Il y a 28 ans
Write by Plénitudes by Zoé
Chapitre 1 : Il y a 28 ans.
Lorsque je finis de porter ma tenue de prisonnière sous le regard affamé des gardes, la tête haute même si je ressentais une furieuse envie de vomir, je me dirigeai vers les cellules, escortée par une gardienne. Elle ouvre une cellule et me pousse à l’intérieur. Elle pense avoir du pouvoir sur moi à cet instant mais ce qu’elle ignore c’est qu’elle sera l’une des premières à mourir à ma prise de pouvoir de cet endroit.
Je pose les affaires qu’elles m’ont données sur la petite table dans un coin et regarde autour de moi. Il y a 4 lits au total, superposés 2 à 2 et la pièce est à peine plus grande que mon dressing. Ma maison me manque énormément. Et plus que tout, SI seulement Conrad était là ! Jamais tout ceci ne serait arrivé. Non, il ne faut pas que je pense ainsi, c’est le meilleur moyen pour rapidement perdre espoir.
Je vois que tous les lits sont occupés et qu’il n’en reste qu’un. C’est celui sur lequel je m’installe en ignorant royalement mes codétenues. Je me mets à échafauder un plan. Première étape : appeler Philippe, mon assistant pour qu’il puisse débloquer suffisamment des fonds que j’ai cachés dans des comptes off-shore aux îles Caïman, j’ai tout mis à son nom. C’est l’une des rares personnes auxquelles je fais encore confiance, tout simplement parce qu’il a trop peur de moi pour me trahir. Deuxième étape : acheter les « gros bras » de la prison, celles que tout le monde craint et respecte et les faire travailler pour moi. En prison, on n’a pas besoin d’argent mais tout le monde a une famille, des gens qui comptent à l’extérieur qui auraient bien besoin d’un million de dollars pour aider dans la vie de tous les jours. Troisième étape : acheter les gardiennes. Mais tout ceci doit se faire dans la plus grande discrétion. Je vais attendre la pause pour demander à passer mon coup de fil.
Doucement, mes pensées m’emmènent vers les choix que j’ai faits pour en arriver à être l’une des femmes les plus puissantes des Etats-Unis et la dirigeante de la plus grande organisation illégale de ce pays. Bien sûr, sans Philippe, je serais encore aux yeux de tous une femme respectée qui œuvre dans l’humanitaire et les œuvres de bienfaisance et mon business serait toujours caché. Malgré tout, je n’arrive pas à le détester, une femme amoureuse n’a vraiment aucune jugeotte, c’est tout le problème.
Il était une fois, dans un petit village du nord du Togo, nommé Lama, le plus beau bébé jamais vu dans ce village naquît. Et c’était une telle joie pour ses parents car c’était leur septième enfant et par-dessus tout une fille d’une beauté rare, elle deviendrait la perle de ce village ils en étaient sûrs. Et grâce à cela, ils sortiraient enfin de la misère. La plupart de leurs enfants étaient des filles mais juste quelconques qui n’attiraient pas le regard des hommes importants de ce village. Que des jeunes délinquants qui traînaient autour de leur maison à des heures tardives et que le père renvoyait à coups de coupe-coupe. Il se disait « Ma fille deviendra la femme du prochain chef de ce village et ainsi la famille PELE deviendra enfin une famille respectée dans ce village ». La mère quant à elle commençait à songer au moyen d’entretenir la virginité de sa fille jusqu’à l’âge de quinze ans où elle pourrait se marier.
Ce bébé, qui ne savait pas encore que son avenir venait d’être décidé ainsi sans son accord et qui dormait paisiblement sur le matelas dur de sa mère, eh bien c’était moi. Quoi ? Comment je sais à quoi pensaient mes parents alors que je n’étais qu’un bébé ? C’est moi la narratrice ou c’est vous ? Donc on me laisse continuer sans m’interrompre, merci. Bref, si j’avais su tout ce qui m’attendait, peut-être aurais-je préféré retourner dans l’abri du ventre de ma mère. Peu importe, la vie est comme elle est, on n’y peut plus rien désormais.
Lorsqu’il a fallu sortir le bébé pour la première fois, mes parents qui pourtant ne sont que de pauvres cultivateurs sans le sou, se sont endettés pour faire une grande fête parce que tout le monde devait venir voir le bébé prodige, le plus bel enfant du village mais surtout pour que les futurs prétendants se déclarent. La dote commencerait à se faire manger dès à présent. Aujourd’hui je dirais que c’était plus une cérémonie pour m’exhiber et me vendre qu’autre chose.
Ce jour-là, à défaut du chef du village, le plus riche commerçant a su s’attirer les bonnes grâces de mes parents, à qui il offrait de tout, des consommables jusqu’aux choses utiles comme le pétrole, les vêtements pour toute la famille et j’en passe. Je précise que j’avais à peine une semaine et lui quarante-deux ans. Il s’appelait Somiéabalo. Je l’appelais tonton pendant toute mon enfance, trop jeune pour comprendre qu’à quinze ans je devrais l’épouser.
J’ai commencé à aller à l’école du village voisin à cinq ans, ce qui était plutôt jeune pour l’époque, mais je voulais toujours suivre mes frères lorsqu’ils y allaient et puisque c’était Somiéabalo qui payait les frais de scolarité de tous les enfants, mon père n’y a vu aucun inconvénient. Même s’il était clair dans sa tête que j’arrêterais après avoir eu mon BEPC au plus grand tard. Le moment venu, ceci a été la plus grande source de discorde entre mon père et moi. Je ne me voyais pas ainsi, m’arrêter au niveau BEPC alors que notre institutrice, Ms. Brown, une Américaine blanche qui s’est retrouvée dans ce coin perdu je ne sais comment, nous racontait toutes les possibilités qui s’offraient à nous si nous pouvions avoir des diplômes : la licence, la maîtrise, et pourquoi pas, devenir médecin et faire la fièrté de ce coin paumé. Il va sans dire que j’étais extrêmement douée pour les études, tellement douée que Ms Brown m’a vite remarquée et a commencé à me mettre « des idées de blanc » dans la tête comme mon père le disait.
Je me souviens encore que lorsque j’ai eu 12 ans, ma mère commença à vérifier si j’étais toujours vierge une fois par semaine. Je crois qu’elle avait remarqué le regard des hommes sur moi dans la rue, quand j’allais puiser de l’eau ou quand je l’accompagnais pour la récolte. Pourtant ça ne me disait rien du tout, trop innocente pour comprendre. Elle me répétait « Tu dois rester vierge et ne pas donner aux garçons ce qu’ils te demandent ». J’avoue qu’à l’époque tout ça me passait au-dessus de la tête.
Je me souviens très clairement du moment où j’ai su quel effet je faisais aux hommes et comment en user, j’obtenais tout ce que je voulais d’eux. Un battement de cils par ci, un balancement plus prononcé de mes reins par-là, j’en faisais ce que je voulais, plusieurs fois il a fallu séparer des bagarres à cause de moi. Jusque-là j’ignorais que j’étais fiancée avec tonton.
Un son strident retentit et me ramène à la réalité. C’est la cloche qui annonce la pause. L’heure est venue de contacter Philippe. Je me lève, me met dans le rang à l’extérieur de la cellule et avance ver la cour. Quand j’y arrive, je me rapproche d’une des gardiennes pour faire valoir mon droit à un coup de fil. Elle me regarde longuement de haut en bas, de bas en haut et je subis son examen sans broncher. Elle finit par accepter et me demande de la suivre. Nous arrivons au parloir et elle me montre du doigt un téléphone fixe comme on n’en trouve plus de nos jours, avec les touches sur un clavier rotatif. Heureusement que je connais le numéro de Philippe par cœur.