DANS LA TOUR DE RAIPONCE LEKE
Write by Marc Aurèle
CHAPITRE VI : DANS LA TOUR DE RAIPONCE LEKE
MARCY
Pendant ce temps, à quelques encablures de là,
Je roulais mon scooter à vive allure sur le boulevard des armées. De mon casque noir, débordait un foulard violet assorti à la robe que je portais. J’étais à la hauteur du siège des Ecoles PIGIER, dans la direction de VEDOKO. Après ma discussion avec Sally, je n’avais qu’une envie, m’asseoir devant mon ordinateur et écrire les grandes lignes de mon livre. Quelques minutes plus tôt, je découvrais des émotions et des sensations très fortes en présence de Sally ADJI. Depuis plusieurs mois, je n’avais aucune inspiration. Chaque fois que je prenais mon ordi, je n’arrivais à rien pondre. Les pages restaient vierges et je n’arrivais même pas écrire un seul vers de poème. Mais à présent, j’avais une intrigue et du coup une belle histoire à écrire. Dans ma tête, les idées se faisaient plus précises et plus claires. Je me fis, tout le long du parcours, un film de toute l’organisation de mon roman.
Je trouvais en ‘’destins croisés ‘’ l’occasion de dire à mes lecteurs qui je suis. Il y a cinq ans que j’écris et dans aucune de mes publications, je n’avais jamais pu peindre ma nature à mes lecteurs. Et faire la biographie croisée de nous deux, paraissait pour moi une occasion exceptionnelle de le faire. Je venais enfin de stationner devant le domicile familial. La villa ‘’les hibiscus‘’ construite dans un style impérial, s’étend sur un vaste domaine de mille hectares. Le géant bâtiment était logé au milieu du domaine avec de grandes colonnes ornées de têtes de lions qui semblaient en supporter le toit. La clôture du domaine était faite d’une haie d’hibiscus derrière un minaret orné de bas-reliefs en forme de tête de lion aussi. La grille principale donnant sur l’accès des usagers de notre demeure, se situant un peu plus loin, j’avais pris depuis mon plus jeune âge, l’habitude d’utiliser l’entrée de service. Enfant unique de Karl et Judith LEKE, j’avais une vie de princesse mais pas pourrie et gâtée comme l’insinuait Justin.
Mon père Karl LEKE, était un expert en aéronautique ayant servi en Angleterre, en Russie et aux Etats-Unis où il rencontra ma mère. C’est de cette rencontre il y a vingt cinq ans que je suis née. Dix ans après, un crash d’aéronef par un après-midi de noël, nous fit rentrer définitivement au Bénin. Papa avait été contacté par le président de la République d’alors pour mettre en place et diriger la haute autorité de régulation des navigations aériennes. Je n’étais qu’une petite fille à l’époque et même si le fait de me séparer de mes camarades de classe avait été difficile à gérer, j’avais la compensation d’avoir mes parents et tout leur amour avec moi. Mon statut de jeune américaine, m’avait ouvert les portes des meilleures écoles, et c’est dans une ambiance bon enfant, entouré du fleuron du corps diplomatique que j’avais poursuivi mon cursus scolaire. Je n’étais hélas pas brillante en science, et même si je pouvais reconnaitre tous les modèles d’avions et parler de leurs caractéristiques aisément, je demeurais pour mon père une perte. Il ne ratait d’ailleurs aucune occasion pour me le sortir et même s’il était fier de ce que sa fleur était devenue, il n’en manquait pas d’avoir un pincement de cœur. Il aurait tant voulu faire de moi un garçon.
Après mon MBA à Londres, les portes de l’université d’Oxford s’ouvraient à moi, pour une thèse en style et langues contemporaines. A vingt-sept ans, je rentrais au Bénin comme la plus jeune titulaire d’un doctorat en langues de tout le pays. J’étais sollicité de toute part, mais je n’avais qu’une seule envie : écrire. Je ne voulais en rien travailler pour l’administration publique et même si les offres à l’international étaient aussi alléchantes les unes que les autres, je n’avais qu’une seule envie, passer du temps en famille. Alors pour compenser le vide et ne pas sombrer dans l’oisiveté, je me mis à écrire. De mes journaux intimes de petite fille à la maison d’édition, il n’eut qu’un pas. Grâce à maman, j’avais vite fait de rencontrer les bonnes personnes et voici trois ans que je suis avec les éditions ADJI. A mon compteur d’auteure, je pouvais dénombrer cinq parutions. Je m’en sortais pas mal en tout cas côté inspirations et déjà, deux recueils de nouvelles, un roman et deux recueils de poèmes portaient mon nom dans toutes les grandes librairies du pays. Je devrais en être à une moyenne de deux mille unités vendues par an. Ceci d’ailleurs me positionnait en tête du Top 5 des ventes des éditions ADJI. Je ne m’enorgueillissais pas et jusqu’à ce jour, je n’avais jamais eu la grosse tête. De toutes les façons, ni la richesse de mes parents, encore moins le prestige de mes nombreux amis et fréquentation, n’arrivaient à combler le vide émotionnel, que je n’avais cesse de ressentir dans ma vie.
Je venais de finir de mettre ma moto au garage. Mon beau maxi scooter BMW C 650 GT sport m’avait été offert par Dimitri, le fils du premier Ministre d’Ukraine. Dimitri est mon premier et seul amour. Nous nous sommes connus alors que nous étions en année de baccalauréat. Notre relation est demeurée et cette belle monture était son cadeau sortie d’usine, pour célébrer l’obtention de mon doctorat. Je tenais à faire une entrée discrète car mes parents avaient toujours des invités à domicile. Notre maison grouillait tout le temps de la présence des tantes, des sœurs, des frères, et des cousins. Personnellement, je me serais passé volontiers de ce tohubohu, vu que mes parents m’avaient éduquée repliée sur moi-même. Et malgré leurs efforts de me rendre sociable, je demeurais la petite ‘’Raiponce‘’ de mon papa, attendant d’être secouru de mon donjon de solitude par mon bel et beau prince. Il faut reconnaitre que j’ai une belle et longue tignasse, héritage d’une mère aux origines peulhs.
Conscient de solitude et de ma timidité, mes parents m’avaient toujours laissé de l’espace. Et c’est en cela qu’ils restaient les plus grandes merveilles de ma vie. Toujours là sans être là, me paraissant presque invisibles quand l’espace devenait mien. C’est dans cette dynamique que dès mon retour d’Oxford, papa s’était organisé pour me créer mon cadre à moi, dans ce grand cocon familial. J’avais mes appartements certes à la maison, mais les limites et principes d’accès à ce domaine dans le domaine étaient assez clairs. Protocolaire me diriez-vous, mais la création de l’esprit, a parfois ses exigences avas-je pour habitude de répondre pour ne pas avoir à trop justifier cette asociabilité. Mon père m’avait cédé le dernier niveau de l’immeuble et m’en avait laissé aussi l’entière organisation à ma guise. J’en avais refait entièrement la décoration et la répartition des espaces était juste une folie d’enfant.
Mon appartement pour ainsi dire là où je dormais et recevais mes invités, occupait l’aile gauche et les autres espaces servaient pour mes moments de détentes, de sport, de lecture et où d’écriture. J’avais deux balcons assez larges, l’un donnait sur le jardin de l’entrée principale et l’autre donnait sur la piscine à l’arrière-cour. Je pouvais y accéder par les escaliers de service à défaut d’emprunter l’ascenseur. C’est ce que je fais d’ailleurs, tout en évitant ainsi de croiser le grand monde qui se trouvait à la maison. Je franchis quatre par quatre les marches des escaliers et en moins d’une, je me retrouvais dans mon univers.
Mon large espace n’est pas bien différent du palais de la reine d’Angleterre. Papa, m’avait même fait livrer des meubles Louis IVX où je me prélassais en bon enfant gâté. Je me tenais dans le séjour de mon loft. Oui je peux me permettre de l’appeler ainsi, car au-delà d’avoir refais la déco, je m’étais permis d’abattre des murs et de mettre de grosses baies vitrées. Dimitri mon fiancé m’avait accompagné dans le projet de réaménagement et avec l’aide d’un ami décorateur à son père, nous avions pu faire un bon mélange vintage en ce lieu, que j’aimais bien appeler mon ‘’loft ‘’.
Je fis valser mon sac à main dans l’un des sièges avant de me diriger vers l’espace dédié à la chambre à coucher. La robe au ton mauve échoua aussi suivi de mes sous vêtements. Je tirai la porte coulissante de la salle de bain et fis couler l’eau dans la baignoire tout en y ajoutant une dose d’essence de roses. La mousse monta sous mes yeux et je me glissai pour me détendre. Je fermai les yeux et laissa mon esprit voguer.
Je me revois assis dans la salle d’attente des éditions ADJI, quelques années en arrière. Ma mère m’avait dit le matin au petit déjeuner qu’elle m’avait obtenu un rendez vous avec la maison d’édition d’un ami à lui. Elle disait et je l’entends dans ma tête comme si j’y étais encore.
- Karl ! j’ai pu avoir un rendez vous pour Marcy avec le fils de Sidoine. Venait de dire maman, s’adressant à mon père.
- Lequel ? avait répondu ce dernier sa tête plongé dans son journal. Une très vieille habitude que rien n’avait pu lui arracher. Les informations du matin sont à l’image u café qui réveille disait-il toujours.
- Celui qui est décédé il y a un an.
- Tu l’envoi dans l’antre à ta place ? Tant mieux, elle est assez grande pour faire ses choix. Il venait de redresser la tête, posa ses verres et se tourna vers ma mère avec un faux air de dédaigneux.
- ….
- A quoi tu joue papounet avais-je fini par dire pour couper court à tout.
- A rien ma fille. Ta mère te donnera les informations nécessaires pour te rendre aux Editions ADJI, surtout impressionne les. Ils ne valent pas plus que toi.