Épisode 6
Write by Mona Lys
6
TRAVON YITU WILLAR
Je bois la dernière goutte du thé qui me permet d’être encore éveillé jusqu’à cette heure tardive de la nuit. Je fais craquer ma nuque en exaltant un soupir. Je me dois de boucler certains dossiers cette nuit. Je peux très bien le faire plus tard mais j’ai pris l’habitude de travailler tardivement. Le silence m’aide à mieux me concentrer. Le calme de la nuit m’aide à réfléchir plus posément. Il faut que j’aille me faire une autre tasse de thé à la cuisine si je veux tenir encore longtemps. En me massant l’arête du nez je sors de la pièce nouvellement aménagée pour qu'elle me serve de bureau. Une fois dans la cuisine, je lave la tasse déjà utilisée et je commence à me préparer une autre tasse de thé.
‒ Tu ne dors pas ?
J’émets un léger sursaut en me retournant vers la voix. C'est Murima, la nouvelle gouvernante.
‒ Non j’ai du boulot. J’avais besoin de thé.
‒ Laisse je t'en fais.
Avant que je ne puisse lui dire de ne pas se déranger elle m'a déjà pris le sachet de thé des mains. Je m’éloigne en la regardant faire. Arrêté derrière elle je me creuse les méninges la concernant. C’est fou mais j’ai cette sensation de la connaître. Peut-être que ça remonte à mon enfance ou peut-être l'ai-je déjà vu lors d'un de mes nombreux voyages d’affaires. Je remarque sur le dos de son épaule, un tatouage. Je vois juste trois lettres ‘‘TRA’’
‒ Voilà. Tiens.
Elle me tend la tasse avec un sourire et un regard plein de tendresse.
‒ Merci, lui dis-je doucement.
‒ Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais il est peut-être temps de rejoindre ta femme dans le lit. Elle doit se sentir seule.
‒ Je ne vais plus tarder. Encore merci pour le thé.
Je retourne à mon bureau en buvant le thé qui est beaucoup mieux fait que ce que je m’étais fait la première fois. Je reprends le boulot là où je l'avais stoppé.
Je suis ce qu'on peut appeler un obsédé du travail. Mon père m'a élevé ainsi. Le travail, toujours le travail et rien que le travail. Il n'a cessé de me dire que je serais celui qui prendrait les rênes de l’entreprise familiale. Il m'a formé comme le prochain chef de famille. J’ai grandi sans connaître ce que c’était que de s'amuser en boite et tout le reste. Mon quotidien c’était Maison-Ecole, Ecole-Entreprise, Entreprise-Maison. Ça a été comme ça toute ma vie. Je ne connais rien d’autre. J’ai été initié à l’entreprise dès mes 16 ans. C’est seulement lorsque j’ai atteint la majorité que j’ai commencé peu à peu à me détendre, à faire des sorties même si je les faisais que très rarement parce que j'avais toujours mieux à faire. Je ne suis pas très sociable donc les amis, je n'en ai pas vraiment. Mais des connaissances j’en ai plein à faire craquer mon carnet d’adresses.
‒ Travon ?
Je lève les yeux sur mon père qui entre dans mon bureau en desserrant sa cravate. Il revient d'un diner d’affaires.
‒ Que fais-tu encore debout ? M’interroge-t-il.
‒ J'analysais le contrat que tu m’as apporté hier. La personne qui t'a prévenu que les chiffres étaient truqués avait raison. Nous allions nous faire gruger des millions en un clin d’œil. Tu le sors d’où ce partenaire ?
‒ Une connaissance à Pétra.
‒ Tu ne devrais pas faire confiance aux gens si facilement simplement parce qu’ils sont des connaissances à ta femme.
‒ Je sais fiston. J’ai manqué de tact sur ce coup mais ça ne saurait se reproduire.
‒ Bien. Comment était le diner ?
‒ Très bien ? Au fait, j’ai besoin que tu me représentes après demain à une conférence. C’est en Suisse et le vol est prévu dans la nuit de demain.
‒ Ok j’irai.
‒ Merci. Je monte me coucher. Tu devrais en faire autant.
‒ Tout de suite papa.
‒ Bonne nuit fiston.
‒ Bonne nuit.
Il se retourne vers la porte.
‒ Papa attends.
‒ Quoi ? Fait-il en se retournant vers moi.
‒ Cette femme, Murima, la nouvelle gouvernante. Était-elle dans le même quartier que nous avant ou quelque chose du genre ?
‒ Pourquoi ? Demande-t-il les sourcils froncés.
‒ Elle m'est familière. Je ne me rappelle pas l'avoir vu dans mon état adulte alors c’est sûrement lorsque j’étais gosse.
‒ Non. C’est la première fois que nous la fréquentons.
‒ Ok.
Il part pour de bon cette fois. Je termine en une quinzaine de minutes ce que je faisais et je monte me mettre au lit à mon tour. Tout le monde dort déjà. Je me mets au lit près de ma femme après une douche rapide. A peine je m’allonge qu'elle se tourne vers moi. Son bras m'encercle la taille et sa main glisse lentement vers mon boxer. Je l’attrape au moment où elle empoigne mon sexe.
‒ Pas ce soir s'il te plaît.
Elle soupire, retire sa main et me donne dos. Je m'endors en un rien de temps.
Quand je ressors de la salle de bain, je vois Imelda assise sur le lit occupée à se triturer les doigts. Je commence à me vêtir sans en tenir compte.
‒ Bébé, j’ai… besoin de te parler, me dit-elle, l’hésitation dans la voix.
‒ Si ce n’est pas urgent ça pourrait attendre ce soir à mon retour.
‒ Justement ça l'est.
‒ Ok.
Je m'installe sur un pouffe. Elle continue son manège avec ses doigts.
‒ Je… je dois t'avouer quelque chose, commence-t-elle la tête baissée. C’est en rapport avec le fait que je n’arrive pas à concevoir.
Je ne suis pas très surpris qu’elle veuille m’avouer quelque chose parce que je sais qu’elle me cache quelque chose. Seulement je ne sais pas quoi. Le Docteur nous avait annoncé que le problème de conception venait d'elle mais il n'a pas signifié le problème exactement. Il a juste dit que c’était à elle de m’en parler. Je lui ai posé plus d’une fois la question et elle est restée dans le mutisme. C’est ce qui justifie mon éloignement et mon indifférence vis-à-vis d'elle. Je ne peux pas continuer à la chérir tout en sachant qu’elle me cache quelque chose d’important.
‒ Voilà, lorsque j’étais plus jeune j’ai… eu recours à un avortement.
Je lève les pupilles sur elle. Là je suis surpris d'autant plus que jamais elle ne m'avait parlé d’un tel truc.
‒ Mes parents ont exigé que je le fasse pour ne pas interrompre mon cursus scolaire vu que j'avais seize ans.
‒ Woh woh stop. Tu as fait un avortement à seize ans ?
‒ Oui et je n'en suis pas fière. Mais je…
Je me lève et fais un tour sur moi.
‒ Lorsque je t'ai rencontré tu m'as dit n'avoir connu que deux hommes dans ta vie et que ça datait de l’année d’avant notre rencontre. Tu m'avais donc menti ?
‒ Je te demande pardon. Je…
‒ Je n'ose imaginer le nombre d'homme avec qui tu as couché de tes seize ans jusqu’à tes vingt-cinq ans où je t’ai épousée. Combien d’avortement as-tu fait dans cet intervalle ? Et je veux la vérité.
Elle baisse la tête.
‒ Chéri !
‒ COMBIEN BORDEL ???
Elle sursaute de peur et fais un mouvement de recul sur le lit.
‒ Trois, avoue-t-elle dans un sanglot.
‒ Mon Dieu ! Déglutis-je, sonné par cette révélation.
‒ Travon je te demande pardon. Je ne voulais pas te perdre raison pour laquelle je t’ai caché mes mésaventures.
‒ Que tu aies couché avec des hommes ne m’intéresse guère. Mais que tu aies pratiqué jusqu’à trois avortements, tu étais dans l’obligation de me le dire surtout qu’on était appelé à avoir des enfants.
‒ Mon amour pardonne-moi. Je craignais que tu me juges.
‒ Que je te juge ? Comment aurais-tu qualifié toi une fille dans ce cas ? Ne l’aurais-tu pas traité de trainée ? Une fille qui couche à tout va et qui interrompt ses grossesses, comment crois-tu qu'on l’appelle ? Mon Dieu j’ai épousé une pute.
‒ Travon je t'en supplie ne me dis pas ça, m'implore-t-elle, se jetant à mes pieds et en pleurant de plus en plus. J'avais changé de vie avant de te rencontrer. J'avais de ce fait coupé avec tous les hommes jusqu’à faire une année sans rapports sexuels ou relation amoureuse parce que je m’étais imposée que le prochain qui me verrait nue serait celui qui m'aurait mis la bague au doigt. Et tu es arrivée Travon. Je suis tombée folle amoureuse de toi au point où je me voyais déjà ta femme. J'avais changé.
‒ Mais tes trompes non. Tu as vécu ta vie comme tu l’entendais et aujourd’hui c’est à moi d’en payer les frais. Je désire être père mais je dois subir le macabre passé de ma femme. Si au moins j'en avais été informé j'aurais su comment gérer. Tu m'as menti et je ne te le pardonnerai jamais.
‒ Bébé pardonne-moi je t'en supplie. Mes trompes sont encore fonctionnelles. Je suis déjà tombée enceinte de toi.
‒ Ah bon ? Et où est l'enfant ?
Elle se mordille la lèvre comme regrettant d'avoir fait sortir sa phrase.
‒ Je l'ai aussi perdu. Mais c’était un accident. Je ne savais même pas que j’étais enceinte. Il y encore de l’espoir mon amour. On peut encore avoir des enfants.
‒ La bonne blague. Tu sais ce que moi je pense ? Que ce mariage doit prendre fin maintenant. Tu as brisé tous nos vœux. Une relation bâtie sur le mensonge n’a aucun sens.
‒ Oh mon Dieu non ! Non Travon je t'en supplie ne fais pas ça. Je ferai tout ce que je peux pour te donner des enfants. Je t'en supplie ne me laisse pas. Tu es ma seule famille. Je n’ai personne d’autre. Travon mon amour.
Elle continue de pleurer et de me supplier mais je ne m'occupe guère. Je termine de me préparer, je récupère mon attaché-case et je sors de la chambre. Elle me suit en me suppliant. Même dans les marches elle continue. Je suis tout simplement en colère. Je lui claque la porte au nez et je démarre en trombe une fois dans ma voiture. Je suis tellement en colère.
‒ Merde, merde, merde ! grogné-je en cognant sur le volant.
Je voyais en elle la femme parfaite. Elle m'a menti. Qu'elle ait couché avec la terre entière, ce n’est pas mon problème. Mais qu'elle m’ait caché ses avortements je dis non. C’est plus que ce que je ne peux tolérer. J’ai horreur du mensonge. Je peux tout accepter lorsqu’il y a la franchise. Mais lorsqu’on me ment je sors de mes gongs. Je l'aime cette femme. De façon déraisonnable. Mais je ne pense pas pouvoir lui pardonner cette tromperie.
Elle a été mon premier coup de foudre et ma première fois. Pour ne pas mener une vie de débauche à coucher avec toutes les filles qui rencontraient mon chemin, j'avais décidé d'avoir mes premiers rapports avec ma femme. C’est ce que j’ai fait avec Imelda. Après juste un an de relation je l'ai épousé. Je voyais en elle la mère de mes enfants mais surtout ma mère que je n'ai pas eu la chance de connaître. Je lui ai fait part de toutes mes craintes, toutes mes douleurs, tous mes rêves. Mais elle n'en a pas fait autant. Je me sens trahi. Trahi de m’être livré corps et âme à une personne qui m'a fait croire qu'elle avait fait pareil alors que non. Je ne crois pas que je serais en mesure de l'aimer comme avant. Son mensonge a brisé quelque chose en moi.
Toute la journée au bureau je ne fais que ruminer. Impossible pour moi de me concentrer sur les dossiers à traiter. J’ai encore du mal à avaler cette révélation. Elle sait parfaitement que dès l’instant où mes yeux se sont posés sur elle dans ce restaurant, je suis tombé raide dingue d'elle. Alors comment a-t-elle pu penser que je l’aurais quitté si elle m'avait raconté son passé ? Ce ne sont rien d'autres que des excuses. Oui, tous ceux qui mentent prennent comme arguments qu'ils avaient peur de perdre l'amour de l’autre. Bah non les choses ne se passent pas comme ça. Tu dis la vérité et si l'autre part c’est qu'elle ne t'aimait pas assez. Moi je l'aurais quand même épousé malgré ce détail. Mais maintenant qu'elle me le balance après deux ans de mariage je ne crois pas avoir la force nécessaire pour passer aussi facilement dessus. Non pas pour le moment.
Un coup est donné sur la porte de mon bureau et la seconde d’après mon père entre.
‒ Ça va fiston ?
Je range ma bouteille de cognac dans mon tiroir.
‒ Oui papa. Tu as besoin de quelque chose ?
‒ Non. Mais ce matin j’ai entendu Imelda pleurer. Tout va bien ?
‒ Oui. Oui. On traverse une mauvaise passe. Rien de grave.
‒ Rien de grave et tu bois au bureau ?
Je me masse le visage.
‒ Je n’ai pas pour habitude de me mêler de vos vies privées mais si tu sens que c’est trop lourd à porter, tu peux m'en parler.
‒ Je sais papa. Merci c’est gentil. Mais ça va je peux gérer.
‒ Ok. Je me rends donc à un rendez-vous. On se dit à plus tard.
‒ Oui.
Il me laisse de nouveau seul dans mon bureau. Je ressors ma bouteille et me sert un autre verre. Il faut que je me concentre, surtout que je repose mon esprit pour mon vol ce soir. J'appuie sur le combiné pour faire rappliquer Debby, mon assistante personnelle. Elle ne tarde pas à me rejoindre. Je lui demande son aide pour boucler les dossiers. Je dois finir avec avant de prendre l'avion le soir. Ça me fera du boulot en moins.
‒ Monsieur vous allez bien ? S’inquiète Debby après m'avoir vu me masser les tempes plus d'une fois.
‒ Oui ça va.
‒ Vous avez besoin d'un massage ?
J’arque un sourcil dans sa direction. Je ne suis pas sans ignorer que je ne laisse pas mon assistante indifférente. Elle n'a jamais manqué une occasion de me lancer des signaux. Seulement je ne suis pas un homme volage. Je n’ai connu que Imelda comme femme et même si je devais en connaitre d'autres, je divorcerais d’abord d'elle. Tels sont les principes que je me suis toujours imposés.
‒ Tu rentreras tôt aujourd’hui pour avoir le temps de te reposer avant l'heure du vol, lui dis-je, ignorant sa proposition indécente.
Si je ne la renvoie toujours pas c'est uniquement parce que je sais qu'elle a besoin d'argent pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils de cinq ans dont le père a fui la responsabilité.
‒ Moi je resterai deux jours de plus mais toi tu pourras rentrer juste après la conférence.
‒ C’est compris Monsieur.
Nous sommes dérangés par les appels incessants de ma femme. Je les ignore tous. Un moment, las, je mets le portable sous silence.
‒ Un problème avec votre femme ?
‒ Ton rôle c’est de m'aider à accomplir mes tâches journalières. Rien de plus.
‒ Désolée Monsieur.
Je la congédie sans plus attendre. Je déteste les aguicheuses. Ma femme m'a déjà pourri la journée je ne vais pas encore supporter mon assistante. S’il n'y avait pas eu son fils, je me serais volontiers passé d’elle.
La discussion du dîner de ce soir tourne autour de Will qui est en centre de désintoxe. Je n’ai personnellement pas de ses nouvelles et je sais que mon père non plus. J'aime mon frère mais notre relation n’est pas ce qu'on pourrait qualifier de spéciale. Nous ne sommes plus très proches parce que déjà nous avons grandi avec chacun ses priorités. Il a fait le choix de la drogue, chose qui me peine au plus grand point. Plus jeunes, nous étions inséparables mais en grandissant l’éloignement a eu raison de nous. Je me contente d’espérer de loin qu'il se ressaisisse et revienne à de meilleurs sentiments.
‒ Bref changeons de sujet. Ce gosse me donne des céphalées, clos ma grand-mère qui dîne avec nous ce soir. Imelda, tu es la seule belle-fille de la famille et jusque-là aucun héritier. Qu’attends-tu ?
Mon regard rencontre celui de ma femme. Elle baisse le sien, le visage rempli de gêne. Elle ne répond pas à ma grand-mère.
‒ Mon Dieu regarde l’éducation de cette fille. Je te pose une question et tu n'as pas la décence de me répondre. A quoi sers-tu dans cette maison si tu ne peux au moins donner une descendance à mon petit fils ? Tu crois qu’il t'a épousé juste pour que tu fasses la belle ?
‒ Maman s'il te plaît, intervient mon père.
‒ Ne suis-je pas libre de m’exprimer ? Tout ça c’est ta faute. Ton père et moi t'avions formellement interdit d’épouser cette Africaine mais tu n'en as fait qu’à ta tête. Aujourd’hui c’est ton fils qui nous ramène encore une femme de couleur dans la famille et ce malgré mes mises en garde. Elles sont toutes les mêmes ces négresses. (Regardant ma femme) Je suis prête à mettre ma main à couper que si tu n’enfantes toujours pas c’est parce que tu as eu recours à l’avortement dans le passé. C’est leur passe-temps à ces Africaines. Je me trompe ?
Imelda laisse couler ses larmes en ayant la tête baissée. J’ai mal de la voir ainsi. J’ai toujours eu horreur des jugements de ma grand-mère sur ma femme. Mais ce soir je ne me sens pas en mesure de la défendre. Qu'elle ressente aussi le mal que je ressens en ce moment.
‒ Mamie cesse de t'en prendre aux femmes noires, intervient Xandra. Nous aussi avons du sang Africain dans nos veines et je sais que ma mère était une bonne femme. Mon père ne l'aurait pas épousé sinon.
Mamie éclate de rire.
‒ Une bonne femme ? Ça c’est la meilleure. Elle n’était rien d’autre qu'une toxi…
Murima renverse par accident la soupe chaude sur Mamie. Nous nous levons, tous pris de panique et aidons Mamie à vite se nettoyer. Murima se confond en excuses.
‒ Tu n'es qu'une sale garce, vocifère Mamie. Tu l'as fait exprès n’est-ce pas ? Sale négresse de merde. Tu iras brûler en enfer.
‒ Maman calme-toi !
Murima quitte la pièce et je crois voir un sourire étirer ses lèvres. Ma grand-mère part se nettoyer sans cesser de cracher des insultes. Quand nous nous rasseyons je remarque l’absence de Imelda. Elle a quitté la table. Je jette un coup d’œil à ma montre. Il est l'heure pour moi de me rendre à l’Aéroport. Je m’excuse et sors de table. Je retrouve ma femme pleurant sur le lit. Je veux la prendre dans mes bras mais je me contente juste de prendre mon sac de voyage et de m'en aller.
*Mon
*LYS
Mes tâches ont été accomplies avec succès. J’ai rajouté d'autres adresses à mon carnet. J’ai décidé de rester encore deux jours de plus histoire de mieux réfléchir à la situation délicate qui mine mon mariage. Je veux pouvoir prendre la meilleure décision. Sois je divorce sois je passe sur ça et continue comme si de rien n’était. Seulement je ne me sens pas capable d'oublier cette trahison de sitôt. Je n’ai pas non plus envie de divorcer. Je l’ai juste évoqué pour lui faire mal. Je ne pense pas divorcer pour le moment. Au fait, je veux juste oublier.
Je vide mon verre de vin cul sec et je m'en sers un autre. Depuis plus d'une heure de temps que je suis assis dans ce restaurant et je n'arrive pas à faire passer cette boule qui me comprime la poitrine. Plus je regarde la photo de ma femme sur le fond d’écran de mon portable, plus j’ai envie de me bourrer la gueule. Cette femme n'a pas idée du mal qu’elle m'a fait en me cachant un aussi gros secret. Pourquoi a-t-il fallu qu'elle me fasse ça ?
‒ Je peux m'asseoir ?
Je relève la tête et c’est avec surprise que je vois mon assistante debout devant ma table.
‒ Que fais-tu là ? Tu as raté ton vol ?
‒ Non. Je n’ai pas voulu vous laisser seul dans votre état. Vous m'aviez l'air de très mal aller.
‒ Je vais bien.
Je vide mon verre.
‒ Vous ne devez pas boire autant. Vous ne supportez pas l’alcool.
Elle se permet de s'asseoir.
‒ Vous avez besoin de parler ?
‒ Non.
‒ Ok. Je vais juste me contenter de vous tenir compagnie.
Je ne m'y oppose pas. Elle reste juste là à me regarder boire. Je fais signe au serveur de lui apporter un verre. Nous terminons tous les deux la bouteille de vin.
‒ Je vais retourner dans ma chambre, lui dis-je en me levant.
‒ Attendez, je vous accompagne. Je crois que vous avez un peu trop bu.
Sans lui répondre j'entame ma marche vers l’ascenseur. Elle me suit. Elle m’accompagne jusque devant ma chambre. Je ne suis pas saoul bien qu’ayant beaucoup bu mais je crois que l’alcool joue sur mes émotions. Parce qu'en temps normal jamais je n'aurais laissé mon assistante se tenir aussi proche de moi. Je garde toujours une distance considérable entre les femmes et moi. Ça m'évite les problèmes tel l’adultère. Ma carte d’accès me tombe des mains quand je m’apprête à la glisser dans la serrure. Mon assistante se baisse immédiatement pour me la ramasser. Ma vue tombe direct sur son décolleté qui ne cache absolument pas grande chose de sa poitrine.
‒ Vous avez l'air vraiment épuisé, me dit-elle d'une façon tellement sensuelle que je sens quelque chose bouger vers ma masculinité.
Elle glisse sa main le long de mon torse, remonte à mon épaule et descend jusqu’à ma main dans laquelle elle pose la carte.
‒ Je peux vous aider à vider votre frustration. Ça vous fera certainement du bien.
Bonne idée, me crie ma tête pendant que mon cœur m’intime l'ordre de l’envoyer balader. Mais pourquoi devrais-je me retenir de vider toute ma frustration ? N’en ai-je pas besoin ? J’ai besoin de faire sortir toute cette colère qui bouillonne en moi depuis deux jours. Pourquoi devrais-je continuer à être un mari réglo et fidèle à sa femme alors que cette dernière n'a pas hésité à me mentir au point de me faire douter de ma fertilité ? Pourquoi devrais-je rester pur pour une femme qui a souillé son corps par toutes les manières possibles ?
J'attire mon assistante contre moi et je pose un baiser sur ses lèvres. Nous nous regardons un instant. Elle se mordille la lèvre, le sourire grand sur les lèvres. Mon excitation monte crescendo. J’ouvre la porte, la tire à l’intérieur et referme derrière nous.
Allongé sur le lit, en sueur, respirant comme un athlète qui a fait le tour du pays, je me rends compte de ma bêtise. Sapristi qu’ai-je foutu ? J’ai couché avec une autre femme que la mienne. Ça ne me ressemble pourtant pas. Je ne suis pas ce genre d'homme-là. Mon père m'a élevé avec des principes et être un homme fidèle en faisait partie. Je n’ai jamais convoité une autre femme en dehors de la mienne. J’ai merdé. Grave merdé. Quel que soit ce que Imelda a pu me faire elle ne méritait pas ça. Finalement je ne suis pas mieux qu'elle.
‒ Habille-toi et sors d'ici, ordonné-je d'un ton sec.
‒ Je peux au moins prendre une douche rapide ?
‒ Je te donne trois minutes.
Elle se hâte de sortir du lit. Je me passe la main sur le visage en m’asseyant.
‒ Putain de bordel de merde ! Fais-je dans un grognement.
J’ai une atroce migraine à la tête. J’ai non seulement brisé tous mes principes mais aussi les vœux que j'avais fait à ma femme. Putain qu’est-ce qui m'est passé par la tête ?
Des coups sont donnés sur la porte. Je ne bouge pas d'un pouce mais les coups se font insistants. J’enfile mon pantalon et je vais ouvrir avec colère parce que ça commence à me faire chier. Je m’apprête à gueuler mais je ravale ma phrase lorsque mes yeux rencontrent ceux de ma femme.
‒ I… melda ?
Elle me tombe dans les bras.
‒ Oui mon amour. Je n’ai pas voulu attendre que tu rentres pour qu'on règle cette histoire. Ça nous fera du bien d’être un peu loin et seuls. Je regrette tellement de t'avoir caché ça. Je t’aime plus que tu ne peux l’imaginer. Je ne veux pas te perdre bébé.
Elle ferme la porte derrière elle d'un coup de pied et saisi mes lèvres dans un baiser. Je suis tellement sous le choc que je n'arrive pas à réagir. Je suis dans une grosse merde.
‒ Je t'aime chéri. Plus que tout.
Elle reprend son baiser. Malgré la bombe qui va exploser sous peu, ça me fait un sacré bien d'avoir ma femme dans mes bras. Il faut pourtant que je la fasse sortir pour donner le temps à l’autre de disparaître incognito. Je mets fin au baiser mais un raclement de gorge me devance avant que je ne puisse dire quoi que ce soit. Imelda tourne la tête et lorsqu'elle voit mon assistante vêtue uniquement d’une serviette nouée à la poitrine, elle blêmie. Elle fait deux pas en arrière. Son regard passe de la fille à moi. Elle arrime son regard au mien. Quand une larme traverse ses pupilles, je me maudis intérieurement.
***ALEXANDRA
Je me sens toute anxieuse ce matin. Je suis heureuse et perplexe. J’ai fait trois tests et ils sont tous positifs. Je suis enceinte de Tiger. J'en suis heureuse parce que je l'aime énormément. Avoir un petit bout de lui ça a toujours été mon rêve. Mais je n'ai rien programmé. Les choses se sont faites seules. Je m'en réjouis. Mon père ? Il ne fera rien de plus qu’être choqué. Il me passe tout donc après le choc il n'aura d'autres choix que d’accepter son futur petit enfant.
Je retrouve comme toujours Tiger dans son QG avec ses potes. La fumée des chichas a envahi l’espace. L'un fait signe de la tête à mon mec dans ma direction. Il tourne la tête vers moi. Je les saluts et je prends place près de lui.
‒ Je t'ai déjà dit de ne jamais venir sans me prévenir en avance, me gronde-t-il.
‒ Je suis désolée mais tu es injoignable.
‒ Mon portable est à plat. Mais ce n’est pas une raison. Bref, que veux-tu ?
‒ On pourrait monter ? Je dois te parler de quelque chose.
‒ Que se passe-t-il ?
‒ Montons s'il te plaît.
Il tire une dernière bouffée de chicha et se lève. Je le suis comme son ombre jusque dans son appartement.
‒ Ouais que veux-tu ?
‒ Je suis enceinte, lui annoncé-je avec joie. On va avoir un bébé.
Il semble sidéré.
‒ Comment tu as pu tomber enceinte alors qu'on se protège ?
‒ Les protections ne sont pas…
Il bondit sur moi et m’agrippe le cou.
‒ T'as baisé avec un autre ?
‒ Non je te le promets. Il n'y a que toi.
Il serre son emprise. Je commence à pleurer.
‒ Bébé je dis la vérité. Je ne t'ai trompé avec personne. Nous ne nous protégions pas tout le temps.
‒ Dans ce cas tu m’enlèves cette grossesse, tranche-t-il me relâchant violemment à me faire tomber dans le fauteuil.
‒ Quoi ?
‒ Tu es bouchée ou quoi ? J'ai dit tu m’enlèves cette chose.
‒ Mais c’est notre…
Ma tête valse sous la gifle violente que je reçois.
‒ J'ai dit tu m’enlèves ça, gueule-t-il.
Je pleure de plus en plus. Je ne m’attendais pas à cette réaction de sa part. Il disparaît dans sa chambre et revient avec un petit sachet transparent en main.
‒ Tiens avale ça, m’ordonne-t-il en le jetant sur moi.
‒ C’est quoi ?
‒ Ça va vite faire passer cette chose. Si tu oses encore t’opposer à ma décision je vais te rouer de coups, te jeter dans la rue et tu n'entendras plus jamais parler de moi. Si tu m'aimes et veux maintenir cette relation, débarrasse-nous de ça.
Il sort et claque la porte derrière lui. Je ne veux pas le perdre. J'avale donc les deux petits comprimés qui se trouvaient dans le sachet. Je lui envoie un message pour l’en informer espérant qu’il vienne me réconforter. Mais sa réponse me brise.
‒ « Dégage. »
Et c’est tout. Je monte dans ma voiture en continuant à déverser toutes les larmes de mon corps. Je ne comprends pas pourquoi est-ce qu’il me traite de la sorte alors que je lui donne tout. Mon amour et mon argent. Je lui ai même acheté une nouvelle voiture récemment. Que veut-il de plus ? Mon cœur me fait atrocement mal.
A quelques mètres de ma maison je commence à ressentir des douleurs au bas-ventre. J’accélère pour vite arriver. Ce doit être les médicaments qui ont commencé à faire leur effet. Plus je me rapproche de la maison plus j’ai mal. Je gare devant la maison et j'entre en courant difficilement vers l’intérieur. Une douleur fugace me vrille le bas-ventre, m’arrachant un cri des plus stridents. Quelque chose me coule entre les jambes. Je n'arrive pas à baisser la tête pour voir de quoi il s'agit. Mes forces me lâchent peu à peu alors que j'ouvre la porte d’entrée. Mes pas deviennent lourds, ma vue devient de plus en plus faible.
‒ Aidez… moi ! Appelé-je faiblement.
Je lutte encore pour rester debout mais je finis par sombrer.