Face au miroir

Write by imalado

Elle se réveilla le lendemain, couverte de draps dans un lit gigantesque. Quelques petites lueurs de soleil apparaissaient, annonçant le jour. Elle s’étira longuement, passa ses mains dans ses cheveux et aperçu Brian courbé sur le canapé près de la fenêtre. Le pauvre, pensait-elle. Le courant d’air est si glacial en ce mois de décembre. Comment a-t-il pu dormir là ? Ainsi ? Juste pour encore sauver les apparences. Mais il semblait ni avoir plus rien à sauver, ni les apparences, ni rien. Ils n’avaient pas parlé depuis cette fameuse nuit… Elle prit le drap qui l’enveloppait et le posa saignement sur lui. Elle s’agenouilla au bord du canapé et passa ses mains dans ses cheveux. Il bougea et elle sourit.

          Elle se précipita dans les toilettes, le temps de prendre une douche vite fait, elle éviterait de le réveiller…

         Ses yeux d’un noir profond donnaient l’impression de transpercer le miroir. Elle se tenait en face, peignant ses longs cheveux parfaitement lisses. Ils lui rappelaient Christopher. Il les aimait blonds luisant et flottant au soleil. Il disait, qu’il pouvait voir la lumière naître à travers eux, quand il les contemplait. Mais que fait-elle ? Pourquoi penser à ça, et maintenant ?

         Sur la pointe des pieds, elle enfila un jean bleu et un pull noir en coton fait à la main, un cadeau de Marie. Elle s’approcha de lui, il dormait profondément. Il semblait si paisible. Son visage était détendu. Elle retira une mèche de son visage et posa un baiser sur font avant de prendre ses bottes dans l’armoire.

         Marie était certainement déjà réveillée. S’approchant de la chambre, Elisabeth l’entendait murmurer quelques notes de musique. Elle se tenait debout près du berceau.

  • Tu as bien dormi ?

  • Oui. Elle n’a pas pleuré de la nuit tu sais ? Elle est adorable.

  • Elle a peut-être senti que sa maman avait besoin d’une bonne nuit de sommeil.

  • Certainement. Et toi ça va ? Tu as fait un malaise hier soir, il parait ?

  • Rien de grave. La fatigue surement. Mais je vais bien.

  • Parfait. Dan rentre aujourd’hui. Je ne pourrais jamais vous remercier assez Brian et toi pour votre présence… Merci.

  • Tu aurais fait pareil. Je descends faire à manger. On pourra faire un dîner pour l’arrivée de Dan et le bébé.

  • Impossible, Christopher a pris d’assaut la cuisine, il a fait le petit déjeuner et me l’a apporté jusqu’ici. Je ne savais pas qu’il savait cuisiner…

  • Ça alors. Ce n’est pas tout ce que tu ignores à propos de lui. Je vais descendre gouter les mets du chef alors.

Charmant, il pouvait l’être. Toute fois quand l’envie lui prenait de se montrer aimable. Toutes ces années à le fuir, essayant de le chasser de sa mémoire, voilà qu’il réapparait comme par magie, bousculant le cours de sa vie. Elle aussi, il y’a une semaine ignorait qu’il était le frère de Brian. Elle ignorait simplement qu’un jour ils se croiseront de nouveau, qu’il ferait partie de sa vie ou que le destin lui jouerait des tours.

         Comment révéler tout ceci ? Brian ne lui pardonnerait jamais un si gros mensonge. Elle pourrait parler avec Christopher, tout ceci pourrait n’être qu’un lointain souvenir. Une erreur du passé… Mais ce ne serait pas juste. Pas juste envers Brian, qui lui avait accordé toute sa confiance. Il mérite de savoir la vérité.

         Avec Christopher, ils s’étaient rencontrés lors d’un séjour à Paris. Il y était pour affaire et elle, pour un congé.

         Assis sur la terrasse du restaurant Le W de l’hôtel Warwick où il logeait, Christopher portait une chemise blanche légèrement déboutonnée, un pantalon en tissu bleu, et une magnifique Rolex à son bras. C’était en automne, il tenait un journal. Elisabeth, elle ne pouvait passer inaperçue sur une table un peu plus loin en face de lui. Ses cheveux blonds, parfaitement bouclés étaient relâchés sur ses épaules dénudées. Elle portait une petite robe à motif fleuri, et un pendentif au cou. C’est dans ce restaurant qu’elle déjeunait toujours. Habituée de Paris, elle y venait souvent avec son père, un écrivain pour qui Paris était source d’inspiration. Et voilà deux jours déjà qu’il l’avait remarquée.

  • Vous êtes de loin la plus belle femme de Paris. Puis-je me joindre à vous ?

Elle l’avait trouvé charmant, dès les premiers instants. Bavard, mais charmant. Il souriait puis riait, il l’avait tout simplement séduite…

         Il lui raconta qu’il était à Paris pour affaire et qu’il devait repartir dans la semaine. Elisabeth se proposa de lui faire visiter la ville à ses heures libres. Elle ne se considérait plus comme un de ces « touristes ».

         Le lendemain, il l’avait invité au ciné, puis dans un restaurant. Il était simple et décontracté, parlant sans gêne de tout et de rien. Ouvert et attentionné. Elle avait aimé chacun de ses petits détails. Il lui avait raconté sa vie. Il lui parla de son travail, de sa famille et de ses passions. Qu’il avait perdu ses parents, jeune et avait repris l’entreprise familiale, et qu’il avait un frère moins âgé qui exerçait dans le corps médical. Il était passionné de football, et n’avait pas trop de temps libres, mais qu’il adorerait la revoir une fois reparti. Ils s’échangèrent les contacts. Une semaine s’écoula et les échanges continuaient. Un appel par jour, puis deux et encore plus… Ils étaient devenus complices, se racontant leurs journées, leurs envies, leurs humeurs…

         Au bout de deux mois, il lui avait avoué s’être attaché à elle. Les sentiments se précisaient l’un comme pour l’autre. Ils étaient inséparables. Des soirées, des week-ends ensembles.

Mais pour protéger leur histoire des médias, ils gardèrent secrète leur relation. Christopher était décrit par la presse comme étant le jeune milliardaire célibataire le plus en vue de Londres. Des mois passèrent et Elisabeth ne supportait plus la situation. Il était beau, jeune, grand et charismatique. D’une élégance à faire chavirer le cœur de ces londoniennes. Elisabeth en était follement jalouse. Non pas qu’elle n’avait pas confiance en lui, mais parce qu’elle ne voulait plus voir les nombreuses relations qu’on lui donnait. Elle était heureuse avec lui, elle voulait que sa famille le sache, que le monde entier le sache. Plus que tout, elle voulait qu’il ne soit plus célibataire aux yeux du monde, qu’il ne soit plus si « accessible ». Elle ne voulait plus d’un amour caché.

Mais la presse poussait sa patience à bout. Les journaux à présent ne parlaient plus que du couple Crawford, de Christopher et Angélique. Une jeune et belle brune, une mannequine et fille du célèbre photographe Paul Castle. Elle était magnifique, une silhouette parfaite et de beaux yeux. On les voyait sortant d’un restaurant, ou se promenant main dans la main. Elisabeth en était excédée. Il ne peut s’afficher avec elle ainsi, mais avec cette Angélique, oui ? Elle se voyait résignée à rester dans l’ombre, reléguée à la seconde place. Celle qu’on berce de promesses. Il disait que c’était pour faire de la pub, pour faire monter les tabloïdes pour la carrière d’Angélique, et elle, Elisabeth y croyait. Elle l’aimait d’un amour sans pareil, acceptant ses nombreuses excuses.

Mais le temps passait, il se faisait de plus en plus rare. Prétextant des réunions, des voyages et des obligations. Les disputes devenaient fréquentes. Elisabeth en souffrait et cela se peignait sur son visage.

Marie, qui ne le connaissait pas, l’appelait Mrs X, et trouvait son amie soudainement fade et triste. Elisabeth lui parlait de ses problèmes sans dire de qui, il s’agissait. « S’il ne te rend pas heureuse Lise, tu mérites mieux » disait-elle. Marie lui refusait toute excuse. « L’amour s’il est sincère, ne se cache pas »

Quelques mois après, les rumeurs de sa relation avec Angélique s’étaient estompés sans pourtant être démenties. Christopher était plus fréquent, attentionné comme au départ. A cette époque, il lui avait offert un weekend à Paris, la ville de leur amour, comme il la surnommait. Pendant le séjour, il ne l’avait pas lâché, toujours au petit soin. C’était à nouveau, son Christopher. Celui qui la considérait comme une priorité ? Ils se redécouvraient, s’aimant de nouveau. Oubliées les disputes, les absences… Il était là. Et il semblait lui appartenir.

Au retour de Paris, les attentions se multipliaient. Des fleurs le jour, des cadeaux. Elle était à nouveau comblée, mais ressentait toujours au fond d’elle, l’envie de présenter Christopher à ses parents et à Marie, sa meilleure amie. Mais Christopher ne manquait jamais d’arguments.

Et enfin Décembre vint. Les parents d’Elisabeth comme à chaque année, fêtait le réveillon avec la famille Andrews, celle de Marie. C’était l’occasion parfaite pour Elisabeth de faire les présentations comme il se doit. Il ne pourrait plus prétexter d’attendre le bon moment. Mais une fois de plus, il s’en tira avec une bonne excuse. Son frère n’est pas de garde le soir du réveillon, il voudrait passer du temps avec lui. Elisabeth se sentirait coupable de le priver de voir son jeune frère et passe donc le réveillon seule en famille.

Et comme pour tout ressasser, le lendemain, Christopher faisait de nouveau la première page des magazines « Un diner de réveillon chez les Castle » ou même « C’est officiel entre Christopher et Angélique » « A quand la demande en mariage ? ». Elisabeth n’en revenait pas. Comment a-t-il pu la mentir ? Il n’était pas avec son frère mais plutôt Angélique. Plus d’excuses, ou de promesses après ça. Prise de colère et de dégout, elle déchira le journal, et se laissa tomber sur le tapis de sa chambre, éclatant en sanglots… Elle se sentait blessée et trahie. Il avait brisé sa confiance, et pire tout son monde s’écroulait. Elle était en enceinte…

C’était là, la nouvelle qu’elle voulait annoncer le soir du réveillon. Elle s’en voulait d’avoir été aussi stupide et de s’être laissé aller. Son cœur lui pesait comme s’il portait le poids du monde. Elle ne voulait plus le revoir. Plus jamais…

Des jours passèrent, des semaines sans nouvelles. Elle ne répondait plus à ses appels, renvoyait les bouquets de fleurs et refusait de le recevoir. Marie s’inquiétait de la voir si pale et fiévreuse. Mais Elisabeth la rassurait : « Ce n’est jamais facile une rupture, mais je vais bien ». Ne pouvant plus cacher son état, elle prit un vol pour Paris.

Il faisait froid. La neige recouvrait encore quelques recoins de rue. Elisabeth portait un manteau en fourrure beige, un gant et des bottes noires. Cela faisait déjà plus d’une heure qu’elle fixait l’entrée de la clinique. Se demandant mainte fois, si elle avait pris la bonne décision. Elle entend encore la voix de l’obstétricienne, « Vous avez le choix, êtes-vous sûre d’avoir pris la bonne décision ? Vous pouvez la faire adopter ? » C’était une fille. Mais elle se refusait d’y penser. Ce qu’elle va faire, va la poursuivre le restant de sa vie. Comment vivre avec ça ? Mais surtout comment élever un enfant toute seule ? Comment porter le fruit d’une illusion ? Pourra-t-elle lui dire qu’elle n’était qu’une erreur ? Pas une seule fois, elle n’a pensé à Christopher. S’il était vraiment sincère, il ne lui aurait pas autant fait souffrir.

Un pas après l’autre, elle entra dans la clinique. Le visage plissé et inquiet. C’est vite finit cette histoire, se disait-elle. L’infirmière l’amena se changer, puis la conduisit dans une salle. L’allongeant sur la table, l’obstétricienne lui assura que tout se passera bien. Une brève douleur disait-elle. Elle se rappelle encore, s’être allongée, les jambes écartées, tremblante de peur, maudissant le nom de Christopher, se maudissant elle-même de ce qu’elle allait faire. Elle se souvenait de la fraicheur de ces pinces touchant ses cuisses, comme accidentellement lui rappeler ce qui allait suivre. Elle ferma les yeux, les serra. Une brève douleur, voilà ce qu’avait dit l’obstétricienne, et c’était ce qu’elle avait ressenti, mais une profonde et brève douleur dans le bas ventre, mais plus encore dans le cœur. Le visage noyé de larmes, elle se releva. C’était fait. Et ce n’était pas plus la douleur physique qu’elle ressentait, elle avait comme la sensation d’un couteau planté au cœur. Brisée. Perdue…

Le temps de guérir de ses blessures, elle resta à Paris, prétextant quelques jours de vacances. Peu à peu le souvenir de Christopher s’effaçait. Mais elle avait en elle, de la colère et du mépris ? Cet homme lui avait promis de l’amour sans être disposé à le lui donner, quel lâche ! Se jurant de ne plus le revoir, elle décida de s’installer à Paris. Définitivement.

Elle ouvrit sa propre galerie d’arts, qui dès son inauguration connut un grand succès. Le temps dissipa son chagrin, sans laisser place à un autre amour. Seule la galerie comptait.

Quelques temps plus tard, elle se rendit attristée à Londres au chevet de sa mère à qui on diagnostiqua tardivement un cancer de l’utérus et qui mourut finalement deux semaines après. Une période pénible pour la famille. Mais c’est qui la fit revenir à Londres, elle ne voulait plus s’éloigner de son père, qui à présent restait seul. Et c’est pendant cette période où sa mère était hospitalisée, que sa route croisa celle de Brian Crawford.

Elle avait retrouvé Marie, une autre bonne raison de rester. Pourquoi ne pas rattraper le temps perdu ? Avec Marie, elles s’étaient installées dans le chalet familial des Andrews, pour le week-end. Marie expliqua à quel point elle lui avait manqué. Elle parla aussi de Dan, un jeune et brillant avocat qu’elle avait rencontré. Il était charmant et lui plaisait déjà beaucoup. Elisabeth se réjouissait de la voir si heureuse. Mais s’excusa de n’avoir tant à raconter de sa vie, sinon que sa galerie marche à merveille, et qu’elle voudrait rester à Londres, ouvrir une autre galerie. Pas d’histoire d’amour furtif ou même d’une rencontre excitante…

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