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Write by belleetrebelle
Un après-midi, alors que Léna faisait sa sieste, Chloé, le cœur lourd et l’esprit encombré, se confia enfin pleinement à sa mère. Les visites répétées d’Armand, sa patience, ses attentions, ses tentatives pour subvenir à ses besoins, tout cela créait en elle un tourbillon d’émotions contradictoires. Elle avait besoin de conseils, de la sagesse de celle qui l’avait vue naître et qui la connaissait mieux que quiconque.
« Maman, je ne sais plus quoi faire, avoua-t-elle, le regard perdu dans sa tasse de thé. Il est là, il fait tout ce qu’il faut, mais j’ai si peur. »
Sa mère, une femme pragmatique qui avait elle-même traversé des épreuves, ne lui donna pas de réponse toute faite. Au lieu de cela, elle lui tendit un miroir. « Ma fille, avant de savoir quoi faire, il faut savoir ce que tu penses, ce que tu ressens et ce que tu veux. »
Elles passèrent le reste de la journée à discuter, assises sur le balcon, bercées par les bruits de la ville. La conversation, profonde et sans filtre, toucha à tous les sujets.
Ses futurs projets ? « Je veux m’épanouir dans mon travail. Créer ma propre agence de graphisme, monter mon équipe. Je ne veux plus dépendre entièrement de personne, financièrement ou émotionnellement. »
Pourquoi cette infidélité ? La question fut douloureuse. Chloé plongea son regard dans son passé. « C’était un ancien amoureux. Armand, même quand il était à la maison, était souvent absent dans sa tête. La monotonie s’était installée. Il était si réservé, il ne voulait jamais innover, sortir des sentiers battus. Et puis j’ai rencontré quelqu’un qui, en très peu de temps, m’a fait rêver, m’a fait me sentir vivante et désirée. C’était stupide et égoïste. »
Quelles étaient ses attentes à ce moment-là ? « Je n’ai pas réfléchi, maman. C’est ça le pire. Je n’ai pas pensé aux conséquences. Je n’ai pas pensé à lui, à nous. J’ai agi par pulsion, pour combler un vide. »
Qu’a-t-elle retenu comme leçon ? « De respecter mes engagements. De respecter mes propres valeurs et mes choix. Que la facilité est souvent un piège. Et que le prix à payer pour un moment d’égarement peut être une vie de regrets. »
Comment compte-t-elle finir ses jours ? La question la fit sourire tristement. « Je rêve toujours de la même chose, au fond. Vivre dans une famille unie, avec un mari présent, aimant et fidèle, et voir nos enfants grandir. Ce rêve n’a jamais vraiment changé. »
Elle avait certaines réponses, mais d'autres zones restaient floues, notamment la manière de concilier ce rêve avec la méfiance qui l’habitait.
Sa mère l’écouta avec une attention bienveillante. Puis, elle lui proposa un exercice. « Prends un cahier, ma fille. Écris. Mets sur le papier tout ce que tu ressens, sans filtre. Ensuite, écris ce que tu veux pour ton avenir, très précisément. Puis, fais deux colonnes : une pour les raisons de retourner avec Armand, une pour les raisons de ne pas y retourner. Quand tu auras tout posé noir sur blanc, la réponse viendra d’elle-même. Le papier ne ment pas et il supporte tout. »
Inspirée, Chloé suivit le conseil. Ce soir-là, après avoir couché Léna , elle s’installa à sa table avec un cahier neuf. Elle noircit des pages et des pages. Les larmes tombèrent parfois sur le papier, faisant baver l’encre. Elle écrivit sa colère contre elle-même, sa peur de Armand, mais aussi l’émotion de le voir si dévoué avec leur fille. Elle lista ses aspirations professionnelles et son désir de stabilité familiale.
Puis, elle entama une seconde liste, plus pratique : tous les sujets qu’elle devait absolument aborder avec Armand avant de prendre une décision. Des questions qui touchaient à leur passé, mais surtout à leur avenir :
· La communication : Comment garantir qu’ils parleront vraiment, surtout pendant les périodes difficiles ?
· La routine du couple : Comment briser la monotonie ? Comment innover ensemble ?
· La confiance : Que signifie la confiance pour lui maintenant ? Peut-elle être différente de celle d’avant ?
· Son projet professionnel : Serait-il prêt à la soutenir si elle crée son agence à Douala ? Accepterait-il son indépendance ?
· La gestion des conflits : Comment s’assurer que la colère ne redeviendra jamais aussi destructrice ?
En refermant le cahier, elle n’avait pas encore de réponse définitive, mais un sentiment de clarté l’envahit. Elle n’était plus une victime passive de ses émotions ou des actions des autres. Elle avait un cadre, des questions, une feuille de route. La décision, quand elle viendrait, ne serait plus basée sur une impulsion ou sur la peur, mais sur une réflexion profonde et une connaissance renouvelée de ses propres besoins. Pour la première fois depuis bien longtemps, elle se sentait aux commandes de sa propre vie.
Le cœur lourd mais déterminée à affronter toutes les vérités, Chloé décida de se rendre chez sa marraine. Cette dernière, une femme de principes au caractère bien trempé, n’avait pas du tout bien accueilli son infidélité. Depuis, une froideur distante s’était installée entre elles, même si un amour immense et inconditionnel liait la marraine à la petite Léna.
En arrivant, l’accueil fut aussi réservé que prévu. La marraine prit Léna dans ses bras avec un tendre « Bonjour mon bébé », mais son regard glissa sur Chloé avec une neutralité polie. Elle s’assit avec la petite sur ses genoux et se mit à lui parler, feignant de s’adresser uniquement à elle.
« Et alors, ma puce, la vie à Yaoundé ? Tu es une grande fille maintenant, n’est-ce pas ? Tu dois être sage et forte, car dans la vie, on doit assumer ses choix. »
Léna, intriguée par le son de sa voix, lui répondit par des gazouillis et des balbutiements joyeux, ignorant complètement la tension sous-jacente. Le contraste entre l’innocence de l’enfant et l’amertume des non-dits fut trop dur à supporter pour Chloé.
Elle se laissa glisser du canapé et vint s’asseoir aux pieds de sa marraine, comme elle le faisait étant petite fille. Les larmes, qu’elle retenait depuis si longtemps, commencèrent à couler silencieusement.
« Maman, » murmura-t-elle, utilisant le terme affectueux qu’elle lui avait toujours donné, « j’ai besoin de toi, s’il te plaît. »
La marraine ne la regarda pas tout de suite, continuant de bercer Léna . Sa voix était ferme lorsqu’elle répondit : « Tu n’as pas eu besoin de moi quand il fallait respecter tes engagements. Tu as pris tes décisions seule. Je suppose que tu es maintenant une femme assez mûre pour en assumer les conséquences seule aussi. »
La phrase cingla Chloé, mais au lieu de se rebeller, elle s’effondra davantage. Elle secoua la tête, la voix brisée par les sanglots.
« Non, maman. Je n’étais pas mûre. J’ai merdé. C’est précisément pour ça que je suis là. Parce que j’ai merdé et que je ne sais plus où me tourner. Bientôt deux ans que je ne vis plus, je survis. Je respire, je mange, je m’occupe de mon enfant, mais je ne suis plus là. Ce n’est pas comme ça que j’avais prévu de vivre ma vie, ni d’élever mes enfants. Je suis perdue. »
Le silence qui suivit fut lourd. Puis, la marraine soupira profondément. Elle tendit Léna à Chloé et l’invita à se rasseoir sur le canapé à côté d’elle. La glace était brisée.
Elle lui parla alors longuement, sans concession, mais avec un amour qui reprenait le dessus. Elle lui parla de la vie de couple, de sa complexité. Elle lui dépeignit des foyers qu’elle avait vus se briser à jamais, non pas à cause d’une seule erreur, mais à cause d’un manque de confiance qui, comme une moisissure, avait tout rongé de l’intérieur.
« Un homme, Chloé, surtout un homme comme Armand, bâti sur l’honneur, ne vit pas l’infidélité comme une simple tromperie. Il la vit comme un effondrement de sa réalité, de sa valeur. Ce n’est pas seulement son cœur que tu as brisé, c’est le miroir dans lequel il se voyait. C’est pour ça que sa réaction a été si violente. »
Elle lui donna des conseils pratiques sur la gestion du couple : l’importance de la transparence, même quand elle est inconfortable ; la nécessité de cultiver l’intimité au quotidien, pas seulement dans les grandes occasions ; le fait de ne jamais laisser une colère couver sans en parler.
« Le pardon, ce n’est pas un bouton qu’on active. C’est un chemin qu’on choisit de parcourir ensemble, en acceptant que l’autre porte parfois une pierre plus lourde que la sienne. »
Avant qu’elle ne parte, chargée de conseils et d’une sévérité bienveillante, sa marraine lui prit le visage entre ses mains. « Ma fille, la prochaine fois que tu as un doute, que tu te sens perdue ou que la tentation est grande, tu viens vers moi avant. Pas après. Promis ? »
Chloé, le cœur un peu moins lourd et l’esprit un peu plus clair, hocha la tête. « Promis, maman. » Elle repartit avec Léna, non pas avec une solution magique, mais avec des outils, des vérités difficiles à entendre, et la certitude retrouvée qu’elle avait, quelque part, un phare vers lequel se diriger dans la tempête.