Episode 5
Write by Mona Lys
5
***LIEUTENANT FLYNN
Encore une journée sans rien. Absolument rien qui puisse me redonner de l’espoir. Rien qui pourrait me faire avancer. Faute n'est pas d’essayer. Je ne fais que creuser sans voir la lumière au bout du tunnel. J’ai l’impression que tout m'a été fermé. Je ne cesse de chercher ce petit truc qui me permettrait de relancer une enquête contre les IVANOV. Mon supérieur m'a mis à pied plusieurs fois parce que je devenais obsédé. Je le suis toujours. On m'a interdit de lancer une quelconque enquête contre Dark et ses affaires louches. A condition que j’aie un élément très important qui pourrait me faire vite avancer pour coincer ces mafieux. Je perds la tête à force de réfléchir. Ma survie ne dépend que de cette histoire. Il me faut coincer ces gens, Chris surtout, à tout prix. Ça me fout les boules de le voir se pavaner dans ce pays, être mis à la une des magazines comme un modèle de société et courtiser des hommes politiques. Plus les mois passent, plus sa notoriété prend de l’ampleur. Cet homme doit payer pour tous les meurtres qu’il a commis de sang-froid. Il doit payer pour toute cette jeunesse qu'il détruit avec sa drogue. J’ai l’impression d’être le seul à vouloir sa disparition totale de la surface de la terre. Il est adulé par tous. Il me faut révéler son vrai visage au grand jour. Dark doit tomber et ses acolytes avec lui.
Du boulot, je descends dans le bar à strip-tease dont je suis un fidèle habitué. Je reste assis devant le bar à siroter mon verre de gin-tonic. Je continue de réfléchir à comment parvenir au bout de ma mission. Toute ma vie n'est que réflexion. Des putains de réflexions qui n’aboutissent à rien. Je garde cependant espoir qu'un jour, un petit détail me viendra et ce petit détail précipitera la chute des IVANOV.
Mon portable dans la poche de ma veste vibre.
« Je suis en haut. »
Je vide mon verre, pose un billet en dessous. J’emprunte les escaliers dans le fond de la salle. Ils me mènent plus haut à un couloir où se trouvent plusieurs chambres. J’entre dans la première sur ma droite. Elle s'y trouve.
— Tu n'as pas bonne mine aujourd’hui.
— Beaucoup de boulot.
— Viens donc que je te détresse.
Elle me pousse sur le lit sur lequel je me laisse tomber comme un sac. Elle se charge de me dévêtir et de s'occuper de moi comme toutes les fois que nous nous rencontrons. Elle c'est la strip-teaseuse que je fréquente depuis un long moment. Il n'y a rien de plus entre nous que du plaisir. Je la paye pour qu'elle m'en procure. Nous avons fini par être plus que ça. Enfin, nous papotons des fois mais rien de plus. Rien que des choses basiques. Je n’ai pas de vie amoureuse. Je n’ai plus de vie, si je peux le dire ainsi. J’ai fréquenté une femme, il y a des années en arrière, mais elle a fini par me quitter après m’avoir supporté trois ans. Mon obsession pour Dark me faisait manquer les moments importants avec elle. Je n’étais presque jamais présent pour elle et quand je l’étais, c’est à peine si je lui accordais de l’attention. Puis un jour, alors qu’elle était enceinte, elle a eu un incident. Elle m'a appelé sans relâche pour que je vienne la conduire à l’hôpital. Moi de mon côté, je refusais de prendre ses appels parce que j’étais sur une piste qui se disait fiable pour pincer Dark. Finalement je n’ai pas eu gain de cause et elle a perdu notre bébé. Ça a été la goutte de trop pour elle. Elle est partie et depuis je n’ai plus voulu de relation. Il n'y a pas de place en ce moment pour l’amour dans ma vie. Je me remettrai sur le marché quand j'en aurais terminé avec ces mafieux de merde.
Nous restons dans le lit à récupérer nos forces. Un drap couvre ma nudité tandis qu'elle ne se cache pas. Je m'allume une cigarette. Je rejette la première bouffée dans les airs.
— J’aurai besoin de tes services de flic.
— Pour quoi ?
— Retrouver une amie. Disons ma colocataire. Elle était censée se rendre chez son imbécile de petit ami mais Dieu seul sait ce que ce vaurien lui a fait. Il est très violent avec elle. Va savoir la raison qui la retient à ses côtés. Ça ne m’étonnerait pas qu'il l'ait séquestrée une fois de plus.
— As-tu une photo d'elle ?
— Oui ! Voilà !
Elle me montre une photo beaucoup trop modifiée par un filtre. Les gens de cette génération ne vivent que par ça. Les gens nous rapportent des photos de personne disparues avec toutes sortes de filtres. Ils n'ont plus le temps pour se faire de vraie carte comme au temps jadis.
— Il n'y a-t-il pas de photo normale ?
— Si. Attends que je fouille.
Elle m'en montre une plus réaliste. Je lui demande de me l’envoyer sur WhatsApp. Chose faite. Elle se cale contre moi et continue de faire défiler ses photos. Je les regarde avec elle avec négligence. Elle s’arrête sur une photo d'elle à la plage.
— Tu trouves que mon corps il a changé de cette photo à maintenant ? me demande-t-elle. J’ai l’impression d'avoir pris du poids au point d'avoir des bourrelets.
— Non, tu n'as pas vraiment…
Un détail sur la photo attire mon attention. Je me redresse et lui prends le portable des mains.
— Quoi ?
Je zoome afin de mieux voir les deux personnes derrière.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
Il y a exactement Toni et Inayah IVANOV sur cette photo. On les voit clairement, tous deux en train de rigoler. Si mes souvenir sont bons, elle avait déclaré ne l'avoir jamais vu en dehors du supermarché dans lequel elle bossait. Voici ici la preuve que non. Je regarde les détails de la photo et la date à laquelle elle a été prise correspond au jour où il m’avait parlé de sa sortie avec elle. Je crois la veille ou quelques jours avant son assassinat. Je m’envoie la photo sur WhatsApp.
— Je dois y aller, dis-je en sortant tout nu du lit.
— Quoi ? Mais dis-moi ce qu'il y a.
— Tu viens de me donner une lueur d’espoir, lui dis-je en enfilant mon jean.
Je pose plus de billets qu'il n'en faut sur le lit et je pars sans attendre. Il me faut bien exploiter ce petit détail pour prendre les IVANOV dans mes filets. Si je réussis à prouver que Toni fréquentait Inayah et qu'ils étaient ensemble le jour de son meurtre, je pourrais aussi prouver que c’est Dark qui est l'auteur de ce meurtre parce qu’à cette période, Inayah était beaucoup trop faible pour pourvoir tirer sur un homme et nettoyer la scène du crime sans y laisser ne serait-ce qu'un cheveu comme preuve de sa présence sur ce lieu.
*Mona
*LYS
— Monsieur, permettez-moi de rouvrir l’enquête du meurtre de Toni, je vous en supplie.
— FLYNN, passez à autre chose. Vous vous détruisez à petit feu. Foutez la paix à cet homme. Personne n’a jamais rien trouvé sur lui.
— Moi je le peux. Permettrez-moi juste d’enquêter de nouveau. Vous n’avez rien à perdre.
Il me regarde longuement puis soupire.
— Ok. Vas-y ! Mais s’il n’y a rien jusqu’à la fin de cette année, c’est terminé. On boucle à tout jamais le dosser Chris IVANOV.
— Ça marche !
*Mona
*LYS
Avec une excitation qui ne dit pas son nom, je me rends dans la salle d’interrogatoire. Quand j'ouvre la porte, je sens une force me quitter quand mes yeux rencontrent ceux d’Inayah. Je ne l'ai plus rencontrée d'aussi près depuis deux ans et aujourd’hui je la trouve… changée. Elle est différente de la jeune fille fragile et naïve que j’ai eu à intimider dans le passé. Il est vraiment dommage qu'une si belle femme se soit attachée à un être comme Dark. Que lui trouve‑t‑elle ?
— Je peux savoir la raison de ma convocation, Lieutenant FLYNN ?
Je me maîtrise et m'assois en face d'elle. Je glisse sous ses yeux un cliché de la photo.
— Reconnaissez-vous ces deux personnes ?
Elle regarde. Je la fixe attentivement pour déceler une quelconque expression faciale qui trahirait ses dires.
— C’est moi, dit-elle tout naturellement.
— Vous n’êtes pas seule.
— Bah avec un homme dont je ne me souviens.
Elle me fixe. Il n'y a aucune expression sur son visage. Elle a été bien formée par ce démon.
— C’est Toni STILLER. Il y a deux ans je vous avais demandé si vous le connaissiez et votre réponse a été…
— « Non, je ne le connais pas. Le visage me dit quelque chose. Je crois qu’il est venu faire des courses plusieurs fois dans le supermarché où je bosse. Mais je ne le connais pas personnellement ». Oui je me souviens de ma réponse. Qu’est-ce qu’il y a ?
— Là on vous voit bien discuter avec lui. Alors comment avez-vous pu affirmer ne pas le connaître quand vous aviez été à la plage avec lui ?
— Je suis allée seule à la plage ce jour-là. Je crois qu'il m'avait accostée pour la drague, si vous voyez ce que je veux dire.
— Vous auriez pu le signifier il y a deux ans.
— Je ne me souviens pas de tous mes prétendants. Je ne leur accorde généralement aucune importance.
— Mais là, vous riez bien avec lui ?
— J’ai dit que je ne leur accordais aucune importance. Pas que j’étais indifférente aux blagues.
— Nous…
— Lieutenant FLYNN, où voulez-vous en venir ? J’ai un dîner ce soir.
— Je veux en venir au fait que vous avez fréquenté Toni et ensuite Dark l'a tué parce qu’il représentait un danger pour lui.
— Alors affaire classée. Foutez-moi en prison pour qu’enfin vous puissiez vivre en paix.
Elle sourit. Son regard se fait profond à tel point que je me sens mal à l’aise. Je reviens à moi dans un raclement de gorge.
— Pourquoi avoir décidé de rester aux côtés de cet homme alors que vous êtes si différents ?
— La question est plutôt, pourquoi fantasmez-vous sur la femme de cet homme ?
— Pardon ? fais-je décontenancé.
— Depuis que vous êtes entré dans cette salle vous n’avez fait que regarder mon décolleté. Je vous ai vu être mal à l’aise un moment.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez.
Je me rassure de garder mon sang froid car le contraire pourrait jouer contre moi. Contre toute attente, elle se lève, dévoilant par-là ses cuisses non couvertes par sa mini robe. Je relève les yeux assez rapidement sur le mur. Elle marche vers moi.
— Que faites-vous ? je demande, troublé.
Elle se permet de s'asseoir sur la table juste devant moi.
— Madame, veuillez retourner à votre place.
— Vous avez envie de toucher hein ? suppose-t-elle en indiquant ses cuisses, avec une voix sensuelle. Je parie que vous êtes tout excité en ce moment.
— Madame, ne me poussez pas à vous arrêter pour…
— Pour ?
Je me lève et je lui saisis le bras. Ce contact a pour seul don de me mettre devant une horrible évidence.
— Lâchez tout de suite ma femme !
Dark fait irruption dans la salle. Je libère le bras de sa femme.
— Cessez d'importuner ma femme pour des affaires qui ne la concernent pas.
— Le meurtre de Toni la concerne. Une photo datant d'il y a deux ans montre votre…
— Je ne veux rien savoir. Si vous n'avez pas de preuves palpables l'incriminant, ne la dérangez plus jamais de votre vie. Ou je porte plainte pour harcèlement.
Il prend le bras de sa femme et la trimballe à l’extérieur. Je ne sais par quelle force, le dernier coup d’œil que je leur jette tombe direct sur le fessier de Mme IVANOV.
— Fais chier !
***INAYAH
Le dîner avec le partenaire d'affaires de Chris se passe dans une ambiance vraiment joviale qui me met très à l’aise. Ça n'a absolument rien à avoir avec les dîners entre les gens de l'ombre. Nous sommes à un dîner d'affaires concernant les entreprises des deux hommes présents. Pendant qu'eux discutent entre hommes, la femme de notre invité et moi papotons des trucs de femme de notre côté. Nous échangeons en anglais. J’ai appris la langue et bien d’autres.
— J'adore vos boucles, je la complimente sincèrement.
— Merci ! C’est Jacob qui me les a rapportés de Turquie lors d'un de ses innombrables voyages d'affaires. Je devine que Chris vous gâte autant, surtout quand je vous vois briller de mille feux ce soir. Votre collier est étincelant.
— Merci !
Collier et autres bijoux que je me suis moi-même achetée. Des cadeaux, il n'en existe pas entre nous. Il gave mon compte bancaire d'argent pour que je puisse m'offrir tout ce que je désire. Je ne crois d’ailleurs pas que ce soit son genre d'offrir des cadeaux. J’apporte mon verre à mes lèvres en souriant pour camoufler mon malaise. Je tourne vivement la tête en sentant quelque chose se poser sur ma cuisse. C’est la main de Chris. Je lève les yeux sur lui. Il continue de discuter comme si de rien n’était. Il n'a pas l'air de se rendre compte de son geste. J'en suis profondément troublée et excitée à la fois. En voulant prendre sa coupe, il s’aperçoit de la position de sa main. Il me regarde, déconcerté et retire sa main. La soirée se termine sur une bonne note malgré la petite gêne. J’aime bien la femme. Elle est différente de toutes les bécasses que je rencontre dans les soirées de l'ombre. Chris et moi montons dans la même voiture mais à peine elle démarre que chacun de nous se concentre sur son portable. Depuis l’incident avec Shana, je me suis mise un peu en retrait, le temps pour moi de digérer tout ça.
Je jette un coup d’œil à mes nouvelles paires de Louboutin. Je les ai reçues le lendemain de l’incident avec Shana et ma dispute avec Chris. Le proprio du magasin avait tout simplement envie de me faire ce joli cadeau, selon le petit mot qui se trouvait à l’intérieur du carton. Ça m'a semblé bizarre mais j’ai pris mes chaussures avec joie. Une autre chose qui m'a sacrément rendue heureuse, c’était de savoir que je n'avais pas tué Toni. Je me détestais tout ce temps d'avoir tué un homme bien qu’il s’était foutu de moi. Ça m'a arraché une grosse épine du pied. Il y a eu comme un vent frais qui m'a soufflé toute cette nuit-là.
Je souris en lisant le long message laissé par Shelby sur WhatsApp. Elle me raconte sa folle journée d’aujourd’hui, pleine d’incidents. D’abord son talon aiguille qui se casse alors qu’elle était super en retard, sa voiture de service qui tombe en panne, donc obligée de prendre un taxi. Bref, plein de trucs qui me font rire doucement pour éviter de déranger Chris. Un gros choc vient tout à coup secouer la voiture. Nous sommes bousculés dans tous les sens. Je ne me rends pas compte de ce qui se passe. J’ai le tournis. La voiture est en train de faire plusieurs tonneaux. Je suis effrayée. Je ne sais pas ce qui se passe. Je ne fais que hurler. Je n'entends juste que des bruits de verre qui se brise. La voiture se stabilise mais nous sommes dans une position renversée.
— Qu’est-ce qui se passe ? je demande avec la panique dans la voix.
— Je crois que nous venons de faire un accident, me répond Chris qui brise la vitre d'un seul coup de pied. Sors vite de là. La voiture va exploser.
J'essaie de bouger mais impossible.
— Chris, je suis coincée, je l’informe de plus en plus prise de panique. Le siège du chauffeur m'a bloqué les jambes.
— Merde !
Je vois le feu s’élever à l'avant de la voiture. Je crois que le chauffeur est mort. Il ne bouge pas. J'entends Chris appeler ses hommes en russe et leur demander de venir l'aider à me faire sortir de là. Je sais que ma vie ne tient qu’au bout d’un fil depuis que je suis mariée à Chris. Mais je refuse de mourir calcinée. Je refuse cette souffrance avant la mort. Pendant que les hommes essaient de dégager le corps du chauffeur, le feu s’intensifie.
— Chris !!!
— Je suis là, Inayah. Nous allons te faire sortir de là.
Ils parviennent à démonter la portière du chauffeur et à le faire sortir, difficilement. Le siège bouge et je peux enfin sentir mes jambes. C’est Chris principalement qui vient me donner un coup de main.
— Accroche-toi à moi, m’intime-t-il.
Je n’ai pas d'autre choix de toute façon. Je lui agrippe le bras de toutes mes forces. Il me tire encore et encore jusqu’à ce qu’enfin mon corps tout entier soit hors du véhicule en feu. J’ai perdu une chaussure dans la voiture. Je balance la deuxième avant de fuir loin. Nous sommes projetés par l’explosion de la voiture. Nos hommes accourent pour nous aider à nous relever et nous mettre en sécurité. Les gens autour sont en panique totale. Il y a un peu plus loin, une camionnette encastrée dans un poteau. C’est sans doute lui qui nous est rentré dedans.
— But what the hell happened ? (Mais que s'est-il passé, merde ?) s’énerve Chris contre ses hommes.
— Cette camionnette sortie de nulle part a foncé sur vous. Le chauffeur a mis les voiles.
— Retrouvez-moi ce…
Des coups de feu retentissent et les deux hommes devant nous s’écroulent à nos pieds. Des hommes armés marchent vers nous.
— Der'mo ! (Merde ! en russe).
Chris sort son arme et tire sur l’un d’eux qui tombe dans un cri. Une rafale de balles est tirée contre nous. Chris, très rapidement, me pousse derrière une voiture. Je m’assois en ramenant mes jambes contre ma poitrine. Il me rejoint et me couvre de son corps comme une sorte de bouclier. J'entends le reste de nos hommes qui donnent l'assaut et c’est parti pour un échange de coups de feu en pleine ville et en pleine nuit. Heureusement que les rues sont presque désertes vu l'heure. Chris me serre de plus en plus fort contre lui. Il pose un bras sur ma tête pour la protéger. Je suis consciente de la dangerosité de la situation, surtout que ce jour est peut‑être le dernier de ma vie. Mais je me sens vachement bien dans cette position. C’est la première fois que je suis autant proche de Chris. Je me trompe peut-être mais je sens qu’il me protège pour de vrai.
Les coups de feu prennent fin. Nous nous redressons lentement. Chris est le premier à vérifier l'état de la situation. Je pousse un soupir de soulagement en entendant la voix d'Alana qui est arrivée en renfort. Nous n’avions pas eu besoin d'elle puisqu’il s’agissait d’un dîner des plus normal. De plus elle avait une autre affaire à gérer.
— Comment allez-vous ? s’enquiert-elle avec inquiétude en nous aidant à nous relever.
— Conduis Inayah à l’hôpital pour se faire examiner. Moi je rentre. J’ai besoin de voir clair dans cette histoire.
— Non Chris, dis-je en lui retenant le bras. Je reste avec toi. Si tu rentres, je rentre également.
— Nous avons fait un accident. Tu dois…
— Je vais bien. Juste une douche, une robe neuve et je serai de nouveau au taquet.
Il me regarde un instant. Un des hommes rapproche de nous une autre de nos voitures. Chris me prend la main.
— Je veux des réponses avant demain, dit-il à sa sœur.
— Tu les auras.
Il me fait monter avant de faire de même de l'autre côté. Il grimace en se tenant le côté.
— Tu as mal ?
— Non. Tout va bien.
Le chauffeur démarre et passe entre les corps étendus sur le bitume.
Avec soulagement, j'entre dans ma chambre. Je m’y sens en sécurité. J’ouvre la fermeture-éclair arrière de ma robe et sans la retirer, je m’assois par terre. Cette soirée a été trop mouvementée pour moi. J'ai connaissance du monde dans lequel je suis entrée. Un monde de feu et de sang. Mais c’est bien la première fois que je suis autant secouée. Un accident suivi d'une fusillade. C’est une chance que je ne me sois pas prise une balle. Loulou qui a senti mon angoisse et le tremblement de mon corps vient se blottir contre moi. Le caresser m'apaise au point de faire passer les tremblements.
— J’ai besoin de prendre une douche, Loulou. Je reviens.
Je me relève et retire ma robe. Je prends peur en voyant du sang sur moi. Suis-je blessée ? Ai-je pris une balle ? Je regarde ma robe mais je n'y trouve aucun trou. Elle est juste humide sur une partie. Mouillée par du sang. Je me regarde de partout sans voir de blessures en dehors de quelques bleus çà et là. Si ce n’est pas moi, alors qui s'est ? Est-ce Chris ? Je me souviens l’avoir vu grimacer. Je dois m'assurer qu’il aille bien.
J’entre dans la salle de bain prendre rapidement une douche sans cesser de vérifier que je n’ai rien. J’enfile une petite robe de nuit aux manches très fines. Loulou me suit jusque devant la porte de la chambre de Chris.
— Chris ? je l'appelle en frappant. Chris tu es là ? Je suis venue voir si tout va bien.
Je n’ai aucune réponse. Je tourne le poignet et la porte s’ouvre.
— Couché Loulou. Je vais voir s'il va bien.
Le chien se couche aussitôt devant la porte. J’entre et la première chose que je vois, ce sont les vêtements tachés de sang jetés par terre. C’est lui qui est blessé. Je balaie la pièce du regard sans l’apercevoir. Je vois cependant la porte de la salle de bain grandement ouverte. Je m'y aventure à pas de loup. J’entends faiblement des gémissements étouffés. J’avance encore un peu et je peux voir Chris, debout devant son énorme lavabo, essayant de retirer quelque chose de son ventre. Il y a des gouttes de sang qui tombent sur le carrelage et dégoulinent sur son pantalon. Il parvient à faire sortir une petite chose que je ne peux identifier et la jette dans le lavabo. Le bruit ressemble à celui d'un métal.
— Chris ! je l'appelle dans un souffle.
Il tourne la tête vers moi pendant que sa main appuie sur la plaie à l'aide d'un tissu.
— Que fais-tu là ? me demande-t-il d'une voix empreinte d’inquiétude. Tu devrais te reposer.
— J’ai vu du sang sur ma robe. Je ne suis pas blessée. Alors j’ai pensé à toi.
Il me regarde sans rien ajouter. Je prends le risque de m’approcher. Je pose ma main délicatement sur sa main qui tient le tissu sur la plaie. Je relève la tête pour voir sa réaction mais il n'en a aucune. Il me regarde avec toujours la même intensité dans les yeux. Je regarde la plaie.
— Ça n'a pas l'air très profond. Tu as reçu une balle ?
— Juste un éclat.
Je rince le chiffon qui est en réalité son débardeur et je nettoie la plaie. Le sang continue de couler mais plus aussi abondamment. Je regarde dans sa trousse de secours posé près de moi et en sors de l'alcool plus des compresses. Je lui prends la main et le fais asseoir sur le rebord de sa baignoire. Il se laisse faire comme un enfant. Je récupère la trousse et m'agenouille devant lui. Je commence à le soigner. N’étant pas confortable, il me rejoint sur la petite moquette.
— Tu t'y connais en soins ?
— Quand tes supposés parents te refusent des soins médicaux à chaque bobo sous prétexte que tu les fais expressément, tu finis par prendre l’habitude de te soigner toute seule. Si nous étions en Côte d’Ivoire, je t’aurais mis des écorces et bam tu ne ressentirais plus rien demain.
Je souris en me remémorant toutes ces fois où j’ai dû me soigner toute seule à l'aide de médicaments traditionnels et médicaux parfois. Je couds la petite plaie et lui mets un pansement.
— Merci ! je l’entends me dire.
— Merci à toi de m'avoir sauvé la vie.
Je baisse un moment la tête.
— Pourquoi ? disons-nous ensemble.
— Vas-y d'abord, me permet-il.
— Pourquoi m’avoir sauvée alors que tes anciennes fiancées…
— Tu es ma femme. C’est différent. Ce serait bête que la femme de Dark meure aussi facilement en ma présence.
Je baisse la tête, un peu déçue. Je m’attendais à une autre réponse. J’entreprends le nettoyage des autres égratignures sur le reste de son corps avec une compresse imbibée d’alcool.
— Pourquoi restes-tu avec tout ce que tu vois ? Une autre se serait enfuie dès la première mare de sang.
Je souris.
— Tu n'es plus une femme désespérée comme il y a deux ans, continue-t-il. Tu as ton entreprise qui connaît un succès épatant. Et tu n'as qu’à demander pour avoir trois fois plus, très loin d'ici. Alors pourquoi restes-tu ?
— Peut-être parce que ce n’est pas le matériel qui me retient ici, mais plutôt une personne.
Il plisse les yeux.
— Je suis sans doute dingue mais… je ne veux pas partir loin de toi, lui avoué-je dans les yeux en caressant doucement son torse avec la compresse. Tu t'en fiches vraisemblablement mais je tiens à toi. Je n’ai pas choisi de tomber amoureuse de cet homme si ténébreux que tu représentes. Malgré tout le danger qui mine ma vie, je veux être là, près de toi et pour toi. Avec Sébastien, j’avais envie de fuir très loin mais je n'avais où aller ni de quoi m'en sortir. Avec toi, je peux aller dans tous les pays du monde avec tout l'or du monde. Mais tu représentes à toi tout seul les multiples raisons de rester.
Je souris tristement et termine ce que je faisais.
— Je ne suis pas un homme pour toi. Je suis mauvais. Je tue des gens sans pitié et sans aucune once de regret.
— Pas avec moi. Tu m’aurais laissée mourir ce soir sinon. Laisserais-tu quelqu’un me faire du mal ? Ou le ferais-tu toi ?
Je plonge mon regard dans le sien en attendant sa réponse. Ses yeux bleus me déstabilisent comme à chaque fois mais je maintiens mon regard pour espérer lire dans le sien une quelconque émotion. Il me regarde, sans me répondre. Comme j’ai envie de… Il m'attire subitement contre lui et capture mes lèvres. Je suis vrillée à la seconde. Non, je suis sous le choc. Je jette ce que je tiens et m'agrippe à son cou pour approfondir le baiser. Nos gestes se font fougueux. Je me retrouve assise sur ses jambes en un seul mouvement de sa part. Ses mains glissent sous ma mini robe et font la navette entre mon dos et mes fesses. Je sens son membre durcir contre ma fleur et j’en deviens folle. Je commence tout doucement des mouvements de hanche sur l'objet de mes fantasmes. Il grogne. Ce grognement m'encourage à aller plus fort. J’en ai marre de patienter. J’ouvre, avec des tremblements de main, son pantalon et sors le mini Dark. Il comprend mes intentions. C’est alors lui qui décale la ficelle de mon dessous, me relève un peu et PLOUF me fait empaler d'un coup sur lui. Le cri de plaisir que je pousse dans mon orgasme fait aboyer Loulou depuis sa position.
— Chris ! dis-je dans un gémissement.
Il me fait un suçon dans le cou et mon excitation décuple. Comme une folle, je tourne les reins, chevauche et fait des glissades devant derrière. Je fais des choses dont je ne m'en pensais pas capable.
— Chris !!!
— Meleğim !
Je ne sais pas ce que ça signifie mais la douceur avec laquelle il l'a dit me rend dingue. J'ouvre subitement les yeux quand il se lève avec moi encastrée sur lui. Je m’accroche par réflexe. Il nous conduit sur le lavabo sur lequel il me fait asseoir, tout au bord. Il me regarde avec un regard si brûlant de désir que je suis brûlée en retour dans mes reins. Il cale une de mes jambes dans le creux de son coude. Il dit encore un truc dans une langue que je ne connais et BIM BAM BOUM, il me fait l’amour comme jamais on ne me l’avait fait. Je vois la lune, le soleil et les étoiles en une seule seconde. Le chien se remet à aboyer mais au bout d'un moment il s’arrête. Il a fini par comprendre que maman n'est pas en danger. Elle prend juste du plaisir.
Je me réveille dans le lit de Chris, toute seule. Ou du moins avec Loulou. Le côté de son lit est intact. Ses clés de voiture ne sont pas là. Où a-t-il pu aller à 2h du matin ? Peut-être régler le problème que nous avons rencontré. Je soupire et me recouche.