Epilogue

Write by sokil

                                                  EPILOGUE       

 

 

- Je ne suis pas sûre qu’elle réapparaisse !



- Un jour peut être…



- Tu vois ? Après toutes ces années ! Elle a réapparu une seule fois ! Une seule fois ! Le temps de me voir et de savoir que tout va bien et après PAF ! Comme par un coup de baguette magique elle est partie sans crier gare !



- Je pense qu’elle agit de la sorte pour que ta relation avec Sidonie demeure intacte, elle ne veut pas la gâcher !



- Oui je sais ! Sidonie reste ma mère, c’est dans ses bras que j’ai grandi ; je l’ai compris et j’ai eu la confirmation lorsque j’ai vu cette femme pour la première fois !



- Voila, je pense que tu devrais te focaliser là dessus ! Tu as une vraie mère qui t’aime ! C’est l’essentiel !



- C’est l’essentiel !



J’étais curieuse savoir, de connaître les vraies raisons qui l’ont poussée, elle, Justine, de son vrai nom, alias « Madame princesse » ; j’aurai voulu comprendre pourquoi cette femme, la chair de ma chair, ait eu cette force, ce courage là de m’abandonner bébé ! J’ai encore le souvenir de sa main posée sur ma joue, lorsque je l’ai vue pour la première fois, la veille de mon mariage. Je l’ai trouvée si belle malgré son âge mûr ; je l’ai trouvée si posée et dégageant une aura indescriptible, j’ai été si impressionnée par sa présence, mais je ne me suis pas laissée dominée pour autant. Elle a prit la peine de se lever et de s’approcher de moi et elle m’a caressé tendrement la joue sans que je ne cligne des paupières. Elle m’a rassurée et m’a promis de tout m’expliquer et qu’à la fin je comprendrai et je lui donnerai raison.



- Ne t’en fais pas ma chérie ! Tu as une vraie mère qui t’aime par-dessus tout ! Et tu as aussi cette chance là, celle d’avoir Frédérique ! Il est l’une des personnes avec qui je me suis toujours bien entendu dans cette famille ! Mais ne t’en fais pas, on va causer, juste après la fête ! Marie-toi d’abord…



J’ai encore le souvenir de cette soirée où nous étions tous réunis, elle tenait la main de Brigitte la maman de Jess ! C’était prometteur je le sentais, j’allais pouvoir enfin compléter cette dernière pièce du puzzle qui a longtemps manqué. J’étais sereine, confiante ; tout se remettait dans l’ordre ; je venais de devenir l’épouse de Jess et j’allais bientôt découvrir le mystère de Justine. Nous étions tellement excités de savourer notre bonheur qu’à peine nous avions fermé l’œil, Sidonie elle-même vint dans notre suite le lendemain matin, paniquée et très embarrassée. J’avais encore les yeux endormis lorsqu’elle m’annonça la nouvelle.



- Elle… Elle est partie !!!



- Quoi ? Qui ?



- « Madame Princesse » est partie ! Personne ne l’a plus revue !



- C’est pas vrai ça !!!



Aujourd’hui, un an après, Je n’ai aucune nouvelle d’elle, et j’ai fini par me faire à cette idée, qu’elle est comme ça et ne changera jamais ! J’ai déduis que Justine, elle a ça en elle, la fuite en avant ; j’ai compris qu’après toutes ces années, elle a juste cherché à me revoir ; une fois rassurée, elle s’est volatilisée, encore une seconde fois. C’est un goût d’inachevé et c’est une interrogation restera longtemps en suspens dans mon esprit ; elle n’a jamais eu la fibre maternelle et sa liberté compte plus que tout. J’y repense souvent, même un an après, jour pour jour, me posant mille et une questions à propos d’elle, je le fais généralement quand je me retrouve seule, assise au salon, chez nous ! Je viens de border Ethan et Beverly, ils ont classes demain ; Jess vient me retrouver et m’incite à me mettre au lit.



- Aller au dodo ! On a une longue journée qui nous attend demain !



- Oui allons nous coucher, Ethan et Beverly commencent les classes demain, c’est la rentrée !



A neuf et sept ans, ces deux bambins sont devenus la prunelle de mes yeux, tout comme leur père. En un an de vie commune tout s’est considérablement amélioré ; j’ai pu rejoindre Jess et les enfants assez rapidement et sans difficultés. En quittant le pays, j’ai ressenti une grande excitation, en allant les retrouver. En même temps un sentiment de nostalgie m’a traversé l’esprit en laissant mon travail ; tous ces souvenirs passés dans cette maison en compagnie de mon cher patron et beau père Mbela Victor sont restés gravés dans ma mémoire ! Il a vite fait de me remplacer par une autre, Blandine mon ancienne collègue ! Il n’a pas cherché très loin, et pour elle ça a été une belle promotion. Je ne m’inquiète pas trop pour lui Victor ; en me disant au revoir il m’a serrée dans ses bras et ses paroles ont été très réconfortantes.



- Tu es l’une de mes meilleures employées, modèle, fidèle et exemplaire ! Sois également une bonne épouse pour Jessé ! Je viendrai vous voir très bientôt !



Les gens autour de nous n’arrêtent pas de nous dire que le mariage nous va si bien, mais je crois que la personne a qui ça fait beaucoup de bien c’est Jess. Il a beaucoup changé depuis lors ; il est devenu plus ouvert, plus sociable, mais surtout il est devenu très famille et très conservateur. Mis à part le fait qu’il soit resté un éternel capricieux, il s’est beaucoup assagi. Rien ne peut être parfait ni rose tous les jours, mais ma vie quotidienne avec lui est un vrai régal. Il peut nous arriver de nous disputer à longueur de journée parce que nous ne sommes pas d’accord sur tel ou sujet ou à cause d’un malentendu, il peut arriver que les portes claquent, ou alors qu’on se boude pendant deux ou trois jours, mais à la fin on finit toujours par se réconcilier, sur l’oreiller.



Mais sinon Jess, c’est l’homme le plus tendre et le plus patient qui soit ! Je n’ai jamais ressenti une quelconque pression sur le fait que jusqu’ici, je n’ai toujours pas pu concevoir ; il m’a toujours remonté le moral et soutenue dans cette étape sombre de ma vie, qui me rend parfois triste. Il me console sans cesse et me dit de ne pas m’en faire ni même de m’en préoccuper.



- Chérie… Je ne cesserai de te le dire ; moi je ne te mettrai jamais la pression pour ça !



- Je comprends, c’est la vie et on ne peut pas tout avoir !



- Non, on ne peut pas tout avoir. Regarde, nous avons déjà deux enfants, ils sont les tiens, ils t’aiment ! Notre vie est bien plus meilleure qu’avant ! Si ce n’est que ce détail qui manque, je trouve qu’il n’est pas si important, je suis déjà assez comblé !



- Oui Jess…



Après ces paroles réconfortantes je finis toujours par me sentir bien, mais temporairement, jusqu’à ce que ça revienne me hanter quand mon cycle commence parfois à faire des siennes et que je me trompe sur la date présumée de mes règles ; je commence à douter et à psychoter ; j’ai espoir, je croise les doigts, et j’espère du fond du cœur que ce soit un retard, pour une fois ! Je redouble dans les prières, dans les neuvaines, souhaitant ne plus jamais avoir de fausses couches comme par le passé. Je suis toujours déçue par la suite et le chagrin l’emporte toujours ; je suis une femme et à bientôt 30 ans, je commence à me sentir vieille ; j’aurai aimé porter l’enfant de Jess et donner la vie…



- Non tu es la plus belle ! J’ai toujours apprécié tes formes ! Une grossesse risque de tout gâcher, voyons les choses comme ça, si ça peut te consoler… Quoiqu’il arrive, je t’aime comme tu es ! Tu as bientôt 30 et moi 34 où est le problème ?



C’est ça Jess, c’est mon homme ! Il fait tout pour me détendre et me faire oublier. Mis à part ce détail, je fais quand même le maximum pour le rendre heureux ; il n’a pas cessé de me remercier de l’avoir aidé à se retrouver, à savoir qui il est, mais aussi et surtout de l’avoir aidé à renouer avec sa mère, contrairement à la mienne, cette éternelle fuyarde. Brigitte a été émue jusqu’aux larmes lorsqu’elle a revu son fils Jess ; j’étais présente, et la scène m’a fait pleurer ; elle lui a demandé pardon pour cet abandon si lâche…



- Aurel… Je suis une mère indigne ! C’est tout ce que je peux te dire… Je te demande pardon !



Il a pu le faire ; ils ont pu tourner la page et se réconcilier ; depuis lors, leur relation est redevenue presque normale; Jess a fait la connaissance de son autre demi frère Franck qu’elle a eu avec son actuel mari, et qui lui aussi mène sa vie comme bon lui semble. L’harmonie règne tout simplement, et lorsqu’elle est venue nous rendre visite l’an dernier ici à Sacramento, ville de l’état de Californie où nous vivons actuellement, elle a pleuré de joie en voyant ses petits enfants pour la première fois, fière de constater que Jess soit devenu un père modèle.



- Aurel ! Tu es un bon père… Sois toujours aussi proche de tes enfants ! J’ai beaucoup de regrets, je t’ai presque abandonné, j’ai honte ! J’en ai eu honte ! Mais surtout honte de ce qu’auraient pensé les membres de ma famille ; quand mes parents, tes grand parents ont appris que je fréquentais ton père, ils étaient contre ! Je me suis entêtée, jusqu’à ce que je découvre moi même qu’il avait déjà une situation, une vie de famille normale ; il était déjà marié ! J’ai fini par donner raison à mes parents ; j’ai donc choisi de te tenir éloigné de moi le plus longtemps possible, pour que tu ne ressentes pas cette forme de rejet vis-à-vis d’eux ! J’ai voulu me reconstruire, refaire ma vie, j’ai rencontré quelqu’un d’autre ; et à l’époque toi et moi nous ne communiquions pas beaucoup ! Tu as acquis cette forme d’indépendance depuis que tu es tout petit, alors je t’ai envoyé dans les internats et les foyers ! Je l’ai su et j’ai compris, j’ai su que tu t’en sortirais sans moi ! Henri mon époux est prêt à te rencontrer, nous avons tous compris, nous avons fait une grande erreur ; tes grand parents sont décédés aujourd’hui, mais à la fin ils m’ont demandé de chercher à renouer avec toi, le plutôt possible. Mais ta charmante épouse Jaïda a pris les devants et m’a devancée… Aurel, je n’ai jamais cessé de penser à toi et de t’aimer… J’étais quand même rassurée de savoir que ton père prenait aussi la peine de s’occuper de toi, même à distance !



- Je t’en ai voulu à mort ! Et je t’en veux même encore aujourd’hui, mais cela fait partie de ta vie et des choix que tu as fait ; peut être que si j’avais été à tes côtés j’aurai plus souffert, j’aurai vécu ça sous forme de martyr ! D’une autre part tu as bien fait de me tenir éloigné de tous ! Ça en a valu la peine ! Ça m’a forgé un caractère ; je suis parfois difficile à vivre, mais je me suis battu comme j’ai pu, voilà, je me suis retrouvé et je t’ai retrouvée, ça me va !



- Aujourd’hui, je vois les choses différemment et ma porte, notre porte vous ai grandement ouverte, venez nous voir quand vous voulez !



- Merci Brigitte !



Ce côté qui lui manquait à Jess vient d’être tout simplement comblé, ce qui fait que nous communiquons fréquemment avec nos familles respectives, surtout celle restée au pays ; ils prennent de nos nouvelles et moi, je passe de longues minutes à m’entretenir avec Sidonie au téléphone.



- Comment ça va là bas ? Comment vont les enfants et Jess ?



- Ils vont très bien ! Moi également !



- Et tes problèmes de conception, toujours rien ?



- Rien !



- Ça va aller, ne t’en fais pas ! J’espère que tu pries toujours ! Incite ton mari dans ce sens là ! Il ne doit rien négliger !



- Oui maman ! On le fait ! C’est un gros paresseux de ce côté, mais il le fait quand il peut !



- Ok ! Même si ça ne vient pas dit que toi nous ne pouvons rien contrôler, ça viendra tout seul !



- Oui ! Mais il m’arrive parfois de me sentir très mal, rien que le fait de penser que je ne pourrai pas… J’en souffre ! Même si Jess me rassure, j’ai l’impression d’être inutile !



- Ne parle pas comme ça !



- Est-ce que je peux te poser une question ? C’est un peu indiscret !



- Je t’écoute…



- Tu sais, j’ai toujours pensé à ça mais je n’ai jamais eu le courage de te le demander…



- Il s’agit de quoi ?



- Je voulais savoir, enfin… Comment toi tu as fait et comment tu fais même jusqu’à présent… Tu n’as jamais eu d’enfant biologique, ni même Fred, et jamais je ne t’ai vue ni entendue te plaindre…



- Mais je t’ai toi !



Elle reste silencieuse et je l’entends pleurer.



- Mais tu … tu pleures ? Excuse moi, je ne voulais te blesser, c’est délicat, je n’aurai pas dû…



- Non ! Ça va ! Mais je pleure parce que c’est comme un poids que j’ai sur la conscience… Je n’ai jamais su comment te dire ça !



- Qu’est ce que tu veux dire ?



- Le jour où on se verra, tu sauras ! Fred lui-même ne sait pas ! Mais plus le temps passe, plus j’ai du mal !



- C’est – à – dire ?



- J’ai un peu honte ! Mais laisse-moi le temps de me préparer à ça !



- Il s’agit de Justine ? Tu… Tu en sais quelque chose ?



- Justine… J’ai fais ça pour elle !



- Attends je ne comprends pas ! Explique !



- Non Jaïda… Quand on se verra, sois patiente ! Sache juste que moi je t’aime, tu es ma fille ! Je ne me suis jamais plaint parce que j’ai toujours tout remis entre les mains de l’Éternel ! Tu devrais faire pareil ! Mais ne désespère pas mon enfant ! Il faut tout simplement y croire ! Vous comptez venir quand ?



- Je… je ne sais pas trop ! Je verrai avec Jess !



- Ok ! Quand tu pourras tu viendras et on en parlera !

Après avoir raccroché, je me suis sentie terriblement mal, rongée par le remord, d’avoir évoqué cet aspect de sa vie. La connaissant comme une femme solide de nature depuis toutes ses années, il a fallu que cette question l’ébranle au point de tout remettre en cause. Sa réaction m’a mit comme une petite puce à l’oreille ; Sidonie et moi avons depuis longtemps maintenu de très bons rapports, il n y a rien à redire, et ce, depuis mon enfance, mais beaucoup plus depuis l’échec de ma rencontre avec mon ex, Placide, ce qui nous a beaucoup rapprochées. Il n y a presque pas de secrets dans nos vies et j’ai bien peur qu’elle connaisse peut être la vérité ! Mon cœur s’emballe ; elle me promet de tout me dire lorsque nous nous verrons. Nous sommes à des milliers de kilomètres et je brûle d’impatience. Je dois convaincre Jess, il faudrait absolument que j’aille au Cameroun.



Jess n’a pas perdu de temps lorsque je lui ai ouvert la porte ce soir. Il a choisi la seconde option, celle de me sauter d’abord dessus avant de dîner ! J’ai eu le temps de lui concocter son plat préféré, et de me dégoter une jolie nuisette transparente. Il ne lésine jamais quand il s’agit de me faire l’amour ; dès que l’occasion se présente il ne perd pas de temps. Je profite juste de l’occasion sachant qu’il va mordre à l’hameçon. Ethan et Beverly dorment depuis longtemps et lorsqu’on finit de se rouler à même le sol et de reprendre chacun son souffle, je me redresse et je me penche sur lui, tout en caressant sa poitrine toujours aussi athlétique ; c’est alors qu’il me surprend en prenant les devants.



- Mme Mbela ? Vas y crache le morceau ! Qu’est ce que tu veux me faire avaler ce soir ?



- Alors ! Je t’ai fait ton plat préféré, les…



- Non ! Je ne parle pas de ça !



- Comment ça ?



- Dis-moi ce que tu veux ! Je te connais très bien chérie !



- Euh ! Comment t’as deviné ?



- Classique ! Tu me fais le coup de l’épouse qui cherche à convaincre son homme en usant de tous ses charmes… Heureusement que je ne me rassasie jamais de toi ! Je consomme toujours le plat quand il est encore chaud !



- Moi ou bien la nourriture ?



- Toi d’abord !!! Le reste après !



- Tu joues les vieux renards hein ?



- Je suis bien le fils de mon père… Alors qu’est ce qu’il y a qui ne va pas ?



- En fait ! Je… Je me disais qu’il fallait qu’on aille au Cameroun pour quelques jours, tu ne penses pas ? Ça nous ferait du bien !



- Pourquoi ?



- Juste comme ça !



- Pourquoi faire ?



- Ça nous ferait du bien !



- Non ! Je reformule ma question… Tu aimerais qu’on aille au Cameroun pour quelques jours ! Et pour quelle raison en plein mois d’octobre ? Ce ne sont ni les congés et il n y aucun événement là bas qui nous obligerait à y aller ! Alors je te le redemande de la manière la plus simple possible, il y a quoi là bas ?



Cette fois, il le prend très mal. Je lui ai pourtant fait la promesse de ne plus reparler de cette histoire de Justine ou encore du bébé ! Il se lève brusquement avant d’enfiler son peignoir et se met à arpenter la chambre de toute part ; je me lève également et j’enfile une autre robe de chambre plus simple avant de m’assoir calmement sur le lit.



- Non ! C’est du délire ! Tu vas devenir folle !!!



- Folle ? Non mais… Maman me dit qu’elle a quelque chose à me dire à ce propos, je crois qu’elle détient la vérité :



- Mais quelle vérité ?



- A propos de ce qui s’est passé avec Justine…



- Tout un voyage… Uniquement pour ça ? A quoi sert donc le téléphone ?



- Elle dit qu’elle préfère me le dire de vive voix !



- Ça recommence !!! On dirait que tout ce que je me tue à te dire et à faire pour toi ne suffit pas !



- Je n’ai pas dit ça !



- Eh bien tu me prouves le contraire…



- Jess ? Chéri ne prends pas ça comme ça !



- Et comment veux tu que je prenne ça? Si c’est pas Justine, c’est le bébé ! Si ce n’est pas le bébé c’est Justine ! Mais putain ! On a une vie ! Il n y a pas que ça qui compte! Quand est ce que tu vas comprendre ? Cette femme mystérieuse n’a jamais voulu de toi ! Sidonie tu la mets dans une situation embarrassante ! Et moi tu remets tout ce que je te dis en question, mes conseils et mon soutien, tu balaies ça d’un revers de la main ! On n’avance pas dans ce cas là !



Il sort de la chambre et nous n’en reparlons plus. Me sentant un peu ridicule et incomprise, voire même agaçante, je préfère l’éviter ou alors éviter le sujet au maximum, mais le malaise est palpable. On fait juste semblant, lorsque nous nous retrouvons tous les soirs à table pour dîner, on parle de tout et de rien, sans plus ! On fait semblant lorsqu’on s’amuse avec les enfants, on rigole on blague avec eux, mais on s’évite du regard ; on fait semblant en nous souhaitant bonne nuit, mais on évite de se faire la bise sur la bouche, chose que nous avons coutume de faire avant de se coucher. Je lui tourne le dos la première, et je ferme les yeux, que je finis par ouvrir bien plus tard, me rendant compte qu’il a fait de même, sans oublier d’éteindre ; et ça fait trois jours que ça dure.



Ce matin il est parti très tôt, me laissant le soin d’apprêter et de déposer les gosses à leur école, sans me dire au revoir. J’ai commencé une petite formation depuis plus d’un mois, j’espère obtenir mon certificat d’aptitude et pouvoir trouver rapidement un emploi. Pendant que je suis en cours je guette tout le temps mon téléphone, rien aucun message ! Jess me fait toujours un message en premier lorsqu’il sort très tôt le matin, pour me dire qu’il n’a pas voulu me réveiller. Ça m’énerve. Je décide de faire le premier pas.



« Coucou chéri ! Bien arrivé ? Moi je suis déjà en cours, Bisous ! »



A la fin des cours, je constate qu’il ne m’a toujours pas répondu, je piaffe et je passe à autre chose… Il est près de vingt et une heure quand je l’entends rentrer ; d’habitude il préfère toujours que je lui ouvre moi-même la porte pour m’embrasser, mais depuis ces trois jours, il préfère utiliser le double des clés. J’aide Beverly à se mettre en robe de nuit, je sursaute quand je l’entends, il est sur le pas de la porte et nous observe depuis un bon bout. Les enfants se jettent à son cou et l’embrassent.



- Papa !!!



Il me regarde et je détourne la tête.



- Ça va ?



- Oui ça va… Et toi ?



La petite nous interrompt



- Papa ! Tu n’embrasses pas maman ?



- Oh mais bien sûr !!! Laisse-moi embrasser ma petite femme chérie !



Il vient me prendre dans ses bras, l’étreinte est si expressive que nous finissons par oublier tout le reste. Une fois tous les deux dans la chambre et sur l’oreiller, on décide de faire la paix. Nous restons là à nous contempler pendant de longues minutes ; ensuite il me demande de prendre l’enveloppe posée sur la coiffeuse.



- Ouvre là !



- Oh Jess !!! Quelle surprise ! Je ne m’y attendais pas et en même temps j’avais décidé de ne plus en parler, de passer à autre chose et aussi…



- Non ! Tu as raison ! C’est moi qui suis trop égoïste, je n’ai pas pensé un seul instant à ce que toi peux ressentir ; tu as besoin de savoir ce qui s’est passé et qui est cette femme et je pense qu’après ça tu seras complètement libérée, j’en suis sûr ! Je suis là pour toi et j’aimerai te voir heureuse ! Je n’aime pas te savoir si soucieuse, et pour le bébé, je continue à dire que je ne te mettrai jamais la pression ; mais si tu as envie de suivre un traitement et autre pour booster ta fertilité, je suis partant, je te soutiendrai !



- Chéri !!!! Merci du fond du cœur, merci de me comprendre !



- C’est normal, nous sommes un couple et ensemble on doit traverser les étapes, même les plus difficiles ! Tu m’as beaucoup aidé, tu as fait tant de choses pour moi et tu m’as accepté tel que je suis, alors j’aimerai te prouver encore une fois de plus que je serai toujours là pour toi. Ce billet d’avion pour le Cameroun t’offre encore la possibilité d’en venir à bout de ces questions sans réponses. Le vol est programmé pour samedi prochain !



Ces éternelles questions sans réponse, comme il le dit sont vraiment capitales pour moi… Ils sont tous les deux hyper contents et émus jusqu’aux larmes quand ils me voient débarquer. Fred m’embrasse en premier, très chaleureusement et pendant de longues minutes ; je suis contente mais si surprise de cet accueil si chaleureux, mais ils en font vraiment trop.



- Ma fille ! Mon enfant ! Ça fait une éternité !



- Ça ne fait qu’un an papa !



- Un an ça fait beaucoup ! Comment va Jess ?



- Il va bien, il aurait voulu être là, mais avec les enfants c’est pas possible ; heureusement que sa mère Brigitte est arrivée la semaine dernière, elle va l’aider en attendant. J’en ai pour deux semaines ici !



Sidonie quant à elle, est encore plus émotionnée quand elle me prend à son tour ; je la sens bien intimidée, je ne comprends pas. Elle n’a plus souhaité qu’on reparle de ce fameux sujet au téléphone, elle a souhaité que je sois là pour en parler de vive voix. Mais tout est allé très vite et je n’ai pas arrêté d’être au bout de mes surprises ; Sidonie a tout organisé, avec l’aide de Fred… Je suis stupéfaite lorsque je la vois, Justine ! Elle est présente ! Je demande discrètement à Sidonie.



- Maman ! D’où sort-elle ? Et comment l’avez-vous retrouvée ?



- En fait, elle n’est jamais partie ! Elle a toujours été là, tapie dans l’ombre !



C’est allé au delà de mes attentes et de mes espérances, ça a été tout le contraire de ce que j’ai imaginé ; une fois de plus Sidonie a sorti la grande carte, la pièce manquante du puzzle, et c’est elle qui la détenait ! Cette fois ci je me suis évanouie ! Trop d’émotions fortes au final dans ma petite vie. Sidonie ! Aaaaah Sidonie !!! Elle est à mon chevet lorsque je me réveille et que je me retrouve à l’hôpital, encore plus perdue et hébétée que jamais ! Ma tête tourne dans tous les sens !



- Mais… Qu’est ce je fais ici ?



- Ma chérie ! On On t’a fait une prise de sang ! Tu es … Enceinte !!! Jess va être encore papa !!! On prie que ce soit la bonne cette fois ci, et je vais être grand-mère !!!



En fin de compte ce séjour m’a fait plus de bien qu’il n’en a fallu ! Toutes ces émotions fortes en l’espace de ces deux semaines ne m’ont enfin de compte apporté que du bonheur, du baume au cœur et du sourire…Mais aussi de la compassion, je n’ai jamais souhaité le malheur de quiconque, mais j’ai souhaité avoir des nouvelles de Placide Danga ! Je me souviens de ce que Priscilla m’avait dit à son sujet, qu’il fallait qu’il se fasse soigner, il risquait lui aussi d’être victime du fameux sort qu’ils avaient jeté contre moi ; mais qui s’est retourné contre eux.



- Mais tu n’as pas appris ?



- Non maman !



- Il est en prison ici ! Et paraît il, il est entrain de devenir fou, sa nouvelle femme la quitté ! C’est très grave ! J’ai revu sa petite sœur là, Sophie, ils sont entrain de se battre pour qu’on le fasse sortir de là et le faire soigner, sinon il va…



- Il va mourir ! Je sais ! Pauvre de lui ! Il a fait un mauvais choix qui commence à le rattraper !



Le jour de mon départ, ce ne sont pas les étreintes lorsqu’on se sépare à l’aéroport, mais beaucoup plus des larmes, mais des larmes de joie et de réconfort, signe de la manifestation de cet amour filial entre moi Sidonie, Justine et Fred !!! C’est Jess qui va être surpris et content de tout ça, mais c’est surtout à lui que je dois tout. Je suis libérée et je sais enfin qui je suis. A mon retour je commence d’abord par lui annoncer ma grossesse, il est fou de joie, m’embrasse et me soulève délicatement.



- Je suis content pour toi chérie !!! Un vrai bonheur… Papa pour la troisième fois, super ! Mais c’est le fait de savoir que tu es si heureuse qui me fait du bien !



- Oui Jess ! Et Pourvu que ce soit la bonne … J’ai si peur de …



- Non ! Sois positive ! Je suis là, tout ira bien ! Donc à propos de Sidonie et Justine… Qu’est s’est il réellement passé ?



- Laisse que je te raconte… Quand j’arrive ce soir là, je trouve Justine à la maison, je suis étonnée de la revoir, Sidonie m’avoue que Justine n’a jamais disparue, elle vit tout simplement à Douala depuis tout ce temps. Elles ont toujours été en contact permanent à mon insu. Je comprends pourquoi elle allait tout le temps dans cette ville. Lorsque Justine épouse Raymond Badjeck, elle devient sa sixième épouse ; elle n’a pas d’enfants et souhaite lui en faire, un quatorzième, Raymond n’y voit pas d’inconvénients à ce qu’il devienne encore père à un âge si avancé et surtout qu’il a déjà toute une multitude d’enfants. Mais Justine découvre qu’elle est stérile et elle sait que Raymond n’aime pas les femmes stériles, il dit que ça lui porte malheur, c’est pourquoi il s’est toujours arrangé à faire au moins un enfant à chacune de ses épouses. Justine panique elle sait que si Raymond le découvre il va la répudier et elle va se retrouver dans la rue, sans rien ! C’est alors que lui vient une idée saugrenue, elle fait venir sa petite sœur… Sidonie !!!



- Waouh !!! Si… Sidonie est sa sœur ???



- Oui ! Et je crois que c’est à ce moment là que je me suis évanouie ! Donc Justine fait venir Sidonie sa petite sœu et la fait passer pour sa bonne et tout ! Mais il faut qu’elle trouve un moyen de faire en sorte que Sidonie tombe enceinte ! C’est facile ! Elle s’entiche de Frédérique, fils aîné de Raymond qui est un jeune et beau garçon de l’époque ! Il lui fait la cour et commencent à se fréquenter en cachette ! Elle tombe donc enceinte, mais Fred est obligé de partir pour l’étranger, son père l’envoie continuer ses études de banque, il n’est donc au courant de rien. Justine saisi donc cette opportunité et décide de couvrir la grossesse de Sidonie qui passe neuf mois presque cloîtrée dans la maison ; pendant ce temps Justine simule une fausse grossesse et pendant ces neuf mois. Elle et Raymond n’ont pas d’activité sexuelle ! Avec toutes ses femmes autour de lui le besoin ne se fait pas trop ressentir. Sans oublier qu’il est constamment absent. Sidonie parvient à accoucher d’une fille… Moi !!! Elle et Justine s’arrangent, elle avait les moyens pour tout couvrir… Raymond n’a vu que du feu, il gobe ! Mais il finit par découvrir le pot aux roses, l’une de ses épouses a surpris un soir Sidonie entrain de m’allaiter à la place de Justine ; déçu, il fini par comprendre et découvrir qu’elle est stérile en fait ; il la répudie et la traite de sorcière !!!



- Donc elle ne t’a pas abandonnée en fait elle t’a juste remis à Sidonie, ta vraie mère biologique !



- Exact ! Justine lui a dit que j’avais besoin de son lait maternel pour vivre, mais surtout pour survivre ! Elle lui laisse un peu d’argent et elles se séparent parce que Justine avait d’autres plans, elle s’en va vivre à Douala et demande à Sidonie de rester, dans l’espoir que Raymond aura pitié d’elle et de moi ! Mais comble de malheur, Il lui demande de partir et de m’emmener, il est conscient que je ne suis pas sa fille. Sidonie aurait voulu rester dans l’espoir de revoir Fred, mais ce dernier ne lui a plus donné de nouvelles. Elle finit par rappliquer avec moi au village en attendant des nouvelles de sa sœur Justine.



- Mais pourquoi Sidonie ne t’a rien dit par la suite, pourquoi a-t-elle laissé planer ce mystère ? Je ne comprends pas !



- Tout simplement parce que toutes les deux avaient une dette l’une envers l’autre. Justine a sorti Sidonie de la dèche et par la suite Sidonie lui a promis et lui a toujours dit que je resterai la fille qu’elle Justine n’a jamais eu, voilà pourquoi Sidonie a laissé planer le mystère assez longtemps ; plusieurs fois elles décident de se voir et de tout me révéler, mais le courage leur manque, Fred est déjà présent et il ne sait toujours pas, c’est gênant : Au fil du temps, c’est devenu un poids lourd pour Sidonie, jusqu’à ce qu’elle craque et me demande de venir pour me révéler cela. Mais avant, il a fallut qu’elle avoue tout à Fred et qu’elle demande à Justine d’être présente encore cette fois ci.



- Ça alors !!! Donc Fred n’est pas ton demi frère mais ton vrai père…Justine est ta tante maternelle et Sidonie ta mère biologique en fin de compte !



- Voilà !



- Tout est bien qui finit bien !



- J’ai eu toutes les réponses, et à présent je suis tranquille et en paix avec moi-même ; je t’ai toi, je vais devenir maman, notre famille s’agrandit encore, mon cœur, il est tranquille et apaisé, il ne saigne plus, c’est terminé !



- J’aime t’entendre parler comme ça Mme Mbela !



Neuf mois plus tard…



La petite Enora Mbela a vu le jour cette nuit, je suis comblée, et mes prières ont été exaucées. Cette voix, celle qui me parlait tout le temps dans mes rêves avait bien eu raison ! J’ai pu donner la vie, mais je crois que c’était beaucoup plus mon subconscient qui me parlait et aussi ma foi en Dieu qui m’ont donné espoir, l’espoir de ne jamais abandonner, ne jamais se décourager, mais surtout de croire ; quelque que soit le temps que ça prend, on finit toujours par avoir une réponse, on finit toujours par avoir un signe aussi infime soit il, car lui là haut, a réponse à tout et non seulement il connait le bon moment, mais il sait ce qui est bien pour chacun de nous. Je l’ai compris, nous l’avons tous compris ! … Ils ont tous fait le déplacement pour venir au baptême du bébé, nos parents respectifs. Ils sont tous présents et entourent ce joli cadeau du ciel, que je considère tout simplement comme un miracle ! Jess m’embrasse tendrement, je pose ma tête sur son épaule il resserre son étreinte en me tenant par la taille.



Ainsi ce termine l’histoire de ma vie, de mes déboires, de mes malheurs, de ma rencontre avec le Seigneur et aussi de ma rencontre avec l’amour, celle d’un homme merveilleux avec qui je vis depuis pratiquement dix ans aujourd’hui et surtout celle de mes parents, d’une femme, cette mère qui a fait des sacrifices en se faisant passer pour ma mère adoptive parce qu’elle voulait combler le bonheur de sa sœur ; elle l’a fait par amour et en retour elle a gagné de tous les côtés.

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