Épisode 3

Write by Mona Lys

3


‒ Dark, nous l'avons repéré. Il se trouve en ce moment même dans une chambre d’hôtel avec des putes. Il aurait payé pour toute la journée. 

‒ Préparez les voitures.

‒ Elles sont déjà prêtes. 


Je fais un léger hochement de tête. Alana sort de ma chambre. Je reste toujours à cette fenêtre, les mains dans les poches, à contempler la ville. Ce fils de pute m'a fait passer plus de jours que prévus dans ce pays. Mais faut croire que ça m'a été bénéfique. J’ai mené des investigations et cette capitale serait propice pour écouler mes marchandises. Avant donc de retourner aux États-Unis, je trouverai bien un partenaire avec qui faire affaire. J’en ai déjà une liste de potentiels, et ce ne sont pas des moindres. Des membres du gouvernement de ce pays. Il n'y a pas que notre gouvernement à nous qui regorge de ripoux.


Bref, le devoir m'appelle. J’ai des comptes à régler. Je me vêts de mon costume trois pièces de couleur noire. Le climat dans ce pays étant chaud, je ne peux me permettre d'enfiler mon manteau. Je retrouve mes hommes en bas, dans le parking de l’hôtel. Alana est déjà installée dans ma voiture pour me conduire. Nous embarquons pour l’hôtel de ce fils de chienne qui a eu assez de couilles pour me voler, et ma cargaison, et mon argent.


Alana me suit de près dans l’hôtel. 


‒ Bonjour Messieurs. Vous avez besoin de quelque chose ?


Je continue de marcher vers l’ascenseur sans accorder un semblant d’importance à l'homme de l’accueil. Mon aura se propage dans le lieu si bien qu’à mon approche, les gens dégagent le passage. Alana actionne l’ascenseur une fois à l’intérieur. Je sors mon arme de mon dos. Alana me conduit jusqu’à la chambre. A l'aide d'une fausse clé, elle m'ouvre la porte. La première fille que mes yeux rencontrent une fois dans la chambre, je lui tire une balle entre les deux seins nus. Les autres dans l’autre pièce ne se sont pas encore rendus compte de ma présence. J’ai une silencieuse. Je m'avance et m'assois dans le fauteuil juste en face du lit. Je me racle la gorge. Ils sont pris de panique lorsqu’ils voient mon arme à la main. La fille hurle. Je lui tire une balle dans la tête. J’ai horreur des chialeuses.


‒ Da… Da… Dark, bégaie le jeune.

‒ Comme on se retrouve. Tu croyais pouvoir m’entuber et te cacher éternellement ?

‒ Je… je… je.

‒ Dis-moi ce que je veux savoir. La chaleur de ce pays m’insupporte. 

‒ J’ai déjà écoulé plus de la moitié de la cargaison. Toutes les informations sont dans cette mallette avec le fric. Je peux faire écouler le reste et vous faire le compte. J’ai déjà des…


Il est interrompu par une balle entre les yeux. Je me lève et à l'aide de mon arme je donne des coups à la porte. Alana entre dans la seconde. Elle parcourt du regard la scène.


‒ Tu fais le nettoyage et tu me rapportes ce qui m’appartient. Je vais me préparer pour ce soir.


***INAYAH


Encore une journée où je me réveille avec une migraine pour avoir trop pleuré la veille. Je pleure chaque jour, de jour comme de la nuit, sur ma vie. Je ne sais plus qui je suis. Je n’ai plus aucune identité. Ma mère, je ne la connais pas. Mon père non plus. Si j’ai des grands parents, des oncles et tantes sans oublier les cousins, je n’en sais également que dalle. Ce nom de famille que j’ai toujours porté n’est pas le mien. 


Je suis maintenant Inayah, la fille sans famille.


J'aurais pu espérer avoir ma propre famille mais c’est sans compter sur Sébastien qui ne m’a plus touché depuis ma dernière fausse couche. Il m’a balancé un jour à la figure que ça ne servait à rien qu'il couche avec moi puisque j’étais incapable de mener une grossesse à son terme. Maintenant, je ne suis juste bonne qu’à lui faire à manger. Je suis devenue la bonne. Je ne fais qu’accomplir les tâches ménagères et c’est tout. Le reste, basta. Pourquoi est-ce que je reste encore dans ce mariage ?


Je n'en sais encore rien.


Peut-être parce que j’espère un miracle qui emmènera tout le monde à m'aimer, à me respecter et à m’élever au rang que je mérite. C’est sûrement cet espoir qui me maintient ici.


Je vaque à mes tâches journalières. Je nettoie la maison de fond en comble, ensuite je me plonge dans la lecture d’un roman pour m’occuper l’esprit. Je lis beaucoup, c’est ce qui me permet d’avoir un peu de connaissance et de bien m’exprimer. J’ai arrêté les cours du soir quand je devais me marier. Sébastien ne voulait plus que je les fasse pour avoir plus de temps pour m’occuper de lui. Parlant de lui, il ne s’est plus préoccupé de moi après l’accueil qu’il m’a servi, il y a deux jours. Je lui ai quand même parlé de la nouvelle qui m’étais tombée dessus et tout ce qu’il a trouvé à dire c’est “ok’’. J’ai eu mal et j’ai toujours mal. Je veux pourtant parler de ma peine à quelqu’un. Vider mon sac, pleurer sur une épaule, écouter des paroles de réconfort. Bref, j’ai besoin d’extérioriser toute mon amertume. Mais chez qui ? Il n'y a personne qui m'aime. Personne qui se préoccupe de moi. Diantre, pourquoi je n’envoie pas tout bouler et aller loin refaire ma vie ? C’est une superbe idée mais où aller ? Avec quel argent ? Comment tout reprendre de zéro ? Je ne vends plus. Je dépends entièrement de Sébastien. Ma vie est devenue nulle à chier. Aucune nouvelle expérience, aucun nouveau défi à relever chaque jour. Rien de rien. J’éclate en sanglots en me recroquevillant sur moi-même dans le divan.


‒ Mon Dieu, pourquoi ? Pourquoi personne ne m'aime ? Pourquoi ma vie est-elle ainsi ? Si c’est à cause des erreurs de ma mère, pourquoi est-ce à moi de payer ? Je mérite un peu de bonheur. 


Je reste dans cette lamentation jusqu’à m’endormir. Je suis réveillée par des tapes sur ma joue. Ça fait très mal. Je me frotte les yeux en essayant de me relever. 


‒ Je rentre du boulot et je ne trouve rien à manger, résonne la voix de Sébastien. 

‒ Oh mon Dieu ! Je me suis endormie aussi longtemps ? Quelle heure fait-il ?


Je lis 18h30 minutes sur mon portable. 


‒ Il n'est pas tard chéri, dis-je en me levant. Je peux te faire un truc rapide. 

‒ Pas la peine. De toute façon, je pars à une soirée gala.


Il disparaît vers la chambre. Je range le livre et je le rejoins. 


‒ C’est pour le boulot ?

‒ Oui.

‒ Je peux venir ? Je m’ennuie un peu.

‒ Non. C’est un dîner entre hommes. Peut-être la prochaine fois. 

‒ Ok. Attends que je te choisisse une tenue, le temps que tu prennes ta douche. 

‒ Retire juste les étiquettes sur ça.


Il pose un carton de magasin sur le lit, sort deux cartes d’invitation de son sac puis entre dans la salle de bain. Je sors la chemise et le pantalon flambant neuf du carton mais une carte y tombe. Je la scrute. 


« Pour que tu sois le plus bel homme à cette soirée, mon amour. Je t'aime. »


Mes yeux me picotent mais je me retiens de pleurer. Je ne vais pas faire celle qui ignore l’infidélité de son mari. Mais purée, que ça fait toujours mal. J’étends les vêtements sur le lit. Je passe le temps à lire les cartes d’invitation. Quand il sort je le regarde se vêtir. Cet homme est beau, élégant et sexy. Quelle femme ne lui tomberait pas aux pieds ? Mais j'aurais aimé qu’il les repousse toutes et fasse de moi sa reine.


‒ Je risque de rentrer très tard. Ne m'attends donc pas.

‒ Ok.


Il part sans faire semblant de m’embrasser. Quand j'entends la porte principale claquer, je vais à la cuisine me préparer un petit truc rapide à manger avant de me mettre au lit. J’ai encore sommeil. Je commence à me lasser de l’oisiveté. Je veux travailler. Peut-être bien que si j'avais de quoi m’occuper tout ceci ne me ferait pas autant souffrir. Oui, parce que j'aurais un exutoire. Travailler m'avait aidé dans le passé à surpasser la maltraitance de ma marâtre. Mais depuis que j'ai tout arrêté, je ressens même la plus petite insulte jusque dans mes veines. Il faut que je me bouge. Demain, j'en parlerai avec Sébastien. Faut bien que j'occupe mes journées. 


Pendant que je dresse le lit pour m'y coucher, quelque chose y tombe. Je reconnais tout de suite le porte-monnaie de mon mari. Je l’ouvre, histoire de vérifier que ses pièces n'y sont pas mais si elles y sont toutes. Merde ! Pourquoi fallait-il qu'il les oublie en cette période où la rafle est récurrente ? Des gens sans pièces se font prendre chaque soir et sont obligés de payer des centaines de mille comme caution. Je tente de le joindre mais sans succès. Il ne répond pas. Je reste quelques minutes à me demander quoi faire. Je ne veux pas qu'on m'appelle en plein milieu de la nuit pour me demander de me rendre au Commissariat, payer une quelconque caution. Je décide d'aller lui rendre ses pièces. L'Hôtel Ivoire n'est pas loin de chez nous. En dix minutes, j'y serais. Je vais continuer à l'appeler et s'il décroche je lui dirai de sortir récupérer son bédou. Même si je vais juste pour quelques secondes, je prends quand même le soin de porter quelque chose de joli. On ne sait jamais. Peut-être il peut me demander de rester avec lui.


Je suis tout de suite frappée par des voitures toutes aussi scintillantes les unes que les autres. J’espère que Sébastien se fera de gros contacts qui nous hisseront aussi haut. Je lance de nouveau l'appel vers lui mais toujours pas de réponse de sa part. Au quatrième appel, son portable est carrément éteint. Bon, je vais charger un vigile de lui rapporter ses choses. Je me dirige vers le premier vigile que je vois, quand j’entends mon nom dans mon dos. Je me retourne et je suis surprise de voir l’une de mes anciennes et meilleures clientes de poisson.


‒ Oh, comment vas-tu ma chérie ? me demande-t-elle toute joyeuse. Ça fait un bail dis-donc. Je ne te voyais plus au marché pour acheter le poisson préféré de mon mari et de mes enfants. 

‒ Oui, j'ai dû arrêter, tantie.

‒ Vraiment dommage ! Tu étais la seule chez qui j'aimais acheter du poisson. Les autres femmes n'avaient aucune hygiène. Paraît que tu t’es mariée ?

‒ Oui. C’est d’ailleurs mon mari que je suis venue chercher pour lui remettre ses pièces. 

‒ Ici c’est grand. Tu ne pourras le trouver facilement sauf si tu l'appelles.

‒ Il est injoignable.

‒ Mais sais-tu au moins ce qui l'a emmené ici ? Ce sera facile ainsi de le retrouver à l’accueil.

‒ Il est venu assister à un dîner gala des hommes d’affaires et entrepreneurs. 

‒ Ce dîner-là ? Demande-t-elle en me montrant une carte d’invitation. 

‒ Oui celui-là. 

‒ Ça tombe bien alors. Je suis venue tenir compagnie à mon époux à cette soirée. Viens donc qu'on y aille ensemble. Tu trouveras ton mari plus aisément. 

‒ D’accord. C’est gentil, tantie.


Durant le cheminement, elle ne cesse de parler. Cette femme a toujours aimé parler mais n’empêche qu’elle est une femme bien. Je recevais toujours des bonus sur les montants des achats. Lorsque je la voyais, je savais que ma journée serait gagnée. 


Quand nous arrivons à ladite soirée, je regrette tout de suite d’être venue. Mon Dieu, ma robe devant celles des autres femmes est une serpillière. Elles sont toutes étincelantes. Je veux prendre mes jambes à mon cou mais la dame me tire à l’intérieur. J’aperçois rapidement Sébastien dans le fond de la salle qui discute avec des hommes et des femmes. Je marche timidement vers lui. Je sens des regards sur moi. Des regards de femmes. Elles me dévisagent toutes comme si j'avais la lèpre. Je fonce droit vers mon objectif. Je suis à deux pas de lui lorsqu’une phrase me glace sur place.


‒ Monsieur SIRO, je vous présente ma fiancée, Rose. Nous célèbrerons notre mariage le mois prochain et nous serions ravis de vous compter parmi nos invités. 


Il a bien dit sa fiancée ? Rose ? Ma petite sœur ? Je regarde bien et je la reconnais, accrochée au bras de mon mari, souriant comme si demain ne viendrait jamais.


‒ Vous marier ? dis-je, sans vraiment pouvoir me retenir.


Toutes les têtes se tournent vers moi. Sébastien déglutit lorsqu’il me voit.


‒ Que fais-tu là ? me siffle-t-il.

‒ J’étais venue t’apporter tes pièces. Tu les as oubliés à la maison. Mais ce que je viens d'entendre, c’est vrai ? Tu vas vraiment l’épouser alors que nous sommes mariés légalement ?

‒ Merde, la ferme !


Il me traîne dehors par le bras. Il me conduit encore dans un endroit isolé. J'entends des cliquetis de talons dans mon dos.


‒ Je peux savoir ce qui t'a pris de venir ici ? demande-t-il en me relâchant violemment. 

‒ Je te l’ai déjà dit. Mais ça n'a pas d’importance face à ce que tu as dit. Sébastien, je suis ta femme et tu préfères venir avec une autre. En plus ma sœur.

‒ Je ne suis pas ta sœur, répond Rose derrière Sébastien. Et avant que tu ne l’apprennes de quelqu’un d’autre, sache que je suis enceinte. Je vais donner un enfant à Sébastien, chose que tu as été incapable de lui donner tout ce temps.

‒ Quoi ? Non, c’est faux. Non, je refuse de croire. Sébastien, dis-moi que c’est faux.

‒ Rentre à la maison. On en reparlera demain quand je serais rentré. 


Le vinaigre me monte au nez. Je bondis sur Rose à qui je réussis à retirer la perruque et à donner une bonne gifle. Sébastien me décolle d'elle et me rend à son tour deux gifles.


‒ Imbécile ! Pour qui tu te prends pour oser faire un scandale ici ?

‒ Je te hais Rose. Je vous hais tous les deux.


Je veux de nouveau porter main à Rose. Sébastien me pousse tellement violemment que ma tête cogne contre le mur. Je hurle de douleur, tellement le choc est violent. Ça ne semble pas les retenir car ils s'en vont. Je m'assois au sol la tête entre les mains. Je vois flou. Ça siffle dans mon oreille. Après quelques minutes assise là, je décide de m'en aller. Seulement je ne sais où passer. Le vertige que j'ai ne m'aide pas aussi. Mais j'y vais quand même. Plus je marche, plus mon visage s’inonde de larmes. Je crois que je suis perdue. Je bifurque sur un couloir. Je vois des hommes en noir. Ils me regardent tous. Je les vois s’approcher de moi mais j'ouvre une porte, pensant qu’elle me mènerait à la sortie de ce lieu si immense. Je tombe plutôt sur un groupe d'homme, tous super fringués, assis autour d'une table ronde. Ils tournent comme un seul homme leur tête dans ma direction. Je suis trop perturbée pour distinguer ne serait-ce que les traits d'un seul.


‒ Je… je suis désolée, baragouiné-je en me massant les tempes tandis que mes larmes continuent de couler sur mes joues.


Je sens quelqu’un m’empoigner par derrière. Je crois que je viens d’interrompre une réunion de grands hommes du pays.


‒ Je cherche la sortie.


Je suis conduite par l'un des hommes jusque dehors sur la voie principale. Je devrais normalement arrêter un taxi mais je continue de marcher comme une automate. Je ne suis pas très pressée de rentrer dans cette maison de malheur. Je marche sans savoir où je vais. Je pleure toute mon amertume. Ma sœur est enceinte de mon mari et ils vont se marier. Mais ils ne le peuvent pas tant que je suis la légitime. A moins qu'il n’ait prévu me demander le divorce. Mon Dieu, c’est ça. Il veut se débarrasser de moi. Où irais-je ? Je n’ai personne dans ce monde. Je ne connais aucun membre de la famille de ma mère pour penser aller me présenter à eux.


‒ MON DIEU, POURQUOI ???? hurlé-je avant de me laisser tomber sur mes genoux dans un endroit faiblement éclairé.


Je pleure tout mon saoul dans cet endroit où personne ne me voit. Je ne sais plus où j'en suis dans ma vie. Je ne sais plus ce que je vais devenir. Enfin, je ne sais même pas si je deviendrai quelque chose. Cet homme m'a anéanti. J'avais appris à vivre avec le sale traitement des miens, mais j’avais mis tout mon espoir, tous mes rêves, toute ma vie en cet homme, croyant que lui au moins me sortirait du cauchemar dans lequel j'ai toujours vécu. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit lui-même qui m'y enfonce après l'avoir empiré. 


J’ai très mal. 


C’est pour ça que j’ai voulu me suicider. Pour ne plus ressentir ça. Pourquoi diable cet homme m’a-t-il empêché de le faire l'autre fois ? D’où sortait-il pour se mêler de ce qui ne le regardait pas ? N'ai-je pas le droit de décider de mourir quand et comme je le voulais ? J’ai de nouveau envie de mettre fin à mes jours.


‒ Hé, lève-toi et donne-nous tout ce que tu as, sinon on te tue.


Je vois faiblement deux hommes postés devant moi, des armes à la main. Je me remets un peu difficilement sur les pieds, prise de vertige.


‒ Vous… allez me tuer ?

‒ Oui, si tu ne nous donnes pas tout ce que tu as.


J’éclate de rire.


‒ Allez-y, tuez-moi ! Je veux mourir. Je n'en peux plus de cette chienne de vie. Tirez donc sur moi. Vous avez un couteau ? Enfoncez-le-moi dans le ventre ou dans le cou pour que je me vide de mon sang. 


Ils se regardent. Je me mets à hurler.


‒ Non mais qu’est-ce que vous attendez ? Vous ne savez plus faire votre travail ? Appuyez sur ce putain de pistolet pour en finir avec moi. Je veux mourir, vous m’entendez ? Je n'en peux plus d’être traitée comme de la merde. D’être trompée à longueur de journée par celui qui est censé être mon mari. Vous savez quoi ? Il a mis enceinte ma petite sœur et ils vont se marier alors que nous sommes déjà mariés lui et moi. Ah vous ne savez pas la meilleure, elle n'est pas ma véritable sœur. Je l'ai appris il n'y a pas si longtemps. Ceux que je considérais comme ma famille ne le sont pas. Je n’ai personne dans ce monde. Personne qui m'aime ALORS, APPUYEZ SUR CETTE PUTAIN DE GÂCHETTE. 


Ma poitrine se soulève et s’abaisse sous le rythme saccadé des battements de mon cœur.


‒ Tchia, nous on pensait que notre vie était de la merde, djaaaaa il y a pire que nous, lance l’un des agresseurs. Ma chérie, pardon on s'en va. Toi-même faut aller te tuer.


Il fait signe à l'autre et ils partent. Pourquoi ils ne m'ont pas tuée, putain ? Même ça encore on me le refuse. Une balle. Juste une balle aurait suffi à mettre fin à cette souffrance. Mes forces m’ont complètement lâchées. Je ne sens plus mes jambes et le vertige se fait de plus en plus ressentir. Ma tête tourne et j'ai l’impression de tomber. Je sens subitement des mains me retenir.


‒ Fais chier ! siffle une voix qui m'est familière.


Mais pas le temps de voir qui c’est. Je m’évanouis.


La première chose que je remarque lorsque je me réveille, c’est que je ne suis ni dans mon lit ni dans ma chambre, encore moins dans ma maison. J’ai une migraine atroce. Mais atroce de chez atroce quoi. Tout mon corps est rempli d'une lourdeur pas possible. Je sens que je serai malade à force de subir toutes ces choses trop lourdes pour mon petit cœur. Mes yeux commencent à s’habituer à l’obscurité. Je me redresse lourdement. Où suis-je ? Et qui m'a conduit ici ?


Je tourne la tête droit devant moi lorsque je vois une silhouette assise dans un fauteuil. 


‒ Oh mon Dieu ! hurlé-je de frayeur, la main sur le cœur. 


Je regarde la personne et je suis frappé par des pupilles bleu électrique. Dieu c’est quoi cette couleur ? Et qui est… cet homme ? C’est un homme, à en déduire le gabarit. Ma mémoire est frappée par un flashback. Les yeux bleus.


‒ Vous ? C’est encore vous ?

‒ Je me suis posé la même question.


La tonalité de sa voix et son accent font bouger quelque chose en moi. Je regarde avec plus d’insistance dans l'espoir de distinguer les traits de son visage mais rien. Je ne sais toujours pas à quoi il ressemble.


‒ Où suis-je ?

‒ Dans l'antre du diable.


Que quoi ? Je recule sur mes fesses.


‒ Vous… vous allez me tuer ?

‒ Oui ! Ça m’éviterait de vous croiser une troisième fois.


C’est bizarre mais cette phrase ne me fait pas peur. Je devrais pourtant. Il me fixe intensément. Pour je ne sais quelle raison, je me mets à pleurer. 


‒ Allez-y, tuez-moi. Vous m'avez empêché de me tuer la première fois alors donnez-moi ce que vous m'avez pris.

‒ Le suicide c’est pour les lâches et moi j'ai horreur des lâches. Soit vous affrontez vos épreuves soit vous acceptez de subir. Mais se donner la mort, c’est la plus grande lâcheté qui puisse exister.

‒ Mais comment continuer à vivre quand on vit en permanence des horreurs ? 


Et je me mets à tout déverser. Je pleure, me mouche dans son drap, je tousse. Il m’écoute sans broncher. Il n'a pas l'air ennuyé. Quand je finis, il continue de me fixer.


‒ En résumé vous voulez mettre fin à votre vie parce que vous êtes trop lâche pour mettre fin à votre soi-disant souffrance ?

‒ Quoi ? déglutis-je. Soi-disant ? C’est une souffrance. 

‒ Dans ce cas, mettez-y fin. Il y a un remède pour chaque mal.

‒ Comment ? Le seul moyen que j'ai trouvé, c’est la mort.

‒ Bien !


Il se lève et… mon Dieu qu'il est gigantesque. Je suis obligée de relever ma tête pour pouvoir le regarder dans les yeux. Il sort quelque chose de son dos. Quand il charge, je sursaute. C’est une arme.


‒ Tenez ! Dans cinq minutes, mes hommes viendront ramasser votre corps pour le ramener à votre famille. Moi je dois me préparer pour retourner dans mon pays. 


Il pose l'arme à mes pieds et sort. Je la fixe longuement me demandant ce que je devrais faire. L’envie d'en finir ne me titille plus l’esprit. En tout cas, pas en ce moment. Ce qu’il m'a dit ne cesse de tourner en boucle dans ma tête. En gros, je pouvais mettre fin à la souffrance que je vis. Seulement, en quoi faisant ? Quitter Sébastien ? Pour aller où ? Je sursaute lorsque je vois l'heure sur la petite veilleuse. Mon Dieu, j’ai découché. Il est 6h du matin. Sébastien va me tuer. Oh punaise ! J’entre dans ce qui me semble être la salle de bain et Dieu merci, ça l'est. Je me lave le visage et la bouche. Quand je ressors il est là, arrêté au milieu de la chambre, les mains dans les poches.


‒ Oh punaise, vous m'avez fait peur, m'écrié-je en m’attrapant la poitrine. 

‒ Vous ne l'avez pas fait.

‒ Euh non. Je crois que je vais faire comme vous l'avez dit. Je vais chercher une solution. Merci de votre hospitalité. Je vais y aller.

‒ Si vous décidez de nouveau de vous ôter la vie, de grâce assurez-vous que je ne sois pas dans les parages. Je me ferais sinon un plaisir de vous donner un coup de main. Un chauffeur vous attend pour vous ramener.


Il entre à son tour dans la salle de bain. L'air qui m'a soufflé lorsqu’il est passé près de moi m'a donné froid dans le dos. On aurait dit qu'un danger planait dans cette pièce. Cet homme fait peur. J’ai encore la chair de poule. Cet homme est le plus mystérieux que je connaisse.


Je suis accueillie à la maison par des insultes de Sébastien. Il est avec ma belle-mère et ma sœur Rose.


‒ Maman, tu vois ? Elle découche maintenant. Elle ne me cache même pas son infidélité. C’est dans ma maison que tu veux faire ta pute ? Tu vas prendre tes bagages et dégager d'ici.


Je n’ai pas la force de m’expliquer. Je suis d’ailleurs fatiguée de parler. Je reste debout à les écouter me traiter de tous les noms d’oiseaux. Déjà que Sébastien se retient de me cogner, je ne vais pas l’ouvrir pour l'en inciter.


‒ Maman, tu vois maintenant pourquoi je veux une deuxième femme ? Inayah n'en fait qu’à sa tête maintenant. Hier, elle m'a ridiculisé devant mes patrons mais fort heureusement, j’ai pu rattraper le coup. (Il me fixe) Puisque tu ne veux servir à rien dans cette maison, ta sœur viendra prendre ta place. Si tu veux rester dans cette maison, c’est ton problème mais je te le dis, je vais épouser Rose et nous aurons bientôt un enfant. Je veux que tu la traites comme il se doit si tu décides de rester ici, mais au moindre faux pas, je te fous à la porte.

‒ Inayah, entame ma belle-mère, Rose c’est ta sœur et c’est une bonne chose que ce soit elle ta coépouse. Ton mari reste donc dans la famille. Nous comptons sur toi pour bien prendre soin d'elle et de l’enfant à venir. Grâce à elle, ton mari sera un homme comblé et on ne te mettra plus la pression pour faire des enfants. Rose va se charger de ça. 


Je reste silencieuse. Que puis-je donc dire puisque tout est déjà ficelé ? Répliquer ne serait que donner une raison à Sébastien de me battre. Lorsqu’ils finissent de me dire ce qu'ils avaient à dire, je me rends dans ma salle de bain prendre une douche. Seulement, je reste assise sur le carrelage pendant que l'eau verse sur moi. Je pleure en silence. Mais aussi je réfléchis. Je suis fatiguée de pleurer pour cet homme et de supporter les humiliations de ma famille. Il faut que je parte. Jamais je ne pourrais supporter de voir mon homme s’amouracher avec une autre femme sous mes yeux. Qu'il le fasse dehors c’est plus facile à accepter mais devant moi ? C’est trop. Je dois trouver une solution. Je veux partir. Mais comme toujours, je me demande où aller. Je n'ai aucune connaissance dans ce pays. Pas d'ami, rien. Je n’ai non plus le numéro de cette femme qui fût autrefois ma cliente. Peut-être qu'elle m'aurait aidé. Si j'avais son contact, je pouvais lui proposer de me prendre comme domestique mais je ne sais où la trouver.


Couchée sur le lit, je continue de chercher une solution. Cet homme mystérieux m'a dit qu'il y avait un remède à tout mal. C’est donc quoi le remède de mon mal ? Lui parler m'a beaucoup déchargée. Il n'a pas beaucoup parlé mais le son de sa voix était apaisant bien qu'effrayant. J'aurais aimé lui parler encore mais il a dit qu’il devait retourner dans son pays. Je n'aurai donc plus l’opportunité de le revoir. Lui au moins a un chez lui où aller. Il peut aller où il veut comme bon lui semble. 


J’ouvre grandement mes yeux lorsqu'une idée s’illumine dans mon esprit. Mais oui c’est ça. Et si c’était ça ma porte de sortie ? Mon remède ? Peut-être que lui peut m'aider. Il faut que je le vois avant qu’il ne s'en aille. J’enfile rapidement quelque chose de plus présentable et je sors de la maison comme une fusée. Sébastien est sorti avec sa future femme et sa belle-mère. J’emprunte le premier taxi, direction l'Hôtel Ibis. J’ai retenu le nom de l’hôtel où j’ai dormi cette nuit. J’ai aussi retenu le numéro de la chambre. Mais son nom, je ne le connais pas. Pas bien grave. J'ai remarqué qu’il avait ses hommes à lui dans le hall et devant sa chambre. Le taxi gare justement devant l'un des gardes. Je le reconnais. Il m'a ouvert la portière ce matin.


‒ Bonsoir, j’aimerais voir votre patron.


Il me regarde comme s'il n'y avait personne devant lui.


‒ Hé ho ! Je vous parle. J’étais ici ce matin et vous m'avez raccompagnée chez moi. Je voudrais revoir votre boss. C’est urgent.


Il reste de marbre. Ahii, il est sourd ou quoi ? Je lui parle avec des signes mais aucune réaction. Un autre homme se rapproche de nous. Lui je ne le connais pas. Il échange avec le poteau électrique posté devant moi dans une langue bizarre. On dirait de l'Arabe ou du Russe. Bref c’est bizarre. Il se tourne enfin vers moi.


‒ Bonsoir Madame, vous voulez voir qui exactement ? me demande ce dernier avec un accent bizarre, plus bizarre que celui de l'homme mystérieux. 

‒ Votre patron. Il est géant comme un poteau et hier j’ai dormi dans sa chambre. Mais pas comme vous le pensez. J’ai fait un malaise et… bref est-ce que je peux le voir ?

‒ Il se prépare pour prendre l'avion.

‒ Il rentre déjà ? Oh s'il vous plaît, dîtes-lui que je désire le voir une dernière fois. C’est une question de vie ou de mort.

‒ Il a horreur d’être importuné. Si l'un de nous monte à sa chambre, il ne redescendra plus.


Hum ? Ça veut dire quoi ?


‒ Ok mais je vous en supplie, s’il descend, dîtes-lui que la femme suicidaire veut absolument s’entretenir avec lui.

‒ Il refusera de vous voir.

‒ Dîtes-lui que je l'attendrai ce soir à 19h au lieu de notre toute première rencontre. Qu'il m’accorde juste cinq petites minutes et ensuite il s'en ira. Je vous en conjure, faîtes-lui ma commission.


Il me regarde longuement puis subitement un sourire étire ses lèvres.


‒ Je lui dirai.

‒ Merci, merci, merci. Je l’attendrai. 


Je retourne à la maison avec l’espoir qu’il lui fasse ma commission et que celui-ci vienne au rendez-vous. Il est ma dernière chance de sortir de cet enfer. 


Ça fera, dans trois minutes, une heure de temps que je l’attends. Cet homme veut que Sébastien rentre à la maison avant moi et remarque mon absence ou quoi ? Je dois me dépêcher de rentrer. En plus il fait froid sur ce pont. Mon Dieu, faites qu'il vienne. J'attends encore vingt autres minutes mais il ne vient pas. Je décide de rentrer. Mais je suis subitement fouettée par un courant d'air violent qui fait voler mes vêtements et mes cheveux. Je crois qu’il va pleuvoir. Je me retourne pour m'en aller quand je tombe nez à nez avec une présence. Je sursaute de frayeur. Décidément !


‒ Jésus-Christ ! hurlé-je en me tenant la poitrine. 


Bon Dieu, qui est cet homme qui apparaît et disparaît comme par magie ? En plus toujours vêtu de noir. Il n'a pas d'autre couleur dans son dressing ? C’est dingue ça !


‒ Vous vouliez me voir ?


Sa voix fait souffler encore le vent.


‒ Je… vous m'avez fait peur. Je ne vous ai pas entendu arriver.


Il soupire. Je crois qu'il s’impatiente. Je veux voir son visage mais impossible à cause de l’obscurité. Juste ses yeux bleus percent cette obscurité. Sa peau blanche aussi mais elle ne laisse rien paraître de son apparence. 


‒ Voilà, au fait, vous vous souvenez m'avoir dit qu’à chaque mal il y avait un remède ?


Il me regarde sans répondre.


‒ Voilà, j’ai enfin trouvé mon remède. 


Je puise ma force dans un long souffle.


‒ Je veux que vous m’emmeniez avec vous.

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