Épisode 2
Write by Mona Lys
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CÔTE
D’IVOIRE, ABIDJAN
***INAYAH
Je me regarde dans la glace et je me
demande ce que je suis devenue. Je ne me reconnais plus. Tant de kilos perdus. Et je ne cesse
d'en perdre chaque jour qui passe. Je mange pourtant convenablement et même
deux fois plus. Mais mes formes ne reviennent toujours pas. J’ai pourtant
grandi avec des formes là où il faut. A 15ans, on
m'en donnait déjà 18. Mon postérieur est encore présent même s’il a un peu
perdu en volume mais au moins il est présent. C’est d’ailleurs la seule chose
qui me rend encore attirante.
Mais comment ne puis-je pas me faner
lorsque j’ai l’impression de porter tout le poids du monde ? Je ne me
rappelle pas la dernière fois que j’ai souri et ri sincèrement et de bon cœur.
Rien que des simulations. Des faux-semblants. Toute ma vie, je ne fais que
subir toutes sortes de tortures tant physiques qu’émotionnelles. J’ai 27 ans et
j’en fait 50. Plus à cause de mes fameuses formes. Plutôt à cause des
nombreuses rides que je traîne. Je sens que je vais bientôt craquer.
‒ Tu n'es pas encore prête ?
Je reviens à moi dans un léger
sursaut. Je regarde Sébastien à travers le miroir.
‒ Si. J'arrive.
Je remets une dernière couche de
fond de teint et je le rejoins.
‒ Tu n’as pas porté de gaine ?
‒ Non, je n’en ai pas envie.
‒ Dans ce cas porte un boubou. Je ne
veux pas que tu me suives avec ton gros ventre si visible.
Il parle de mon ventre qui est
devenu flasque à cause des quatre fausses couches que j’ai faites cette année.
Je ne sais pas si c’est une malédiction mais je n’arrive jamais à porter une
grossesse jusqu’à son terme. Ma dernière grossesse s’est interrompue à 8 mois.
Le bébé est mort dans mon ventre sans que je ne le sache. Je ne l’ai su qu'une
semaine après. J’ai dû accoucher d'un bébé mort-né. Cette épreuve m'a brisée
beaucoup plus que je ne l'étais. Même aujourd’hui, six mois après, je continue
de pleurer ce bébé.
Après m'être changée, je rejoins mon
mari dans sa voiture. Sébastien, mon mari légal depuis deux ans maintenant, et
moi sommes ensemble en tout depuis quatre ans. Nous nous sommes rencontrés au
marché où je vendais du poisson frais. Il était venu en acheter une fois et je
lui avais donné un petit plus, comme je le faisais à tous mes nouveaux clients
pour les encourager à revenir. Et il est revenu acheter du poisson. De fil en
aiguille, une amitié s'est formée au point où je partais cuisiner chez lui de
temps en temps. Son emploi du temps chargé ne lui permettait pas vraiment de se
faire à manger. Un soir, nous avions fini de manger et l’ambiance était
tellement agréable que nous avions couché ensemble. Il était mon premier. Nous
ne nous lâchions plus jusqu’à ce qu’il m'épouse. C’est là que mon calvaire a
commencé. Ou plutôt, s'est empiré. Il me trompait et me battait déjà avant le
mariage mais de façon modérée et il me suppliait à genoux à chaque fois. Je lui
pardonnais par amour et avec la conviction qu’il changerait. Aussi, je voyais
en lui mon espoir. Je ne voulais plus rester en famille où je ne jouais que le
rôle d’un essuie-pied. Je m’accrochais donc à lui pour un avenir meilleur.
C’était une erreur à ne pas faire.
Nous retrouvons toute ma famille
assise dans le salon, bavardant avec gaîté. Ma belle-mère nous a invité à un
repas. Le fiancé de l'une de mes petites sœurs vient se présenter à la famille
aujourd’hui et demander sa main. Je sais déjà que les choses ont été faites en
grandes pompes. Il s'agit quand même d’un directeur d’entreprise. De quoi faire vibrer
le cœur de Pauline, ma belle-mère. Plus matérialiste que cette femme, tu meurs.
A peine les présentations faites que
nous passons tous à table. Le dîner tourne autour de l’invité. Il nous parle de
sa vie, de son chiffre d’affaires, de ses voyages partout dans le monde. Il fait
tourner la tête aux personnes assises autour de cette table. Même mon père
sourit devant toutes ces informations. Sébastien et l’invité parlent de temps
en temps du monde des affaires. Mon homme occupe une très grande position dans
l'une des grandes entreprises de ce pays. Ce qui fait de lui un homme très
convoité par la gente féminine, en plus d’être un beau gosse.
‒ Euh, Inayah, c’est bien ça ? me
demande l’invité.
‒ Oui.
‒ J'ai l’impression de t’avoir déjà
rencontré quelque part. Tu travailles à l'empire de YOUL ?
Ma belle-mère et mes deux sœurs
éclatent de rire. Je baisse la tête.
‒ Mon fils, ça ne peut jamais être
elle ooh, lui répond Pauline. Les entreprises de ce monsieur dont on entend
parler tous les jours-là, il faut être intelligent pour travailler là-bas. Ina
n'a que le niveau CM2, et elle n’a même pas terminé l’année pour dire qu’elle
va passer l’examen. Elle va aller où avec ça ? Pardon, c’est vendre
poisson seulement qu'elle connait. Faut la déposer tout près ici. Heureusement
même qu'elle a eu un mari bien placé qui a eu pitié d'elle pour l’enlever dans
ça. Parlons des choses importantes. Tu viens faire la dot quand ?
‒ Tout dépend d'Elvire, maman.
Ils se remettent à parler tandis que
moi je me recroqueville sur moi-même. Je nettoie furtivement une larme du coin
de mon œil. Jusqu’à quand continuerai-je de subir des humiliations de ma
famille ? On me traite chaque jour de moins que rien. Pourtant ce sont eux
qui m'ont demandé d’arrêter l'école parce que l’argent ne suffisait pas pour
tous nous scolariser, mes frères et moi. Je suis l’aînée de quatre enfants.
Après moi viennent un garçon et deux filles. Nous avons le même père mais pas
la même mère. La mienne est morte quand j’avais deux ans. Je ne l'ai donc pas
connue à proprement dit. Mon père s’est remarié avec Pauline et ils ont eu
trois enfants. Le garçon est en Europe grâce à mon argent de poisson que
j'avais mis de côté pour agrandir mon commerce et me prendre une maison. On m'a
obligée à le lui donner parce qu’il avait eu une ouverture pour l'Europe. Je
devais être remboursée mais depuis, rien.
‒ Ina puisque tu es là, débarrasse
et rends-nous service en faisant la vaisselle s'il te plaît !
‒ Mais que font Elvire et
Rose ?
‒ Elles ont autre chose à faire. Et
puis pour faire quelque chose dans la maison de tes parents, on doit encore te
supplier ?
‒ Non maman. (A mon mari) Tu
m’attends s'il te plaît ?
‒ Dépêche-toi donc !
Tout le monde libère la table et moi,
comme la boniche de service, je me tape tout le boulot. Je ne sais pas si c’est
le fait de n’être pas arrivée loin dans les études qui fait que je suis
toujours considérée comme la moins que rien de la famille. Mais je commence à
être à bout. Et mon mari ne me défend jamais, ne me dit jamais de belles
paroles pour me prouver que je vaux mieux que ce que ma famille me dit. Au
contraire, il en rajoute. Contrairement à moi, lui il s'entend plutôt bien avec
ma famille. Sûrement parce qu’il leur donne de l’argent et des cadeaux.
Je reviens dans le salon une fois ma tâche terminée. Je ne vois
pas mon mari.
‒ Où est Sébastien ?
‒ Quelqu’un est son gardien
ici ? me lance maman Pauline. C’est toi sa femme non ?
Plus personne ne s’occupe de moi. Je
fais le tour de la maison à la recherche de mon mari. J’emprunte le couloir des
chambres lorsque je le vois sortir de la chambre de Rose. Il sursaute lorsqu’il
me voit.
‒ Que faisais-tu dans la chambre de
ma sœur ?
‒ Je cherchais les toilettes. Je me
suis trompé.
Rose sort à son tour et nous dépasse
en chantonnant.
‒ Tu as fini ? me demande
Sébastien.
‒ Oui.
‒ Ok rentrons. Je suis fatigué.
Nous disons au revoir et nous nous
en allons. Je me mets au lit dès que nous arrivons. Sébastien reste au salon.
Couchée sur le lit, je me demande ce que j’ai bien pu faire de mal pour vivre
de telles situations. Personne n'a jamais manifesté envers moi ne serait-ce
qu'un seul geste d’amour. Mon père ne m'a jamais dit qu’il était fier de moi.
Mes frères ne m'ont jamais respecté en tant que leur aînée. Et Sébastien, dans
les bras de qui je pensais enfin me sentir aimée, me fait voir de toutes les
couleurs.
‒ Seigneur, soit tu mets un peu de
lumière dans ma vie, soit tu mets fin à ma vie parce que tout ça devient
insupportable pour moi. J’ai besoin d’un tout petit peu de bonheur. Rien qu'un
tout petit peu.
Je me nettoie le visage qui
commençait à se mouiller de larmes. Je finis par m’endormir. Mais à 2h du matin,
je me réveille en sursaut. Sébastien n’est toujours pas dans le lit. Je vais
voir dans la salle de bain mais il n'y est pas. Je sors vérifier dans le salon.
En me rapprochant, je l'entends chuchoter. J'avance sans bruit, dans le but
d’entendre ce qu'il dit. J’ai du mal parce qu’il parle vraiment bas. Je
distingue néanmoins la voix d'une fille. Je sors ma tête et je le vois assis
dans le fauteuil tenant son sexe dans sa main. Je ferme les yeux de désespoir.
Encore une de ses maîtresses. Je décide de rebrousser chemin lorsqu'une phrase
me bloque sur place.
‒ Oh Rose, tu me fais jouir comme
jamais ta sœur ne l'a fait. Oh oui, je viens, continue, enfonce le plus loin.
Il a dit Rose ? Ma sœur ?
Je tourne les talons et fonce sur lui. Avant qu’il ne s’aperçoive de ma
présence, je lui ai déjà arraché son portable.
‒ Oh mais qu’est-ce que tu
fais ? s'écrie-t-il, en rangeant son sexe.
Je ne m'occupe pas de lui. Je
regarde l’écran et c’est le vagin de ma sœur qui me frappe en plein visage.
‒ Rose, donc c’est sur mon mari tu
es arrivée ? lui crié-je dessus. C’est avec mon mari que tu baises
maintenant ? Salope. Je vais venir régler ton cas demain avec les parents.
Imbécile !
Je coupe et me tourne vers mon mari.
‒ Sébastien, tu as fini de coucher
avec toutes les filles d'Abidjan, c’est sur ma sœur tu es arrivé ? Je t'ai fait quoi hein, dis-moi ? C’est toi
qui m'as dragué et qui a voulu m’épouser. Je ne t'avais rien demandé.
‒ Plus jamais tu ne vas m’arracher
mon portable, est-ce compris ?
‒ Je te parle de ton adultère et tu
me parles de…
Bam, je reçois une gifle.
‒ Sur qui hausses-tu le ton ?
Suis-je ton camarade ? N'importe quoi ! Toi une moins que rien, une
fille sans avenir, je te mets chez moi pour que tu aies un peu d’importance et
tu joues la grande dame. Fais-moi encore le bruit et tu verras de quel bois je
me chauffe.
Il disparaît en direction de la
chambre. Je me laisse tomber au sol en éclatant en sanglots.
‒ Mon Dieu, pourquoi ? Ai-je
été mauvaise dans une autre vie ? Pourquoi me fais-tu subir ça ?
Je pleure jusqu’à m’endormir là, sur
la moquette. Quand je me réveille le matin, la première chose que je fais c’est
d'aller chez mes parents leur raconter le spectacle d'hier. Je ne peux pas
laisser ça passer. Sébastien est sorti très tôt sans me dire mot. Je ne voulais
d’ailleurs pas l’entendre. Mes parents sont déjà assis au salon à m’attendre.
Je les avais avertis de ma venue.
‒ Inayah, pourquoi tu nous as appelés
de si bon matin ? me questionne mon père.
‒ Papa, hier j’ai surpris Rose et
mon mari qui couchaient ensemble par téléphone. Je peux tout accepter de ma
petite sœur, même ses caprices mais jamais je ne vais accepter qu'elle soit ma
rivale. Comment peut-elle sortir avec mon mari ? Je suis sa sœur. Nous
avons le même sang et elle me fait ça. C’est trop pour moi. J’ai trop mal, rien
que de penser que ma propre petite sœur veuille me voler mon mari.
Maman Pauline lance un long tchip.
‒ Inayah c’est pour ça que tu nous
as réveillés, mon mari et moi ?
‒ Mais maman…
‒ Ferme ta bouche. Ton mari, est-ce
un enfant ? Ne sait-il pas ce qu’il fait ? S’il sort avec Rose, c’est
qu’il l'aime. Tu devrais te réjouir que ce soit une femme de la famille plutôt qu'une
moins que rien du dehors.
‒ Mais maman, comment tu peux dire
ça ? C’est immoral de coucher avec le mari de sa sœur. Le mari d'autrui
tout court.
‒ Qui t'a même dit que Rose est ta
sœur et depuis ce mot ne quitte pas ta bouche ?
‒ Elle est ma sœur puisque c’est la
fille de mon père.
‒ Tu as un père ici ? (Elle se
met à rire) Tu fais rire hein. Mon mari n’est pas ton père. Rose n’est pas ta
sœur, donc elle peut sortir avec ton mari.
‒ Comment ça papa n’est pas mon
père ?
Je regarde mon père. Il se
positionne bien dans le fauteuil.
‒ Bon, je crois que tu es assez
grande pour savoir la vérité hein. Je ne suis pas ton père.
‒ Quoi ?
‒ Si tu veux tout savoir ta mère
était une prostituée et elle est tombée enceinte d'on ne sait qui, me balance
Pauline comme si elle me disait bonjour.
Je déglutis.
‒ Non c’est faux. Vous mentez.
‒ La seule menteuse ici c’était ta
mère, reprend celui que j’ai toujours considéré comme mon père. Elle m’a dit
qu’elle avait changé juste pour que je l’épouse et après ça, elle a repris sa
bordellerie dans le quartier jusqu’à tomber enceinte. Elle ne savait même pas
qui en était l'auteur. Moi, par amour pour elle j’ai décidé d’accepter la
grossesse. Ça lui a redonner le courage de continuer à donner ses fesses à tous
les hommes, jusqu’à ce qu'elle meure d'un sort que lui a lancé la femme de l'un
de ses amants. Elle ne t'aimait pas. C’est moi qui ai tout fait pour toi, donc
tu me dois ta vie. A moi et à ma femme qui avons pris soin de toi jusqu’à ce
que ce jeune ait pitié de toi pour t'épouser. S'il veut aussi de ta sœur, je ne
vois pas de mal. Au moins il restera dans la famille. Si tu as fini ton
bavardage, rentre chez toi regarder la télé. C’est tout ce que tu sais faire
d’ailleurs.
Il se lève en demandant à sa femme
de le suivre. Elle s’exécute non sans m'avoir lancé un énorme tchip, accompagné
d’un regard méprisant. Moi je reste immobile dans le fauteuil à essayer
d’assimiler toutes ces révélations de mon père. Il n’est pas mon père. Ma mère
était une pute. Personne ne sait qui est mon véritable père. En gros, je n’ai
personne dans ce monde. Je suis seule. Sans famille. Je ne sais même pas qui je
suis vraiment.
Je suis restée assise sur un banc
dans un jardin jusqu’à ce que la nuit tombe. Je n’ai pas vu le temps passer. Je
n’ai pas senti la faim, encore moins un quelconque besoin naturel. Je me sens
vide à force de n'avoir cessé de pleurer depuis ce matin. Je me sens aussi vide
intérieurement. J’ai l’impression que mon âme a quitté mon corps et que mon
cœur ne fonctionne plus.
Je veux mourir.
Je comprends maintenant leur
animosité vis-à-vis de moi. Ils savaient tous que je n'étais pas des leurs,
raison pour laquelle ils me traitaient ainsi. Mon père rejetait sur moi toute
la haine qu'il avait pour ma mère. Je n'étais qu’un dommage collatéral.
J’ai envie de mourir.
Oui, c’est ça. Il faut que je meure
pour mettre fin à toute cette souffrance. Je n'en peux vraiment plus. Je suis à
bout. Ils viennent de m’achever avec ça. Je suis à bout de force. Il faut que
je meure. Jamais je ne serais heureuse. Je suis condamnée à souffrir donc mieux
vaut y mettre en terme.
En marchant, je ne sais même plus
où, j’aperçois un petit pont et une grande eau en bas. Où suis-je arrivée dans
ma marche ? Tout est sombre et vide de toute présence humaine. Et si je me
jetais par-dessus le pont ? Ce n’est pas une si mauvaise idée. L'eau
emportera mon corps et plus jamais je ne sentirai de douleur.
Je me rapproche du pont, les yeux
toujours brouillés par les larmes. Je passe par-dessus la barre de fer et m'y
assois.
‒ C’est le mieux à faire Inayah, me
dis-je à moi-même. Tu ne souffriras plus.
Je ferme les yeux et je commence à
compter.
‒ 1… 2…3
Je lâche la barre de fer mais au
moment où je m'élance, je sens des bras m'agripper fermement. Je pousse un cri
de surprise. Je suis ramenée comme un vulgaire sac de plume de l’autre côté du
pont. Mes pieds perdent leur équilibre et je manque de tomber. Mais les bras me
tiennent toujours et me bloquent à quelques centimètres du sol.
J'ouvre les yeux et je suis automatiquement
frappée par un frisson devant ces pupilles bleues qui me fixent avec une telle
dangerosité à couper le souffle.
‒ Qui… qui… qui êtes-vous ? balbutié-je.
‒ D'accoutumée, j’ôte les vies, je
ne les sauve pas. Faut croire que vous avez une belle étoile.
Cet accent, cette voix… Dieu qui est
cet homme ? Je n'arrive même pas à voir son visage, si ce n’est ses yeux
bleus à cause du noir. Fatiguée par toutes ces émotions, je me sens tomber dans
les vapes. Je ferme les yeux et c’est le trou noir.
Je me réveille dans un lit
d’hôpital. Un Docteur entre à cet instant.
‒ Ah vous êtes réveillée.
‒ Où suis-je et comment suis-je
arrivée ici ?
‒ Vous êtes dans une clinique et c’est
un chauffeur de taxi qui vous a conduit ici. Il dit que vous vous êtes évanouie
sur la voie. Nous n'avons trouvé aucun effet sur vous pour joindre votre
famille.
Ma famille. En ai-je encore ?
Mon sac y compris mon portable sont restés chez mes parents. Je n'avais pas
assez de force pour les porter.
‒ Puis-je avoir s'il vous plaît un
peu d’argent pour rentrer chez moi ? Je vous en prie !
‒ Vous ne voulez pas que j'appelle
quelqu’un pour venir vous chercher ?
‒ Non. Je préfère rentrer de moi-même.
‒ Ok. Vous ne l'avez pas demandé
mais vous allez très bien. Juste la fatigue et le stress qui ont eu le dessus
sur vous. Du repos ne vous ferait pas de mal.
‒ Ok merci Docteur.
Il me tend un billet de cinq mille
francs. Je le remercie et je pars. Il fait encore nuit. Une fois dans le taxi,
je repense à la scène que j’ai vécue avant de tomber dans les pommes. Cet
homme ! Je revois encore dans ma tête son regard et j'entends sa voix
d'une résonnance autoritaire. Son accent était bizarre. On dirait un anglais.
Mais le plus troublant reste son regard.
Effrayant et déroutant à la fois.
Je me masse les bras juste là où il
m'a tenue. Il avait une force qui ne dit pas son nom. Il doit être robuste. Je
suis déçue de n'avoir pas vu son visage. A quoi ressemble-t-il ?
Je sonne chez moi une fois arrivée.
J'entends de lourds pas derrière la porte. Sébastien ne dormait sans doute pas
encore.
‒ Qui est-ce ?
‒ C’est moi ! répondé-je
faiblement.
La porte s'ouvre avec fracas et la
première chose qui m’accueille, c’est une paire de gifle.
‒ Salope. C’est à cette heure que tu
rentres à la maison ?