Dix-sept
Write by PaulBernardAMGL
Elle manqua de s'étrangler avec son riz.
- Quoi ?! Enceinte ?
Il hocha la tête. Elle éclata de son rire agréable.
- D'où sors-tu ça ?
- Déjà tu as apparemment pris un peu de poids, ta respiration est courte, tu as à peine toucher à ton plat et tu viens de dire nous en te touchant le ventre.
Elle s'arrêta de rire et devint tout de suite sérieuse, comme si elle craignait d'être enceinte sans le savoir elle-même.
Elle avait toujours eu un cycle irrégulier, alors quand ses règles ne venaient pas à temps, une grossesse était la dernière des choses à laquelle elle pensait. Mais maintenant que Terry en fit mention, elle commença à s'inquiéter.
Elle voulait être sûre avant de confirmer ou de démentir quoi que ce soit. Mais, elle était surtout terrifiée en imaginant la réaction de sa famille si une telle chose arrivait.
Sa mère lui ferait la morale sur l'importance de la protection pendant les rapports sexuels, la confiance qu'elle aurait dû lui accorder en lui parlant de tout ça avant d'en être là, puisqu'elle ne lui avait présentée aucun petit ami jusque-là, mais finirait par l'accepter et la soutenir. Après tout elle était sur le point d'obtenir sa licence. Des filles de l'âge de son frère cadet ont déjà deux enfants.
Mais son père. Ce cher monsieur Akue ne verrait jamais les choses de la sorte. A quel moment sa petite Jessica avait commencé à fréquenter des garçons ? Même s'il s'en doutait, il n'en avait pas confirmation. Et qui était l'audacieux qui l'avait enceinté ? Il accuserait d'abord sa femme d'être complice dans cette histoire et d'avoir poussé sa fille dans les bras d'un homme. Il y avait deux réactions possibles quand il apprendrait l'identité de l'auteur, soit il ferait une crise cardiaque, ce qu'elle ne souhaitait pour rien au monde. Soit il piquerait une vraie crise de colère. Mais la deuxième hypothèse était la plus probable. Ensuite il se calmerait et s'en voudrait quand sa femme lui dira que tout cela découlait du fait qu'il ait quitté la maison en s'accrochant à une jeunesse perdue dont il ne voulait pas faire le deuil.
C'est ce que font les parents quand leur enfant commet une erreur qu'ils jugent grave, ils se rejettent la faute l'un l'autre. Comme si du haut de ses vingt et un ans, Jessica n'était pas assez grande pour commettre ses propres erreurs.
- Tu veux me dire que tu l'ignorais toi-même ? lui demanda son compagnon devant son silence.
Elle haussa les épaules.
- Même si j'étais enceinte, il y a très peu de chance que ce soit de toi, mentit-elle.
- C'est ça ! répondit Terry.
- Déjà je m'inquiètais un peu trop pour toi et j'étais trop stressée par le boulot et par mon mémoire pour prendre ne serait-ce qu'un gramme. Ensuite quand je dis nous, je parle de nous deux. Pas d'un quelconque bébé que tu espères avoir laissé en moi.
- Je pense que tu devrais quand même faire un test de grossesse, lâcha-t-il tout simplement.
Elle le savait mieux que lui. La première des choses qu'elle prévoyait faire en le quittant est de se rendre dans la première pharmacie sur son chemin. Un enfant, de surcroît de Terry, compliquerait beaucoup sa vie. Beaucoup plus qu'elle ne le voudrait.
- Bon si ça peut te rassurer, je le ferai. Mais je le répète, s'il se trouve que je sois enceinte, il y a très peu de chances que la grossesse soit de toi.
Elle avait prononcé ces mots en tâchant de paraître la plus naturelle possible.
- Tu veux donc dire qu'en moins de deux mois tu as déjà couché quelqu'un d'autre ? Alors que tu te faisais de la bile pour moi ?
Elle haussa les épaules. Le moins elle en disait et plus elle gardait son mystère entier.
- Tu n'es pas ce genre de fille, répondit-il.
- Qu'est-ce que tu sais du genre de fille que je suis ? Si j'ai pu coucher avec toi le premier soir, je pourrais le faire avec un autre. Qu'est-ce qui m'en empêche ?
- Moi, répondit-il tout simplement.
- Toi ?
- Oui moi.
- Tu m'as l'air sûr de toi, répliqua une Jessie quelque peu irritée.
- Oui je le suis. Je sais que je suis le premier homme avec qui tu as couché dès le premier soir. Et ce n'était pas seulement à cause de mon petit discours sur le respect mutuel et tout le reste. C'était parce que tu avais ressenti quelque chose. Tu avais ressenti ce quelque chose qui t'a fait réaliser que tu ne tomberais plus jamais sur deux comme moi. Je le sais parce que j'ai ressenti la même chose.
Elle le regardait dans les yeux. La colère était revenue. Elle se retenait pour ne pas le gifler. De son expérience, elle sait que les hommes mentent. Et ensuite ils mentent pour couvrir leurs mensonges. Elle ne comprenait pas ce besoin de dissimuler une vérité qui ne pourrait même pas tuer.
- Tu as ressenti la même chose que moi et ensuite tu as décidé de me mentir, répondit Jessica d'une voix étrangement calme. Sur tout et pour tout.
Pour la première fois depuis qu'ils s'étaient rencontrés, Terry parut vulnérable. Le jeune homme sûr de chacun de ses gestes, avait perdu de son assurance. Il avait laissé son armure de voleur et menteur professionnel pour ne devenir plus qu'un jeune homme avec des peurs et des insécurités.
Il tripotait sa fourchette, le regard furtif. Ses yeux se posaient partout mais évitaient de croiser ceux de la fille assise en face de lui.
- Je n'étais pas sûr jusqu'à ce que je t'en parle une minute plus tôt, expliqua-t-il d'une voix éteinte. Je suis désolé...
Il avait dit cela avec toute la sincérité dont il pouvait faire preuve. Il avait honte.
Pour la première fois, Jessica put ressentir quelque chose de vrai émanant de lui. Une vraie émotion, autre que celles que ses belles paroles pouvaient procurer.
- Même si j'ai déjà une idée de ta réponse, je vais quand-même essayer. Je veux qu'on reprenne à zéro toi et moi. Avec le vrai moi. Pas le personnage que je me suis créé.
Elle sirota son milkshake en le regardant dans les yeux.
Ses sentiments étaient partagés. Une partie d'elle avait envie de vivre une aventure avec Terry, le gangster 2.0. Et la seconde partie avait envie d'une histoire d'amour plus sincère et plus durable avec Jimmy. Mais elle n'avait pas encore digéré tous les précédents mensonges qu'il lui a servi. Il lui avait déjà menti et rien ne l'empêcherait de recommencer.
- Et je te promets de ne plus jamais te mentir, enchaîna-t-il comme s'il avait lu dans ses pensées.
- Laisse-moi le temps d'y penser, finit-elle par répondre. Il faut que je rentre.
Elle saisit son sac et se leva. Elle alla régler l'addition et sortit du restaurant.
- Monte que je te dépose, lui proposa Terry.
- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, fit-elle. Mon père est revenu à la maison. Je préfère te savoir en liberté que dans une cellule.
Elle lui déposa un baiser sur la joue avant de s'éloigner. Il la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle prenne un taxi moto et disparaisse.
Il appela ensuite Achille, son mentor du Creed. Ce dernier lui indiqua où le trouver. C'était un bar de Jazz où il aimait passer ses soirées.
Un verre de Whisky à la main, Achille Vignon profitait de l'ambiance cosy du bar en compagnie d'une jeune femme qui pouvait être facilement sa fille.
Quand Terry arriva, la jeune femme quitta le petit salon privé où ils étaient posés pour les laisser parler.
Le jeune homme s'assit à côté de son supérieur.
- Maintenant qu'il faut que je fasse profil bas, je ne peux plus participer à des missions de grande envergure, commença-t-il de but en blanc. Je dois absolument éviter de retomber dans les mains des policiers. Surtout celles du commissaire Akue.
- En parlant du commissaire, comment sa fille digère la nouvelle de ta vraie profession ? lui demanda Achille.
- Comment savez-vous qu'elle est au courant pour ma vraie profession ?
Il sourit sans répondre pour autant. Il fit un vague signe de la main en direction du bar et un serveur s'approcha. Il lui chuchota quelque chose à l'oreille et ce dernier s'en alla.
- Que savez-vous de ce qui s'est passé la nuit de mon arrestation jusqu'à maintenant ?
- Tout.
Il s'apprêtait à poser d'autres questions quand il l'interrompit d'un geste de la main.
Après avoir réglé l'addition il se leva et fit signe à Terry de le suivre.
- Suis-moi avec ta voiture, lui intima-t-il une fois qu'ils furent dehors. Quant à notre destination, tu verras une fois sur place.
Il monta dans sa propre voiture et son chauffeur l'emmena. Ils prirent la sortie nord-est de la ville et roulèrent pendant une bonne demi-heure. Ils arrivèrent enfin devant une grande et luxueuse villa. L'agent de sécurité vint leur ouvrir ils garèrent leurs voitures dans l'un des garages.
- Monsieur vous attend dans le salon, leur dit l'agent une fois qu'ils mirent pied à terre.
Il les emmena jusqu'au salon en question.
Un homme aux tempes grisonnantes discutait avec une femme élégamment habillée.
Terry reconnut tout de suite la voix de la femme. Ses craintes se confirmèrent quand la femme se tourna vers elle. C'était Ama, la princesse au collier d'or.
- Vous m'avez tendu un piège !