Épisode 5
Write by Mona Lys
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MURIMA
J’écoute Djénéb d'une oreille distraite. J'ai perdu le fil après sa première phrase. Je pense à mon fils. William. Ça fait deux semaines qu'il est parti en cure de désintoxe en France. Je ne comprends vraiment pas pourquoi Derrick l’a emmené si loin. Nous avons tous été surpris qu’il accepte de partir sans rechigner. A peine Derrick le lui a annoncé qu’il a approuvé. Mais depuis qu’il est parti je n’ai plus aucune nouvelle de lui. Derrick n’appelle même pas le centre pour prendre de ses nouvelles. Je me demande pourquoi il est si froid avec Will. J’ai mal de les voir en ennemis. J’ai mal de voir mon fils vivre sans aucun amour. Il n'a connu ni l’amour maternel ni celui d'un père puisqu’il est en conflit depuis des années avec Derrick. Il faut que les choses s’arrangent entre eux. Ce n’est pas normal que père et fils soient comme chien et chat. Ça n'a pas de sens. Derrick aimait pourtant Will lorsqu’il était enfant. Je me souviens que cela créait des histoires avec Travon qui en était jaloux. Il se plaignait que son père ne lui consacrait plus assez de temps, pourtant celui-ci leur consacrait à tous les deux beaucoup de temps.
Je souris rien qu'en repensant à cette époque. Notre vie était tellement plus belle. Nous n’avions pas d'autres préoccupations que de nous aimer. Nos enfants étaient les meilleures choses qui nous étaient arrivées, surtout après toute la crise et les disputes qu’il y avait eu entre Derrick et ses parents à cause de moi. Ces gens ne voulaient pas me sentir. Leur niveau de racisme avait atteint son paroxysme. Mais cela n'avait pas empêché Derrick de me choisir contre leur gré. Comme j'aurais aimé qu’il me choisisse dans les moments de trouble que nous avons connu. J'aurais aimé qu’il me choisisse jusqu’à la fin. Faut croire que finalement ses parents ont gagné. Tout ce que nous avons traversé n'a servi à rien.
Je pose ma tasse de café dans un long soupir qui fait comprendre à Djénéb que je ne l'écoutais pas.
‒ Tu penses à Will ? Me questionne-t-elle.
‒ Oui. J’aimerais savoir comment il va. Derrick ne me dit rien.
‒ Tu devrais monter lui demander. Il n’est pas allé au bureau aujourd’hui.
‒ Ah bon ? Je n'avais pas fait attention. Tu sais pourquoi ?
‒ Hum j'sais pas.
‒ Je préfère donc attendre qu'il descende. Je ne veux pas d’histoire avec sa femme.
Nous demeurons silencieuses lorsqu’apparaît Aurelle. Puisque le couple est à la maison nous allons devoir cuisiner un plus grand déjeuner. D'accoutumé il n'y a jamais personne à la maison donc nous ne cuisinons que pour nous, le jardinier et les gardes de la maison. Eux ils occupent une petite dépendante derrière la maison tandis que nous les femmes occupons certaines chambres du bas des escaliers. La maison est tellement immense qu'on ne s’entendrait pas.
Djénéb répond au téléphone de la cuisine qui sonnait et après communication demande à Aurelle de monter dans le bureau de Derrick avec du jus de fruit et du thé. Je me propose d'y aller à sa place. Je vais en profiter pour demander des nouvelles de Will.
Lorsque Derrick me voit franchir la porte de son bureau, il bouge dans son siège comme s’il était mal à l’aise. Sa femme, elle, me toise. Je ne m'en formalise pas. Si je veux répondre à ses provocations je la démonterais en mille pièces. Elle n'en vaut pas la peine. Derrick continue de discuter avec son invité. Un homme qui semble être là pour les affaires. Pendant que je sers, je saisis quelques brides de leur conversation. Il veut signer un contrat de partenariat avec la boite de Derrick. La curiosité me poussant, je jette un coup d’œil furtif sur les documents posés devant lui. Ceux que doit signer Derrick. Je remarque tout de suite quelque chose de louche dans les chiffres.
Les maths, j’en ai toujours fait mon affaire. Cette matière n'avait aucun secret pour moi. J’étais la meilleure de tout le lycée si bien que je me présentais à des concours nationaux et j’en remportais les prix. En classe de 4e j'avais été reçu par le Président de la république en son temps pour féliciter mon brillant parcours scolaire. Durant ces Vingt-deux années, j’étudiais en prison. J’avais demandé à suivre des cours qui faisaient partie des programmes du centre. Je passais aussi mon temps à enseigner les détenues qui le voulaient.
J’écoute le discours que l'homme fait à Derrick pour le convaincre de signer et c’est moi qui ne suis pas convaincue. Derrick quant à lui paraît déjà séduit. C’est normal. Cet homme a la tchatche. Derrick aussi a toujours eu un peu de mal avec les gros chiffres. Je comprends pourquoi c’est Travon qui s’occupe de ce côté. D’ailleurs il devrait lui parler de ce contrat avant de le signer mais apparemment il fera le contraire. Je me racle la gorge pour lui faire signe. Il me regarde.
‒ Désolée Monsieur, pourrais-je m’entretenir avec vous un instant ?
‒ Ne vois-tu pas qu’il est occupé ? Me lance l'autre conne.
Je fixe Derrick avec insistance. Il n'a pas l'air de vouloir bouger.
‒ Plus tard. Je suis occupé, répond-t-il.
Cet homme est trop idiot. Il récupère les documents des mains de son invité. Je me racle la gorge. Il me regarde méchamment. Je lui fais signe de la tête de ne pas signer. Il plisse les yeux. Je baisse les yeux sur les documents, les relève sur lui et lui fais non de la tête. Il roule les yeux.
‒ Veuillez me donner un instant très cher, dit-il à son invité.
Je le suis jusqu’à une bonne distance hors de son bureau.
‒ Quoi ?
‒ Cet homme veut te gruger.
‒ Tu es sérieuse ? Fait-il dans un ton de reproche.
‒ Oui. J’ai jeté un coup d’œil aux documents et les chiffres que j’ai vu ne me sont pas fiables.
‒ Tu as passé Vingt-deux ans en prison et tu crois encore comprendre les maths ? Tu devrais peut-être suivre des cours en ligne.
‒ Derrick !
Il me plante et retourne dans son bureau. Je le suis. Je ne vais pas le laisser jeter à la fenêtre l’héritage de mes enfants. Je récupère le plateau et lorsque je le vois sur le point de poser sa signature sur les documents, je renverse tout le jus dessus.
‒ Merde Murima ! Hurle-t-il en se levant pour éviter à son pantalon d’être encore plus mouillé par le jus.
‒ Désolée Monsieur.
Il me fusille du regard. Je le fixe sans ciller. Il me prend par le bras et me fait sortir de force.
‒ Je peux savoir c’est quoi ton problème ? Vocifère-t-il.
‒ Arrête de gueuler et apporte ces documents à Travon pour qu’il les examine. Mtchrrr.
Je quitte ses appartements avec satisfaction. Mais j’ai oublié de parler de Will. J’attendrai quand il sera plus calme. En descendant les escaliers, j'entends des reniflements. Je crois que quelqu’un pleure. Je marche en suivant la voix. Ça vient de la chambre de Travon et sa femme. La porte est légèrement ouverte. Je vois Imelda, la femme de Travon pleurant assise à même le sol. Je cogne et entre. Quand elle s’aperçoit de ma présence elle se nettoie prestement le visage.
‒ Que fais-tu dans ma chambre ? Me demande-t-elle en se relevant. Tu n'as pas le droit d'y entrer.
‒ Je suis désolée. J’ai entendu des pleurs.
‒ Ce n’est rien. Tu peux t'en aller.
Elle s'assoit sur le lit et sans pouvoir se retenir elle recommence à pleurer.
‒ Sors de cette chambre, fait-elle entre ses pleurs.
Plutôt que d’obéir, je pose le plateau et me rapproche d'elle. Je me permets de m’asseoir sur le lit près d’elle et je la prends dans mes bras. Elle s'y jette automatiquement.
‒ Je ne veux pas perdre mon mari. Je l'aime tellement.
Je la laisse se vider en lui caressant les cheveux. Elle pleure pendant un bon moment avant de se calmer. Je lui tends un papier mouchoir avec lequel elle se nettoie le visage.
‒ Je suis désolée, s’excuse-t-elle avec gêne.
‒ Tu n'as pas à l’être. Tu peux me parler tu sais.
‒ Non. Je ne veux pas t'emmerder avec mes histoires de couple.
‒ Ce n’est pas le cas. Je vois clairement que tu as envie de parler à quelqu’un.
Elle ne me contredit pas.
‒ Vas-y donc, je t’écoute.
Elle reste un moment à hésiter avant de se lancer.
‒ Entre Travon et moi ça ne va plus. Surtout depuis que le Docteur de la famille nous a appris que ça venait de moi le problème d’enfantement de notre couple. Travon est devenu distant parce qu’il sait que je lui cache quelque chose. Il ne me touche plus au lit et quand il se force à le faire c’est sans passion, sans amour, sans envie. Mon Dieu je crois qu'il voit une autre.
‒ Eh, ne dis pas ça tant que tu n'as pas de preuve. Mais tu lui caches bien quelque chose ?
‒ Oui, avoue-t-elle en baissant la tête. Disons deux choses. Je me suis faîtes avorter quand j’étais plus jeune. Je n’ai jamais eu le courage de le dire à Travon de peur qu’il me juge et ne veuille plus de moi.
‒ Et la deuxième ?
Elle se remet à pleurer.
‒ Après un an de mariage et de traitement que je suivais en cachette, je suis tombée enceinte mais je n'en savais rien. Me sentant mal j'ai pris des comprimés qui m'ont illico fait avorter et depuis je n'arrive plus à tomber enceinte, termine-t-elle en repartant dans un autre sanglot. Je m'en veux tellement si tu savais.
‒ Oh viens là ma chérie !
Je la reprends dans mes bras où elle pleure tout son saoul. J’ai mal de la voir ainsi pleurer. Elle ne devait pas gérer ça toute seule.
‒ Tu devrais tout dire à Travon.
‒ Quoi, hurle-t-elle en se relevant. Il va me tuer. Travon est très calme mais en même temps très colérique. Tu n'as pas idée des dégâts qu'il peut causer lorsqu’il pète une durite.
‒ Mais tu dois pourtant le lui dire. Il soupçonne déjà quelque chose et ça le rend distant envers toi donc pourquoi ne pas tout lui avouer une bonne fois ? Vous pourrez ensuite trouver une solution.
‒ Je ne veux pas le perdre Murima. Je n’ai personne d’autre que lui. Mes parents m’ont renié parce que je voulais me marier avec le petit fils d'une femme sans cœur.
Dame WILLAR. Cette femme cause toujours des problèmes aux gens.
‒ Écoute-moi ma belle, tu dois parler à ton mari avant qu’il ne l’apprenne autrement. Mieux vaut mourir pour avoir dit la vérité que de vivre dans le mensonge. S'il t'aime réellement il te pardonnera.
‒ Tu penses que c’est le mieux à faire ?
‒ Oui.
‒ D’accord je vais faire ça. (Souriant) Merci beaucoup. Ça m'a fait du bien de parler à quelqu’un. Je ne suis proche de personne dans cette famille.
‒ Je serai très ravie d’être ta confidente. Je m'ennuie d’ailleurs dans cette maison. Ça ne me ferait pas de mal de jouer la conseillère matrimoniale.
Elle sourit encore plus. Je la laisse seule et je retourne dans la cuisine, satisfaite d’avoir pu aider ma belle-fille. Ça me plairait de voir mes petits-enfants.
Ce soir pour le dîner j’ai préféré rester dans la cuisine plutôt que de me rendre près de la famille. Je préfère me passer ce soir des regards en biais de Pétra. Je ne sais vraiment pas pourquoi elle me voit en son ennemi alors que je ne suis même pas là pour elle, encore moins pour son mari. Seuls mes enfants m’intéressent. Mais une chose est sûre, si elle me cherche des noises je me ferais un plaisir de lui en servir sur un plateau d'argent. La connasse ne sait pas encore de quel bois je me chauffe mais elle va le découvrir si elle ne me lâche pas aux basques. Assise dans un coin de la cuisine, je savoure du lait chaud. Le temps est un peu frais ces jours-ci. Je me balade un peu dans mon esprit en buvant à contre goutte mon lait.
Il m’est arrivé plus d'une fois de me demander qui aurait bien pu mettre ce sac de drogue chez nous pour m'incriminer. Seuls Derrick et moi avions les clés de notre appartement. Qui d’autre aurait pu y avoir accès ? Ce doit sans doute être un proche de nous. Mais mes idées convergent plus vers mon ex belle-mère à défaut de Josky. Cette femme n'avait de cesse de me menacer qu'elle ferait de ma vie un enfer parce que je refusais de quitter son fils, même contre les millions qu'elle m'avait proposé en échange. Qui que ce soit, cette personne a vraiment réussi à gâcher ma vie. J’ai perdu mon homme et mes enfants. Ils ont grandi sans moi. Et le pire c’est qu’ils me croient morte. Derrick a franchement merdé sur ce coup.
Derrick.
Malgré moi, je me remets à penser à lui. Cet homme, Dieu que je l'ai aimé. Avant lui je n'avais d'yeux que pour mes études. Les amourettes ne faisaient pas partie de mes priorités. Mes ambitions d’être une grande dame de ce pays m’obligeaient à bosser comme une forcenée. Mais cet homme a tout chamboulé. Je me rappelle comme si c’était hier de notre première nuit. Comme j’ai adoré cette nuit. Même en prison j'y repensais encore et encore. C’était ma première fois et c’était magique. Même les autres fois qui ont suivi n'ont pu égaler cette nuit-là. Derrick savait y faire avec mon corps. Il en connaissait chaque parcelle par cœur. J'avais déjà de l’attirance pour lui, mais cette nuit-là, je suis tombée follement amoureuse de lui.
Je reviens à moi en frissonnant. Tout ça fait partie du passé maintenant. Je dois me concentrer sur mes trois bébés. Je regarde justement Xandra faire son entrée dans la cuisine. Elle ne s’aperçoit pas de ma présence dans le fond. Je la suis du regard dans tous ses mouvements. Elle ouvre l'une des deux portes du frigo et sort une poche de glaçons. Je plisse les yeux lorsque je vois dans le bas de son dos un énorme bleu sur lequel elle pose le glaçon.
‒ Oh putain ça fait mal, gémit-elle douloureusement.
Je me rapproche lentement d'elle sans faire de bruit. Plus je suis proche, plus je vois avec netteté le bleu.
‒ Qui t'a fait ça ?
Elle sursaute et risque même de tomber.
‒ Bordel mais d’où tu sors toi ?
‒ Qui t'a fait ce bleu ?
‒ Je ne vois pas de quoi tu parles, ment-elle en tirant son haut.
‒ J’ai bien vu un bleu.
‒ Ce ne sont pas tes oignons. Tout ton souci doit être de faire la cuisine et le ménage donc fiche-moi la paix.
Cette fille sait-elle que je peux la cogner sans que son père ne puisse broncher ?
‒ Et puis je t’interdis d'en parler à qui que ce soit sinon tu le regretteras.
Elle sort de la cuisine. Je suis sur le point de la suivre lorsque deux personnes font leur entrer. Daniel et sa femme Mélodie. Celle-ci me tombe dans les bras en pleure.
‒ Oh mon Dieu Murima ! C’est donc vrai que tu es libre. Je ne croyais pas lorsque Daniel me l’a appris. Oh God comme je suis heureuse de te revoir.
Elle se lance dans une jérémiade sans fin. Je la regarde, indifférente à toutes ses larmes. Ils m'ont tous abandonné quand j’étais en tôle donc qu’ils ne viennent pas se la jouer meilleurs amis. Ils ne le sont plus.
‒ Chérie ça suffit, lui dit son mari.
Elle se calme.
‒ Je suis heureuse de te revoir. Surtout en aussi bonne santé.
‒ Sinon que tu savais où je me cachais, lui dis-je avec sarcasme. Tu avais la possibilité de m'y voir comme bon te semblait. Je n'avais pas fugué.
‒ Je suis sincèrement désolée Murima. Nous le sommes Daniel et moi. Tout t'incriminait tu vois. Alors nous étions obligés de couper tout contact avec toi de peur d’être vu comme des complices.
‒ Donc maintenant je suppose que vous croyez en mon innocence ?
‒ Murima…
‒ Non ça va, coupé-je Daniel qui essayait d'en rajouter. Je ne suis pas là pour faire ami-ami donc rester dans votre monde.
‒ Murima, nous restons des amis malgré tout, reprend Daniel. Maintenant que tu es libre, nous pouvons repartir sur de nouvelles bases. Donne-nous la possibilité de nous racheter vis-à-vis de toi.
‒ Faîtes comme bon vous semble. Comme je l’ai dit, je ne suis pas ici pour ça.
‒ Mais tu me permettras de venir de temps en temps discuter avec toi ? Demande Mélodie. Tu m'as tellement manqué si tu savais.
Je les regarde à tour de rôle. Mélodie a toujours été la plus douce de notre bande. C’est ce qui m'a fait l’apprécier dès le premier contact. A elle je ne peux vraiment en vouloir. Elle est d’ailleurs la seule à être venue me voir deux fois lorsque j’étais en prison avant de disparaître.
‒ Ok.
*Mona
*LYS
Djénéb et moi parcourons les rayons du supermarché avec nos cadis. Nous faisons le ravitaillement du mois en denrée. J'ai profité de cette sortie pour m’acheter des trucs personnels. Le salaire que Derrick m'a attribué m'est largement suffisant surtout que je n'ai aucune charge. Je fais donc des économies pour pouvoir plus tard me prendre un appartement. Je ne compte pas rester dans cette maison indéfiniment. J'attendrai de m'être bien intégrée dans la vie des enfants avant de quitter la maison. Je continuerai à venir travailler jusqu’à ce qu'ils m'adoptent totalement et m’apprécient.
‒ Bonjour madame.
Je relève la tête vers un homme dont le visage me semble familier.
‒ Oui bonjour, lui répondé-je.
‒ Désolé de vous déranger. Je suis un ami à votre employeur. Derrick WILLAR. J’étais à la dernière soirée chez lui.
‒ Ah oui je vois.
‒ C’est Monsieur Clinton ELDER, se présente-t-il en me tendant la main.
‒ Murima ITSIEMBOU, me présenté-je à mon tour en la saisissant.
‒ J’ai eu l’accord de votre patron pour vous approcher.
Ah bon ?
‒ Est-ce qu’il est possible qu'on échange les contacts ? Enfin si cela ne vous dérange pas.
Je m’apprête à lui dire non gentiment quand Djénéb me devance en lui prenant sa carte.
‒ Non pas du tout, lui répond-t-elle.
Je la regarde. Elle me fait des gros yeux. Je me retourne vers l'homme qui est très beau et très élégant je dois l’admettre. Un homme blanc grand de taille avec des yeux marrons.
‒ Je n’ai pas de carte. Donnez votre portable que j'y inscrive mon numéro.
Il le fait à la hâte. Une fois les contacts échangés, il nous souhaite une belle fin de journée et retourne à ses courses.
‒ Je peux savoir ce qui t'a pris ? Grondé-je Djénéb.
‒ Ah tantine pardon. Je savais que tu refuserais de lui donner ton numéro pourtant cet homme est trop bien. C’est même le seul ami de tonton qui est sérieux. Moi je ne veux pas que tu restes sans homme. Je veux que tu sois heureuse.
‒ Il n'y a que mes enfants qui m’importent pour l'heure. Je n'ai pas le temps pour l’amour. Toi par contre je ne comprends pas pourquoi tu n'es pas encore mariée. Tu as Quarante ans que je sache.
‒ Je sais. Mais je t'avais promis prendre soin des enfants et c’est ce que j’ai fait toutes ces années. Si je me mariais j'allais m’éloigner d’eux.
‒ Donc maintenant que je suis de retour tu peux te marier.
‒ Hum. Qui me prendra encore à mon âge ?
‒ Tu ne fais même pas Quarante ans. Tu es une très belle femme ma chérie. Dieu t’enverra un homme bon.
‒ Inch’Allah.
Nous terminons les courses, réglons tout à la caisse et c’est en rigolant que nous nous dirigeons vers la voiture. Le chauffeur vient nous porter main forte en plus de l’agent du supermarché. A peine il me libère de ce que j'avais en main que je heurte quelqu’un.
‒ Oh je suis déso…
Mon sang arrête de circuler face à l'homme devant moi. Non pas lui. Un sourire diabolique étire ses lèvres.
‒ Tiens tiens qui voilà ? On m'avait pourtant dit que tu étais en liberté mais je n’y ai pas cru.
Il glisse sur moi un regard désireux et pervers. Mon ancien maître dealer, celui qui a pourri ma vie, celui qui m’a rendu deux fois plus accro à la drogue est juste devant moi. Je suis certaine à 90% que c’est lui qui m’a fait croupir en prison.
Je recule de frayeur. Je n’ai pas peur de lui personnellement. Mais j’ai peur que pour m'atteindre de nouveau il s’en prenne à mes enfants comme il comptait le faire dans le passé.
‒ Je vois que la prison n'a rien enlevé à ta beauté.
Il lève la main vers moi mais je fais un pas en arrière.
‒ Je ne t'ai jamais oublié mon cœur. Ma proposition est encore d’actualité. Ta place est toujours bien au frais à mes côtés.
‒ N'essaie même pas de t’approcher de moi ou de rentrer en contact avec moi. Reste loin de ma vie.
Djénéb vient vers nous.
‒ Tantine ça va ?
Lorsqu’il la voit il plisse les yeux.
‒ Tu es retournée chez cet homme qui t'a abandonné quand moi je te soutenais ? Tu es toujours aussi ingrate et stupide à ce que je vois.
J’ai envie de hurler, de le tuer, de le faire disparaître en pensant à tout ce qu'il serait capable de faire pour m'avoir de nouveau. Pourquoi diable l'ai-je rencontré ? Sans un mot, je pousse Djénéb vers la voiture dans laquelle nous nous engouffrons à la hâte. J’ordonne au chauffeur de quitter les lieux illico.
‒ Tantine c’était qui ?
‒ Une personne que j'aurais préféré morte.
Je ne prête aucune attention au regard intrigué qu'elle me lance. Dieu seul sait ce dont cet homme est capable. Avant il avait du pouvoir alors qu’il n’était qu'au bas de l’échelle dans le domaine de la drogue. Mais maintenant je suis certaine qu’il a beaucoup plus de pouvoir. J’ai remarqué son apparence hyper soignée. J’ai remarqué les hommes de mains qui le suivaient. J’ai surtout senti l'arme qu'il dissimulait dans sa ceinture lorsque je l'ai percuté.
Cet homme est dangereux.
Il m'a toujours voulu rien que pour lui seul, raison pour laquelle il s’est fait l’ennemi numéro un de Derrick. Il avait tout essayé dans le temps pour nous séparer. Des menaces de mort, des accidents ratés, des agressions et j’en passe. C’est ce qui avait poussé Derrick à m’imposer des cours de Judo et de Taekwondo pour que je puisse me défendre. Lui les suivait déjà depuis son enfance. Mais maintenant que cet homme sait que je suis de retour, je crains qu'il recommence ses manigances.
‒ Mon Dieu, protège mes enfants, murmuré-je. Protège Derrick.
***DANS L’OMBRE
‒ Elle est de retour, plus vite que prévu, et ce n’est pas bon pour nous.
‒ Il n’y a rien de grave. Elle est juste là pour ses enfants.
‒ Mais diantre c’est grave, dis-je en tapant du poing. Qui dit ses enfants dit Derrick et qui dit Derrick dit amour. Les deux dans la même maison ? Nous savons déjà ce qui va se passer. Nous ne pouvons permettre une telle chose.
‒ Je pense que pour l’heure nous devons juste observer. S’il commence à y avoir un rapprochement entre les deux nous interviendrons.
Je réfléchis un instant.
‒ Tu as raison. Nous avons bien pu les séparer une première fois. Ce sera un jeu d’enfant. Nous allons donc les suivre de près. Mais n’oublie pas que tout ce que nous faisons c’est pour toi et moi. Tu veux Derrick et je veux Murima. Je ne l’aurais peut-être jamais mais je ne permettrai à personne d’autre de l’avoir, surtout Derrick.
Je tire sur mon cigare.
‒ J’ai une idée. Nous ne sommes pas les seuls à vouloir séparer ces deux-là. Je crois bien que d’autres personnes rejoindront notre bateau.
‒ A qui penses-tu ?
Je souris.
‒ Tu verras bien. Maintenant viens sucer ton bonbon. Ça me permet de mieux réfléchir.
Elle ouvre ma braguette et s’exécute. Murima, ma belle Murima. La seule femme que j’ai jamais aimé. Tu n’aurais pas dû revenir. Si tu n’es pas à moi, tu ne seras pas non plus à Derrick. C’est moi ou personne. Cet imbécile ne te mérite pas. Tu vas devoir retourner en prison ou mourir cette fois parce que je refuse que tu te remettes avec cet enfoiré de Derrick WILLAR.