ÉPILOGUE
Write by Ornelia de SOUZA
Une fois de plus je me réveillai en sursaut le corps entier en sueur. Je venais de revivre la scène une énième fois. La veille j'avais été informé du suicide de Carin dans sa cellule. Il n'avait pas supporté ce qu'il avait fait. Tuer mon fils. Quel horreur! Quel cauchemar ! J'aurais préféré que cela ne se soit jamais produit. Était-ce mon châtiment? Après tout, j'avais tué l'enfant d'une autre femme mais assister à l'assassinat du mien n'était-il pas une punition un peu trop horrible. Je n'oublierai jamais ce qui s'était produit à ce moment-là. Je n'avais pu passer que quelques heures avec mon fils et maintenant on me l'avait pris à jamais.
-Tu vas bien? murmura Yves qui était allongé près de moi.
-Oui; dis-je pas très sûr de moi.
-Alors allonge toi! Il est à peine sept heures du matin.
-Non, nous avons une journée chargée aujourd'hui ! protestai-je en quittant le lit.
Effectivement, nous avions une longue journée. Tout avait pris une mauvaise tournure mais je comptais toujours faire les choses biens. Plus qu'une épreuve, la mort de mon fils avait éte une leçon. Je ne savais pas si je méritais ce qui m'était arrivé mais je savais que mon petit Désiré, lui ne méritait pas de finir de la sorte. Si seulement j'avais abandonné plus tôt, peut-être n'aurait-il jamais vécu une fin aussi atroce. Si j'avais sauté sur l'occasion qu'Yves m'avait donné de m'enfuir sur cette plage, peut-être que mon fils serait né et qu'il serait toujours en vie. J'acceptais néanmoins la volonté de Dieu dans ma vie. Irina m'avait invité à un déjeuner en l'honneur de Carin dans leur maison familiale. Quelle ironie n'est-ce pas ! Être invité au déjeuner en l'honneur du meurtrier de mon fils. Je ne pouvais pas être présent à ce déjeuner et affronter une foule de curieux. Une foule de vautours prête à dévorer chaque morceau de la peine d'une femme battue et privée de son premier fils. Je savais que je ne pourrais pas supporter ça alors j'avais décidé de rendre visite à la famille aussi tôt que possible. Yves m'accompagna.
-Bienvenue! me souhaita Dame Esther. Je suis désolée de ce qui s'est produit.
Je n'avais pas de force pour lui répondre alors je lui fis un signe de tête puis je me dirigeai vers la salle de séjour soutenue par Yves. Elles étaient là. Les trois femmes de la vie de Carin. L'une était aussi dur qu'à son habitude, l'autre aussi douce que la dernière fois que je l'avais vu mais la troisième avait tout perdu de son élégance. La mère était vraiment affecté. Elle venait de perdre son unique fils et je comprenais aisément sa peine alors même que je n'avais pas élevé le mien pendant autant d'années. Irina fut la première à se rapprocher de moi. Elle semblait si désolée. Je crus même un instant qu'elle me prenait en pitié.
-Je suis si désolée ; mumura t-elle avant d'éclater en sanglots
Ses larmes déclenchèrent les larmes de sa mère assise, la main sur la poitrine. Venue pour accomplir, un seul but, je me dirigeai vers elle et je m'agenouillai sans hésiter.
-Pardon maman! dis-je. J'ai tué votre fils.
-Non mon enfant; dit-elle en essuyant ses larmes. C'est moi qui ai tué le tien. Je savais que Carin était malade. Je savais qu'il avait des problèmes mentaux. Son père ne m'a pas quitté. Il est dans un hôpital psychiatrique et j'ai choisi de cacher cette information à tout le monde pour éviter le déshonneur. J'ai vu chez mon fils les symptômes que j'avais vu chez mon mari mais je ne l'ai jamais accepté. Et aujourd'hui j'en paie les conséquences. C'est si dur.
Ashley assise près de sa mère lui prit la main. Elle ne m'avait pas adressé la parole une seule fois depuis ma venue. Elle était aussi en partie responsable de la mort de mon fils. Elle avait donné l'information de ma position à Carin et cela avait entraîné cet horrible événement. Je ne lui en voulais pas cependant car Carin aurait pu agir n'importe où. Il était malade comme venait de dire sa mère.
-Si je n'avais pas piéger votre fils en étant guidé par mes intérêts, rien de tout cela ne se serait produit alors acceptez mes excuses.
-Je les accepte et je voudrais aussi que tu acceptes les miennes.
Elle me prit alors dans ses bras avec émotion. Je sentis ses larmes couler sur mon dos. J'avais sûrement beaucoup trop pleuré parce que la situation ne m'attrista pas plus que ça. Un téléphone sonna et Ashley répondit. Un hurlement nous fit à moi et à mon ex belle-mère rompre notre étreinte. Elle venait d'apprendre une mauvaise nouvelle.
-Qu'y a t-il? s'enquit une femme qui ne pouvait pas supporter une peine de plus.
-Roland vient d'être arrêté; répondit Ashley les yeux dans le vide. Plusieurs de ses patientes ont portés plainte contre lui pour viol.
-Je t'avais toujours dit que ce homme n'était pas net; intervint Irina.
-Un courrier pour Madame Ashley; lança dame Esther qui venait d'entrer dans la pièce.
Ashley n'était pas en état d'ouvrir sa missive alors sa sœur s'en occupa. Celle ci parcourut le parchemin des yeux puis posa la main sur sa bouche, effrayée par ce qu'elle venait de lire.
-Qu'est-ce qu'il y a dans cette lettre? questionna la mère des filles
- Il est noté que Ashley n'était pas présente au procès pour la garde des ses filles. Au vu des preuves apportées par son mari, le juge a décidé d'accorder à ce dernier la garde exclusive des filles. Néanmoins, Ashley aura un droit de visite mensuel.
-NON! hurla Ashley. J'ai perdu mes filles à cause d'un homme.
Ce cri venait de ses tripes. J'observais la peine de cette femme avec détachement et je me sentis gênée. Dieu venait de me montrer l'ordre des événements de cette vie. On lançait une action et le retour nous revenait tôt ou tard. Chacun de nous décidait de ce qui lui reviendrait. Ashley avait-elle décidé de perdre la garde de ses filles? Avais-je décidé de la mort de mon fils?
Je fis signe à Yves. Nous n'avions plus rien à faire ici. Notre prochaine destination se situait à l'opposé de cette maison dans laquelle je ne reviendrait sûrement plus jamais. Au portail de la villa familiale, je me retrouvai face à une femme que j'avais oublié. Amélie. Elle était là en larmes. Je conclus immédiatement qu'elle était aussi invité au déjeuner et que comme moi elle avait décidé de venir plus tôt.
-Toi? dit-elle surprise de me voir là. J'ai appris ce qu'il s'était passé. Je suis désolée pour toi.
-Je m'excuse; dis-je soudainement car j'avais péché contre elle. Tu es la seule femme qui aimait vraiment Carin et j'ai été un obstacle à votre union. Je t'ai empêché de prendre soin de lui. Si je t'avais laissé faire, peut-être que rien de tout cela ne se serait produit.
La magnifique femme albinos s'approcha alors de moi et me prit dans ses bras. Ses petits yeux bouffis par les larmes semblaient me témoigner de la reconnaissance. Cela lui suffisait que je lui reconnaisse une certaine nécessité dans la vie de l'homme qu'elle avait aimé jusqu'à sa mort. Je la laissai et je pris la route vers ma dernière et ma plus importante victime accompagné de mon fidèle amour.
Je toquai à la porte la peur au fond du ventre. Je ne savais pas comment elle allait m'accueillir et comment elle prendrait ce que j'avais à lui révéler. Elle se révéla à moi exactement comme la dernière fois où je l'avais vu. Son visage ne me répugna pas comme par le passé. Je vis alors la beauté de l'âme qu'elle possédait, la beauté que seul Carin voyait.
-Toi ici? s'emporta t-elle presque immédiatement
-Ecoute moi je t'en supplie ! Ne me ferme pas la porte au nez.
Mes mots ne semblèrent pas modifier sa décision.
-Carin est mort! lui lançai-je en dernier recours espérant obtenir une quelconque réaction de sa part.
Cela fonctionna. Lentement, elle m'ouvrit la porte avec un air stupéfait. Mille questions semblaient défiler dans ses yeux. Je le voyais et je comptais bien répondre à chacune de ses questions.
-Puis-je entrer? tentai-je
-Non! me répondit-elle sèchement. Pourquoi tu es ici et pourquoi me dis-tu ça?
-J'ai à te parler très sérieusement Inès. Je ne mens pas. Carin est vraiment mort et je suis venu te parler à ce propos.
-Je ne veux plus rien avoir avec vous deux. Je pensais avoir été assez clair. Après ce qu'il m'a fait...
-C'est moi qui l'ai fait! l'interrompis-je en puisant le peu de force qui me restait.
-Tu as fait quoi?
-J'ai payé des gens pour qu'on t'agresse. Carin n'a jamais eu rien à avoir avec cette affaire. Il n'était pas au courant. J'ai agis seule et crois moi, aujourd'hui je m'en veux tellement. Je suis venue implorer ton pardon.
Elle sembla sous le choc de cette révélation mais pas autant que je ne l'aurais cru. Elle soupira plus de lassitude que de colère puis elle s'écarta pour me laisser entrer. Je ne me fis pas prier. Tout comme son occupante, la pièce n'avait pas changé. Ni la pièce, ni cette petite fille craintive qui m'observait avec appréhension. Inès m'indiqua un siège que j'hésitai à occuper ayant à l'esprit qu'Yves m'attendait devant le portail. Finalement, je me décidai et m'assit.
-Je suis désolée ! dis-je immédiatement. Je...
-Tu sais quoi? Je n'ai pas vraiment envie de m'épancher sur ce sujet une fois de plus. Depuis ce jour fatidique où j'ai perdu mon bébé, j'ai prié pour ne plus jamais vous croiser. Ni toi, ni Carin mais jamais je n'ai souhaité la mort de qui que ce soit.
-Je le sais et c'est pour cela que je suis ici. Inès, tu n'as jamais voulu du mal à qui que ce soit mais moi je t'en ai voulu. Et au delà, je t'en ai fait. Je suis donc ici pour te demander pardon.
-Que t'est-Il arrivé ? demanda t-elle sans dissimuler sa curiosité. De quoi est mort Carin?
Comme si j'avais attendu cet instant depuis que j'avais toqué à cette porte, je comptai sans m'arrêter un seul instant et sans omettre un seul détail. Au bout de quelques minutes, Inès était au courant de tout. Une main était posé sur sa bouche grande ouverte et je compris qu'elle avait été choqué par la fin de mon récit.
-Je sais que je l'ai mérité ! dis-je en versant quelques larmes
-Ne redis plus jamais ça! m'interdit Inès. Peu importe ce que tu as pu faire par le passé, tu n'as pas mérité ça. Personne ne mérite de subir ça. Carin était malade et il aurait dû se soigner. Je ne sais pas comment j'aurais pu supporté si quelque chose comme cela arrivait à ma petite Safi. Sache que moi je te pardonne. Je crains l'être humain après tout ce qui m'est arrivé certes mais à toi Mélaine, je te pardonne.
Ses mots semblaient sincères et la franche accolade que l'on partagea quelques minutes plus tard confirma ma pensée. Je me sentis renaître, laver de tout péché comme un nouveau-né. J'étais maintenant prête à vivre selon les recommandations de Désirée.
-On y va? demanda Yves qui m'attendait patiemment dehors après mon entrevue avec Inès.
Un signe de tête et trente minutes plus tard, nous étions installés dans un bus à destination de la Côte d'Ivoire. Yves et moi après mûre réflexion avions décidé que nous n'avions plus rien à faire ici. Nous préférions nous lancer de nouveaux défis et tenter de nous construire une nouvelle vie. Je regardais à travers la vitre le cœur battant. Qu'est-ce qui pouvait bien m'attendre sur cette autre terre? Reviendrais-je un jour dans mon pays?
-Tout ira bien! murmura Yves en prenant ma main et en faisant voler tout mes doutes d'un coup.
Je lui souris avant de laisser ma tête retomber sur son épaule. J'avais tout perdu mais j'avais aussi tout gagné. J'avais perdu deux êtres chers, une vie privilégiée mais j'avais gagné le vrai amour, un partenaire de vie loyal et la paix du cœur. Et le plus important, j'avais aussi appris à aimer et je n'allais plus jamais me retenir car aimer devrait être notre seule raison de vivre.
I.G : nelie_nova
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