Épisode 2

Write by Mona Lys

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AALIYAH


Très faiblement, j'ouvre les yeux. Mais je les referme aussitôt. La migraine est toujours présente. Plus aussi intense mais présente. Je me sens un peu à plat. Une belle odeur parfumée me titille l’odorat. Ça sent le propre. Je fais un petit mouvement. Je constate que je suis couchée sur un support moelleux ou disons doux. On dirait un lit. Suis-je à l’hôpital ? Non ça sent trop bon pour qu'il s'agisse d'un hôpital. Il y a aucune odeur de médicament. Les flashs des derniers événements me reviennent violemment. J’étais sur le point de me faire violer et quelqu’un m’est venu en aide.


Je sens une main se poser sur mon front. Je me réveille en sursaut en émettant un cri.


– Non ne me touche pas.


Je me réfugie dans un coin du lit en ramenant mes pieds contre ma poitrine.


– Je ne te veux aucun mal.


Ce n’est pas la voix de Jacob.


– Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? Et où suis-je ?

– Je suis le Docteur Xavier. J'ai été mandaté pour prendre soin de toi. Je suis avec une infirmière. Tu es dans l’appartement de ton bienfaiteur.

– Qui est-ce ? Et où est-il ?

– Je ne peux te répondre. Il m'a juste demandé de venir t’apporter des soins. Nous ne te voulons aucun mal.

– Pourquoi vous croirais-je ? Vous voulez peut-être prendre soin de moi pour mieux m’utiliser pour vos rituels. Enfin je parle de lui.


L'homme que je définis être d’un âge mûr, de par le timbre de sa voix, émet un petit rire de gorge qui me rassure malgré moi.


– Un homme qui veut te tuer ne prendras jamais le risque de soigner tes yeux pour que tu le voies.

– Me soigner les… yeux ?

– Oui. Je suis neurochirurgien et j’ai pour mission de m'assurer que dans les mois à venir tu recouvres la vue. Tu n’as donc pas à avoir peur.

– Il est donc un membre de ma famille ? C'est lequel ? Oncle Barthelemy ? Oncle Jules ? Oncle Ernest ?


Il rit de nouveau.


– Tu es tellement mignonne mon enfant malgré ton air apeuré. Je ne crois pas qu'il soit ton oncle. Je connais sa famille et je te reconnaîtrais si je t’avais déjà vu.

– Alors qui est-il et pourquoi veut-il me soigner si nous n'avons aucun lien de parenté ?

– Ça c'est à lui de te répondre. Permets-tu que je continue de t'examiner ?


J’hésite vraiment. Tout ceci est louche. Quel homme vient en aide à une personne comme ça sans même la connaitre, jusqu’à la garder chez lui ? Le Docteur est-il certain qu’il ne s'agit pas d'un membre de ma famille ou même une connaissance à mes parents ?


– Tu viens s'il te plait ? Insiste le Docteur.

– Vous, vous ne me ferez pas de mal n’est-ce pas ?

– Jamais de la vie. En plus qui peut faire du mal à une mignonne bouille comme la tienne ?

– Bah des tonnes.

– Ils sont justes possédés. Approche maintenant.


J'ai vraiment du mal à croire en la bonne volonté de ces gens mais la voix de ce Docteur est tellement rassurante et l'aura qu'il dégage est tellement positive que doucement je reviens à ma place. De toutes les façons qu’ai-je à perdre ? J’étais sur le point de me faire violer et tuer, donc si ça arrive maintenant ce sera du pareil au même. En plus je n'ai nulle part où aller.


– Tiens ça petit cœur, dit le Docteur en posant mes mains sur un verre. C'est du Doliprane en comprimés effervescents. Tu peux sentir si tu veux.


J'en avais l’intention. Je sens et une fois rassurée, je bois le contenu. Je le sens sourire. Je ressens une petite douleur à la lèvre. Je me souviens du coup qui me l'a déchiré.


– Tu vas prendre ça pour calmer tes douleurs au crâne le temps de te faire des examens approfondis.


Je hoche légèrement la tête. Il me donne de dernières instructions avant de s'en aller avec son infirmière. Seule, j'essaie de prendre la trace de la chambre où je suis. Je balade mes mains sur le lit afin de déterminer le format. C'est un deux places. Je tourne vers ma droite et je touche une petite table de nuit. Je manque de faire tomber un objet posé dessus. Une veilleuse je crois bien. Je descends du lit et c'est à ce moment que je pense à mon vêtement. Je palpe la robe sur moi dans sa longueur qui s’arrête à mes genoux. Ce n’est pas ma robe, celle que Jacob avait déchiré. Mon dessous est aussi changé. C'est l'homme qui m'a changé ? Il m'a donc vu toute nue ?


Deux coups sont donnés sur la porte. Je panique et me remets prestement dans le lit avant de me cacher avec le drap.


– Je peux ? Demande une voix de femme, d'un certain âge aussi.


Je l’entends rentrer malgré mon silence.


– Bonjour ma belle. Je t'ai apporté ton petit déjeuner.


Elle me parle tout joyeusement comme si elle me connaissait. Peut-être bien que c'est le cas.


– Vous… me connaissez ?

– Non. Mais ça m'enchanterait de faire plus amples connaissances avec toi. Tu peux me tutoyer. Je m'appelle Mireille mais tout le monde m'appelle tante Mimi. C'est moi qui te ferais à manger et prendrais soin de toi.


Par le petit bruit je déduis qu’elle a déposé un plateau ou une assiette sur la commode près de moi. Elle a parlé de petit déjeuner donc ça ne peut qu’être l'un des deux.


– Ok, dis-je timidement. Moi c'est… Aaliyah.

– Je sais. Enfin ça fait partie du peu de choses que je sais sur toi.

– Et qu’est-ce que tu sais ?

– Que tu es une magnifique jeune fille qui meure de faim ce matin. J'entends même ton estomac gronder.


Pourquoi me parlent-t-ils tous joyeusement alors qu'ils me voient pour la première fois ? Ou est-ce parce que je suis aveugle ? C'est donc par pitié qu'ils se comportent ainsi ?


– Hey, pourquoi tu es triste ? Me questionne-t-elle.

– Je ne…


Je n’ai aucune raison à lui donner alors je finis par me taire.


– Tu n'as pas à avoir peur de nous tu sais. Nous ne te voulons aucun mal. Je veillerais sur toi comme sur ma propre fille.

– Pourquoi ? Vous ne me connaissez pas. Je ne comprends même pas ma présence ici.


Le lit s’affaisse d'un côté. Elle s'est assise.


– Celui qui t'a conduit ici est le mieux placé pour t’expliquer. Mais je te rassure que tu n'as rien à craindre. Ici, plus personne ne te fera de mal.


Elle pose sa main sur la mienne. Ce contact à pour don de me rassurer sur ses bonnes intentions. Même si je ne comprends rien à tout ceci, je préfère croire que c'est Dieu qui a répondu à ma prière puisque le but de ma présence c’est que je vois de nouveau.


– Je voudrais d’abord prendre une douche s'il te plait.

– Ok donne-moi ta main que je te guide.

– Non. Je préfère que tu me montre les emplacements des choses.

– Que je te montre ?

– Je peux voir mentalement, ainsi je pourrais me déplacer toute seule sans l'aide de personne ni d'un bâton.

– Tu es super intelligente en plus d’être mignonne. Ok on va faire comme tu as dit.


Je sors de nouveau du lit et elle, au fur et à mesure me donne les positions de chaque objet. Je suis même surprise de constater une armoire pleine de vêtements pour moi. Je les retiens du mieux que je peux parce que cette chambre est beaucoup plus grande que celle où je dormais chez ma tante. Je m'y habituerais au fur et à mesure.


Tante Mimi revient dans la chambre quand je glisse dans ma bouche le dernier morceau de croissant. Je vide par-dessus le lait. Ça faisait une éternité que je n'avais pas aussi bien mangé.


– Ça va ou tu en veux encore ?

– Ça va merci, dis-je en m'essuyant la bouche.

– Alors énumère-moi tout ce dont tu as besoin.

– Ce dont j'ai besoin ?

– Tu as forcément besoin de certaines choses pour t'occuper ou qui te feront plaisir.

– Un portable, me précipité-je de dire sans trop réfléchir.


Je me pince la lèvre de devoir demander une telle chose à des inconnus.


– Quel genre de portable veux-tu ? S’enquiert-elle le rire dans la gorge.

– Peu importe tant que c'est un Android, je précise timidement. Je veux lire mes histoires en audio.

– Ok et quoi d’autres ?

– C’est tout.

– Ok.


Par le bruit, je déduis qu'elle reprend le plateau de petit déjeuner. Je ramène mes jambes contre ma poitrine.


– Tu sais, il n'y a pas que ta chambre comme pièce dans cet appartement. Il y a le salon, la cuisine, la terrasse. Et sur la terrasse il y a une magnifique piscine. Tu peux aller nager.

– Je ne sais pas nager.

– Viens donc me tenir compagnie en cuisine. D’ailleurs que veux-tu manger ce midi ?

– J'sais pas.

– C'est quoi ton plat préféré ?

– Alloco poisson frit, entre autres.

– Vas donc pour ça. Allez viens. Suis mes pas.



UNE SEMAINE PLUS TARD


Je déguste mes morceaux de poulet pané en rigolant avec tante Mimi. Cette femme est la bonté incarnée. Elle s’occupe de moi comme si je venais de ses entrailles. Elle est si douce, si attentionnée, si prévenante. Je vois ma mère à travers elle. Grâce à elle je me suis vite faite à ma nouvelle vie ici. J'ai même oublié que je ne la connais pas vraiment. Mais peu importe. Je sais qu'elle n'est pas une mauvaise personne. Elle m'a parlé de sa vie, de ses enfants qui sont  quatre et qui vivent tous à l’étranger. Son mari est décédé il y a juste quelques mois. J'en ai été choquée. Elle n'a pas l'air d'une veuve, encore moins une dont le mari vient à peine de mourir. Face à mon air débité elle m'a répondu qu'elle s’attendait déjà à cette fin parce que son mari avait longuement été malade. Même lui voulait mourir pour éviter tous ces chagrins à sa femme et ses enfants. Elle a donc repris le travail pour s’occuper l’esprit.


J’apporte mon verre d'eau à la bouche quand le téléphone de la maison se met à sonner. Je sais déjà qui s'est. Je l'entends de loin discuter et parler de moi. Au bout de cinq minutes elle revient à la cuisine.


– Demain tu dois te faire opérer à la tête donc ce soir tu dois vite te mettre au lit. Pas d’écoute d’histoire jusqu’à x heure.

– C'est compris. Mais je peux te poser une question s'il te plait ?

– Vas-y.

– C’est qui ton patron ? Celui qui m'a ramené ici. Pourquoi ne vient-il jamais ?


Elle rit légèrement.


– D’abord ce n'est pas mon patron, mais mon filleul. J'ai travaillé chez ses parents pendant de longues années durant lesquelles je l'ai aussi élevé. Je suis devenue la marraine et un membre à part entière de la famille plutôt que la nounou si bien qu’après mon mariage je ne m'étais pas détachée d'eux. J'étais présente à chaque événement de leur vie et eux de la mienne. Je lui rends un service en m’occupant de toi surtout que j’avais aussi besoin de m’occuper après la mort de mon mari.

– Je vois.

– Ensuite, il vient ici, presque tous les soirs quand tu es endormie.

– Pourquoi ? Demandé-je en fronçant les sourcils.

– Son travail lui prend assez de temps.

– Même les week-ends ?

– Il est chef d’entreprise.

– Ok. Mais demain, il sera à l’hôpital ?

– Peut-être bien. Maintenant ça suffit, au dodo petit cœur.


Je souris.


– Tu aimes bien ce surnom du Docteur Xavier.


Je souris de plus. Je marche vers ma chambre qui est à l'autre bout de l’appartement. Cet endroit est immense. Tellement immense que j'ai préféré me limiter à ma chambre, le salon et la cuisine. Je n'ai pas besoin du reste de la maison.


Le lendemain matin comme prévu, nous nous mettons en route pour la clinique du Docteur Xavier. Une autre personne que j'aie en sympathie. A toutes nos rencontres pour mes examens, il a été un vieillard très charmant. Il n'est pas aussi vieux que ça puisqu’il exerce encore. Mais ce serait un véritable gâchis s'il venait à quitter le corps médical vu comme il est un excellent Docteur. Je ne pense pas avoir déjà rencontré pareil ou même meilleur. J'ai surmonté ma peur des machines à scanner rien qu'en l'écoutant me raconter sa vie des années 60. Même la piqûre de l’aiguille destinée à me prélever du sang ne m'a pas fait sursauter. Je ne m’étais même pas rendue compte qu'une infirmière me l'enfonçait dans la chair.


Aujourd’hui il est question d’une opération. Ça veut dire qu’il a trouvé une solution pour ma situation. Arrivées à destination, une infirmière s’occupe de moi le temps que le Docteur arrive. Elle m’installe dans un lit après que j’ai troqué mes vêtements pour une robe d’hôpital. Je me sens tellement anxieuse.


– Bonjour petit cœur.

– Bonjour papi Xavier, répondé-je, enjôleuse.

– Alors prête pour cette première opération ?

– Oui. Même si je ne sais pas ce que s'est.

– Je suis là justement pour t’expliquer vu que ton bienfaiteur n'en a pas eu le temps.


Il s’assoit près de moi.


– Voilà, selon les examens que je t'ai fait, tu as de fins débris de verre logés dans la tête ce qui te cause ces atroces migraines. Ça n'a rien à avoir avec tes yeux mais nous devons t'en débarrasser.

– Je n’aurai donc plus de migraine ?

– Causée par ces débris de verre, non. Après ça nous allons nous attaquer à tes magnifiques petits yeux mais ça, ça ne se fera pas ici. Mais en France.

– Mais tu seras aussi présent n’est-ce pas ?

– Bien évidemment. Je ne vais tout de même pas laisser mon petit cœur entre des mains étrangères.


Je souris.


– Bon il est maintenant temps d'aller se faire opérer. Je vais t’anesthésier.


Il se relève du lit. Les minutes qui suivent j’entends juste des bruits de petits verres et une conversation remplie de termes médicaux avec deux infirmières.


– Alors petit cœur, raconte-moi l’histoire que tu lis en ce moment.


Je souris parce que j'aime parler de mes histoires. J'ai reçu un portable, un IPhone, le même jour que je l'ai demandé et avec l'aide de tante Mimi j'ai installé les applications et me suis abonnée aux sites où je lisais mes histoires. Depuis je me sens heureuse.


– Oh ça parle d'une fille de 21 ans qui est complexée en tout. Elle manque de confiance en elle si bien qu'elle vit enfermée. Seulement voilà, l’amour frappe à sa porte avec un magnifique jeune homme aux yeux verts qui vit sur le même pallier qu'elle. Elle ne cesse de l'éviter par complexe mais lui… lui…


Mes paupières s'alourdissent au fur et à mesure. Ma voix perd en intensité.


– Lui, il insiste parce que… il veut…


J'essaie tant bien que mal de terminer le récit de mon histoire mais je suis droguée. Je n'arrive plus à parler. J'entends encore tout autour de moi mais je n'ai plus la force de réagir. Je sens le lit rouler sous moi. Je crois qu'on me conduit à la salle d’opération. Mais le lit se stabilise bien vite. Par le bruit je sais que nous ne sommes pas encore arrivés. Mais alors pourquoi nous n'avançons plus ?


Un parfum titille mes sens presqu'endormis. Ce parfum… je le reconnais. On dirait… Une main se glisse dans la mienne. Elle la serre fermement. Ce touché, cette sensation de sécurité à ce contact…


– Vous pouvez l’emmener.


Cette voix. C'est lui. L’homme qui m'a sauvé cette nuit-là. Mon bienfaiteur. Il est là. Je veux ouvrir les yeux, ouvrir la bouche, revenir à moi pour lui parler mais… je sombre.


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