UN AUSSI LONG COMA
Write by Marc Aurèle
Ce fut la dernière image que je gardai de cet homme, car je
ne pourrai plus jamais parler de lui au présent. Je ne parlerai de Cynthe
CELESTIN désormais qu’au passé. Je devrais désormais dire feu mon père et même
si ce ne fut que trois mois plus tard que je me retrouvais, c’était comme s’il
y avait encore quelques secondes qu’il se trouvait là devant moi. Même s’il m’a
fallu tout un trimestre pour pouvoir parler de lui en ces termes, c’est que je
lui dois d’être.
Le brancard s’en allait, poussé par des infirmiers qui
exécutaient au fur et à mesure les ordres d’un médecin quand je tournai de
l’œil une première fois. Une jeune infirmière s’approcha de moi, m’aida à me
tenir debout et me conduisit vers l’accueil. Le long couloir des urgences
emportait mon père quand je m’évanouis à nouveau. Je voyais le bras gauche de
ce dernier se lever comme en signe d’adieu alors que les infirmiers
l’immobilisaient pour entrer dans la salle des soins intensifs.
J’avais une fracture au tibia gauche et mon péroné droit
quant à lui s’était déboîté. Je ne m’étais plus relevé tout le temps que je fus
pris en charge par les services compétents. Une vingtaine de jours s’était
écoulée. Pendant près d’un mois, je fus dans le coma, inconscient de tout ce
qui se passait autour de moi. Un tube me permettait de m’alimenter. Une minerve
et des attelles tenaient immobiles mes différents membres. Mon frêle corps
passait d’un soin à un autre pendant que mon esprit, mon vrai moi se battait
pour que s’accomplissent les desseins de mon créateur. Des soins intensifs, aux
examens radiographiques, à la scanographie en passant par la dialyse. Je n’en
savais pas grand-chose, mais j’en eus pour tous les services de l’hôpital de
zone qui finalement, m’évacua sur la capitale économique du Bénin, Cotonou.
Les premiers jours du mois d’Avril me virent à l’Hôpital des
armées, CAMP GUEZO de Cotonou. La grâce de Dieu, la rigueur militaire et la
dextérité des disciples d’Hypocrate de ce haut lieu de la santé me permirent de
me relever très vite.
Avez-vous jamais assisté un parent malade et hospitalisé plusieurs jours durant ? En avez-vous eu qui ait été en prison et isolé de tout le monde, pour ne serait-ce qu’une journée ? Vous est-il jamais arrivé de traverser le temps, inconscient et sans aucune idée de ce qui se passait autour de vous ? Et de réaliser avoir existé sans réellement savoir comment ? Si vous répondez par l’affirmative, vous pourriez me comprendre. Sinon, je viens de vivre des vacances existentielles de quarante-cinq jours, au cours desquelles j’eus à subir deux interventions chirurgicales toutes réussies.
Trois bons mois s’étaient écoulés entre cette fameuse matinée tragique et ma première expression cohérente. J’étais assis dans un coin de ma chambre d’hospitalisation. La baie vitrée, malgré le rideau de toile fine, laissait entrevoir un jardin bien entretenu. Je pouvais apercevoir, les patients du service de la kinésithérapie faire leurs exercices quotidiens. Mon système cérébral venait de reprendre vie et mon inconscience de plusieurs milliers de secondes venait de laisser place à une certaine prise de conscience de qui je suis.