New romance

Write by RIIMDAMOUR


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Ce moment était plus stressant que la délibération du BAC.
Au BAC au moins, on peut redoubler lorsqu'on a échoué.
Mais là, il n'y avait pas de seconde chance.
Soit t'es pris, soit tu te casses la geule.

J'avais pas envie de me vautrer. J'ai investi trop de temps et d'efforts pour ce concours, comme tout le monde présent à ce moment-là j'imagine, mais je ne voulais pas.
J'avais tellement espoir.

En plus je ne pouvais pas décevoir Amine.
Il avait annulé son voyage exprès pour assister à ça.
Il m'a été d'un grand soutient pendant cette semaine.
Il est venu me chercher à l'école tous les jours, pour m'aider dans mon projet.

J'ai découvert en lui une autre facette qui m'était inconnue.
Il poussait toujours les gens à donner le meilleur d'eux-mêmes.

Ce n'est pas qu'avec moi qu'il fait fait ça.
Il a aidé Khadija à intégrer la CESAG de Dakar.
Je ne savais même pas qu'il avait quelque chose à avoir avec cet histoire. Je savais juste que ma cousine avait réussi au concours.
C'est avant hier qu'elle m'a avoué que sans l'aide et l'encouragement de mon mari, elle n'y serait jamais arrivée.

Il a aussi poussé Ousmane, le fils de Camelia à laisser sa timidité de côté et intégrer un club de footbal.
Ils sont devenus très proches tous les deux.

Tout ce qu'il fait, il le fait dans la plus grande discrétion.
C'est un homme humble..
Enfin la plus part du temps.

Il me trouvait dans la cuisine tous les soirs, pour me demander s'il pouvait m'aider.
Dès fois, j'avais beau refuser, il tenait à être présent, à chaque fois. Et ces fois là, je lui en étais tellement reconnaissante.
Il m'insufflait toute la confiance dont j'avais besoin.
Il faisait aussi office de goûteur et de mélangeur.

J'avais parlé du concours à Tonton Beckaye, Tata Sokhna, Mansour, Tala, Josée... ils m'ont tous encouragé et souhaite bonne chance, mais pas comme je l'aurais souhaité.
Je crois qu'il ne réalisaient pas à quel point c'était important pour moi.
Dans ce pays, la cuisine est quelque chose qu'un femme doit impérativement maitriser.
90% des femmes savent cuisiner. Voilà pourquoi l'art culinaire est devenue une discipline banalisée.
C'est peut-être aussi parce que nous n'avons pas beaucoup de plats nationaux, ni beaucoup de denrées exploitables. Mais surtout parce que l'africain et la créativité, ça fait deux.
Désolée de le dire.

Au Sénégal nous n'avons pas beaucoup de chefs étoilés. Les rares qui le sont ne font que vivre de ça, de la cuisine, ça devient progressivement un simple moyen de gagner sa vie, au lieu d'être une passion à exploiter, des combinaisons de goûts, une recherche ardente de nouveautés et de sensations.
Finalement nous sommes encrés dans le dogmatisme.

Ici le plat le plus abouti,le plus moderne, au yeux des sénégalais, est toujours accompagné de " sauce".
Et quelle sauce! C'est toujours des oignons sautées dans de l'huile avec beaucoup de vinaigre, d'ail, de piments, de poivre et de quelques herbes de province , pour les plus novateurs.
Toujours la même chose.

De la charcuterie accompagnée de crudités marinés avec des frite et de la " sauce".

Je déteste cette "sauce".

Les sénégalais ont tendance à oublier que même la moutarde est une sauce, ainsi que le ketchup, la mayonnaise...

Moi je préfère une bonne béchamel, ou une aoli  Ou une vinaigrette ketchup que je fais moi-même.
C'est rapide et abordable.

Pourtant, nous avons des produits très intéressants.
Le mil, le sorgho ou le fonio par exemple.

J'ai une fois fait du soupoukandia* avec du fonio a la place du riz. J'en avais apporté à mon oncle , il avait tellement apprécié.
Pourtant je n'ai changé que les céréales.

Mes amis rafollent de la purée d'ignames, ou du acra* accompagné de symbiomes frits. ( oui le yett là, tout frais qu'on découpe en morceau et qu'on frit ensuite après l'avoir un peu pané dans de la farine,des oeufs et du vinaigre. C'est un vrai régal notamment accompagne d'une petite sauce pimentée).

Y'en a qui se diront : c'est pas notre culture, pas les plats traditionnels et patati et patata... Moi je dis, si on reste dans la tradition
, on va jamais avancer.

Surtout qu'au temps des ancêtres on avait pas grand chose à part le mil et le tamarin.
Tomate là, c'est colon qui a implanté.
Riz, idem.
Carotte, idem.

Vous croyez que si on s'était cantonné au "lakhou bissap" on aurait pu inventer le "thiebou djeun" qui fait la fierté nationale.

Voilà entre autres le discours que j'avais fait en présentant mon plat principal. Discours qui avait suscité un rire dans l'assemblée.
Car oui chaque personne faisait un discours après avoir présenté son plat au jury.

Je crois avoir frappé fort. Je me suis retournée après avoir fini, pour croiser le regard de mon mari.
Il me souriait en maintenant les pouces en l'air
Il me soutenait. Discrètement, mais il me soutenait quand même.
Ça me faisait tellement plaisir et tellement de bien de voir un visage familier assis dans le public.

Nous étions cinq sénégalais, réunis dans la salle de réception d'un des plus grands restaurants du pays.

Il y avait en tout, trois femmes; dont moi et deux hommes.
J'étais la plus jeune candidate.
Les dames m'ont prise en grippe dès le début des épreuves, et je ne sais pas pourquoi.

Peut-être que mon discours sur la sauce à l'oignon y était pour quelque chose. Les plats qu'elles avaient présenté avaient tous cette note d'oignon dont je parlais.
Mais en quoi avais-je tort. Je n'ai fait que dire la vérité.

Heureusement, les hommes ne semblaient pas avoir la même opinion de moi que leurs consœurs.

Ils m'avaient soutenue tout au long de ces trois heures, par des sourires, ou une tape dans le dos.
Il étaient géniaux, de vrai chefs.

Nous étions assis entrain d'attendre nos notes depuis bientôt cinq minutes.

Amine, gardait sa "zenitude" habituelle, à côté de moi.

J'avais une furieuse envie de prendre sa main et la presser contre la mienne.
J'avais son réconfort moral, mais j'avais plus besoin d'un réconfort physique.

Mais je n'osais pas.
On avait pas ce genre de proximité.

Bien que depuis quelques temps, entre lui et moi, c'était plutôt...chaud.

Il régnait entre nous une certaine tension physique, sexuelle.
Je ne savais pas s'il l'avait remarqué ou c'était moi qui me faisais tout un film dans ma tête, mais je le sentais bien.

Je venais de découvrir ma féminité, que je pouvais ressentir des émotions dans des parties de mon corps dont j'avais tendance à oublier l'existence.

Je tremblais, mes mains étaient moites. Je les croisais et les décroisais toutes les minutes.
J'avais peur de faire une crise cardiaque.

- Oufff!!!

Je venais de souffler une énième fois en passant mes mains sur mon tablier.

Puis soudain, sans que je ne m'y attende le moins du monde, je sentis une grande main, me masser le dos en mouvements circulaires, doucement.

Je me détendis sur le coup.

Je tournai les yeux vers, mon mari, il me souriait discrètement en me caressant le dos.

- Calmes toi. Tout va bien se passer. Fit-il doucement.

J' esquissais un semblant de sourire, une grimace plutôt.

Les autres candidats étaient avec leurs familles, ou leurs amis probablement.

Je vis une des candidates serrer dans ses bras, des enfants, que je devinais être les siens.

En cet instant là, j'aurais bien aimé que mes parents soient présents.
Mon père m'aurait soutenu jusqu'au bout. Avec son éternel sourire éclatant.
Ma mère serait accrochée à son bras et m'aurait serrée dans ses bras.

Mais apparemment j'avais passé mon tour. Plus de famille....

On nous appela cinq minutes plus tard. Tous ensemble.
C'est tout juste si je ne pleurais pas.
J'avais la trouille de chez trouille.

Je ne pus m'empêcher de prendre la main d'Amine et la serrer fortement.
Tant pis s'il n'aimait pas.

Contrairement à ce que je pensais, mon geste ne semblait pas le déranger. Il m'attira même contre lui et passa sa main sur mon dos.

J'étais tellement stressé que je ne fis pas attention que c'était la première fois qu'on avait une telle proximité. En d'autres occasions j'aurais sauté au plafond par ce que ça faisait une semaine que j'attendais ça, ou au moins, j'aurais noirci ( rougir version peaux noires).
Ça me fit un bien fou!

Mais n'empêche j'étais toujours stressée.

Nous n'étions qu'une vingtaine de personnes dans cette salle.

On se regroupa tous en demi-cercle face aux trois membres du Jury.

Je crois que je broyais littéralement la main de mon mari, me je ne m'en rendis même pas compte.

- Bon. Nous vous remercions tous. Participants et accompagnateurs. Commença le chef Sonko. Nous n'allons pas vous retenir plus longtemps.
Nous allons commencer par la présentation qui nous a le moins convaincu, ainsi de suite...

Mon coeur battait la chamade.

"Faites qu'on ne commence pas par moi." Priais-je silencieusement.

- Nous allons commencer par le plat du candidat... numéro 3...

Je souffrais de soulagement. J'étais la numéro 2.
J'espérais fortement ne pas être appelée.

Le candidat numéro 3 était la femme qui m'avait bousculé au début.
Je lis toute sa déception à travers ses yeux.
Le jury se mit à expliquer pourquoi son plat ne les avait pas convaincu.
Apparemment sa viande n'était pas assez cuite et l'oignon était trop présent.

" Tiens tiens..."

- Le suivant est le candidat numéro 5.

Un autre Ouf de soulagement.
J'avais une furieuse envie de faire pipi.
Comme à chaque fois que j'avais les jetons.
J'étais entrain de gigoter dans les bras de mon mari comme un petit vers de terre.
Il devait de dire que c'était à cause de la peur.
S'il savait...

Encore cinq minutes à expliquer que le poulet de l'autre femme était trop épicé et que sa présentation était trop surchargée.
Ah oui madame avait fait un simple poulet au four avec trop de charcuteries complètement inutiles: jambon, boudin, saucisses...

Sérieusement qui présente ça à un concours culinaire.
Elle avait eu de la chance que l'autre rate la cuisson de sa viande mais sinon elle serait en dernière place.

Le stress monta d'un cran...
Non, de trois crans.

Ceux qui restaient étaient de vrai professionnels. J'avais flippé ma race quand ils avait présenté leurs plats, leurs compositions plutôt.

- Le plat du troisième est très intéressant, ça se voit dans la texture de votre plat que vous avez un savoir faire indéniable, mais nous avons plus été séduits par les deux autres concurrents restant. Annonça le chef Sonko.

Mais à de qui parlait-il donc?
Il n'avait pas énoncé de numéro.
Nous nous regardions tous les trois avec le noeud dans l'estomac.

- Le numéro 1. Dit-il finalement.

Je m'accrochais plus au bras d'Amine.
Au moins j'allais finir deuxième au pire.

Mais je la voulais tellement cette première place, ce stage, pour pouvoir réaliser mon rêve.

Il ne restait plus que moi et le gentil monsieur , celui qui avait été tellement gentil avec moi.

- Les deux derniers candidats nous ont profondément marqué de par leur créativité, et surtout la mise en valeur de leurs produits locaux. La première place revient à...

Suspens...

Suspens...

- Au numéro 4.

Quelle a été ma réaction en ce moment-là?

Je n'ai pas réagi.
Non. Je n'ai même pas cillé.

Je venais de perdre mais je ne réalisais pas encore.

- Ça va aller? Demanda Amine, inquiet.

Je ne pouvais pas parler. Je me contentais de le fixer.
Ses iris verts reflétaient son inquiétude à mon égard.

- Oui. Répondis-Je. Ça va.

Bon c'était fini. Je n'avais pas réussi.
Et puis quoi?
Ce n'était pas la fin du monde.

Tout le monde commença à se détourner pour sortir de la salle. Le gagnant était félicité de toutes part. Il l'avait vraiment mérité.

******************

- Ça va?

C'était au moins la centième fois qu'il me posait cette question, et ça commençait à me rendre chèvre.

Je lui jetai un regard qui se voulait sévère pour qu'il arrête de tourner autour de moi comme.

Nous étions rentrés à la maison depuis trois heures au moins, et je n'avais toujours pas pleuré.
Non. Pas de larmes.
J'en fus la première surprise.

Je m'étais plutôt murée dans le silence. Et je m'étais enfermée dans ma chambre avec deux pots de glace, des frites et deux parts de tarte.
Au diable les kilos que j'allais prendre.
Déjà que mes fesses avaient au moins doublé depuis mon mariage. La Milouda chétive que sa belle-mère affamait était un très lointain souvenir.
Mais tout ce que je voulais, c'était de noyer ma peine dans la nourriture.

Amine faisait des allers-retours entre la chambre et son bureau.
Il s'attendait sans doute à ce que je sois dévastée.
Mais non.
J'avais préféré m'enfermer avec de la bouffe et plein d'épisodes de Gossip girls.

- Ça te dis de faire une tour. Me proposa t-il en me regardant fourrer une poignée de frites dans ma bouche.

- Nion, berchiii! Repondis-je la bouche pleine.

- T'es sûre? On peut aller s'acheter des glaces tu sais.

Non mais sérieusement, il comptait me faire du chantage avec des glaces.

Je m'apprêtais à lui lancer une réponse acerbe quand mon téléphone se mit à sonner.

Je décrochais avec énervement, me préparant à hurler aux oreilles de mon interlocuteur.

- Madame Aïdir, Milouda Kâ? Demanda une voix masculine au bout du fil.

- Elle même.

- Je suis Wilfried Sonko, l'un des membres du jury du concours ***

Je me redressai d'un bond sur mon séant.
Pourquoi ce chef m'appelait-il?

Dix minutes plus tard j'étais toujours sous le choc. Je n'arrivais pas à y croire.

Le chef Sonko et son collègue ont tellement aimé mon poisson farci mariné au citron et cuit à la feuille de manioc, ainsi que ma vinaigrette accompagnée de fruits de mer et d'une tapenade, qu'ils m'offraient l'équivalent du stage qu'offrait le chef américain. À la seule différence que le mien se passerait dans l'un de leurs hôtels se trouvant au cap skiring.

J'ai accepté à la hâte, ne voulant pas manquer cette occasion.

J'ai sauté au plafond dès qu'il a raccroché.
J'ai vite fait de tout raconter à Amine qui n'en croyait pas ses oreilles.

J'étais tellement enthousiaste que j'ai oublié une chose tellement importante, je n'avais pas demandé l'autorisation à mon mari.
J'aurais du le faire même si lui ne semblait pas s'en formaliser.

J'eus honte dès que ça me vint à l'esprit .

- Tu es d'accord, n'est ce pas? Lui demandais-je de but en blanc.

- Bien-sûr! Et puis vraiment Milouda, je crois que mon avis ne compte pas. Cette occasion est à ne pas manquer.

- Merci. Réussis-Je à lui dire.

Le soir, en faisant le dîner, une idée me vint en tête.
Depuis que nous étions mariés, aucun membre de ma famille n'était venu chez nous, a part les plus jeunes.
Dans plusieurs traditions africaines, la belle famille ne pose pas les pieds dans le ménage de leurs enfants.
Ma grand-mère maternelle par exemple, qui était Diola, n'avait posé les pieds chez nous qu'une seule fois, le jour de mon baptême. Tout comme mon grand-père maternel.

Donc je ne comptais même pas voir Tonton Backaye un jour, à la maison.

Mes badienes, les sœurs de mon père y étaient venu une seule fois, quand elles m'ont amené rejoindre le domicile conjugal.

Je rêvais de tous les réuni pour un déjeuner, ou un dîner, depuis quelques temps déjà.
Mais il me fallait un prétexte, mon oncle ne se serait pas déplacé pour des futilités, ça c'était sûre

Je le tenais mon prétexte, j'allais les inviter pour fêter mon stage.
Pourvu qu'ils acceptent tous de venir. Et pourvu qu'Amine soit d'accord.
Il n'était pas très famille, lui.
Certes moi je n'avais pas grandi dans une famille nombreuse mais mes parents avaient tenu à ce que j'en connaisse chaque membre.
J'avais été éduquée dans un esprit selon lequel, rien n'était plus important que la famille.

Comme j'étais un peu fatiguee, je ne fis qu'un simple gratin de pommes de terre.
De toute façon mon mari était capable de manger du tout et du n'importe quoi.
Et sa mère ne faisait que picorer dans son assiette.

Nous étions tous entrain de manger. Sa mère s'était levée de table à peine quelques minutes après avoir farfouillé dans la nourriture, l'esprit ailleurs.
Amine profita du fait que sa mère était partie pour se saisir de son plat.

- Ioe tamit!( toi aussi ).Tu es gourmand dh. Lui reprochais-je.

Il n'en fit même pas cas et me demanda de lui resservir.

- Je peux te demander une faveur?

Il hocha la tête, trop occupé à dévorer ce qui se trouvait sur la table.

- Je peux inviter quelques membres de ma famille à déjeuner? Demandais-je en battant des cils.

Il finit de mâcher calmement, s'essuya la bouche et leva doucement ces yeux vers moi.

- Quels membres de ta famille?

Question piège.
Je n'allais pas lui dire tout ce que j'avais en tête, il allait tout bonnement refuser, étant donné qu'il n'était pas très à l'aise en public.

- Pff... Juste quelques uns... Fis- je de manière évasive.

Il me regarda avec plus d'insistance. Le même regard je quand il jouait au gros dure.

- Quelques uns, combien? Insista t-il.

- Environs 10. Hesitai-je.

Environs: ça pouvait être plus, comme ça pouvait être moins.

- D’accord. Mais pas plus hein? Céda t-il.

- Ouais... Pas plus.... Dis-je calmement. Cachant ma joie.

Je passais les deux jours suivants à préparer ça avec Fatou.
J'en avais parlé avec ma belle-mère, tante Aly, pour qu'elle invite des membres de sa famille si elle voulait.
J'avais fait tout ça pour la mettre à l'aise. Mais ces derniers jours, j'avais senti un léger changement dans son comportement avec moi.
À son arrivée elle cherchait à établir un contact avec moi, et maintenant elle était devenue...distante.
Je ne savais vraiment pas ce que je lui avais fait de mal.

Je voulais être bien vue par elle. C'était quand même la maman de mon mari...

Même lui avait remarqué ça. Mais il ne disait rien.
Je ne savais pas ce que sa mère avait dû lui faire, mais il n'arrivait pas à digérer .
Je le voyais crisper sa mâchoire à chaque fois que sa mère l'appelait : " chéri ".

La famille est ce qui devait être la plus simple chose au monde, mais malheureusement, tout est compliqué.

Le jour du " yendu" ( le dejeuner), je me suis réveillée très tôt pour mettre de l'encens partout.
Gowé, diguidjé, bois de santal, Libane, nak, nemali, tout y est passé.

Mes badienes étaient de vraies sadiques en ce qui concernait les trucs de femmes là.
Le mois précédant quand je suis passée chez badiene Matel elle ma dit, la mine sérieuse :

- Néné* j'espère que tu utilises l'arsenal qu'on ta donné. Vous les jeunes vous aimez trop les trucs de toubab là, mais le "thiouraye"(encens) et les "todj khour" ( perles de rein) y'a que ça de vrai pour retenir un homme.

J'ai remercié le ciel de ne pas pouvoir rougir.
Elle me parlait de Casses-couilles ( qui est la traduction littérale de todj khour) alors que ce mariage n'a même pas été consommé.

Ses sœurs m'appelaient tout le temps pour me prodiguer des conseils: Néné par ci, Bilo par là.

Néne veut dire "Maman " dans ma langue paternelle.
En fait mes prénoms avaient longtemps été source de problème dans la famille.

Puis qu’aucun membre de leur famille n'était pour leur mariage, mes parents ont essayé de calmer les tensions en me donnant le nom de chacune de mes grand-mère.
Bilo était la maman de mon père.
Mariam celle de ma mère.
Et Milouda était le prénom d'une des amies de ma mère. Ils m'ont donné son prénom parce que c'est elle qui les avait aidé pour qu'ils puissent avoir un enfant , après plusieurs fausses couches de la part de maman.

Ma famille paternelle se bornait à m'appeler Néné ou Bilo, la paternelle ne m'appelait que par Mariam.

Bref la famille est si compliquée...

J'avais fait coudre une taille basse en basin bleu avec une simple broderie blanche. Le couturier avait aussi confectionné une chemise, dans le même tissus mais avec un peu de wax sur les manches, pour Amine.

J'avais tellement tenu à montrer à ma famille que j'étais heureuse...  C'était pour ça les tenues assorties.
J'avais insisté pendant deux jours au près de mon mari pour qu'il accepte de la porter, mais pour lui c'était Niet.
Je voyais bien dans ces yeux qu'il était en admiration devant la chemise, mais c'était le fait sur j'avais choisi un vêtement pour lui qu'il n'acceptait pas.
Trop d'ego en sa personne.
Moi aussi je m'étais mis en tête de ne pas lui parler s'il ne la portait pas.

C'est ainsi qu'il me trouva au salon entrain de faire un dernier arrangement.
Il me regarda de haut en bas. Croyez moi je ne savais pas ce que ce regard voulait dire. En tout cas, moi, je sentais que ma tenue m' allait bien. Elle mettait mes nouvelles formes en valeur.
J'avais même mis le mouchoir de tête qui allait avec.

- T'as pas vu ma mère? Demanda t-il sans me saluer.

Je fis non de la tête sans le regarder.

- Depuis ce matin tu ne l'a pas vue? Insista t-il.

Je hochai encore la tête.

- Et t'as pas de bouche pour répondre?

Je fis oui.

- Milouda c'est à toi que je parle.

Je me retournais et le regardai dtoit dans les yeux.

- Dès fois, tu as un comportement puéril. Lança t-il.

Cette fois j'en avais assez entendu, l'heure n'était pas aux disputes alors je passais à côté de lui pour sortir.
J'allais atteindre la porte quand un bras solide me retient.

Tchip

- C'est de la provoc ça. Dit -il

- Lâches moi, j'ai à faire. Rétorquai-je froidement.

- Pourquoi tu fais la tête, Milouda?

-Je fais pas la tête.

- Ah oui? Qu'est -ce que j'ai encore fait?

- Rien.

- C'est la chemise ? C'est ça? 

J'essayais planter mon regard dans le sien pour faire genre, j'étais fâchée mais Je ne voyais plus qu'une chose:  SES LÈVRES.

L'alarme dans ma tête se déclencha :

Alerte !
Alerte!

J'essayais de tournai le regard mais je n'y arrivais que difficilement.

- Regardes moi quand je parle! Ordonna t-il en prenant mon menton entre ses doigts..

Je ne devais surtout pas le regarder.

Alors je m'enfuis, à toutes jambes vers la cuisine.
Ces derniers temps mon corps tendait trop vers lui.
J'avais tout le temps envie de le toucher ou au moins, être près de lui.
J'étais même devenue accro à son odeur, il se plaignait tout le temps que je lui chipe son parfum.
Mais il ne comprenait pas que c'était pour sentir comme lui.

Un seul mot s'imposait dans mon esprit: obsession.

Est-ce que c'est de l'obsession quand on pense aux lèvres d'une personne pendant toute la journée ? Quand on imagine ses muscles à travers sa chemise? 
Je n'en savais strictement rien, j'étais nulle en la matière puisque je n'avais jamais été embarrassée à 20 ans.
Dès fois ma conscience perverse me disait de tenter une approche pour  savoir s'il était au moins attiré vers moi.
Je n'avais pas l'habitude de tout ça et surtout j'avais peur d'être ridicule s'il ne ressentait pas la même attirance physique.

Les premiers invités arrivèrent vers midi.
Ma gentille Tata Nanou que j'adorais comme pas possible.
Puis les autres arrivèrent peu à peu.
Tout monde demandait après mon mari mais aucune trace de lui dans toute la maison.

Je montai donc à l'étage pour le chercher dans notre chambre.
Il n'y était pas. Je le trouvai finalement dans la cuisine entrain de se battre avec son noeud papillon.
Il avait finalement mis la chemise. Bonne décision.
Je me retenais pour lui rire au nez, il galérait toujours avec ses foutus nœuds mais ne pouvait pas s'empêcher de les mettre.
J'approchais de lui et entrepris de le lui attacher sans lui demander sa permission.

Ce que je n'avais pas calculé, c'était que j'étais diablement près de  lui, je respirais son odeur à plein nez. Une odeur d'after shave et de parfum pour homme
Je le trouvais trop sexy avec la petite barbe qu'il s'était laissé pousser.

Un instant, mon regard bloqua sur ses yeux.
Un iris vert, entouré de noir. Mais dans ce regard, autre chose, du désir, un désir, profond.
Pour moi?
C'était intense, vraiment...

Un instant je sentis son souffle sur mon nez, puisqu'il était plus grand que moi.
Il sourit, moi aussi, je me sentais bien, heureuse.
Nos visages n'étaient plus qu'à un centimètre, j'avais hâte qu'il m'embrasse, enfin...

- Mohamed! Chéri! J'ai invité une amie. Ça ne te dérange pas?

C'était ma belle-mère. Accompagnée de Taloula.

Mon moral descendit très bas.
Je fermai les yeux un instant.
Pour me calmer.

Que faisait-elle ici?
Pourquoi sa mère avait emmené cette femme dans ma maison?

- Demande ça à ma femme, maman! C'est elle qui a organisé la fête .Répondit Amine.

J'ai été surprise. Il m'avait défendu pour la première fois depuis qu'on se connaissait.
Ça me fit du bien.
N'empêche j'étais grave remontée contre tante Aly.

- Ça ne te dérange pas ma chérie? Demanda ma belle-mère en se tournant vers moi, un faux sourire sur les lèvres.

- Non, ça ne me dérange pas. Mentis-je.

- Merci, chérie.

Elles partirent, après que Taloula nous ait jeté un coup d'œil bizarre.

Tout ça m'avait refroidie.
Notre baiser avait été gâché.

- Les invités nous attendent. Annoncai je.

- Allons y. Dit-il en soupirant.

Tout le monde nous avait complimenté sur nos tenues assorties.
Nous formions vraiment un joli couple.
Presque tout le monde était présent, même Camélia et sa famille.

Je surveillais Taloula, du coin de l'oeil, elle souriait et discutait avec les autres.
Mais j'étais convaincue que son sourire était tout calculé. J'évitais de lui parler, elle m'avait saoulé.

Et elle regardait mon mari,  moi je le collais en  affichant un regard amoureux.
C'était mon mari jusqu'à preuve du contraire. J'avais le droit de jouer les amoureuses transi, et oui ça ne semblait pas le déranger.

La journée se passa incroyablement bien.
J'étais contente, tout le monde l'était.
Pour une fois ma famille maternelle et celle paternelle étaient dans la même pièce, en paix.
Tonton Beckaye était le centre d'attention, racontant des blagues à tout va.

Tout le monde rentra vers 18h. Taloula avait embrassé Amine sur le coin des lèvres en partant.
Ça m'a laissé pantoise, énervée, en colère.

Comme ils étaient les derniers à partir, j'ai attendu que la voiture de miss faux-cul s'éloigne avec sa très belle voiture, pour me précipiter dans la maison, furieuse.
Amine emboita mes pas, la mine inquiète.

- Qu'est-ce que tu as? Demanda t-il.

- Pourquoi ta mère à amené cette fille ici?

- Je ne sais pas Milou. Apparemment elles sont amies. Répond il en se tenant les tempes la mine fatiguée.

- Je ne veux plus la voir ici dé! Dis-je le regard menaçant.

Il me regarda une lueur de provocation dans le regard.

- C'est ton ex. J'imagine que tu sais que c'est pas facile pour moi de la voir ici.

Hiiiiiiiiiiiiiiii....
Pourquoi j'avais dit ça moi?
Bêtise, bêtise...

Je filai vers la cuisine rapidement pour qu'il ne remarque pas mon trouble.
La honte, je venais carrément d'affirmer ma jalousie.

        ********************

Je me réveillais dans un cocon, merveilleusement chaud.
Je devinais aisément que j'étais dans les bras de Amine, encore.
C’était devenu comme naturel.
Je me calai un peu plus.
J'étais bien.
Nous nous étions recouchés après la prière de Fadjr. C'était dimanche donc on avait le temps de faire une petite grasse matinée.
J'allais me rendormir quand je sentis une main sous mon haut de pyjama, sur mon ventre, sa main.

Troublée
Choquée
Troublée
Ivre de désir.

Je me demandais s'il était conscient de ce qu'il faisait où s'il dormait encore.

Il semblait bien conscient puisque sa main faisait des mouvements circulaires autour de mon nombril

Pourquoi faisait il ça?
Mais c'était putain trop bon.

- Tu dors? Demanda t-il d'une voix rocailleuse.

- hun Hun.

Je pouvais pas répondre nak.
So good.

- Tu veux que j'arrête?

- Hunnnn...no.

Il m'attira un peu plus vers lui, je me nichai confortablement contre son torse.
À plus tard la réflexion, je voulais profiter à fond de ce moment unique.
Mes yeux se fermèrent petit à petit. Je me rendormis, bercée par les battements de son cœur.

J' émergeais lentement des bras de Morphée , des bras de Amine plutôt. Cette fois j'étais tournée vers lui, le visage juste au niveau de son menton dru.
Il avait passé une main autour de ma taille et nos pieds étaient enchevêtrés.

Ndeysane! Me dis-je.

J'en profitais un peu pour le mater.
Il dormait toujours torse nu,  ainsi j'avais une vue dégagée sur sa poitrine recouverte d'une fine couche de poils, du collier qui pendait à son cou,  et surtout, surtout sur ses tétons.
Je me mordis automatiquement la lèvre en fermant les yeux.
Je m'étais imaginée une seconde entrain de faire des choses pas catholiques avec ses tétons.
Je n'aurais jamais cru avoir de pareilles pensées.

Il dormait à poing fermé, je me blottis encore plus contre lui.
J'étais restée comme ça, à écouter son coeur battre.
Si agréable.

- T'es réveillée? 

- Pas encore. Murmurais-je.

- Tu n'es plus fâchée pour hier?

Je réfléchis un peu pour dire:

- Non. Je ne suis pas fâchée.

Il releva mon menton, comme la veille, dans la cuisine, quand il s'apprêtait à m'embrasser.
Je le regardais droit dans les yeux. Ne cillant même pas.
Je le voulais ce baiser alors il était hors de question que je joue les oies blanches.

Il s'approcha doucement tandis que je me demandais si je n'avais  pas mauvaise haleine.
Je brûlait littéralement, surtout en bas. Là...
Nos nez se frôlèrent bientôt. Et c'est moi qui franchit le pas. Je posais doucement mes lèvres sur les siennes.
J'avais enfin mon premier baiser, à 20 ans. Mais c'était mieux que j'avais imaginé.

Nos lèvres dans une danse sensuelle, puis sa langue qui s'enroule autour de la mienne.

Avant je disais "Beurk" quand je voyais les gens s'embrasser.

Mais waouh! 

Il remontait sa main sur mon ventre et moi je réalisais mon fantasme en titillant ses tétons avec mes ongles.
Il étouffa un soupir de plaisir.
Où avais-je appris ça?
Je ne saurais le dire, mais j'étais animée par une fièvre sexuelle.
Si bien que je me retrouvais en dessous de lui 2min plus tard alors qu'il parsemait mon cou de baisers.
Je venais de découvrir  les zones erogènes de mon corps.

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