Achille lui donna un coup de coude discret et il se tut.

- Vous devez être Terry, lança le monsieur, son cigare entre les doigts.

    Ils s'approchèrent tous les deux de celui qui semblait être leur hôte.

- C'est bien moi, Gakpe. Terry Gakpe ! s'exclama-t-il, reprenant du poil de la bête.

   Il l'invita à s'asseoir.

- Terry je te présente Mala Okpara, le p...

- Je sais qui c'est, le coupa froidement Terry. 

- Tu as déjà rencontré Sa Majesté.

   Cette dernière leva légèrement son verre de vin pour le saluer. Elle portait son collier. Le collier pour lequel il avait dû avaler la partie chimique et toxique d'une pile et se cacher de toutes les manières possibles pendant des semaines .

- Sa Majesté, je vous présente notre meilleur élément, dit Mala en désignant le jeune homme.

   La princesse fit une moue en secouant la tête.

- Votre meilleur élément s'est fait prendre après avoir volé mon collier.

- J'ignorais que le portique avait sa propre caméra.

- Laissez-moi vous dire une chose Terry : l'ignorance tue. Vous en avez déjà fait l'expérience. Si ce n'était pas un exercice, vous serez mort pour de vrai.

     Terry ne répondit plus. Il attendit calmement qu'elle prenne une décision.

 - Néanmoins j'admire votre loyauté et votre sang froid. Je veux à nouveau vous mettre à l'épreuve. Si vous réussissez alors je vous mettrai sur la mission. Vous allez me rapporter deux motos neuves avant la fin de la semaine. Un de mes gars vous prêtera main forte pour vous sortir d'affaires au cas où.

 - Non merci. Je travaille mieux seul.

 - Vous n'avez pas votre mot à dire à ce sujet, rétorqua la princesse. C'est la seule condition à laquelle je vous accepterai sur ma mission.

    Terry hocha la tête. Il n'avait pas le choix. Il voulait se remettre en selle et elle lui en offrait l'occasion.

    La princesse passa un coup de fil.

 - Rejoignez-nous, dit-elle à quelqu'un à l'autre bout du fil.

    Un homme dans la quarantaine entra dans le salon une minute plus tard. Il salua et s'assit à côté de la princesse sur sa demande.

 - Je te présente Terry. Avec votre concours, il va me ramener deux motos neuves avant la fin de la semaine.

    L'homme tendit la main à Terry. Ce dernier la serra avec fermeté comme pour s'affirmer.

- Laissez-nous à présent, ordonna la princesse.

    L'homme se leva et ressortit du salon. Terry resta assis.

- Je vous ai demandée de nous laisser, lui lança la princesse d'un ton glacial.

    Bien qu'il n'aima pas le ton de la princesse, Terry quitta le salon à son tour sans se faire prier. Il retrouva celui qui allait devenir son coéquipier dehors. Il l'approcha et ils se présentèrent l'un à l'autre. Il s'appelait Jos.

- Depuis combien de temps êtes-vous dans ce milieu ? lui demanda Terry.

- Depuis mes années de lycée, répondit Jos.

   Terry hocha la tête d'admiration.

- Et vous ?

- Il y a à peine trois ans.

   Jos lui raconta ses premiers vrais coups quand il était au lycée. Terry, quant à lui, raconta ses coups les plus récents. Avec cette même aisance que quand elle parlait à Jessica dans l'après-midi.

- Pour les motos, comment comptes-tu t'y prendre ?

- Je pense que je vais te laisser planifier la première moto pour voir comment tu procèdes, tant que ça n'inclut pas de devoir tuer quelqu'un ou le violenter. Ensuite je me débrouillerai pour la deuxième.

- Un voleur pacifique, c'est nouveau ça, se moqua Jos. Mais c'est bien mieux. Ça laisse moins de traces.

    Terry hocha les épaules.

    Ils se donnèrent rendez-vous le lendemain même dans la matinée pour voler la première moto. Après avoir échangé leurs numéros, chacun rentra chez lui.

Salon de Mala Okpara

- Vous pensez vraiment que ce petit a les épaules pour cette mission ? 

- Il a fait ses preuves avec moi,m et il est excellent, répondit Achille. Son erreur à l'hôtel a été de rester pour profiter de la suite qu'il avait loué.

- Justement ! Comment peut-il rester dans cet hôtel après avoir volé un objet d'une aussi grande valeur ?

- Son erreur se résume à un nom, Jessica Akue. Cette fille lui tourne complètement la tête. Heureusement que j'ai réussi à les séparer.

    Ama se redressa en entendant le nom de sa nièce.

- Il est donc amoureux de la fille du commissaire ? Il n'est plus question que je bosse avec lui. Il risquerait de tout lui raconter et de compromettre toute la mission.

- Je le maîtrise parfaitement, et je me porte garant de son silence.

- La manière dont il t'a interrompu tout à l'heure quand tu essayais de me présenter ne m'a pas plu, intervint Mala.

     Il venait de sortir de son bureau. Il se rassit à côté d'eux.

- Il était furieux parce que je lui ai appris que j'étais au courant de son arrestation et je n'ai rien fait pour le sortir d'affaires.

Le lendemain

9h30

Centreville

Jos et Terry se rejoignirent à leur point de rendez-vous. C'était près de l'une des grandes maisons de vente de motos dans le centre-ville. Un beau bâtiment vitré, d'une quinzaine d'étages.

- Il n'y a pas meilleur endroit pour voler une moto que près de l'endroit où se vendent les motos.

    Terry sourit, attendant de connaître le plan que son nouveau coéquipier avait.

- Voici le topo, tu vas repérer la moto en circulation la plus neuve possible. Tu lui demandes de te ramener près du vieux garage BMW et ensuite de te ramener au même endroit. Vous ferez une pause dans votre trajet près de l'Etoile de l'indépendance où mon ami que voici - il désigna un autre homme à moto - et moi vous attendrons. 

   Terry hocha la tête.

- Nous partirons ensuite ensemble vers le vieux garage BMW. Une fois sur place je vous dirai la suite. A tout à l'heure. 

   Il monta sur la moto et ils s'en allèrent.

   Terry se mit donc à la recherche de la moto idéale. Celle que Jos approuverait tout de suite. Son regard scrutait la circulation quand elle apparut, luisante sous le soleil matinal. Le conducteur, un homme quadragénaire à l'allure fière sifflotait dans la circulation. Terry le héla tout de suite. Il hésita puis serra quelques mètres plus loin.

- Bonjour monsieur.

- Bonjour. Où allons-nous ?

   Il décrivit son trajet au zem. Ce dernier accepta et donna le prix. Terry monta sans discuter. Ils rejoignirent Jos et son conducteur à l'endroit prévu. Ils se rendirent ensuite tous ensemble près du vieux garage BMW où ils s'arrêtèrent sous un arbre.

- Attendez nous ici, leur dit Jos.

    Il fit signe à Terry de le suivre.

- C'est quoi la suite ? lui demanda Terry une fois qu'ils furent hors de portée d'oreilles des zems.

- Tu verras.

    Ils tournèrent dans une petite ruelle à quelques mètres de là où étaient les zems. Une jeune fille vendait de l'eau dans la ruelle. Elle accourut dès qu'elle les vit s'approcher.

- Le jus est prêt tonton, dit-elle à Jos.

- Apporte le aux deux zems de ma part. Ils sont sous l'arbre près de l'entrée du garage. Et surtout veille à ce que celui avec la moto neuve ait celui préparé.

     Elle hocha la tête. Elle sortit de la ruelle.

- Le droguer pour prendre sa moto ?

- Le plus important c'est la moto, répondit-il en hochant les épaules. Le moyen importe peu.

    Ils attendirent une trentaine de minutes. Puis, jugeant que la drogue aurait déjà fait son effet, Jos sortit de la ruelle, Terry sur les talons.

    L'homme était toujours debout. Mais il vacillait dangereusement sur sa moto. Ils arrivèrent à temps pour l'empêcher de tomber de la moto. Ils l'adossèrent à l'arbre. Jos s'entretint pendant un moment avec le deuxième conducteur. Il lui remit de l'argent et il enfourcha sa moto puis disparut.

- Si un jour tu devras répondre de tes actes devant Dieu, le fait que cet homme soit pauvre pèsera tout autant que le vol lui-même.

   Jos se retourna vers lui, furax. Il le saisit violemment par le col.

- Ce travail est difficile et dangereux mais je l'ai choisi. Et je le fais en laissant mes états d'âme de côté. Je suis un gangster, un vrai. Un soldat. Je fais ce qu'on attend de moi. Et contrairement à toi, je suis prêt à marcher sur quelqu'un si c'est ce qu'il faut pour accomplir ma mission. Rappelle-toi cela la prochaine fois que tu voudras essayer de me faire culpabiliser.

- Ça ne me dérange pas de répondre de mes actes. C'est moi qui les ai commis après tout. Je sais dans quoi je trempe. Mais toi tu as passé l'âge d'être dans la rue à voler des motos. De surcroît pour le compte de quelqu'un d'autre. Tu n'es même plus sûr de vouloir faire tout ceci mais soit cette princesse mal baisée te tient par les couilles, soit tu n'en as tout simplement pas. Ce qui revient à peu près au même. À moins que tu aies été assez prudent pour mettre des sous de côté pour plus tard, tu te retrouveras sur la paille une fois qu'elle décidera que tu n'es plus assez bon pour bosser pour elle.

    Il marqua une pause pour redresser sa chemise mais Jos ne le lâcha pas.

- La différence entre toi et moi est la suivante : je ne fais pas ceci pour gagner ma vie, je ne le fais pas parce que je n'ai pas d'autres choix. Je le fais parce que j'aime ça. J'aime anarquer, voler, doubler. Mais je fais les choses correctement pour ne pas y laisser mon âme en même temps que ma vie. Aujourd'hui tu mettras tes états d'âme de côté. Mais à force de les mettre de côté, ils s'entasseront et finiront par te noyer et te consumer de l'intérieur. Ça te rongera cellule par cellule comme un cancer jusqu'à ce que tu n'en peuves plus. Tu vas me tenir par le col et c'est tout ce que tu pourras faire. Mais il y a bien des moyens de nuire à quelqu'un et la violence n'en est qu'une infime partie.

     Jos lui lâcha le col en se demandant qui il était vraiment. Ce jeune homme venait de deviner et de décrire tous ses ressentis sans qu'il lui en parle. Il hésita un moment entre se confier à lui ou se taire. Il finit par choisir le silence.

 - Monte sur la moto, ordonna-t-il à son partenaire en s'asseyant. Allons voler ta moto. Tu me montreras comment tu fais pour ne pas y laisser ton âme.