Chapitre XXXIII
Write by Tiya_Mfoukama
Chapitre XXXIII
« —Tu devrais y aller. je lui dis simplement. »
Pendant des secondes qui me paraissent être une éternité, elle me fixe d’un regard pénétrant, cherchant sans doute à sonder mon esprit, mes pensées, mais je ne laisse rien paraitre et me montre de marbre. C’est une des compétences que j’ai acquises au contact de mon père. Je lui dois au moins ça.
A aucun moment je ne scille, à aucun moment je ne montre combien j’ai besoin d’elle et que ce mois passé à ses côtés a été une bouffée d’air frais, comme un souffle nouveau qui m’a permis de sortir ma tête de l’eau.
Jusqu’à ce que je la rencontre, je ne pensais pas qu’il était possible d’aimer une personne, et d’autant se déchirer au point de ne plus pouvoir rester, au point de se séparer. Je ne pensais pas qu’avoir du mal à communiquer avec la seule personne avec qui nous souhaitons échanger pouvait être possible. Et pourtant, il suffit de nous regarde, de voir où nous en somme.
C’est peut-être mieux ainsi. Après tout, si nous n’avions pas été victimes de la cupidité de nos parents, nous ne nous serions pas rencontrés, encore moins mariés.
«—….Probablement. elle finit par marmonner avant de prendre les escaliers. »
Ce n’est que lorsque je suis certain qu’elle a refermé la porte de sa chambre derrière elle, qu’elle n’est plus en mesure de voir, encore moins de m’entendre, que je laisse mes épaules se voûter et expire de longs soupirs à loisirs.
« Toc, toc, toc »
Je suis tenté par l’idée de ne pas ouvrir la porte à la personne qui frappe, mais il doit probablement s’agir d’une personne proche. Depuis l’agression de Tiya, Ismaël a des instructions strictes et ne laisse entrer que la famille proche et quelques amis tous listés. Je me dois de faire bonne figure devant la personne qui vient de sonner et de la virer sans pour autant la brusquer, ce que je ne suis pas certain de pouvoir réussir à faire. Je passe mon index et mon majeur sur ma tempe droite, histoire d’atténuer le mal de tête qui commence à doucement se faire sentir puis me dirige vers la porte d’entrée.
Tiens pour une surprise, c’en est une, et pas petite, je me dis en observant la personne en face de moi.
« —Je peux entrer ? il me demande, les mains enfoncées dans ses poches. Il faut que nous discutions.
—Mais je t’en prie. je réponds en le laissant passer devant moi. »
Il y a encore cinq minutes, je m’estimais pas apte à pouvoir recevoir qui que ce soit dans des conditions pareilles, et la première idée que j’ai eu en le voyant au pas de la porte était de la lui refermer au nez, mais tout compte fait, ce n’est pas une si mauvaise idée qu’il soit là.
Je l’invite à rejoindre le salon, ce qu’il fait en parcourant d’un regard hautain le couloir et le salon en lui-même. Je constate qu’en un mois, son air dédaigneux face à tout ce qui n’est pas de lui, ne le quitte pas une seconde. Et ça ne m’étonne pas plus que ça…
« —Je ne te propose pas à boire ?
—Non, ça va. il me répond en prenant place dans un des fauteuils, ne relevant pas le ton sarcastique de ma phrase. Nous devons discuter de ton retour au sein de l’entreprise. Tu as pris un peu de temps pour toi, maintenant il faut que tu reviennes.
—Que je revienne ? j’arrive à articuler.
—Oui. J’ai fait de mon mieux pour calmer les investisseurs, les fournisseurs et les partenaires durant ton absence, mais ils commencent à s’inquiéter de ton silence. Tu es l’intermédiaire avec lequel ils ont toujours échangé, tu dois donc revenir pour les rassurer, comme tu sais si bien le faire. »
Wahou !
Je reconnais que je ne m’attendais pas à autant d’aplomb pour ne pas dire autant de foutaise de sa part. Il se tient devant moi, assis dans mes fauteuils avec la plus grande sérénité et me balance sa demande comme s’il ne s’agissait de rien, comme si elle était légitime. Et l’écouter, on pourrait croire que j’ai posé quelques jours de vacances et qu’il vient me demander de les écourter pour gérer les soucis liés à mon poste.
De la façon qu’il parle, on ne s’imagine pas un instant que j’ai quitté mon poste après avoir appris qu’il avait trafiqué les comptes afin de me faire croire que nous étions pratiquement en cessation de paiement et au bord de la faillite, qu’il a monté toute cette histoire dans le seul et unique but de se faire encore et toujours plus d’argent, même au détriment de ma personne.
« —Il faudrait que tu reprennes ton poste au plus vite, donc je te propose de terminer ta semaine tranquillement tout en regardant les dossiers pour revenir en forme lundi matin. Qu’en dis-tu ?
—Qu’est-ce que j’en dis ? je répète le sourire aux lèvres. »
J’en dis qu’il faut être sacrément audacieux pour faire ce qu’il est en train de faire et que je devrais quand même prendre le temps de l’ovationner. Réussir à prendre les gens pour des cons et cela jusqu’au bout, faut quand même le faire. Ce n’est pas donner à tout le monde d’avoir aussi peu de respect et de considération pour les personnes de son entourage, à plus forte raison ses enfants.
Il n’y a même pas une seule once de remord ou de regret dans son regard à croire qu’il ne s’agit de rien pour lui.
« —Oui ? Ça te convient ? Tu peux tout aussi bien reprendre dès demain.
—Tu es sérieux ? je lui demande espérant que je sois dans un sale rêve et que je vais finir par me réveiller.
—Bien sur que je le suis ! Dylan, l’heure n’est plus à la rigolade ! Nous devons reprendre les rênes en mains au plus vite !
—Et tu penses sincèrement que je vais revenir travailler après ce que j’ai appris ? Après ce mensonge que tu m’as servi, après ce mariage dans lequel tu m’as demandé de m’engager pour seulement voir ton argent augmenter ?
—Tu es encore sur ça ? il soupire en se levant, comme si je l’irritais. Je n’ai peut-être pas agi de la meilleure des façons mais tu peux très bien divorcer, où est le problème ? »
De divorcer. Et il le dit avec une si grande facilité. Divorcer. Pour lui permettre de gagner de l’argent, après m’avoir demandé de me marier, il m’autorise à divorcer. Pour de l’argent.
J’essaie de chercher en l’homme se trouvant en face de moi, le père que j’ai connu, celui qui a été pour moi un modèle, qui m’a transmis des valeurs morales et familiales, celui qui m’a fait rêver au travers de la complicité qu’il entretenait avec sa femme, celui qui m’a appris que la famille passait avant tout. Je le recherche activement, en détaillant cet homme de la tête aux pieds et ne le trouve pas.
Je ne vois qu’un homme avide d’argent, pleins d’arrogance, qui ne parait même plus voir à quel point il heurte et blesse les personnes qui l’entoure. Il ne se rend même pas compte à quel point il me blesse.
« —Où est le problème tu me demandes ? Okay, je fais quoi moi de cette année que j’ai passé à ses côtés, à développer des sentiments pour elle ? T’as l’air d’avoir réussi à perdre ton cœur quelque part pour le remplacer par l’appât du gain, mais moi j’ai encore le mien et il a des sentiments pour cette femme que j’ai épousée, j’en fais quoi ? T’as pas une idée retord dont toi seul à le secret, pour me permettre de l’oublier ?
—Tu penses que tu es en train de parler à qui Dylan ? il s’énerve.
—Justement. je réponds, du tac au tac sur le même ton. Je me pose cette question ! A qui je suis en train de parler ! C’est certainement pas mon père ! Parce que mon père, celui qui m’a élevé, m’a inculqué des valeurs morales et familiales ne pourraient jamais se tenir devant moi pour me demander aussi facilement de divorcer ! Il ne pourrait jamais se servir de ma faiblesse pour se faire de l’argent sur mon dos ! T’es parti jusqu’à inventer une putain d’histoire et pour toi, ton entreprise et la famille je me suis marié à une femme que je ne connaissais pas. Pour toi et la famille, j’ai renoncé à l’idée d’épouser celle qui aurait pu correspondre à mes critères pour en épouser une avec qui j’ai du apprendre à cohabiter mais aussi à aimer. Et là tu me sors tranquillement, comme s’il ne s’agissait de rien, que je peux divorcer ! C’est aussi facile que ça ? Devant l’argent tout devient aussi facile que ça ?!
—Tu parles comme si cet argent tu ne l’en avais pas non plus disposé. Quand je me sacrifiais pour tes frères et toi ça ne te posait pas problème de disposer de cet argent. »
Plus il parle et plus je vois l’image que j’avais de mon père s’égratigner, se corner, se déchirer à grands coups de lames et par sa seule intervention. Je prends conscience que j’avais de lui une image biaisée par de fausses valeurs qu’il ne possède pas lui-même.
Et comme un flash back, je revois Jesse m’avertir, me prévenir. Lui parvenait déjà à voir ce que je me refusais de voir. il fallait que je le vive.
La leçon est mieux assimilée lorsqu’on la vie…
« —Sauf qu’ici, il ne s’agissait pas d’un sacrifice pour la famille mais pour ton propre intérêt. Et j’espère pour toi que tu as pris le temps d’économiser parce qu’à partir de maintenant, tu devras trouver une autre marionnette. J’estime avoir assez donné.
—Mais qui penses-tu être ? Qui penses tu être pour te permettre de me parler comme ça ? Sans moi tu n’es rien, tu le sais ça ?il lance l’air plus hautain que jamais. »
Piqué au vif, je m’entends lui dire sur le même ton qu’il emploie :
« —Pourtant c’est toi qui viens quémander mon retour aujourd’hui. »
Je n’aurais pas du, c’était stupide mais plus fort que moi, tout comme le coup qu’il me décoche à la mâchoire devait être plus fort que lui.
« —Sale petit ingrat. il lâche en m’enserrant le cou, tout en appuyant sur ma jugulaire. Sache que de la même façon que je t’ai fait, je peux également te défaire…
—Je pense que vous devriez partir. j’entends derrière moi. »
Il conçoit de me lâcher, ajuste sa veste les yeux rivés sur moi avant de sortir, tout comme il est rentré ; dans le silence. Je ne prends pas la peine de me tourner vers Tiya, je pense qu’elle a compris. Ce n’est que quand je passe ma main sur mon cou et qu’une douleur vive se fait sentir que je réalise que j’en suis venu aux mains avec mon père. A cause de quoi ?
« —Dylan…
—T’es toujours pas partie ? je lui demande toujours dos à elle.
—….me repousse pas. elle murmure en m’enlaçant par la taille. »
Même si je l’avais voulu, je n’aurais pas pu la repousser. J’en avais pas la force… ni l’envie.
Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés là, debout dans le salon, elle m’enlaçant. Je sais simplement que ce temps a suffi à unir les battements de nos cœurs et nos respirations.
*
* *
« —Pourquoi…. Pourquoi tu n’as rien fait ?
—….
—Dylan…elle souffle en se tournant vers moi.
—Je pensais que tu étais fatiguée et que tu voulais dormir. je lui réponds ignorant les yeux interrogateurs et suppliants. »
Je les ai entendu dans le son de sa voix avant de les lire dans ses yeux. Toutes ses questions, interrogations qu’elle se pose, mais je n’y ai pas répondu. Principalement pour deux raisons. Je ne me sentais pas de discuter, de lui expliquer, et je ne suis pas sûr que ça vaille la peine.
Tout est si compliqué et confus entre nous, que je ne pense pas que cela puisse changer quoi que ce soit. Excepté nous leurrer pendant encore un cour instant avant de nous déchirer plus fortement….
—Dylan. elle répète toujours dans un murmure.
—Quoi ?
—Pourquoi tu n’as rien fait ?
—-Parce que je ne le voulais pas. Parce que je voulais être à tes côtés. Parce que je voulais essayé. Je finis par répondre avec honnêteté. Mais ça n’a pas marché. Comme toujours l’incompréhension a eu raison de nous et je pense que se quitter, est la seule solution qui nous reste. »
Je ne pensais pas en dire tant, mais ce n’est pas si mal. A un moment, il faut dire les choses telles qu’elles sont est arrêter de se voiler la face. Vivre constamment avec des œillères ne nous aidera pas, et ne fera que pourrir notre relation avant de nous dégouter l’un de l’autre. Il vaut mieux mettre un point à une phrase, que des virgules qui l’alourdissent et lui enlève tout son sens.
« —Et si on essayait…Ensemble ? je l’entends proposer.
—Qu’on quoi ? je lui demande en retirant ma main posée sur mon visage. »
—Tu viens de dire que tu avais essayé, et moi aussi j’ai essayé, mais ça n’a pas marché. Alors je me demande si on ne devrait pas essayer ensemble… »
D’une position allongée, elle change de position pour se retrouver assis, avec une détermination dans le regard et poursuit :
« —Je ne peux pas divorcer Dylan. Je ne peux pas . Pas parce que je trouve cela inconcevable ou je ne sais quoi d’autres, mais parce que je t’aime et que je veux donner une chance à la seule relation qui a de la valeur à mes yeux. Je ne sais pas mais… Mais tu voudrais pas voir à quoi ça peut ressembler ? A quoi ça peut vraiment ressembler toi et moi, si on n’y met du notre. Ensemble ?
—…..Tiya…. Je suis las de nos prises de tête, de nos querelles perpétuelles, de ce manque de confiance qu’il y a entre nous, et je pense qu’il faudrait vraiment arrêter le massacre tant qu’il est encore temps.
—C’est de cette façon que tu le perçois ? Un massacre ?
—Non. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire c’est que…. C’est que je ne veux pas qu’on en arrive à ce point de non retour. Cet instant où la présence de l’autre sera inéluctablement insupportable. J’ai fini par m’attacher… Et si je venais à te perdre, je préférerai avoir un minimum que rien. Je lui avoue.
—Alors essayons. »
Je vais prendre mes pops corn et je vais regarder les deux zozos là ! Je suis fatiguée d'eux et vous ?
Tiya, Dylan ... Libérez-nous la ligne ! rires