ENFIN REVEILLE

Write by Marc Aurèle

Une jeune infirmière venait d’entrer dans la chambre ce matin, portant un plateau de petit déjeuner. - Bonjour, mademoiselle, avais-je dit, en essayant de m’éclaircir la voix. Suzy l’infirmière, faillit renverser son plateau, tellement surprise. Elle venait quelques minutes plus tôt de me faire ma toilette matinale et pourtant, je n’avais pas prononcé une seule syllabe. - Je m’appelle Marcy CELESTE, et j’ai conduit ici mon père après un accident, je ne sais plus depuis combien de temps, mais…, Je venais de dire mon nom, après ce long désert que j’avais traversé et qu’avaient vécu malgré eux mes parents. - Bonjour Monsieur Céleste, cria la jeune fille dans un ton rempli de joie. Vous avez parlé, vous avez parlé ! Elle s’exclamait tout en traversant la chambre. - Essayez de vous lever pour qu’ensemble nous fassions vos exercices physiques, ajouta-t-elle, avant de me prendre par le bras. Les jours leur avaient paru des éternités, quand après mes interventions, je ne parlais point. Le soleil se faisait prier pour vaincre les ténèbres de la nuit et aux yeux de tous se refusait encore d’aller éclairer d’autres cieux. Mère, Frères et sœurs, cousins et cousines, parents et amis avaient défilé dans les couloirs de l’hôpital des Armées, et moi je restais là muet, sans rien pouvoir dire et encore moins sans les reconnaitre. Le fait de m’être exprimé ce matin, les rassurait sur mon état de santé. La joie qu’exprimait l’infirmière n’était que la preuve de son soulagement. La jeune fille n’avait pas répondu outre mesure à ma question, mais elle ajouta entre deux mouvements : - Votre frère Brice passera tout à l’heure. - Vous les avez joints ? et mon père ? Je venais d’ajouter une autre série de questions. Cette annonce venait de déclencher une foule de questions dans ma tête. Une multitude d’interrogations grouillait dans ma tête et avait besoin d’être étalée. Nous venions de revenir vers le lit et la jeune infirmière s’était précipitée dans les toilettes. Elle en sortit quelques secondes plus tard avec dans la main un miroir qu’elle mit entre mes mains. L’autre moi que je voyais dans le miroir était devenu ‘’sahélien‘’. Je portais un gros bandage maculé çà et là de tâches d’Eosine. Le reflet que j’eus de moi en disait long sur la situation et les réponses que je cherchais se fixèrent sans plus hésiter. Je ne pouvais point faire de geste et je dus opter pour le silence car la jeune fille était sortie de la salle alors que je m’examinais. Ma surprise était à son comble et, quand la jeune infirmière revint, elle me passa son bras autour de la taille à nouveau pour me remettre dans le lit. Elle m’aida à maintenir une meilleure posture pour prendre mon petit déjeuner. J’en avais pour ma première gorgée de thé quand l’on tapa deux légers coups sur la porte qui s’ouvrit et laissa place à ce visage si familier et qui, du coup me sembla venir de loin. Mon frère ainé Brice venait de rentrer dans la chambre le visage tout défait. Ses traits étaient tellement tirés qu’on lui aurait donné la soixantaine en âge. Ce jeune homme qui avait tout juste soufflé ses trente-deux bougies laissait la désolation, l’anxiété et le stress des évènements lui souffler le goût de la vie. Il marcha vers moi, calme et n’osait point poser le regard sur moi.
HERITAGE PATERNEL