Epilogue

Write by sokil

EPILOGUE :

 

-           La parole est à la défense, Maître MPECK-BAYIGHA !

Le juge vient de me donner la parole, je me lève, avec une fière allure, je me retourne, et je lance un regard en direction de mon mari… Ben ! Il est là, il a assisté à toutes les étapes de ce procès qui dure depuis près de deux mois, c’est une affaire qui m’a tenue tellement à cœur ; cette jeune fille, abusée et délaissée par un mari violent, cynique, un vrai tyran à la maison mais à l’extérieur c’est un homme très respecté, c’est un homme politique, influent ; cet homme en est à son second mariage, la première a du s’enfuir, ne supportant pas son caractère belliqueux ; il a rencontré cette jeune fille, Stella, alors qu’elle était encore étudiante et lui a promis monts et merveilles, ils ont finis par se marier et avoir des enfants, mais ça n’a pas du tout ou presque jamais été rose dans leur vie de couple, à vingt cinq ans elle s’est retrouve dans une situation complexe ; non seulement elle est battue, violentée, mais son mari voudrait prendre une seconde épouse et le lui impose ; les choses tournent au vinaigre lorsqu’elle tente un soir de s’y opposer farouchement, c’est alors qu’il la bastonne copieusement alors qu’elle est enceinte de leur troisième enfant, conclusion elle se retrouve à l’hôpital avec plusieurs commotions, et elle perd le bébé. Heureusement Stella a un travail, elle peut vivre et se battre toute seule, mais elle ne supporte plus cet homme, elle se sent tous les jours en danger, c’est alors qu’elle décide de demander le divorce…

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Ca fait trente minutes que je suis stationnée au même endroit, les embouteillages de Yaoundé, à n’en plus finir, ce fameux carrefour toujours bondé, je n’ai jamais su ce qui cause toujours autant de bouchon à cet endroit, et toujours à la même heure!!! Heureusement que j’ai le temps, j’ai tout mon temps ! Je suis devenue mon propre patron, j’ai mon propre cabinet depuis deux ans maintenant, j’ai pu réaliser mon rêve, devenir une grande avocate. J’ai à mon actif plusieurs affaires que je défends avec hargne, surtout celles qui concernent les femmes ; oui j’en sais quelque chose et je me suis fais la promesse d’atteindre mon objectif ; je repense souvent à mon passé, mon premier mariage, mon échec, je repense à comment j’étais une fille gâtée, naïve qui se prenait la tête pour rien, je croyais que c’est ça la vraie vie, mais j’ai bien appris aux cours de ces dernières années, j’ai bien changée ; très souvent même je participe aux débats télévisés sur la question de la femme, son rôle dans la société et ce qu’elle peut apporter, et entre autres, j’ai aussi d’autres affaires de toutes natures que je peux traiter.

J’ai pu ouvrir mon propre cabinet, il est bien à mon nom, et j’ai aussi quelques collaborateurs ; l’ancienne maison, nous avons eu gain de cause, le juge a tranché et ce sont les enfants qui en ont été les bénéficiaires, mais comme ils sont encore mineurs, j’ai pu gérer ça avec eux, nous l’avons vendue, et j’ai pu mettre cet argent dans un compte bancaire qui leur est destiné. Ils sont presque des hommes maintenant, tous les deux sont allés continuer leurs études en France ; tante Irma les héberge pendant un temps, question de s’adapter, et ensuite ils pourront voler de leurs propres ailes plus tard ; tante Irma vit seule maintenant, car Yolande s’est mariée et vit dans une autre région, avec son époux et ses trois gosses ; Petit François vient d’avoir 19 ans, c’est un artiste confirmé, il dessine et peint des toiles ; avec l’argent de la maison, on a pu lui trouver une bonne école spécialisée dans ce domaine, l’école des beaux arts !!! Enzo a dix sept ans, il va continuer sa classe de terminale la bas, il vaut mieux qu’ils soient tous les deux chez tante Irma, elle se sentira moins seule. Les filles de Ben vont en sixième, elles ont douze ans, elles s’affirment dans toute leur beauté, elles deviennent de plus en plus maniérées et stylées, elles m’appellent maman, moi qui n’ai pas eu de filles, je les prends comme les miennes et je leur apprends tous les petits trucs de filles que les hommes ne peuvent pas comprendre, mais elles restent toujours très proches de leur père ; Ben a  toujours été un papa poule, auprès de ses enfants ; Mattéo le dernier qui vient d’avoir quatre ans est à la maternelle, son père l’adore, c’est son jumeau tout craché, il n’a presque rien pris chez moi, tout notre entourage le dit, et moi-même je le confirme.

Je viens d’arriver au cabinet, il est 10h passées, il y a toute une pile de dossiers qui m’attendent, je m’assois et je souffle un peu, et je ne sais pas par où commencer ; cette montagne de dossiers posée sur ma table a fini par engloutir tout ce qui s’y trouve ; tiens par exemple le joli cadre photo qui orne la table, je le soulève et le replace au bon endroit, il s’agit d’une photo de notre mariage, un joli portrait de Ben et moi ; avant de le replacer je regarde longuement cette photo, je souris, je me souviens encore de ce jour où Ben m’a surprise en me faisant sa demande ; c’était il y a six mois, juste avant d’aménager dans notre nouvelle maison, cette fois, c’est une maison plus simple et belle, personnalisée à notre manière, et surtout, j’ y ai mis du mien.

-          Ben : Mapuce ! N’en as-tu pas marre de vivre ainsi ?

-          Moi : Que veux-tu dire ?

-          Ben : Je veux dire que on a cinq enfants, chacun de nous travaille, et en plus on va bientôt aménager ! Tout ça c’est bien beau, mais…Est-ce que c’est suffisant ?

-          Moi : Mapuce, on n’en a jamais assez dans la vie, personne n’est parfait et rien ne peut être parfait non plus ; je me contente juste de ce que la vie me donne maintenant, je t’ai toi, et les enfants, c’est tout ce qui compte ! Tu comptes beaucoup pour moi, et ça, me suffit ! Moi je t’aime comme ça, comme tu es !!!

-          Ben : J’en suis  ravi… Mais ce n’est pas ce que je voulais te….

-          Moi : Ecoutes…. Pour moi c’est ça qui compte d’accord ?

-          Ben : Chérie ! laisses moi finir ma phrase…

-          Moi : Désolée, mais je veux juste te faire comprendre que …

-          Ben : Epouses moi !!!! C’est ce que je veux te faire comprendre depuis, tête de mule !!!!!

-          Moi : Ohhhh c’est oui mapuce !!!! j’accepte bien évidemment…

-          Ben : Est-ce que tu as le choix ? Viens là !!!! Petite pècheresse ! Tu vis dans le péché depuis longtemps, ça doit changer….

-          Moi : Ben et toi tu vis dans quoi ? hahahaha

Je ne m’y attendais vraiment pas, certes on a eu chacun une mauvaise expérience du mariage, ce qui nous a rendus vraiment très indifférents à  ce sujet, mes parents même, surtout ma mère ne me la ramène vraiment plus, elle a appris avec le temps à me faire confiance ; mais je crois qu’ elle voulait et a toujours voulu notre bien, et elle pense que son objectif a été atteint ; nous sommes toutes de vieilles filles maintenant, Anne et son mari ont pu se construire leur petite vie, avec leurs deux filles, pareil pour Laure et son mari qui  en ont eu trois par contre, un garçon et deux filles ; ils vivent désormais à Douala car son mari y a été affecté. Nous ne manquons jamais une occasion de nous retrouver, surtout pendant les fêtes de Noël, chez mes parents.

Cette fois nous nous sommes mariés officiellement et religieusement, Ben est entré à l’Eglise au bras de sa maman et moi au bras de mon papa; l’émotion se lisait sur nos visage à tous les deux, nous l’avons fait, je suis devenue Madame Bayigha ; on a décidé de faire la soirée dans notre nouvelle maison, la cour est bien grande et ça a fait l’affaire. Tout le monde était présent, surtout cette femme vêtue de rose de la tête aux pieds, elle faisait partie des invités, l’ex femme de Ben, Marie Claire ; elle était arrivée au pays depuis plus d’une semaine, ils avaient finis par garder de bonnes relations, elle s’est finalement remariée elle aussi avec un homme assez âgé ; elle n’a pas eu d’autres enfants par la suite, elle n’a pas la fibre maternelle, et ne l’a jamais ressenti.

Tout s’est bien passé, Marie Claire est venue nous féliciter et me dire qu’elle est contente de voir que Ben a pu reconstruire sa vie, et avoir une nouvelle famille ; elle a vu les jumelles à distance, elle a été gênée, elle savait qu’elles ne la reconnaitraient pas, si bien qu’en milieu de soirée elle s’est éclipsée en douce, elle et son mari devaient repartir le lendemain matin.

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 J’ai deux assistants, un homme et une femme, leur bureau jouxte le mien ; ils m’ont entendue entrer et à peine me suis-je assise qu’ils ont débouchés en trombe, je repose tout doucement le cadre photo sur la table.

-          Justin : Maître ! Il y a cette jeune fille et sa tante qui veulent vous rencontrer depuis, ça fait déjà près d’une semaine…

-          Moi : Faites les entrer, mais j’ai plusieurs affaires en cours, je ne suis pas sûre de pouvoir leur venir en aide…

-          Justin : La tante de la fille a dit qu’elles viennent de la part de maître DIBAM !

-          Moi : Ah oui je m’en souviens, il m’a appelée l’autre jour pour ça, faites les entrer…

Lorsque j’ai vu cette jeune fille, j’ai tout de suite compris, il faut que je l’aide, ça ne va pas être une chose facile, mais j’ai senti quelque chose, le même regard perdu qu’elle a, je me revois dans mes années de mariage avec Martin, comment les choses ont mal tournées, à  la seule différence que je ne savais rien faire, je me sentais perdue ; j’ai lu dans le regard de cette mère, tant de souffrance, la même souffrance que je ressentais à l’époque ; j’ai lu dans ce regard le désespoir, mais l’envie de se battre, l’envie de se libérer de ce joug infernal qui lui pourrit la vie ; elle lui a donné tout son amour, autant d’amour pour ne mériter que ça, le mépris et les humiliations quotidiennes. Bien qu’il soit un homme influent, elle aussi a la même volonté, celle de se battre et de s’en sortir, et je ne peux que l’encourager dans ce sens.

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Au Coeur de la Tourm...