Ferme résolution, je dois sortir d'ici
Write by Plénitudes by Zoé
Chapitre 3 : Ferme résolution, je dois sortir d’ici
Je ne sais plus depuis combien de temps je suis roulée en boule sur le bloc de ciment qui me sert de lit. J’aurais pu y passer toute la journée si une gardienne n’était pas venue me rappeler que ce n’était pas un hôtel cinq étoiles et qu’il fallait travailler selon le « programme de réinsertion des détenues dans la société » et autres conneries du genre. Je m’en serais bien passée vous pensez bien mais c’est obligatoire. J’ai choisi la buanderie, je dois y laver les draps et les uniformes avec quatre autres femmes. Quand j’entre dans la buanderie, enfin quand j’y ai déboulé parce que la gardienne trouvait que je trainais des pieds et a voulu me faire avancer plus vite, les conversations se sont tues.
Les quatre femmes déjà présentes me regardaient comme une bête curieuse et je ne saurais les en blâmer, je n’ose imaginer la tête que j’ai depuis ces deux jours où je suis enfermée dans ce trou à rats. Elles m’observent passer en trainant des pieds. Et sous leur regard, j’ai fait une chose que je n’ai pas faite depuis une éternité devant quiconque : j’ai baissé la tête. Et elles se sont mises à rire.
Détenue 1 : Alors comme ça on était une grande dame avant ?
Détenue 2 : Et implacable à ce qu’il paraît.
Détenue 3 : Il paraît aussi que tout le monde tremblait devant toi ? Je ne vois pas pourquoi perso.
Détenue 2 : Peut-être que c’est son joli cul qui tournait la tête à tout le monde (me met la main sur les fesses)c’est vrai qu’il est aussi ferme qu’il en a l’air.
Je sursaute violemment à ce contact, plus par surprise que par peur. Mais ça, elle ne le sait pas. Elle se mettent à rire bruyamment, enfin les trois premières tandis que la dernière se contentait de faire son travail en faisant mine de ne pas nous voir.
Moi (me retournant) : Jamais plus tu ne me toucheras sans mon consentement…
Détenue 2 (se rapprochant) : Ah ouais et tu vas faire quoi si je le fais ? (Elle m’agrippe les cheveux et se met à tirer violemment en me saisissant le sein.
Ce qu’elles ne savent pas, c’est que pour être à la position que j’occupais au sein de l’organisation, je devais savoir me défendre. Et plus encore après ce que j’ai vécu, je me suis mise au kickboxing dès que je suis arrivée en Amérique. Trop rapidement pour qu’elle comprenne quoi que ce soit, je lui assène un coup de poing sur le côté dans le but de la faire lâcher prise, puis je la frappe à la gorge et pendant qu’elle suffoquait, je lui fais une balayette qui l’envoie au tapis avant de m’assoir sur son ventre pour la frapper au visage encore et encore. Les deux autres sont venues à la rescousse de leur amie, me tirant par les cheveux et essayant de me faire lâcher prise. Je dis bien essayant parce qu’à cet instant précis, je ne ressens aucune douleur, même lorsqu’elles arrivent à arracher mon tissage. Ce sont les gardiennes qui viennent nous séparer à coups de matraque et je me retrouve à l’isolation.
Cela fait des jours, ou peut-être juste des heures que je suis dans cette cellule sombre, grise sale d’à peine 2m sur 2, à discuter avec les cafards pour ne pas devenir cinglée. C’est d’autant plus difficile à supporter pour moi que je ne supporte pas la saleté, mais tout cet endroit est infecté.Je n’ai aucune notion du temps qui passe, il n’y a aucune lumière qui filtre et je n’ai aucun repère, je suis complètement déboussolée, isolée, seule avec mes souvenirs.
*****
Cette nuit-là, j’étais officiellement mariée ou du moins pour tout le village je l’étais. A même pas 15 ans. La douleur que je ressentais était telle que je n’arrivais pas à parler durant la cérémonie, mon cerveau était comme déconnecté, comme si cela arrivait à quelqu’un d’autre. Mes parents sont venus me recommander de bien me comporter dans ma nouvelle famille, de respecter tout le monde pour ne pas leur faire honte. C’est quand même un comble n’est-ce pas ? Mes sœurs et frères me regardaient avec de la pitié et un peu de mépris aussi, sûrement très contents de se débarrasser de cette sœur qui leur faisait de l’ombre depuis si longtemps.
Donc cette nuit-là, tonton est venu dans la case où on m’avait installée, s’est déshabillé tout d’abord en me demandant de faire de même. Ce que j’ai refusé à grands renforts de larmes, de supplications et de larmes. Et bien sûr, ça ne l’a pas du tout ému et il m’a forcée à m’allonger en me disant « si tu ne veux pas te déshabiller, on fera avec ». Il s’est allongé sur moi avec son gros corps flasque, son énorme ventre et son truc bizarre qui me touchait. J’avais envie de vomir. J’ai essayé de m’enfuir, mais je n’étais pas assez forte. J’ai beau crier, personne ne venait. J’ai fini par me résigner et à me laisser faire. J’ai ainsi été violée par cet homme que je prenais pour un gentil oncle quasiment tous les soirs pendant plus de trois ans.
Avec mes coépouses ce n’était pas non plus la joie. Surtout que leurs enfants étaient pour la plupart bien plus âgés que moi. Et que leur mari les délaissait complètement pour moi. D’ailleurs ses enfants étaient tout aussi méchants, mesquins et manipulateurs. Voulant à tout prix créer la discorde entre leur père et moi. Mais rien de tout cela ne me touchait, j’ai vécu trois ans en pilotage automatique, rien de tout ce qui m’entourait n’avait d’importance. La seule chose qui me sortait de ma torpeur c’était l’école. Mon « mari » m’avait permis de continuer si j’étais sage, obéissante et tendre avec lui. J’ai pris sur moi et j’ai supporté. Tout ce temps…
Je me souviens encore que j’étais en seconde, lorsque j’ai eu mes règles pour la première fois. Et que j’ai paniqué toute la journée. Ms Brown a été celle qui m’a expliqué comment je devais gérer ces moments-là. Et sans elle je serais perdue parce que je croyais que ça s’arrêtait tout seul au moment de dormir et que ça recommençait le lendemain. Bref, il paraît que certaines filles c’est leur mère qui leur expliquait, la mienne je ne l’avais pas revue depuis mon mariage. Je suppose que tant que les cadeaux pleuvaient, elle n’avait pas à s’inquiéter de mon sort. C’est aussi Ms Brown qui m’a fait prendre la pilule discrètement pendant tout ce temps pour que je ne tombe pas enceinte de ce porc.
Cette nuit-là, j’ai cru que j’aurais pu me reposer vu qu’avec tout ce sang, il n’aurait pas pu me faire quoi que ce soit, mais c’était mal le connaître. Il faisait sa sale besogne pendant qu’il m’insultait, que j’étais dégoûtante, que toutes les femmes l’étaient, que c’était moche, sale et anormal de pisser du sang une fois par mois mais que j’étais sa chérie alors qu’il me pardonnait d’être aussi sale. Depuis ce temps-là, je n’arrivais pas à survivre à la saleté. J’en étais même arrivée à détester mon propre corps, que pourtant tout le monde trouvait agréable à regarder. Je ne supportais plus mon reflet dans le miroir ni qu’on me touche, mais je n’avais pas le choix. On ne me lassait pas le choix.
Ce fut ainsi jusqu’à l’année de mon BAC où le neveu de Somié avait été envoyé par ses parents au village, pour qu’il arrête d’être bandit et qu’il rentre dans le droit chemin en restant loin de ses amis qui « sont de mauvaises fréquentations pour lui ». Dès lors, ma vie a pris une tournure complètement différente. J’étais tombée amoureuse.
****
J’émerge lorsque j’entends des clés tourner dans la serrure. On me sort de mon cachot et je peux enfin voir la lumière du soleil qui m’aveugle lorsque nous traversons la cour déserte pour me ramener dans ma cellule habituelle. Apparemment je n’ai passé que 24h en cellule disciplinaire mais j’ai eu l’impression que cela faisait une éternité. Par contre mes adversaires y resteraient un peu plus longtemps, c’était apparemment leur habitude de s’en prendre aux nouvelles. Mais rares devaient être celles qui se défendaient aussi bien que moi.
Je passe tout d’abord à la douche, c’est mon seul moment de répit de la journée même si elles ne sont pas très propres, c’est de l’eau qui en sort, alors c’est déjà ça. Quand je veux mettre ma tête de côté pour ne pas mouiller mes mèches, je me rends compte qu’il n’y a plus grand-chose à protéger alors j’arrache moi-même le reste. Mes cheveux en ont souffert mais à ce moment-là c’est le dernier de mes soucis. Il faut que je trouve un moyen de sortir d’ici. C’est devenu vital. Et pour cela, je reprends mon plan initial, et si je ne peux pas les soudoyer, je prendrai le contrôle de cet endroit par la force.