Épisode 1

Write by Mona Lys

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AALIYAH SANOKO


L’obscurité…


Durant notre enfance, notre plus grande peur c'est l’obscurité. L’absence de toute lumière. Une pièce plongée dans le noir total nous faisait fuir, de peur d'y croiser des êtres effrayants. Mais plus nous prenons de l’âge et plus cette crainte en nous disparait. Quoi que certains grandissent avec.


Cependant, certaines situations de la vie peuvent nous condamner dans une éternelle obscurité, nous obligeant ainsi à nous y habituer. Enfant comme adulte, lorsque tu te trouves dans cette situation tu ne peux que t'y accommoder. Dieu a fait de telle manière que cette obscurité ne nous fasse peur, quel que soit notre âge. Il y a certes du néant devant nos yeux, mais nous voyons tout dans notre tête car c’est uniquement là que se trouve notre lumière.


Trois ans que je suis dans cette obscurité. Trois ans que j'ai appris à vivre avec. Trois ans que j'ai accepté cette obscurité même sans l'avoir encore digérée. Durant ces trois années, j'ai passé toute une année à m'apitoyer sur mon sort. A pleurer à chaudes larmes en maudissant Dieu pour cette chienne de vie qu'il m'obligeait à avoir. J'aurais dix mille fois préféré la mort à ces ténèbres. De toutes les façons, n'était-ce pas une sorte de mort ? Sauf que dans cette mort on pouvait encore ressentir les douleurs physiques et émotionnelles. Pourtant, je ne voulais plus rien ressentir. Je voulais juste mourir. J'ai fait trois tentatives de suicide, mais à trois reprises j'ai été sauvée. C'est après la troisième et dernière fois que j'ai décidé de passer de la pleurnicharde à une fille forte qui surmonterait n’importe quelle épreuve. Ces deux dernières années, je les ai passé à m'exercer. A travailler avec tous mes sens. Ça a pris du temps mais je me suis nourrie de patience. Je ne voulais déprendre de personne. Je ne voulais en aucun cas faire pitié à qui que ce soit. J'ai toujours été une battante, sur les bancs comme dans la vie active. Lorsque je visais quelque chose, je me battais pour l'avoir. Plus déterminé que moi tu meurs, me disait toujours ma mère. Comme j'aurais aimé qu'elle soit là encore pour voir ce que ma détermination m'a poussée à faire. Je ne m'en croyais pas capable jusqu’à ce que j'y arrive. Aujourd’hui, je n'ai besoin de personne pour me mouvoir, encore moins d’un bâton. Ça ne fait pas classe de se balader avec un bâton en main. Rire.


– La nourriture est prête, me lance ma cousine avec hargne avant de sortir de la chambre sans avoir oublié de me tchiper.


Je ne m'y attarde pas. Elle le fait chaque jour. Ils le font tous chaque jour. Ça ne me fait plus souffrir. Je leur suis au contraire reconnaissante de m’avoir pris sous leurs ailes alors que tous les autres membres de la famille m'ont rejeté.


Je quitte ma fidèle natte qui me sert de lit et en marchant comme si de rien n’était je me rends dans le salon. Je m’assois autour de la table à manger et j'inspire. Du riz à la sauce graine. Je souris. Enfin mon plat favori. Ou devrais-je dire l’un de mes plats favoris. Ma cousine Rose est assise à ma droite aujourd’hui, mon autre cousine Adjoua à ma gauche. Le tout dernier est juste en face de moi. Tous me regardent. Même les deux personnes assises dans les fauteuils devant la télé. Je ressens toujours quand on me regarde. Je les ignore tous. Je soulève à peine ma cuillère que je sens un mouvement. Je pousse un soupir.


– Tu sais que tu peux me demander de te donner ma viande au lieu de me la piquer sous mon nez à chaque repas, Rose ?


Rose a suspendu son mouvement y compris les autres. Je le sens par le silence absolu qui a suivi ma phrase.


– Vas-y mange-la. Ça ne me dérange pas.


Je glisse mes écouteurs dans mes oreilles à un volume modéré qui pourra me permettre aussi d’entendre si quelqu’un me parle. J'active la lecture et mon histoire suit son cours là où je m'étais arrêtée tout à l'heure. Écouter les histoires c'est ce qui m'aide à passer le temps et à mieux encaisser le mauvais traitement de ma famille. Mais comme je l'ai dit, ce n’est pas bien grave. Je suis arrivée à un stade où je prends la vie du bon côté. Tout ça finira demain. Oui demain. A partir de demain, ma vie prendra une autre tournure, positive tournure. Cette idée me fait sourire.


Mon plat terminé, je lave mon assiette avec toujours mes écouteurs aux oreilles. Je souris amoureusement lorsque l'audio arrive sur un passage romantique. Un dialogue entre deux âmes sœurs. Enfin Mike qui se décide à déclarer sa flamme à Nicolle. Cette fille est beaucoup trop capricieuse. Comment peut-on aimer une personne et faire comme si ce n’était pas le cas ? Moi je donnerais tout pour qu'un homme m'aime comme Mike l'aime elle. Pour passer le clair de mon temps et la moitié de ma vie à lire des histoires d'amour, je suis du genre à croire que l'amour vrai existe malgré tout ce que l'on peut dire. Mais bon ce n'est pas ma priorité pour l’instant. Je me contente de juste rêvasser.


Je suis subitement éclaboussée par l'eau de la vaisselle.


– Maman dit comme tu sais laver les assiettes, de tout laver en même temps, m’informe Adjoua avec une pincée de mépris dans le ton de sa voix.

– Ok. Retire s'il te plait les objets tranchants.


J'entends un bruit d’ustensiles après quoi elle ressort. Une à une, très lentement, et avec une grande précaution je lave les assiettes dans le lavabo. C'est plus facile pour moi ainsi. Je place au fur et à mesure les assiettes dans une petite cuvette. Plus tard mes cousines viendront les ranger. Je plonge la main dans l'eau après avoir lavé une énième assiette. Je sens tout de suite une déchirure dans la paume de ma main. Je hurle de douleur mais aussi de surprise. Des rires étouffés parviennent à mes oreilles. Je serre les dents pour ne pas pleurer devant cette manigance. Je touche la partie endolorie et je sens quelque chose d'un peu plus pâteux. J'ouvre le robinet et rince le sang. Je verserai l'eau après. Sans attendre que le sang revienne, je fais un demi cercle sur moi-même afin de me positionner dans une autre direction. Je compte cinq pas et m’arrête. Je touche chacune des boites sur la petite étagère. Par la forme je distingue la boite de sel. Je prends quand même le soin de goûter pour en être sûre. Une fois rassurée, je verse quelques pincées sur ma plaie. Je serre de nouveau les dents face à la douleur.


– Demain tout sera fini, me dis-je à moi-même pour m’encourager. Encore un peu de patience.


Demain je rentrerai en possession de mon héritage laissé par mes parents et je pourrai reprendre ma vie en main. Je donnerai un pourcentage à ma tante et sa famille pour les remercier de leur hospitalité et je ferai ce que j'ai à faire avec le reste.


Je passe le reste de mon après-midi devant la porte de la maison où les enfants jouent et crient à s'en casser les cordes vocales. Comme je les envie en cet instant. J’aimerais tant retrouver ma vie d'avant et mon insouciance avec. Il y a trois ans je croquais la vie à pleine dent de façon consciencieuse. Ma vie était parfaite avec des parents parfaits. J’avais une chambre qui contenait une grande bibliothèque remplie de livre. Tous des œuvres romanesques. L’amour, rien que l'amour. Il y avait aussi des thrillers, des histoires d’enquête policière, juste quelques-unes. J’étais une férue de lecture et je le suis toujours c'est pourquoi à défaut de lire, j'écoute.


Je sens quelqu'un s’asseoir très discrètement près de moi. Je souris.


– Mira, arrête tes bêtises.


Elle éclate de rire.


– Ça me fascine toujours. Comment tu fais ?

– Bah j'ai appris à reconnaître l'odeur et la présence de tous mes proches. Alors quoi de neuf ?

– Ça va ma chérie.


Elle marque une pause.


– Qu’est-ce qui t’es arrivé à la main ?

– Je me suis coupée en faisant la vaisselle.

– Comment on peut te demander de faire la vaisselle dans ton état ? Non mais c'est méchant. J'ai envie de leur dire deux mots.

– Ça n'en vaut pas la peine. A compté de demain tout ça sera derrière moi.

– Oui, sourit-elle. A propos, joyeux anniversaire en avance. Je t'ai même apporté un cadeau.

– Maintenant ? Demandé-je enthousiaste en cherchant le cadeau des mains.


Elle me le pose en main. J'essaie de deviner ce que s'est en tâtant.


– Ce sont des paires de lunettes ?

– Oui. Des lunettes de soleil. C'est très beau. Tu pourras faire ton petit malin avec après l’opération.

– Oh merci, fais-je en l’enlaçant. C'est vraiment gentil de ta part. Mais pourquoi tu n'as pas attendu demain pour me les remettre ?


Un silence lourd s’impose. J’ai l’impression qu’elle ne me dit pas quelque chose. 


– Qu’est-ce qui se passe Mira ?


Elle me prend la main.


– Tu te rappelles de mon oncle vivant au Maroc dont je t’avais parlé ?

– Celui qui vous avait abandonné ta mère et toi alors qu'il était votre seul espoir ? Oui je m'en souviens.

– Voilà, il veut que j'aille le rejoindre. Il avait commencé à faire mes papiers mais nous n'y croyons pas puisqu'il n'était pas à sa première fois. J’ai même fait tous les examens nécessaires sans vraiment y croire. Mais voilà, hier il nous a dit que tout était prêt et que je devais prendre l'avion cette nuit.

– Cette nuit ?

– Oui.

– Oh ! Mes félicitations.


J'affiche un sourire pour lui prouver que je suis vraiment heureuse pour elle même si dans le fond je suis un peu triste. Mira c'est la seule amie que j'aie. Les amis que j’avais avant ont coupé tout contact avec moi. Apparemment je n'étais plus digne de faire partie de leur cercle d'ami. J'ai rencontré Mira ici. Elle vit dans ce quartier avec sa mère et ses deux frères. Elle a été la seule personne à m'avoir approché. Je ne sortais presque jamais de la maison puis un jour quand je l'ai fait, me rendant à la boutique du quartier avec mon petit cousin, elle m'a accosté. Elle a été tellement sympathique que je l'ai laissé devenir mon amie. Elle est la seule en qui je peux avoir confiance. J'avais même décidé de l’emmener avec moi. C’est injuste. 


– Je suis désolée Aaliyah.

– Tu n'as pas à l’être. Je voulais juste que tu sois la personne que je verrais après l’opération. Je voulais vraiment vivre avec toi loin de ce quartier. Mais bon, Dieu en a décidé autrement. Tu vas juste me manquer.

– Toi aussi.


Nous nous serrons dans les bras l'une de l'autre.


– Je t'appellerai tous les jours. Je t'enverrai des photos sur WhatsApp comme ça tu me verras et on pourra se faire des appels vidéos.

– Ouais.

– Demain toi aussi ta vie prendra un autre tournant, me rappelle-t-elle.

– Je le sais. Je pourrai très bientôt lire à nouveau mes romans.

– Humm toi et tes histoires à l'eau de rose, dit-elle en riant. Je prie que tu vives aussi la tienne.


Je souris juste. Mon sourire disparait quand je sens une autre présence. Une mauvaise présence.


– Bonjour les filles.


Je le savais. Jacob. Ce mec me fait peur et me répugne. Toutes les fois qu'il a rencontré mon chemin il a eu des attitudes déplacées. Il nourrit des pensées salaces envers moi et il ne le cache Pas. Mira m'a dit qu'il ne faisait que coucher avec les filles du quartier. Il y a même eu des rumeurs de viol sur lui mais qui se sont vite éteintes.


– Jacob pardon passe ton chemin, lui ordonne Mira.

– C'est un crime de saluer de belles filles comme vous ? Je veux juste causer un peu.

– Non merci. Tu peux continuer.


Il ne dit plus rien mais je peux sentir son regard s'attarder sur moi. Je me confine sur moi-même jusqu’à ce que je le sente s'éloigner. Mira me caresse le bras pour me rassurer.


Après le dîner, je rentre dans la chambre, que je partage avec mes cousines, continuer la lecture de mon roman en ligne. Je ne suis pas très proche de mes cousines. Aussi pour éviter de tomber dans leurs sales coups je reste toujours enfermée dans la chambre.


– Maman t’appelle.


Je me lève et suis Rose au salon. Ma tante, qui est la petite sœur à ma défunte mère, me demande de m'asseoir. Par la tonalité de sa voix je sens qu'il y a un problème.


– Il y a la banque qui a appelé aujourd’hui et on nous a informé que le compte que ton père avait ouvert pour toi a été saisi par la justice parce qu’il avait beaucoup de dette.

– Quoi ? M'écrié-je de surprise. Ce n’est pas possible.

– Ah c'est ce qu'on nous a dit. Donc y’a pas l'argent pour faire ton opération ni pour que tu puisses reprendre ta vie en main.


Je braque mes yeux dans la direction où la voix de ma tante me provient.


– Ils mentent, dis-je la voix tremblante. Papa n'a jamais eu de dette.

– Hééé arrête de me fixer comme si tu me voyais. Je t'ai déjà dit d’arrêter de faire ça.


Je baisse les yeux. Oui ça m'arrive de poser mon regard juste dans celui de quelqu'un comme si je la voyais véritablement.


– Maman moi je t'ai dit que celle-là elle voit, lance Adjoua. C'est exprès elle fait pour qu'on la garde ici.


Je n’écoute plus les propos que chacun lance. Je pleure juste en silence. Ça ne peut pas m'arriver à moi. Je serre les dents pour me retenir d'éclater en sanglot.


– Bon, reprend ma tante, l'argent est fini dans cette maison. Mon commerce ne marche plus et mon mari vient de se faire renvoyer. Aaliyah donne ton portable on va vendre pour pouvoir manger.

– Quoi ? M'écrié-je à nouveau en serrant mon portable contre moi. C'est mon portable et il y a les photos de mes parents. Je ne peux pas.

– Tu ne quoi ? Aaliyah après qu'on t'ait accepté chez nous avec tes deux yeux cassés, tu veux nous laisser mourir de faim à cause des photos de tes parents ?

– Tantie s'il te plait. J'ai besoin de ce portable.

– Attends donc nous on doit mourir de faim alors que tu as un portable de plus de 200 000 FCFA sur toi ? Donne ça ici.


Je sens des mains me l’arracher. Les mains de Rose qui est assise près de moi.


– Tu peux retourner te coucher. On va chercher une solution à notre situation.


C’est en pleurant que je retourne en chambre. Je sens mon monde s’écrouler. Tout ce que j’espérais vient de partir en fumée. Je comptais sur le seul héritage que ni les parents paternels ni les maternels n’avaient réussi à prendre. Mon père en ouvrant ce compte avait signifié que je ne pourrais y toucher qu’à mes 23 ans et c'est demain mon 23e anniversaire. Je devais donc normalement me rendre à la banque avec ma tante et son mari vu que ce sont eux que j'ai désigné comme tuteurs légaux sur les documents. Il y avait assez d’argent sur ce compte pour me permettre de me faire opérer les yeux et recouvrer la vue.


C'était pour ça que je gardais espoir. C’était pour cet héritage là que j’acceptais tous ces mauvais traitements. Parce que je me disais que dans peu de temps tout ceci prendrait fin. J’avais déjà tracé le plan de ma vie avec cet argent. D’abord me faire opérer en France puisque c'est là-bas que sont les meilleurs spécialistes, ensuite rentrer au pays investir dans une activité quelconque afin de fructifier l'argent et reprendre les cours là où je les avais arrêtés, c’est-à-dire en Licence. J'étais en pleine compos de fin de cycle lorsqu’il y a eu l’accident. Je n'ai donc pu terminer les compos. Mes parents ont toujours voulu que je fasse de grandes études et c'est ce que j'avais prévu faire avec l'argent. Mais là c'est fichu. Tous mes rêves et projets sont à l'eau. Je ne verrai donc jamais. Je suis condamnée à subir les mauvais traitements de ma famille d’accueil.


– Mon Dieu pourquoi me fais-tu ça ?


J’étouffe mon sanglot dans mon drap. J'ose encore espérer un miracle. J'ose croire qu'il y a une erreur au niveau de la banque et que demain tout rentrera dans l'ordre.


Je me réveille lourdement ce matin. J'ai une atroce migraine et les yeux lourds à ouvrir. Tout ça à force d’avoir pleuré presque toute la nuit. Quelle heure peut-il bien être ? Je fronce subitement les sourcils quand je constate le grand silence dans lequel est plongée la maison. Cette maison n'est jamais silencieuse. Les habitants ainsi que la télé font tout le temps un vacarme sans nom. Mais là, rien. Peut-être qu'ils sont tous allé à l’église. Mais d’habitude on y va tous ensemble. Ou bien ont-ils préféré me laisser dormir sentant que je n'allais pas bien ? Ce doit être ça. Je vais prendre ma douche, me brosser les dents et je reviens dans la chambre. En marchant vers ma valise posée dans un coin de la chambre, je trébuche sur quelque chose. Un matelas. Le matelas de mes cousines n'est jamais à ce niveau. Il n'y a d’ailleurs jamais rien sur ce passage. Mes cousines savent qu'il ne faut rien modifier à l’emplacement de la maison au risque de m'embrouiller. Elles doivent encore avoir fait exprès. Je finis de m’habiller et je sors au salon. Je balade ma main sur la table à manger à la recherche de petit déjeuner mais il n'y a rien. Je marche à la cuisine, ouvre le frigo, cherche un pot de yaourt que je récupère. Je prends ensuite une petite cuillère et je vais déguster le yaourt au salon. Je le termine à peine que la porte s'ouvre. Je pense d'abord que c'est ma famille mais les bruits de pas que j'entends ne sont pas les leurs. J’ai appris à reconnaître leurs manières de marcher par les bruits de leur pas. Mon cerveau me signale qu'il y a des intrus dans la maison. Je me lève d'un bond.


– Qui êtes-vous et que voulez-vous ? Demandé-je en reculant.

– Nous venons de la part de Monsieur et Madame KONAN récupérer les meubles de la maison.

– Les meubles ? Pour les faire réparer ?

– Non. Ils nous les ont vendus.

– Quoi ?

– Pousse-toi petite.


Je ne sais pas quoi faire. Je panique. Et si c’était des voleurs ? Je n'ai plus mon portable pour les appeler afin d'avoir confirmation.


– Ils ne sont pas là donc vous ne pouvez pas les prendre.

– Je sais qu'ils ne sont pas là. Ils ont déménagé. 

– Qu… qu… quoi ? Comment ça déménagé ? Non ce n'est pas possible.


Je suis poussée par une personne. Je me retrouve au sol. La peur m'envahit alors je me planque contre le mur. Mes tempes se mettent à battre douloureusement. Je m'attrape la tête et ferme les yeux. L’angoisse se fait de plus en plus ressentir. Ils sont tous partis. Ils m'ont aussi abandonné. Où est-ce qu’ils ont trouvé l'argent s'ils n’avaient plus un centime ? Comment ont-ils pu me faire ça ? Une marée de larme se déverse sur mon visage. Je me retrouve seule. Mira a pris l'avion hier nuit, je ne peux donc aller chez elle. Je ne connais d’ailleurs pas sa maison pour n’y être jamais allée. Comment je fais pour survivre ? Où irais-je ?


– Seigneur pourquoi ? Pourquoi permets-tu tant de souffrance dans ma vie ?


Je n’entends plus rien. Ils sont partis. La pièce est vide. Il faut que je sorte d'ici. Peut-être que dehors quelqu'un pourra me venir en aide. Je me relève mais je ne sais quelle direction prendre. J'ai perdu toute orientation. Tant que tout était en place je pouvais me retrouver parce que j’avais tout mémorisé. Je frappe mon pied au sol et écoute le bruit. Il n'y a vraiment plus aucun meuble dans cette maison. Je vais donc suivre le mur. Je marche doucement en glissant mes mains sur le mur. Mais je suis frappée par une violente douleur au crâne qui m'oblige à me replier au sol. Je me tiens la tête en pleurant de douleur mais aussi de tristesse. Il faut que j'aille prendre mes cachets dans la chambre. Seulement la douleur me cloue au sol. Je reste donc là sans plus bouger espérant que la douleur passe et que quelqu’un vienne m'aider.


Je me réveille en sursaut quand je sens une main me caresser la cuisse. Cet aura, cette présence négatif, cette odeur répugnante.


– Oh mon Dieu ! Jacob.

– Chut ma belle. Rendors-toi.

– Non, non. Sors d'ici.


Je veux m’éloigner de lui mais il me retient par la jambe.


– Reste tranquille on va s’amuser.

– Non lâche-moi. Je vais hurler.

– Vas-y. Dans ce quartier c'est chacun pour soi. En plus il fait nuit. Il n'y a personne dans cette maison. Ils sont partis vivre dans une villa à Cocody et t'ont abandonné. Laisse-moi donc prendre soin de toi.


Il relève ma robe mais dans un excès de colère je lui administre une gifle cinglante. Il grogne de colère. J'en profite pour me relever. Je veux prendre la fuite mais je ne sais où aller. Je fonce dans une direction quand je me prends le mur en pleine face. Jacob me saisit aussitôt par les cheveux.


– Viens-là salope. Je vais bien te baiser.

– Non lâche-moi, ordonné-je en balançant mes bras dans l’espoir de lui donner un coup.

– Je vais tellement bien te baiser que tu vas voir de nouveau.


Il pose sa main sur ma poitrine. Je la prends et la porte entre mes dents que je serre sur son doigt. Il hurle de douleur. Il me donne deux paires de gifle avant de cogner ma tête contre le mur.


– Je vais te tuer imbécile. De toutes les façons tu ne sers à rien dans ce monde. Sale aveugle de merde.


Il me projette au sol. Je perds petit à petit mes forces. J'essaie toutefois de me débattre mais je reçois coup sur coup. Du sang glisse dans ma bouche me signalant que j'ai une lèvre déchirée. Il cogne une dernière fois ma tête contre le sol et cette fois je suis KO. Petit à petit je commence à perdre connaissance.


– Voilà, maintenant tu es docile.


Il déchire le pan de ma robe et continue mais arrivé vers mon ventre le tissu résiste. Il lance un juron et laisse tomber. Il entreprend de retirer mon dessous lorsque qu'un bruit sec résonne. Un cri strident sort de la gorge de Jacob. Faiblement, je distingue des bruits de bagarre. Ou du moins quelqu’un qui afflige une correction à Jacob qui ne fait que geindre. Après plus rien.


Les pas de cette nouvelle personne viennent vers moi. Je n’ai plus la force de fuir, encore moins de hurler. Quand cette personne pose sa main sur ma joue, je ferme les yeux. Tout en moi me signale que cette personne ne me veut aucun mal. Une sensation de sécurité émane de cette personne. Et son parfum.


– Je suis là. Plus personne ne te fera de mal.


Dieu cette voix ! Même étant à moitié inconsciente je ressens les vibrations de cette voix au plus profond de moi. C'est un homme. Des bras fermes me relèvent de sol comme un vulgaire sac de plume. Par réflexe ou par peur, je me réfugie contre son torse. Je hume son parfum.


Quelle belle odeur !


Je dois être en train de rêver. Mais quel beau rêve même si je ne vois aucune image. Je veux rester indéfiniment dans ce rêve. Ne plus me réveiller pour faire de nouveau face à la triste réalité. Alors je m’agrippe à son vêtement de peur que lui aussi ne m’abandonne. De peur de me réveiller de ce rêve. De peur de ne plus jamais ressentir ses bras m'entourer. De peur de ne plus sentir cette belle odeur. De peur de ne plus me sentir si en sécurité dans les bras de cette personne.


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