cohabitation

Write by RIIMDAMOUR


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- Bonjour! Dis-je en pénétrant dans le salon, un sourire plaqué sur mes lèvres.

- Bonjour Milouda! Répondit ma belle-mère en souriant à son tour.

On habitait ensemble depuis deux semaines et j'étais toujours aussi gênée en sa présence.
Je me forcai tout le temps pour ne pas la fuir.

- Comment allez-vous?
Demandais-je en m'asseyant à ses côtés.

- Je vais très bien merci. Mais Milouda, arrête de me vouvoyer. Ça me donne l'impression d'être une vieille. Appelle moi Aly je t'en pris.

Je hochai timidement la tête.
J'étais toujours comme ça avec elle. Pourtant elle était très douce et gentille avec moi.
Mais le problème venait de moi.
Pourquoi?

- Vous av... As tu déjà déjeuné? Questionnais-je tout aussi timidement.

- Non je n'ai pas faim ma chère. Merci.

Mon mari avait insisté pour que je surveille le régime alimentaire de sa mère.
Il m'avait même menacé je dirais. Elle avait des problèmes cardiaques et il était important qu'elle prenne des repas équilibrés.

- Je vais me faire une salade. Vous en voulez? Je n'aime pas manger seule. Dis-je.

Elle sourit. Apparemment, elle avait compris ma ruse

- D'accord, juste une salade alors. Accepta t-elle.

On déjeuna ensuite dans une ambiance très calme.
Je n'arrivais pas à la regarder dans les yeux. Je n'ai jamais été de nature très timide pourtant .
Peut-être était-ce lié à se ressemblance avec son fils.
Il avait presque tout pris d'elle.
Le nez retroussé un peu gros, le visage ovale, la bouche pulpeuse... même le regard pénétrant.
Les seules différences étaient que mon mari avait les yeux verts et la grande carrure de son père.
Elle était plutôt petite.

Elle m'observait tout le temps, comme si elle m'étudiait.
Je semblait être un mystère pour elle.

Moi aussi je m'interrogeais sur son compte.
Je ne savais d'elle que le stricte minimum que son fils avait bien voulu me dire. C'est à dire: presque rien. Nada.

Je comprends que chacun ait ses secrets mais Amine Aïdir... pfff.
Aussi mystérieux qu'inaccessible.

Il ne semblait même pas avoir d'affinités avec sa propre mère.
Il parlait de moins en moins depuis qu'elle habitait avec nous.
Il gardait aussi sa mine serrée et se cantonnait dans son bureau du matin au soir.

Le jour de l'arrivée de Tante Aly a été très bizarre.

FLASHBACK.

- Maman?  Que fais tu ici? 

J'étais tellement surprise que j'avais manqué de defaillir. J'étais restée plusieurs secondes sans pouvoir bouger, près de la porte d'entrée.
Amine avait programmé la venue de sa mère pour plus tard.
Je me dis que vu son ton surpris , il n'avait pas été averti lui non plus.

- Je voulais te faire la surprise Mohammed. Entendis-je la nouvelle arrivante dire.

Alors là, vous avez réussi madame.

Mon mari avait l'air tellement, mais tellement perdu.

La femme devant lui, le regardait de la même manière, mais elle son regard était fixé sur Mina, qui était assise sur un tapis, entourée de ses jouets qu'elle s'amusait à remplir de bave.

Je me dirigeait instinctivement vers elle pour la prendre dans mes bras.

Le regard de la femme voyagea alors de mon mari à moi et de Mina à Amine.

Pourquoi nous regardait-elle ainsi?

Amine semblait être plongé dans une profonde torpeur.
Je pris alors les choses en main.

- Bonjour. Je suis Milouda. Dis-je à l'intention de ma " soi-disant" belle-mère.

Amine sembla se souvenir de notre existence et prit la parole.

- Heu... maman je te présente ma...ma femme. . Balbutia t-il.

- Ravie de faire enfin ta connaissance Milouda. Répondit- elle en souriant.

Mina éternua sur mon épaule, attirant l'attention de tout le monde.

- Et qui est cette jolie demoiselle?  Demanda la dame en se penchant sur le bébé.

Jamila et son frère entrèrent dans le salon en hurlant et en courant. Le regard de la Dame se troubla encore plus.

- Mohammed? Combien d'enfants as tu? Avait-elle crié en se tenant la bouche.

- Quoi?

Ce cri venait de mon mari et moi, en même temps.

- Non maman, ce ne sont pas mes enfants. Bien sûr que non! Ils sont à Lily. Ma soeur.

La dite maman s'affala sur le canapé, en soufflant de soulagement et en se tenant la poitrine.

On se précipita tous sur elle pour voir si elle allait bien.

Elle n'avait rien, elle avait juste été un peu secouée.

Non mais franchement. Comment a t-elle pu penser qu'Amine était le père des trois petits?

En même temps, ils lui ressemblaient un peu. Vu que c'est la même famille.

Et puis, elle l'aurait su si son fils avait eu des enfants.
Non?
Wala ?
C'était à n'y rien comprendre.

Amine Aïdir est vraiment le pire cachotier du monde.

Je partis lui chercher un verre d'eau.
Hayad Aïdir était assis sur le canapé, un sourire satisfait sur son visage.
Je l'avais même oublié lui.

La question demeurait, que faisait-il là?
Pourquoi est ce que c'est lui qui a emmené la mère de mon mari, dont j'ignorais le prénom en ce moment là .

Une heure de temps après, Hayad avait été mis à la porte ( discrètement ), et madame belle-maman avait été installée dans la chambre d'amis où Ousmane était avec sa soeur au par avant.

Aucune émotion n'avait transparu sur le visage de mon mari.

Si moi j'avais eu l'occasion de revoir ma mère, je crois que je l'aurai accueilli avec plus d'enthousiasme.

FIN DU FLASHBACK.

À  présent Camelia était venue récupérer ses enfants.
J'avais repris les cours et Amine avait recommencé à travailler.

J'avais beaucoup œuvré pour que sa mère se sente à l'aise chez nous.
Elle n'avait pas voulu apporter de modification à la chambre où on l'avait installée, pourtant j'avais insisté pour qu'elle le décore à son goût, pour se sentir plus à l'aise.

Elle n'était pas sortie de la maison depuis son arrivée, elle n'avait pas reçu de visite non plus.
Pourtant elle m'avait dit qu'elle n'était pas rentré au pays depuis 25 ans. Elle est bien sénégalaise.

Alors je me demandais si elle n'avait pas de famille, ou d'amis.

Elle était tout le temps soit au salon, soit dans sa chambre.
Sa présence passait même inaperçue. Elle de faisait très discrète ndeysane! Mais on la sentait bien. On arrivait pas à faire abstraction de sa présence chez nous.
Maintenant, on chuchotait quand on se disputait pour la télécommande, ou quand je lui demande de prendre un dessous de verre au lieu poser directement son verre sur la table...
Où même pire, on de disputait en silence.
Quoi?
C'est possible je vous assure.

Sa mère prenait le petit déjeuner avec nous, tous les matins. Elle n'était pas obligée mais c'était quand même très correct de sa part.
Quand Amine nous trouvait dans la pièce, il ne lançait qu'un "salam" général avant de prendre son petit dej.
Je suis la première à comprendre que monsieur n'est pas du matin, mais il abusait en saluant les gens aussi froidement.
Sa mère avait toujours le regard triste quand il se mettait à l'ignorer comme ça.
Alors je commençais nos discussions silencieuses.

Je le regardais dans les yeux puis lui faisait un signe de tête pour qu'il salue plus gentiment sa mère.
Il levait les yeux au ciel , l'air de dire" de quoi je me mêle "?
Puis je froncais les sourcils pour lui faire comprendre mon mécontentement, lui se contentait de hausser les épaules, genre: " Je m'en fous!"

C'était très drôle quand j'y repense.

J'avais emménagé dans la chambre d'Amine.
Bien malgré moi.
J'avais tellement hâte de retrouver mon lit quand les enfants sont partis.

C'était sans compter sur lui.

- Maintenant que maman est là, faudrait encore plus jouer notre rôle. Tu vas t'installer dans ma chambre, définitivement. Avait-il dit sans que je m'y attende.

- Quoi? Avais-je crié, ahurie .

- Comment ça, quoi? Milouda, à ton avis à quoi va t-elle penser quand elle saura que nous ne partageons pas la même chambre.

J'avais hésité, il avait raison. Ça paraitrait bizarre qu'un couple ait des chambres séparées.

- Mais je... enfin. Je ... c'est pas ...

Il avait tapoté la place à côté de lui, sur le canapé, pour que je l'y rejoigne.
Puis il m'avait regardé avec son air moquer que je déteste tant.

- De quoi as tu peur? Je vais pas te bouffer. Avait -il renchérit.

Pff...

C'est vrai qu'il ne m'avait pas bouffée.
Mais notre cohabitation dans une même chambre était très difficile.
On faisait tous les deux des efforts considérables pour ne pas nous disputer à longueur de temps.
Mais c'était... mission impossible.

Il foutait un bordel incroyable que j'étais contrainte de ranger, puisque je ne supportais pas les chaussettes qui traînent et les pantalons qui pendent sur la porte de la salle de bain. Et lui, n'aimait pas du tout que je touche ses affaires.

Le plus difficile,  c'était le dodo.
Maintenant qu'il n'y avait plus Mina pour se coucher entre nous , c'était très difficile pour nous de dormir sans nous toucher.

Surtout pour moi, je m'étais encore réveillée blottie contre lui, ce matin là,  heureusement qu'il dormait encore .
Faut avouer que je dormais mieux, blottie contre lui, à profiter de sa chaleur.

Sérieusement mes hormones commençaient à me jouer des tours.
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Je n'avais pas attendu que Xavier vienne me chercher ce soir là.
J'avais entraîné Rokhaya, ma voisine , avec moi au Casino dès que le cours prit fin à 17h. Ce n'était pas très loin de mon école.

Je surfais comme ça,  par hasard, sur le net, pendant mon cours d'économie ( qui n'était pas intéressant), quand j'ai remarqué que j'avais oublié de lire un mail qu'une école de cuisine m'avait envoyé.

C'était un avis de concours. Un chef américain triplement étoilé offrait un stage de trois mois au gagnant de chaque pays.
Tout ce qu'il fallait c'était lui présenter une entrée et un désert original faits avec les produits locaux du pays du participant.

Je n'ai pas lu le mail à temps donc j'avais une semaine de retard et le concours était la semaine suivante.

C'était l'occasion rêvée pour moi mais j'avais déjà beaucoup de retard.
Retard n'avais même pas pensé aux plats que j'allais cuisiner.

Il fallait que je sois sélectionnée , il le fallait vraiment, pour que je puisse me perfectionner.
C'était une aubaine à ne pas manquer.

Je passais une heure de temps à hésiter entre les rayons du casino , je ne me rendis même pas compte que le temps était passé depuis . J'avais oublié mon portable dans mon sac, quand je le repris, j'y trouvai plein d'appels manqués de mon mari et du chauffeur.
Amine me rappela. À ma grande surprise.

- Milouda tu vas bien? Demanda t-il inquiet.

- Oui. Pourquoi?

Je ne comprenais pas pourquoi il semblait si inquiet.

- Xavier est passé à ton école mais tu n'y étais pas. Où es tu? Tu m'as fichue la trouille. S'exclama t-il.

- Je suis entrain de faire mes courses au Casino. Lui dis-je.

Il souffla, de soulagement sans doute.

- Je vais demander à Xavier d'aller te chercher. Ne bouge pas d'accord?

- D'accord. Mais que se passe t-il Amine? Lou Khew?

Il m'avait inquiété moi aussi.
Qu'avait-il à crier comme ça lui aussi?
Ish

- Il se passe que tu es imprudente Milou. Dit-il en se radoucissant.
La personne qui t'a droguée court toujours. Elle pourrait te tendre un autre piège.

"Tiens, il s'inquiète pour moi? " Me dis-je.
Mais bon, il avait raison.
J'avais même oublié cet histoire de GHB.

- D'accord je vais l'attendre. Concédais-je

- C'était ton mari? Demanda Rokhaya quand j'eus raccroché.

-Oui.

Elle me regarda en souriant.

- Moh! Rokhaya Lane la? Qu'est ce qu'il y a?

- Rien. Je me disais juste que sa dieukeur nope nala. Ton mari est fou de toi!  Répondit-elle avec un sourire en coin. Il s'inquiète juste pour ça! C'est mignon.

Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire.
Non, mais elle avait de l'imagination cette fille.
Amine, fou de moi?

J'étais tellement morte de rire . Elle ne voyait pas du tout ce qui me provoquait ce fou rire.

Si elle savait que le matin même on s'était disputé avant qu'il ne parte au travail à cause d'une montre qu'il ne trouvait pas.
Je l'avais énervé en lui répondant:

- Iow Mohammed neenala guissoumako! Mohhh! Loo may youkho! ( Je t'ai dit que je ne l'ai pas vu. Pourquoi tu me cries dessus)

Il avait été énervé car il détestait que je lui parle wolof, car il n'y comprenait que dale. Je m'exprimais toujours en wolof quand j'étais en colère.
En plus ce matin là, nous étions tous les deux de mauvais poil.
Quand j'ai mes règles je suis très irritable.

Notre truc, c'était de nous disputer et de faire comme si de rien était quelques heures plus tard.
On ne se faisait jamais la tête trop longtemps. Surtout depuis que sa mère vivait avec nous et qu'on était obligés de donner le change devant elle.

Moi je jouais bien la comédie. Lui il faisait le stricte minimum. Entre autre: sourire et dire quelques mots. Il était devenu moins loquace depuis que Tante Aly avait emménagé. Moi qui croyait que ce n'était pas possible qu'il soit moins bavard...
Fini le gentil Amine qui s'occupait bien de ses neveux. Le grincheux était de retour.

Je le suppliais tout le temps du regard pour qu'il soit plus gentil avec sa mère.

J'avais toujours l'impression que ma belle mère se doutait de quelque chose. Elle nous regardait avec bien trop d'insistance.
Il ne m'avait pas fallu longtemps pour comprendre que sa relation avec son fils n'était pas au beau fixe.
Elle avait toujours l'air très malheureuse quand son fils agissait aussi froidement avec elle.
J'avais de la peine moi aussi,car j'avais l'impression de connaître son fils mieux qu'elle.

Deux ans qu'on vivait ensemble, j'avais compris qu'il n'était pas méchant. Il avait même plutôt un bon fond.
Mais je me disais qu'il avait ses raisons, pour être comme il était.

Nous attendions toujours Xavier au supermarché. J'avais fini par prendre tous les produits dont je croyais pouvoir me srcirt, avec l'aide de ma copine qui en avait profité pour dévaliser les glaces.
Mais bon...
J'en avais les moyens.

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PDV Amine.

Je pénètre dans le vestibule quand j'entends un bruit d'ustensiles provenant de la cuisine. Je me dis que Milouda est sans doute encore entrain de préparer quelque chose.

Je m'apprête à entrer dans la pièce quand elle se met à crier:

- Non!  Non et non! Ça ne fait pas d'être aussi bête Milouda Bilo Mariam!

Je rêve où elle est entrain de se crier dessus?
Je parie qu'elle a raté quelque chose. Il n'y que la cuisine qui arrive à la sortir de ses gongs si bien.

Je la trouve assise sur une chaise, devant le plan de travail de l'îlot centrale de la cuisine.
Il y a des livres de cuisine éparpillés partout. Ce qui est étrange puisque d'habitude madame est si organisée. C'était même la raison de notre prise de tête de ce matin.

Elle a posé son front sur un de ses livres et semble pleurer.

Oula! Il doit y avoir un problème.

- Ça va Milou? Je lui demande en lui touchant l'épaule tandis qu'elle sursaute.

Apparemment je lui ai fait peur puisqu'elle sursaute.

- Toi! Tu m'as fait peur! Me lance elle en pointant un couteau dans ma direction.

Bon, là c'est officiel. Quelque chose cloche.
Je décide de battre en retrait, je ne veux pas l'énerver plus. Elle semble déjà assez sur les nerfs, il ne manquerait plus qu'elle les passe sur moi.

Je monte prendre une douche et me changer.
Comme d'habitude ma chambre est nickel, rien ne traîne et il y flotte une douce odeur d'encens.
Malgré mes interdictions, elle continue de brûler de l'encens pendant que je suis au boulot.
Bon, j’avoue que c'est une odeur très agréable,  chaleureuse et réconfortante. Pourquoi je le lui ai interdit déjà?

Et j'avoue aussi que c'est agréable de voir ma chambre aussi bien ordonnée , mes chemises repassées, amidonnées et rangées sur leur cintre dans mon dressing .
Il y a juste que j'avais tellement l'habitude du bordel que je me retrouvais mieux dans le désordre que dans l'ordre.
Mais avec Milouda tout à une place bien à elle.
C'est pourquoi elle était fatiguée quand mes neveux étaient là.
Elle courait partout pour essayer de ranger derrière les enfants. C'était amusant.

Je descends dix minutes plus tard, frais et pimpant, pour voir si elle s'est calmée.

Mais visiblement, non. La cuisine est dans un état lamentable. Milouda elle même est couverte de farine.
Elle semble perdue et j'aperçois une larme sur sa joue, elle la sèche rageusement en découpant des carottes furieusement.

- Aïe!  Finit-elle par dire en levant son index en l'air.
Un filet de sang y coule doucement.

Maintenant, elle pleure franchement. Et je suis sûre que ce n'est pas parce qu'elle s'est coupé le doigt.

Mais qu'est-ce qu'elle a aujourd'hui?

Je m'approche d'elle avec précaution, j'ai pas envie qu'elle me plante son couteau dans l'oeil.

Cette fois-ci elle ne sursaute pas quand je la touche.
Elle éclate plutôt en sanglot.

Ok...ay.

Là,  tout de suite, je ne sais pas quoi faire face à elle. Je n'ai pas du tout l'habitude de ce genre de situation avec elle.

Taloula elle, faisant tout le temps des crises de larmes. Pour m'amadouer, maman aussi. Mais ce n'est pas le genre de Milouda de prendre les gens par les sentiments.

D'accord.
Je vais essayer de la calmer.
Je la tire maladroitement vers moi pour qu'elle se lève et sorte de la cuisine, mais au lieu de ça, elle pose son front sur mon torse pour continuer de sangloter.

Je dois avoir cette tête là , tant je suis surpris par son geste.

Encore une fois, qu'à t-elle aujourd'hui?

Elle pleure ton son saoul sur mon tee-shirt, à  tel point que celui-ci est bientôt trempé.
Bizarrement, ça ne me dérange pas.
Je suis bien plus inquiété par son état à elle que par celui de mon vêtement.

Je ne peux même pas bouger. J'ai juste une vue plongeante sur sa tignasse qui sent le miel et la cannelle.
La même odeur qui me réveille tout les matins depuis qu'on dort ensemble.

Je la laisse pleurer comme une madeleine environs cinq bonnes minutes.
Les cinq minutes les plus bizarres de ma vie.

Quand elle se calme enfin, je sors un mouchoir de ma poche et le lui tends doucement.

- Désolée. Dit-elle en se mouchant. Snif. .. Je ne sais pas ...finnnp...ce qui me prends. Finnnp.

Je ne réponds rien et l'emmène au salon où je la laisse choir sur le canapé.

Je sors du coton,  du désinfectant et un pansement de la boîte à pharmacie.

Deux minutes plus tard, j'ai fini de lui panser la vilaine coupure sur son doigt.

Elle est avachie sur le canapé et à les yeux tous bouffis. Elle a l'air tellement triste comme ça. Ses lèvres sont toute gonflées.
Mais même comme ça, elle a toujours l'air d'une amazone venue de jadis, avec sa crinière crépue et sa combinaison en wax. Aujourd'hui spécialement, elle a mis une combi short. Ça lui donne un aspect sauvage. Mais même comme ça, elle est belle.

 Mais même comme ça, elle est belle

Wow. .. qu'est-ce que je raconte, moi?
Je ferais mieux de me concentrer sur autre chose que son visage.
Sur la raison de ses larmes peut-être.

Je crois que c'est le moment de lui demander pourquoi elle est aussi zarbi aujourd'hui.

- Alors princesse? Qu'est-ce qui se passe?

L'appeler princesse est pour moi une manière de me moquer d'elle. Au début elle détestait ça, maintenant ça lui est égal. Elle m'a aussi affublé d'un surnom , pour se venger.
Elle m'appelle : sa majesté.

Ma question déclenche en elle une autre crise de larmes.
Il faudrait qu'elle m'explique vite par ce que je commence à flipper moi.

Elle sort son portable de sa poche et me le tends.

Il y a une page culinaire ouverte sur Google.
Ça parle d'un concours culinaire. Mais je ne comprends toujours pas ce qui la fait pleurer.
Elle me montre du doigt un point de la page.
Le concours est prévu pour la semaine prochaine.
Okay.
Et alors?
Je n'ai toujours rien compris.

- Il reste une semaine pour le.... le... snif...concours. Et moi je, je...suis en retard. Balbutie t-elle.

Quoi? C'est pour ça qu'elle a fait tout ce cinéma?

Elle prends à côté d'elle une plaquette de pilules bleues qu'elle bois avec un verre d'eau.

Ah là, je comprend un peu.
C'est son médicament antidouleur au Flurbiprofène pour ses trucs là. Pour ses règles quoi.
C'est sans doute pour ça qu'elle est aussi bizarre.
Elle l'est toujours quand elle a ses trucs.
C'est sans doute la raison pour laquelle elle m'a crié dessus ce matin, et qu'elle est partie sans attendre le chauffeur.

Ah les femmes!

Elle se mouche bruyamment et recommence à sangloter.

Il faut que je fasse quelque chose.

- C'est pas la peine de pleurer pour ça!  Je tente. Une semaine, c'est suffisant , j'en suis sûr. Il suffit juste que tu te calmes, tu n'arriveras à rien en paniquant.

Ses hoquet diminuent au fur et à mesure que je lui parle.
Ça semble marcher.

- Et puis, je ne vois pas ce qui pourrait te faire si peur. Tu es la meilleure cuisinière que je connaisse. Je renchérit.

Elle me regarde avec ses grandes billes marrons, une lueur d'espoir dans les yeux.

- C'est vrai? Demande t-elle.

Je hoche juste la tête.

Elle reste deux minutes sans rien dire.
Puis d'un coup, elle se lève et sors de la pièce.

- Mais, où vas tu comme ça? Je lui demande.

- Je suis ton conseil. J'essaie de me calmer. Répond t-elle en entrant dans la cuisine. Et le meilleur moyen de me calmer c'est en cuisinant. Je vais faire des madeleines .

J'avais dit bizarre? C'est exactement ce qu'elle est.

Faire des madeleines pour se calmer??
Franchement, avec elle, j'aurais tout vu je crois.

- Où est ma mère en fait? Je lui demande en la suivant des yeux.

- Elle m'avait demandé de te dire qu'elle dîne avec une amie ce soir.

Curieux !
Ma mère n'est pas sortie une seule fois depuis qu'elle habite avec nous . Je me demande bien qui est l'amie en question.
Mais bon...c'est pas mes oignons.

- Tu m'aides? Fait Milouda en me tendant un saladier que je prends à contre cœur.

Puisque je n'ai rien à faire alors...pâtissons!

- Casses les œufs dedans et rajoute le sucre. Ordonne t-elle.

Je galère grave juste pour casser les œufs.
Elle sait bien que je suis un nullard en cuisine. Elle en profite pour se marrer.
Au moins, ça aura l'avantage de la faire rire un peu.

- Continues de battre les œufs avec le sucre. Il faut que le mélange soit bien blanc. Dit-elle.

Ouf! C'est dure hein.
Elle rigole à la tête que je fais.

Mais c'est pas elle qui pleurait il y a vingt minutes

Après elle me montre comment faire  fondre le beurre dans un bain-marie.
Je savais pas que la pâtisserie est aussi scientifique..

Bain marie...

Milouda est carrément dans son élément comme ça.
Ça se voit qu'elle maitrise.
Je ne me fais aucun soucis pour elle quant à ce concours.

C'est la première fois de ma vie que j’extrais du zeste d'Orange et de citron. Je ne savais même pas que c'était comestible.

Elle me fait un vrai cours de cuisine. Je l'écoute religieusement,  c'est intéressant.
Je ne la savais pas aussi passionnée.

Je crois qu'on a jamais été autant détendus l'un avec l'autre qu'en ce moment. Sauf pendant nos conversations téléphoniques quand j'étais  en voyage.
Là elle arrivait même à me faire rire à travers le combiné.

Elle se penche pour allumer le four, m'offrant une vue plongeante sur mon popotin.

J'essaie de détourner le regard mais je peux pas.
Qu'est-ce qui me prends?

Je viens juste de remarquer qu'elle a pris du poids,  considérablement.
Elle a gagné en formes et son corps est beaucoup plus féminin, avec ce derrière...

Reprends toi! Me dis-je dans ma tête en me donnant une claque mentale.

Cela dit, mes yeux ne quittent pas sa chute de reins.

Il faut vraiment que je me reprenne.

C'est que ça fait longtemps que je n'ai pas...
Enfin...
Que ma libido est mise sur pose.
Ça doit être normal que je me sente troublé par une paire de fesses.

J'arrache mon regard pour le poser sur la planche de travail à temps.

- Ne mets pas tes doigts dans la pâte. M'avertit t-elle .

- Pourquoi?

- Parce que .

- Parce je quoi?

- Parce que je veux pas. Voilà. Répond t-elle en riant.

Voilà, ça c'est la Milouda que je connais. Celle qui sourit all the time .

J'essaie de plonger mes doigts dans le saladier mais elle me donne une tape sur la main.

Tiens, elle est taquine aujourd'hui.

J'essaie à plusieurs reprises mais je me fais choper par des prunelles marrons, rieurs.

Je profite qu'elle ait le dos tourné pour prendre des moules et je plonge mon index dans la pâte.

Je m'apprêtes à l'introduire dans ma bouche mais une main plus rapide saisi mon doigt et le gobe.

Oui, Milouda vient de gober mon index.

Là tout de suite je crois qu'elle ne se rend pas compte de ce qu'elle vient de faire mais moi je suis...
Ébahi.
Ébahi et troublé.
Troublé et exité.

Une partie en moi qui dormait depuis longtemps vient de se réveille instantanément.
Son geste a quelque chose de... d'érotique. Désolé de le dire.

Elle affiche elle aussi un air su pris maintenant. Je crois qu'elle vient de se rendre compte.

Elle n'a toujours pas enlevé mon doigt. Je ne l'ai pas fait non plus.

Nous sommes tous les deux sous le choc. Pourtant c'était un geste spontané. Rien de...

Alors pourquoi sommes nous tous les deux là, l'un en face de l'autre, figés, son regard scotché au mien.
Je lis dans ses yeux tout le trouble que ressens.

Ce moment à duré tout au plus cinq secondes mais on aurait dit une éternité.

Elle se reprends la première et lâche doucement mon doigt.

- Désolée! Fait-elle d'un air honteux en se détournant pour remplir les moules de pâte.

J'en profite pour reprendre mes esprits moi aussi.

Oh mon Dieu!
Je viens d'être excité par Milouda.
Oh mon Dieu!
Tout le monde, mais pas elle.
Elle est trop jeune, trop candide, trop... trop elle. Je ne peux pas et je ne dois pas.

C'est Milouda!

"Tes arguments ne sont pas plausible. Elle est devenue une femme. Si tu te bornes à le nier,  ton corps lui, l'a remarqué ". Fait la voix dans ma tête.

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Pardon mais...je t'a...