Inspecteur Mélanie
Write by lpbk
Durant le trajet de retour, les
explications de madame Felton tournent en boucle dans ma tête et je ne sais pas
quoi en penser.
D’un côté, son histoire me parait trop
invraisemblable, trop énorme pour être vraie. Mais d’un autre côté, je me
demande pourquoi inventer une telle histoire, qui peut en partie se
vérifier ? D’ailleurs, je décide de faire quelques petites recherches sur
le net pour en découvrir plus sur ce Thomas.
Je commence par la base et écrit le nom de
ma recherche. Le navigateur mouline quelques secondes. Je tombe sur des auteurs
de bouquins, des businessmen mais aucun ne tenant un club. Je continue et
accole « club » à son nom mais là encore, ce ne sont pas les bonnes
personnes qui s’affichent puisque je navigue entre différents joueurs de
footballeur. Je ne lâche rien et poursuis en changeant l’ordre des mots, en
enlevant son prénom et là, je fais encore chou blanc. Soudain les paroles de
madame Felton me reviennent en mémoire, elle avait parlé de « l’héritière
et le fêtard ». Après tout, pourquoi pas ? Ce pourrait être un titre
très accrocheur pour la presse à scandales. Je tente donc ma chance.
Evidemment, il ne fallait pas rêver ; je me retrouve avec une pléthore
d’œuvres romantiques.
Je décide de poursuivre ma quête, mais au
bout d’une demi-heure à taper toutes sortes de mots clés, je dois m’avouer
vaincue. Aucune découverte, si minime soit-elle, ne vient égayer ma matinée.
Cependant, je dois bien admettre qu’Internet n’existait pas encore il y a
quelques années et que tous les journaux n’ont pas été numérisés.
Je me sers une tasse de café instantané
que je ne savoure pas autant que celui de Marguerite et me mets à faire les
cent pas dans mon appartement à la recherche d’une idée. Je ne veux pas trouver
d’excuses à madame Felton mais je ne veux pas non plus tirer de conclusion
hâtive et une fois encore, lui jeter la pierre. Elle semblait si sincère en
nous racontant son passé… Ce Thomas semble vraiment avoir compté pour elle.
A force de ressasser, je sens une migraine
poindre doucement. J’attrape mon blazer, mon smartphone et mon sac à main avant
de dévaler les escaliers de mon immeuble : j’ai besoin de prendre l’air…
Et aussi de boire un véritable café.
En arrivant sur le palier du dessous, je
tombe sur Ethan qui sort justement de chez lui.
— Mélanie ! me lance-t-il surpris. Quelle bonne
surprise de te voir… Ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu.
J’ai l’impression qu’il est nerveux mais
je pense que je me fais des films.
— Moi aussi, je suis contente de te voir. Désolée mais
ces derniers temps, j’ai été pas mal occupée avec le travail. Enfin, tu sais ce
que c’est.
— Oui, oui, me répond-il vaguement. Toujours à courir
par monts et par vaux.
— Exact, dis-je, amusée par son expression désuète.
Qu’est-ce que tu deviens ?
— Toujours pareil, tu sais. Je suis comme toi, toujours
avec le boulot. J’espère obtenir un job intéressant dans les prochaines
semaines alors je m’acharne.
— Je crois en toi, l’encourageai-je, sincère. Je sais
que tu peux y arriver.
— Merci, me sourit-il. Et toi ? Tu sembles…
ailleurs, termine-t-il.
Et je ne sais pas pourquoi, je lui déballe
tout. Nos retrouvailles avec André, même si j’omets de parler de notre nuit
ensemble. Je lui raconte tout du mariage d’Olivia et de la fuite de Pierre,
pour finir par les révélations de la mère d’André qui me font tiquer et mes
recherches infructueuses en ligne.
— Waouh ! s’écrie-t-il, les yeux ouverts comme des
soucoupes. Il s’en passe des choses dans ta vie.
— En ce moment, oui, ris-je. Enfin, je me suis dit que
l’air frais me remettrait mes idées en place et m’aiderait à faire le point, à
trouver une solution pour attester ou non de la véracité de son histoire.
— Je comprends, me répond Ethan, songeur. Dis-moi,
reprend-il après quelques instants de silence, ton amie Coralie, elle n’est pas
journaliste par hasard ?
— Si, pourquoi ? m’enquis-je, perplexe face à cette
question qui n’a rien à vois avec notre conversation.
— Je me disais que peut-être qu’elle pourrait avoir des
contacts ou des accès aux anciens journaux qui n’ont pas été numérisés
justement. Tu pourrais y faire tes rech…
— Ethan, dis-je en lui sautant au cou, tu es un
véritable génie !
— C’est ce qu’on dit, oui, rétorque-t-il, hilare.
— Ecoute, je suis vraiment désolée… je dois passer
quelques coups de fil assez urgent et…
— Vas-y ! m’ordonne-t-il. Moi aussi, je dois me
dépêcher.
Pendant qu’il file en direction de
l’entrée de notre immeuble, je me précipite à mon appartement. Le vrai café
attendra plus tard ! Je dois appeler Coralie.
Je sélectionne le numéro de ma meilleure
amie dans mon répertoire et laisse la sonnerie résonner dans mon appartement,
pendant que je me prépare une nouvelle tasse de caféine.
Après une éternité, Coralie finit enfin
par décrocher.
— Heureusement que je ne suis pas sur le point de
mourir, lançai-je, gaiement.
— Mélanie, me répond une voix masculine. Coralie est
sous la douche, elle…
— Qui êtes-vous ? questionnai-je l’inconnu. Que
faites-vous avec le téléphone de Coralie ?
— Désolée, c’est Alex. Comme je disais, Coralie est sous
la douche, elle ne devrait plus en avoir pour très longtemps.
— Alexandre ? m’exclamai-je, ébahie. Vous êtes chez
Coralie ?
— Euh… Oui, me répond-il, apparemment gêné. Ecoute, elle
te rappelle dans quelques minutes, si tu veux.
Je mets fin à son supplice en lui
indiquant tout de même qu’elle doit me rappeler le plus rapidement possible,
car il s’agit d’une urgence. Il semble soulagé lorsqu’il raccroche après m’avoir
promis de transmettre le message.
Alexandre et Coralie ?
Vraiment ?! Je ne m’y attendais pas mais je dois admettre que leur
hypothétique liaison tombe sous le sens. Lorsque nous avions organisé le
rencart à plusieurs, ils s’étaient plus immédiatement et avaient passé la
majorité de la soirée à se faire les yeux doux. Alex avait même servi de
chevalier servant à ma meilleure amie tout au long de la soirée. Je croise les
doigts pour elle, pour eux, car Coralie mérite ce bonheur, cet amour.
Je me remets devant mon ordinateur,
cherchant d’autres idées de mots clés mais rien ne vient. Je regarde les
minutes d’égrener lentement pendant que j’attends l’appel de ma journaliste
préférée. Qui ne semble pas, pour une fois, pas très enthousiaste ou pressée de
me rappeler.
J’ai enfin les réponses à mes
questions ! Il était temps d’ailleurs car je n’en pouvais plus d’attendre.
Je m’apprêtais à faire un saut chez elle,
lorsque Coralie s’est finalement décidée à me rappeler. Je lui ai fait un topo succinct
de la situation puis lui ai expliqué son rôle. Comme je m’y attendais, elle n’a
pas cherché plus loin.
— Je connais quelques personnes qui me doivent des
services. Masi on est dimanche donc bon, ça va être plus long. Ecoute, je les
appelle et je fais au plus vite.
— Tu es formidable, merci ma chérie, dis-je, sincèrement
touchée.
— Les amies sont faites pour ça, me répond-elle.
— Au fait, en parlant d’amitié, je pense que nous allons
avoir une petite conversation d’ici peu, lui fis-je remarquer.
— A propos ?
— Ne joue pas les innocentes ! Alex a répondu à ton
téléphone. Et nous savons, toi comme moi, que tu ne laisses absolument personne
toucher à ton précieux. Quand bien même, il est chez toi et tu n’as reçu aucun
homme chez toi depuis…
— C’est compliqué, soupire-t-elle. On en reparle plus
tard ? me demande-t-elle presque suppliante.
J’acquiesçais et raccrochais. Il ne me
restait qu’à attendre les résultats de son enquête.
Je passais le reste de la journée pendue
au téléphone entre les appels pour les différents prestataires, l’annulation du
voyage de noce mais aussi celles des cadeaux à renvoyer aux invités. J’aurais
pu appeler ma mère pour avoir des explications de sa part mais je ne m’en
sentais pas capable. Et je voulais savoir si madame Felton m’avait dit toute la
vérité avant de la confronter. Bref, je me suis plongée à cœur perdu dans le
travail, je ne vis pas le temps filer, et heureusement je crois.
Alors que j’allais passer un énième appel,
la sonnerie de l’entrée se fit entendre.
Une fois. Deux fois. Trois fois. Ce ne
pouvait qu’être une des filles.
Probablement Coralie.
Effectivement, elle tapait du pied sur mon
paillasson, signe que je n’avais pas été assez rapide à son goût pour ouvrir.
Je suis étonnée par son accoutrement : une large blouse à fleurs, un
pantalon fluide dans les tons gris et une paire de ballerines à pois. Voilà qui
ne lui ressemble pas. D’habitude, ma meilleure amie est plutôt du genre à
porter des couleurs qui se voient à environ trois kilomètres à la ronde et qui
la rendent inratable ! Une tenue qu’elle affectionne particulièrement est
même composée d’un chemisier orange fluo, d’un jean slim et d’escarpins
vertigineux que je n’ose même pas imaginer porter. Et évidemment, son sac
Chanel, qui ne la quitte jamais, est accroché à son bras. Mais là, même lui
semble l’avoir désertée.
Comme elle ne semblait pas d’humeur à
parler, je ne fis aucune remarque me contentant de lui ouvrir plus largement la
porte pour qu’elle puisse entrer et enfin me donner les réponses tant
attendues.
Linda avait-elle menti ou Thomas avait-il
vraiment existé ?
— Ton Thomas était vraiment quelqu’un, ma lança tout de
go Coralie. Il a eu une vie trépidante, et ce n’est rien de le dire.
— Donc il a vraiment existé ?
— Oui. C’était le propriétaire d’un ancien night-club
très en vogue. Il s’appelait…
Elle se mit à chercher dans les papiers qu’elle
avait rangés dans une pochette.
— … le Luxuriant. Il arrosait pas mal de policiers car à
l’époque pas mal d’activités illégales s’y passaient. D’après ce que j’ai pu
rassembler, il fermait les yeux sur plusieurs business qui se déroulaient
durant ses soirées privés notamment la prostitution, la vente de drogue, etc.
Bref, il était mouillé jusqu’au cou.
— Pas très fréquentable, en somme.
— Totalement ! Pour le reste, je sais que chaque
soir ou presque, il s’affichait avec une nouvelle fille. Jusqu’à ce qu’il
rencontre l’héritière comme le titrait les journaux.
— Madame Felton ? la questionnais-je, avide de
savoir.
— Bingo ! A l’époque, elle était encore une Bah. Leur
histoire a fait couler beaucoup d’encre ; d’autant qu’elle était de quinze
ans la cadette de Thomas. Autre fait, leur histoire a duré pas mal de temps. Tous
les médias parlaient d’un probable mariage entre les deux tourtereaux car
Thomas ne s’intéressait plis à aucune autre femme, il avait fait le tri dans
ses contacts et son club commençait à se racheter une réputation en devenant
réglo. Bref, il était sur la bonne voie.
— Mais, elle a dit qu’il a refusé de l’épouser lorsqu’elle
s’était présentée à lui ! m’exclamais-je, choquée par ses révélations.
— Là, je ne peux pas t’aider, ma belle. Peut-être qu’il
faudrait voir avec les parents d’André directement. Ils auront des réponses que
je ne peux dénicher. En tout cas, reprit-elle après une courte pause, tu sais
maintenant que la mère d’André ne t’a pas menti. André et toi avez peut-être
une chance aujourd’hui.
Je ne répondis rien, plongée dans mes
pensées.
Madame Felton et ma mère avaient peut-être
manigancé tout cela pour nous séparer il y a douze ans mais aujourd’hui, plus
rien ne s’oppose à notre bonheur.
Si je voulais être tout à fait honnête
avec moi-même, je dois bien avouer que cette nuit avec André m’a marquée. Je ne
parviens pas à la chasser, elle me hante et me laisse entrevoie une myriade de
possibilité d’avenir que je n’avais pas envisagé jusqu’ici.
Aurions-nous une seconde chance, comme le
prétendait Coralie ?
Pourrions-nous enfin être heureux ?
Il fallait que je retrouve André et que nous discutions sérieusement. Pour une
fois.