Episode 4 : " Maitre du jeu "
Write by MSoH
Episode 4 : « Maitre du jeu »
J’ouvre mon frigo et je vide le fond d’un carton de lait déjà bien entamé. Je le recrache aussitôt dans l’évier.
- Beurk !
J’ai la dalle mais j’ai pas envie d’être en retard. Je sors de chez moi l’estomac dans les talons.
Malgré la famine qui me taraude, j’accroche mon sourire de « dandy » sur mon visage et je fais le tour de l’étage en distribuant ça et là des « oh, mais tu as perdu du poids toi ! » à quelques infirmières bien maigrichonnes et des « elles sont jolies tes boucles d’oreilles » ou des « tu es radieuse » aux plus empotées. C’est un peu une sorte de rituel avant d’aller à mon bureau. Et puis, ça leur fait toujours plaisir.
Je vérifie mon agenda. Deux rendez-vous et une prise de contact. Dans mon métier de psychologue, la prise de contact est l’étape ultime avant d’entreprendre quoique ce soit. C’est comme les préliminaires. Elle nous ouvre la voie la plus sûre pour pénétrer n’importe quel esprit.
Je balaie mon bureau du regard et je finis par me prendre la tête entre les mains. Je souffle et je compose le 441, quelques secondes passent et elle frappe à la porte. Je prends cinq secondes pour admirer sa silhouette à travers le vitrage épais de la porte. Elle est bien foutue me secrétaire. La porte s’ouvre.
- Miss Lena.
Petit sourire de mijaurée. C’est sûr elle craque mais bon, c’est moi qui décide comment les choses doivent se passer.
- Désolée, je les ai oubliés.
Comme tous les matins mais je peux bien te le pardonner. Continue juste d’être aussi bandante Lena.
Elle pose trois chronos et me sourit une fois de plus.
- Vous avez besoin d’autre chose ?
Bien-sûr ma chérie, j’aimerai bien te jeter sur ce canapé et te faire des choses terribles.
- Monsieur ?
- Oui ?
- Je demandais si vous aviez besoin d’autre chose.
- Euh non. Merci !
Elle se retire dans un balancement de fesses digne d’une pornstar.
Les rendez-vous avec madame Lumière MOSSAKA sont tellement chiants. Cette femme a eu la vie la plus ennuyante que j’ai jamais eu à écouter. Pour faire court, Lumière MOSSAKA a été abandonnée par son mari pour une autre après six ans de mariage. Elle a dû lui laisser les enfants. A la mort de monsieur, les enfants ont retrouvé leur mère et c’est comme si leur père n’avait jamais existé. Comme toute maman afro qui se respecte, sa vie est rythmée par les tontines, l’église et les quelques visites de ses enfants devenus de vrais français. Ca n’a pas été difficile pour un charlatan de la convaincre qu’elle était atteinte d’un cancer. Elle a dépensé des sommes folles en avalant des bouillons de pattes de lézard et de mauvaises herbes jusqu’à ce que ses enfants décident de prendre cette affaire en main. Une fois ici à Lyon, le docteur YURGEN ne lui a rien trouvé. Même pas un rhume. Mais Lumière se sent toujours cancéreuse. Voilà pourquoi son médecin traitant l’a envoyée vers moi.
Allongée sur la chaise longue en cuir noir, je la sens triste.
- Dites-moi, vous avez quelqu’un dans votre vie ?
- Oui, j’ai mes enfants par la grâce de Dieu.
- Non, je ne parle pas de vos enfants.
- Ah donc il y a mes petits-enfants.
- En fait je parle d’un homme.
Elle se redresse et ouvre grand les yeux.
- Hein ?
- Je crois que vous avez besoin que quelqu’un en l’occurrence qu’un homme vous tienne compagnie. Vous avez besoin de partager votre vie et votre lit avec un homme.
- Non mon fils, je ne fais pas ces choses. Tu veux que le pasteur me chasse ?
Coudes sur les genoux, j’enlève mes lunettes et je l’observe un moment.
- Ne soyez pas gênée. Vous ne devinerez pas le nombre de femmes comme vous qui du jour au lendemain décident de rencontrer quelqu’un. Y a pas d’âge pour être heureux tout comme y a pas d’âge pour faire l’amour.
J’ai l’impression qu’elle va tomber dans les pommes. Je pousse un verre d’eau vers elle.
- Vous êtes encore toute jeune alors, faites-moi plaisir ?
- Comment ça mon fils ?
Je sens ma mâchoire se crisper. Encore ces « mon fils ».
- Faites-vous plaisir madame MOSSAKA.
- Ce que tu demandes là est compliqué papa !
Ah OK ! Je suis plus le fils, suis maintenant le papa !
- Je vais essayer hein mais pardon, faut pas dire ça à ma fille parce que les enfants ne comprennent pas ces choses.
Je lui fais un petit sourire.
- Ne vous inquiétez pas, tout ce que nous nous disons est confidentiel.
- Ah faut pas parler comme les pasteurs au pays heun. Tu te confesses, il prend pour amener chez la voisine.
Je souris à nouveau.
- Bien, cette session est terminée.
Je griffonne quelques notes sur mon agenda et je la raccompagne jusqu’à la porte où l’attende sa sœur et sa fille. Celle là, toujours la même allure stricte d’ancienne gouvernante d’internat. Elle peut pas actualiser sa garde-robe ? Heureusement j’ai juste à tourner la tête pour apercevoir la miss Lena. Je lui lance un sourire, elle répond en gloussant.
Vendredi soir.
En sortant du bureau, j’ai laissé une Lena sans voix mais je suis certain qu’elle sera là ce soir.
J’arrive au QG vers 23h. Il y a une file monstrueuse devant les portes. Heureusement que je connais les videurs. Je marche direction les portes sans me soucier des regards qui me sont adressés. Arrivé au niveau des videurs, un crétin sort du rang pour me dire deux mots.
- Tu fais la queue comme tout le monde nan ?
Je me retourne et je réponds.
- Nan, ça m’intéresse pas de jouer à faire le mille-pattes.
- Quoi ?
Le baraqué à la porte veut intervenir mais je lui dis de laisser. Le crétin regagne sa place dans le rang. Je lui glisse deux mots concernant une certaine Lena et au moment où je dois franchir le cordon de sécurité, une petite idée me traverse l’esprit. Je vais jusqu’au niveau du crétin, il est accompagné, ça tombe bien. J’enfonce les mains dans les poches.
- Hey !
- Qu’est-ce que tu me veux ?
- Nan, je m’adresse à elle.
Ses yeux deviennent rouges et elle, elle doit être en train de se demander comment ça se fait qu’un gars comme moi je sois planté là pour elle. Elle balbutie et ça me fait rire. Sous le regard assassin de son petit-ami, je prends quelques secondes pour lui demander son prénom, son âge et ce qu’elle fait dans la vie.
- T’es là pourquoi ?
- Juste danser un peu.
- OK ! Ça te dit d’entrer avec moi ?
- Quoi ?
Il dit enfin un mot.
Elle me regarde, elle le regarde. Elle me regarde, elle le regarde.
Elle me regarde, elle le regarde. Faut qu’elle arrête, elle va me donner le tournis.
- Euh oui.
Elle attrape la main que je lui tends et sort du rang. Son mec vocifère derrière mais bon, il est derrière. Dès qu’on entre, je lui souhaite de passer une bonne soirée et on se quitte tranquille. Moi, je rejoins mes potes à notre table habituelle.
Liam est accompagné d’Alix, la fille du 405. Je dois l’avouer, elle est superbe dans sa robe. Le seul bémol c’est que je trouve ses chaussures un peu trop hautes mais bon, c’est une fille. En attendant Lena, je sirote quelque chose. Bella est en mode « fais gaffe » avec son mec. J’ai même l’impression qu’elle tire la gueule à Alix qui est en train de se trémousser devant nous.
- Qu’est-ce qu’elle a la Bella.
- Je crois qu’elle est jalouse.
- Elle sait bien qu’Alix est venu avec Liam. Qu’est-ce qu’elle imagine, nous sommes certes des salauds mais quand même on s’est jamais partagé une seule fille.
- C’est pas ça. Je crois qu’elle a trop pris l’habitude d’être la seule meuf du gang. Là ça va faire genre quatre fois que Liam se pointe avec Alix.
- Mais elle passe son temps à essayer de nous caser avec ses copines.
- Ses copines tu dis bien Sully ! Ses copines !
Je me lève et je m’en vais danser sur Come on to me de Sean Paul. Elle bouge plutôt bien Alix. Mon téléphone vibre dans ma poche, je regarde. C’est Lena, elle est à l’entrée et me demande de quel côté je suis. J’abandonne ma partenaire en la récompensant d’une bise et je m’en vais chercher mon plan cul du jour ou de cette nuit.
La soirée se passe super bien. Bella a fini par se détendre, elle danse avec son mec. Vu que moi je n’aime pas trop me trémousser, je me contente de les observer. Lena est vraiment pas mal et le fait qu’elle danse avec des mecs dont je ne sais strictement rien ne me dérange pas du tout. Je la trouve encore plus facile c’est tout. Elle passe son temps à glousser dès qu’un mec lui dit quelque chose à l’oreille, puis elle me fait un signe de la main.
La musique est tellement forte que j’entends à peine Alix.
- Parle plus fort !
- Tu peux m’accompagner dehors ?
J’hoche la tête. Je fais un SMS à Liam et on s’en va. Toujours le mille-pattes dehors.
On cherche un coin tranquille. Je m’adosse au mur et je la regarde.
- Arrête de me regarder comme ça lol.
- OK ! C’est juste que …
- Que quoi ?
- Bah que mon pote il a du goût !
Elle sourit.
- Alors, la fille euh… Elsa c’est ça ?
- Lena !
- Ah… Alors Lena c’est ta copine ?
Rire furtif. Quoi moi une copine ? Elle rêve ou quoi ? Non je sais, elle a bu trop de Vodka.
- Quoi ? Mais arrête de ricaner.
- Non, c’est ma secrétaire.
- Je me disais bien.
- Tu te disais quoi ?
- Que si c’était ta meuf tu lui aurais pété la gueule à ce gars qui n’arrêtait pas de la peloter.
Mais je m’en fiche moi.
- Lol, suis pas un gars jaloux chérie par contre Liam l’est. Alors, on devrait rentrer avant qu’il s’imagine des trucs.
Je lui donne la main et elle la prend. Nous retournons à l’intérieur pour terminer cette soirée.
Il est presque 03h quand nous décidons de rentrer. Nous ne sommes pas du genre à attendre la fermeture. Les filles ramassent leurs affaires et nous sortons du club en laissant quelques beaux billets à nos amis de la sécurité.
Liam et Alix se font des bisous à tout bout de champs, ça commence même à me mettre mal à l’aise. J’ai jamais compris pourquoi les gens se sentent trop de se faire des mamours en public.
- Elle est où ta voiture ?
Elle tient sa pochette tellement fort que je ne donne pas chère d’elle. En fait elle a froid mais elle veut se la jouer. Faut pas s’étonner d’avoir froid quand on oublie la moitié de sa tenue à la maison. Je regarde ses jambes et je souris en lui passant ma chemise sur les épaules.
- Je suis venue en taxi.
Quoi ? Comment ça elle est venue en taxi. Elle a bien une voiture. Bon c’est pas la grande classe mais elle trottine bien avec d’habitude.
- Euh… Tu rentres pas toi ?
Je reste cinq secondes avant de répondre.
- Non, y a ma sœur qui a besoin d’aide pour un truc.
Je n’ai pas de sœur mais faut que je dise quelque chose.
- A cette heure ?
Elle n’est pas conne cette fille.
- T’inquiète, je vais dire à Liam de te déposer.
- Suis pas venue ici pour ton pote.
- Euh, je t’ai dit que j’ai pas de temps là.
- OK !
- Alors ?
- Alors quoi ?
- Liam, il te dépose ?
Elle peste. Ce genre de truc chez les filles, ça m’énerve. Attends, tu dois rentrer chez toi alors même si c’est à dos de chameau vas-y.
- Non merci, je vais me débrouiller.
- Sûre ?
- Ouais.
- OK !
Je m’engouffre dans ma voiture direction mon petit chez moi. Elle boude mais bon, elle a fait son choix, elle veut quoi ?
J’ai pas raccompagné Léna pour une seule raison. Je vais pas coucher avec quand elle le décide. Elle ne va pas se servir de moi pour assouvir ses pulsions, je refuse d’être son sex-boy. Si seulement elle était venue avec sa voiture l’air de rien, je suis sûre qu’à ce moment elle serait en train de chanter au micro. Pourquoi être si prévisible ? Je suis sûre qu’elle avait plus de stabillo sinon elle serait venue avec une pancarte « PRENDS MOI CE SOIR ».