jeune femme pour se dérober.
- Rien ne t’empêche de fermer ton agence ici et d’ouvrir une autre à Cotonou. Ta réputation dans le milieu est faite et ce n’est pas en changeant d’adresse que tu perdras ta clientèle.
Cora savait qu’il avait raison mais ne voulait pas l’admettre.
- Dean, on a déjà tant de fois, discuté de cela.
- C’est vrai et c’est la dernière fois que je t’en parle. Si tu refuses une fois encore de me suivre, je pense qu’on ne se verra plus avant longtemps.
- Qu’insinues-tu Dean ? Murmura son interlocutrice le cœur soudain étreint par une sourde angoisse.
- Je suis sérieux Trésor. Chaque fois que je te quitte, je souffre un peu plus que la fois précédente. J’ai quarante-huit ans et je ne veux plus de cette vie. Je suis désolé Cora.
Sur ces derniers mots, il saisit sa valise et rejoignit les enfants qui les attendaient pour aller à l’aéroport. Cora en s’insérant dans la circulation aurait voulu une fois plaider sa cause, mais la présence des enfants l’en empêcha.
Avec un cœur serré, elle regarda l’homme de sa vie gravir la passerelle en compagnie de son fils. Chaque fois, Dean lui faisait de la main des gestes d’au revoir. Mais cette fois, il ne le fit pas, ne se retourna pas une seule fois.
Six mois s’écoulèrent ainsi. Elle avait plusieurs fois tenté de l’appeler mais perdait courage au dernier moment. Les enfants ne comprenaient pas pourquoi Dean ne venait plus.
- Maman, oncle Dean ne nous aime plus, n’est-ce pas ? Comme papa avant, il nous déteste maintenant.
- Ne parle pas ainsi Liam, s’écria Cora le soir où son fils lui sortit ces paroles. Votre père ne vous avait jamais détesté, il était simplement malade d’avoir perdu l’usage de sa main. Et tu sais bien que votre oncle Dean vous adore.
- Pourquoi ne vient-il plus nous voir alors ? Renchérit Lucas l’air revêche.
Anna quant à elle fixait calmement sa mère et attendait ses explications. Cora observait tour à tour les trois regards tournés vers elle et en quelques secondes prit sa décision. Elle leur parla d’abord de ses rapports un peu spéciaux avec Dean.
- Alors il n’est vraiment pas notre oncle, conclut Liam déçu.
- Non pas vraiment. Mais il vous aime comme s’il l’était vraiment. Il m’a demandé que nous venions tous vivre avec lui.
- Avec Adnane aussi, voulut savoir sa fille.
- Oui, avec Adnane.
- Chouette, s’exclama les jumeaux de concert.
- Et toi tu ne veux pas maman ? Demanda Anna qui étonna une fois de plus sa mère par sa précocité habituelle.
- Est-ce que vous, vous le voulez ?
- Oui, n’est-ce pas les jumeaux ? S’écria Anna soudain surexcitée.
Pour toute réponse, les deux garçons enlacèrent leur mère émue qui d’un bras attira sa fille.
Dès le lendemain, Cora se lança dans les préparatifs. Elle avait pris le risque de ne pas avertir Dean. Seule Cadia avait été mise dans la confidence. Quelques fois, le doute surgissait en elle. Après tout, huit mois étaient passés sans qu’il ne donnât de ses nouvelles.
En six semaines, elle fut prête. Elle avait au départ prévu vendre le duplex, mais avait par la suite changé d’avis ayant trouvé une famille qui désirait le louer.
Par un samedi pluvieux, Cora revint à Cotonou avec l’espoir de ne plus jamais repartir. Elle se rendit d’abord dans la demeure familiale où elle laissa les enfants sous la garde de sa mère. Adnane qui était venu y passer la journée ne put cacher sa joie. Elle prit ensuite un taxi et alla sonner chez Dean.
Anxieuse, elle entendit des pas s’approcher et reconnut d’instinct ceux de Dean. Mais elle reprit courage en se remémorant les paroles d’encouragement de sa mère. Tu as pris la bonne décision, lui avait-elle dit.
Dean lorsqu’il ouvrit la porte demeura un instant hébété comme devant une hallucination.
- Trésor, c’est bien toi ?
- Oui.
- Entre, proposât-il enfin en s’effaçant. Quand est-ce que tu es venue ?
- Il y a juste une heure.
- Ah !
Ils s’installèrent dans le séjour. Il observa quelques secondes Cora qui se triturait les doigts comme une adolescente à son premier rendez-vous.
- Les enfants vont bien ?
- Oui, ils sont chez maman.
- Tu es venue avec eux ? Questionna Dean pris d’un espoir fou.
- Oui, et pour toujours. Enfin, si tu veux encore de nous.
A ces mots, l’homme bondit sur ses pieds et demanda nerveusement :
- Tu es sérieuse Cora ?
- Oui, je ne veux plus être séparée de toi. Plus jamais. Durant des années tu m’as échappé ; la première fois parce que j’étais trop jeune, la seconde tu étais marié, et la troisième fois c’est moi qui l’étais. Je t’aime Dean, et cela depuis ma plus tendre enfance.
- Oh mon Trésor moi aussi ! Je t’ai aimé dès l’instant où je t’ai vue dans ton berceau. Dès que mes parents t’ont adoptée, je t’évitais parce que j’étais jaloux de l’attention qu’ils te portaient. Mais la première fois que je t’ai vue couchée dans ton berceau, les yeux brillants de larmes, j’ai été ému. J’ai essuyé tes larmes et tu as emprisonné mon doigt dans ta petite main. Dès cet instant j’ai su que tu avais volé mon cœur. J’ai en vain lutté.
- Tu veux encore de moi Dean ?
- Quelle question ! Toute ma vie je n’ai voulu que toi, rassura Dean en s’agenouillant devant elle. Veux-tu m’épouser Cora ? Demanda Dean des larmes roulant sur ses joues.
- Oui, toute ma vie j’ai attendu ce moment, répondit la jeune femme en le relevant et mêlant ses larmes aux siennes.
Ils s’enlacèrent le cœur débordé d’une joie commune, d’un même amour ardent qui les consumera tout une vie entière. Dans les bras l’un de l’autre, ils eurent l’impression d’avoir atteint le cœur d’une oasis après une longue et pénible traversée du désert.
FIN