Détresse

Write by Farida IB


Salifou DIOMANDE…

Du regard, je suis les allers et retours que font les médecins entre le bloc et la salle d’attente la gorge nouée. J’étais dans tous mes états, j’ai beau demandé des nouvelles de ma femme sans avoir la moindre réponse. J’ai dû me résigner à faire les cent pas dans la salle d’attente pour réduire le stress. J’étais au bord de l’angoisse lorsque le gynécologue-obstétrical qui la suit d’habitude avance vers moi, le visage atterré.

Docteur (d’entrée de jeu) : monsieur DIOMANDE les nouvelles ne sont pas du tout bonnes.

Moi : comment ça ? Comment va ma femme ? Docteur dites-moi quelque chose.

Docteur (prenant son souffle) : a-t-elle essayé d’avorter récemment ?

Moi (hochant rapidement la tête) : elle a subi une IVG il y a quelques jours.

Docteur : malheureusement l’intervention a été mal faite, ils ont plutôt extrait une partie de sa paroi utérine. (je croise les mains sur ma tête) Par conséquent le fœtus se retrouve avec les deux jambes hors de la cavité utérine. Les obstétriciens songent à l’opérer plusieurs fois pour réintroduire la poche des eaux à l’intérieur de l’utérus et refermer chirurgicalement la paroi utérine et envisage même de lui faire une césarienne d'ici quelques mois. Cependant, la durée du fœtus dans son ventre ne permet pas de le faire à l’instant sans lui faire courir un trop grand risque en plus elle s’est vidée de son sang. Des examens se poursuivent pour déterminer le moment propice.

Moi (parlant vite) : ok et qu’est-ce que vous nous suggérez en attendant ces opérations ?

Docteur : pour l’heure, il faut lui transfusé du sang, une grande quantité. Les recherches ont déjà été lancées dans tous les CHU du pays pour en trouver suffisamment.

Moi : rassurez-moi qu’elle est hors de danger.

Docteur : oui, oui, toute l’équipe s’est penchée sur le cas. Nous allons la garder très longtemps pour éviter un drame.

Moi : est-ce que je peux la voir ?

Docteur : pour le moment, non, une infirmière viendra vous dire lorsque ce sera possible.

Je hoche lentement la tête en le regardant s’en aller, une boule d’angoisse dans le ventre et en même temps, je m’en veux d’être à l’origine de cette tragédie. Je risque de perdre ma moitié, celle pour qui je me suis battu toute ma vie. J’ai l’impression que tout tombe sur moi dernièrement, le malheur ne vient jamais seul apparemment. Je me rassois carrément dépité, le cœur en lambeaux. Je pense à elle et en même temps aux enfants qui doivent s’inquiéter de notre disparition à leur réveil, je décide d’appeler Moussa et sa femme à la rescousse lorsque le docteur revient vers moi accompagné d’un autre en blouse de bloc opératoire.

Moi (me levant prestement) : que se passe-t-il ? Il y a du nouveau ?

Docteur : oui, nous avons le résultat des examens.

Moi : ok

Chirurgien : comme mon collègue vous l’avait déjà sûrement expliqué, votre femme subira plusieurs interventions et la première devra normalement avoir lieu à la vingt sixième semaine, c’est-à-dire dans moins de deux semaines nous procéderont à l’administration de corticoïdes au fœtus pour stimuler la maturation de l’appareil pulmonaire pour ainsi éviter les risques de détresse respiratoire du nouveau-né.

Moi : donc nous attendons simplement ?

Chirurgien : pour le moment oui.

Je pousse un long soupire, lorsqu’ils s’en vont. J’appelle Moussa qui me rassure que les enfants vont bien, ils sont même déjà partis à l’école. Je prends sur moi de m’asseoir en attendant que l’on m’autorise à la voir, ce n’est vraiment pas ma veine (soupir).

****

Cela fait plus d'une semaine que Mariam a été administrée dans cette clinique et je n’ai pu la voir que deux fois. Elle a elle-même interdit aux médecins de me laisser la voir, du moins pas avant qu’elle ne soit sure de s’en sortir. Heureusement que mon calvaire ne durera plus que quelques heures, la première opération a lieu ce soir et nous seront tous fixés. Je fais des allers-retours entre l’hôpital et la maison pour ne pas surcharger Moussa et sa femme, ils sont venus ici une ou deux fois et les enfants ont pu voir leur mère.

Aujourd’hui, je n’ai pas voulu bouger d’une semelle pour pouvoir être là au cours de l’intervention. J’ai demandé une prière pour que cette opération se passe bien parce qu’à ce qu’il paraît qu’elle risque une hystérectomie (ablation chirurgicale de l’utérus) ou même un accouchement prématuré à cinq mois de grossesse. Rien de plus effrayant, cela me fait beaucoup de peine d’autant plus que c’est la première fois que je fais fasse à une telle situation, mes enfants sont toujours nés en bonne santé. Et même Fayez qui était né dans des conditions terribles.

Moussa est venu me rejoindre au moment où ils l’emmenaient au bloc, nous arborons tous des mines inquiètes. Je n’ai jamais été autant tourmenté de toute ma vie, ça fait pratiquement deux heures qu’ils y sont et ces deux heures me paraissent interminables. On entend encore une vingtaine de minutes avant qu’ils ne déboulent dans la salle d’attente le visage plutôt décontracté, ce qui me soulage un peu.

Docteur : tout s’est bien passé, nous avons fait le maximum pour éviter que son utérus soit touché. Vous pouvez la voir une fois qu’elle aura rejoint la salle de réanimation.

Je pousse un soupire de soulagement pendant que Moussa me presse l’épaule.

Moussa : Patlon, ça veut dire que madame va bien maintenant ?

Moi : oui Moussa, ça va un peu mieux.

Moussa : donc elle va rentrer à la maison ?

Moi : non, elle va encore rester un peu.

La sonnerie du téléphone l’empêche de continuer, je me retrouve hors de la clinique pour décrocher.

Moi sévèrement : qu’est-ce que tu me veux ?

Elle : calme-toi, je t’appelle juste pour te rappeler notre chèque. Ça fait deux semaines que tu ne donnes plus de nouvelles.

C’est vrai que je l’ai complètement zappé celle-là.

Moi : j’ai eu des problèmes, je vous l’envoie dès que je trouve le temps.

Elle : il faut que ça saute, nous n’avons presque plus rien pour nous nourrir.

Moi m’énervant : bon sang ! Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans j’ai des problèmes et que je vous l’enverrai plus tard.

Elle (avec humeur) : hee pas ce ton avec moi ok ? Sinon tu connais la suite, je ne vais pas me gêner de venir tout raconter à ta femme.

Moi (haussant le ton) : fais comme tu veux !

Elle sur le même ton : ok !

*
*

Rachelle NDIAYE…

Je finis de parler à la mère d’Axel à qui j’ai confirmé ma présence à leur brunch du dimanche avant de m’attarder sur les trente-six messages que son fils m’a envoyé rien qu’en deux heures du temps. Je sais pour avoir fait un long chemin avec lui que ça partirait des insultes aux excuses donc j’ai simplement jeté un coup d’œil rapide sur les quatre derniers.

« bébé réponds-moi s’il te plaît »

« Rachou, je t’invite au restau ce soir, tu n’auras qu’à choisir l'endroit »

« Maman a prévu faire un succulent plat de couscous au poulet aujourd'hui, ça me ferait plaisir que viennes le partager avec nous comme au bon vieux temps. »

« bae, tu vas rire. Je suis tombé sous la douche toute à l’heure à force de te voir dans tous les recoins de la maison. Wallah, j’avais cru te voir et je voulais te prendre dans mes bras. »

Ce dernier message a au moins eu l’effet escompté, j’avais envie de me tordre de rire, mais la situation est assez pathétique comme ça. Vous m’avez déjà condamné ici, certains ont même pensé me demander le numéro de mon marabout. Vous pouvez décider de me croire ou non, je n’en ai pas. Et je suis consciente que vous allez me prendre pour une mythomane sinon qu'Axel, je l’aime vraiment. Sans déconner, c’est le seul homme que je n’ai jamais aimé et je tiens à lui comme un marabout à ses cauris. Le hic, c’est que je suis une femme de conviction, pour faire simple une ambitieuse. Dans notre société où le défie fait partie de nos us et coutume, je ne peux me permettre de me contenter de l’amour que me donne Axel pour la simple raison que l’amour ne nourrit pas. Il ne suffit pas d’aimer pour être repu, le ventre à ses exigences et la beauté a son prix ! Encore que je n’aie personne pour me soutenir, et même pas lui.

C’est en belle fille exemplaire que je me pointe à leur domicile à 10 h pétantes dans le but de mettre ma main à la pâte. J’ai fait sortir mon beau bazin blanc délicatement brodé de couleur chatoyante, très ajusté pour mettre mes formes en valeur et à la fois présentable pour ne pas paraître vulgaire. Je fus chaleureusement accueillie par la maîtresse des lieux. Le sourire de la Mme BENAN suffisait pour mettre à l’aise, quiconque, cette femme m’a toujours foutu des complexes. J’aimerais être aussi vitale et pétillante à son âge.

Mère d’Axel (sourire jusqu’aux mentons) : merci d’être venue plus tôt, j’avais besoin d’un sérieux coup de main. Ce n’est pas sur mes fils que j’allais compter.

Moi : rhoo maman, c’est la moindre des choses, une manière de te remercier de m’avoir invité. Tiens (sortant un take away de mon sac à main) J’ai apporté le dessert.

Mère d’Axel : il ne fallait pas, j’ai déjà fait le gâteau préféré d’Axel. Mais ce n’est pas grave, on mangera les deux.

Nous mettons pratiquement deux heures à cuisiner, à 12 h 15 la table fut splendidement dressée et nous n’attendions plus que les hommes de la maison pour manger. Axel et son frère sont les premiers à franchir le seuil de la porte après que leur mère les interpelle. Axel était surpris de me voir et son sourire béat indique qu’il est heureux et en même temps soulagé de me voir ici. Ça tombe bien parce qu’il m’allège vraiment la tâche, avec un peu de persuasion notre histoire reprendra son cours.

Nous passons rapidement à table lorsque le chef de famille revient de sa petite promenade. On mange dans une bonne ambiance, les autres discutent gaiement pendant que je garde la tête plongée dans mon assiette pour faire genre, je suis fâchée lol.

Mère Axel (à moi) : ma fille ça va ? Tu n’as pas pipé mot depuis que nous sommes là !

Moi souriant : ça va maman, c’est juste que c’est difficile de placer un mot devant vous tous.

Père Axel : il le faut bien, si tu fais la timide devant ces deux là (parlant de ses fils) ils risquent de te martyriser.

Moi : merci papa, je prendrai en compte votre remarque.

Lorsqu’on finit, je décide de tout débarrasser et de m’occuper de la vaisselle. Axel s’est proposé de m’aider pendant que les autres ce sont tous retirés dans leur chambre. Nous travaillons en silence jusqu’à ce qu’il ne décide de le briser.

Axel : bébé, tu vas me tirer la tronche encore longtemps ?

Moi : hmm

Axel (ton suppliant) : Rachelle, je t’ai demandé pardon

Moi (entre les dents) : et tu penses que ça suffit ? Tu m’épies et tout ça pourquoi ? Parce que tu manque de confiance en toi, tu te dis que tu n’es pas assez bien pour moi, or la seule personne que je veux dans ma vie, que je n’ai jamais aimé, c’est bien toi.

Il enroule sa main autour de mon bas de dos et se colle étroitement à moi.

Axel : je suis désolée choupinette.

Moi : je n’aime pas quand tu m’appelles ainsi.

Il me retourne pour qu’on puisse se regarder dans les yeux.

Axel : bébé, je ne sais pas ce qui m’a pris de t’espionner, c’est Seydou qui m’a incité à le faire. Il faut dire aussi que ton comportement m’y a un peu poussé, tu m’as complètement zappé alors que je repars bientôt.

Moi (posant un baiser sur son front) : désormais, n’écoute plus les ont-dits et fait mois confiance. Sinon, on peut essayer de rattraper le peu de temps qui nous reste.

Axel : d’accord, (me fixant) je t’aime

Moi : je t’aime aussi, enfin lorsque tu ne sors pas la version jalouse et possessive de toi.

Axel (sourire contrit) : désolé.

Je me penche pour l’embrasser, et il répond à mon baiser et pousse même en plongeant une main dans mon décolleté.

Moi : arrête, tes parents peuvent descendre à tout moment.

Axel : donc viens, on monte.

Moi (indexant la vaisselle sale) : mais on n’a pas fini.

Axel : ça peut attendre !

*
*

Nihad ANOUAM…

Moi (fixant ma mère à travers l’écran) : maman, j’ai compris, j’irai les voir.

Maman (en n’dumu) : hmm hmm ANOUAM qui te prend la tête comme ça ?

Moi plissant le front : personne, pourquoi tu dis ça ?

Maman : il n’y a qu’à voir comment ton visage illumine ta pièce jusqu’à la mienne.

Moi : pff maman tu as tout faux !

Maman : figure-toi que c’est de mon vagin que tu es sortie et tu sais où ? A l’hôpital d’Agondjé, tu peux aller te renseigner parce que ta grosse tête a failli me dépecé le bas.

Je roule simplement les yeux, les histoires de ouf de maman krkrkr…

Moi : hmm.

Maman insistant : Milenzi dis-moi qui te fait manger l’amour comme ça ?

Moi : puisque je te dis qu'il n'y a personne.

Maman : on apprend pas à un vieux singe à faire la grimace. Il ne faut seulement pas attendre que celui-ci te file du doigt avant de me le présenter. Je commence à désespérer de te voir avec un homme.

Moi : rhoo maman, je t’en présenterai lorsqu’il y en aura.

Maman : tu es même sérieuse ? Ma fille tu iras laver le corps à mon retour.

Moi :

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