Je suis la fille de mon père
Write by FleurdeLhys
Yaêlle
jeta un coup d’œil à sa montre. Une demi-heure qu’on la faisait attendre. Sans
doute pour augmenter son niveau de stress mais elle resterait zen par tous les saints
en ce moment crucial.
Finalement
ses deux frères apparurent et la dévisageait comme si elle eut été un phénomène
de foire.
Nous
aurions été en plus grand nombre : trois contre deux si les jumeaux
avaient été vivants pensa Yaëlle
-Bonjour
cher sœur. Je me présente ; je suis Richard le fils aîné de notre père et
voici Thomas notre jeune frère.
-Enchanté
chers frères : ravie de vous rencontrer même si c’est à une bien triste
occasion. Mes condoléances.
-Plaisir
partagée et toute mes condoléances à vous aussi. Nous aurions sincèrement aimé
vous connaître plus tôt.
Yaëlle
se demanda s’il pensait vraiment ce qu’il disait mais répondit tout de même
-Moi
de même.
Un
homme de race blanche d’un certain âge fit son entrée dans la pièce, sans doute
le notaire.
La
réunion commença. Le notaire pris la parole :
-Tous
les enfants du défunt sont-ils là ?
-Yaëlle ?
-Présente
-Richard ?
-Je
suis là
-Thomas
-Oui
-Bien.
Madame KPODEGBE, bonsoir.
-Bonsoir
maître LAPERE.
-Bien.
Tout le monde est présent. Nous allons, sans plus tarder démarrer la lecture du
testament de votre père et époux ; Yassir KPODEGBE
Le
sieur Yassir a souhaité être enterré ici au Canada dans la plus stricte intimité
en la présence de son cousin David ; ses frères et sœurs directs, sa femme
et ses trois enfants si possible.
Il
informe par ce biais ; son épouse et ses deux garçons qu’il a une fille du
nom de Yaëlle KPODEGBE, fille de Geneviève BATONDE ; qu’il reconnait et qu’il
légitimise comme ayant droit au même titre que les enfants issus de son mariage.
A
ce titre ; il lui lègue respectivement ses parts dans l’entreprise « Une
histoire d’or » à Paris ; ses cotations en bourse sur le marché du
cacao aux Etats-Unis. L’une de ses voitures de courses. La Citroen GT 2010 ainsi
que trois parcelles nue d’une valeur de 150 millions de francs CFA au Bénin.
Enfin. Il signale l’existence d’un compte bloquée de 35.000.000 de francs CFA
au nom de Yaëlle KPODEGBE symbolisant une forme de dédommagement pour toutes
les années où il n’a pas pu assumer matériellement et financièrement son rôle.
Il
souligne qu’il se peut qu’elle refuse mais que de là où il se trouve, il
reconnait son tort et lui demande pardon à elle et à sa mère. Il ajoute qu’il
était trop orgueilleux pour prendre son téléphone et l’appeler de peur qu’elle
lui raccroche au nez mais qu’il suivait toutes ses victoires, les petites comme
les grandes. Qu’il l’aimait depuis le premier jour où elle était née mais qu’il
était trop lâche, trop égoïste pour se l’avouer.
Il
conclut qu’elle devait accepter tout ceci non pas parce qu’elle en aurait
forcément besoin mais comme le signe qu’elle envisagerait peut-être de lui pardonner
afin que l’au-delà lui soit favorable.
Un
silence électrique s’installa dans toute la salle. Toutes les paires d’yeux
étaient tournés sur elle. Pour la première fois de sa vie, elle se sentit
vraiment petite.
Yaëlle
resta sans voix. Même dans la mort ; son père négociait son pardon.
Cet
homme était un conquérant comme elle. Il calculait tout dans les moindres
détails avec la finalité de parvenir toujours à ses fins peut être pas toujours
avec des moyens catholiques mais Yaëlle devait s’avouer qu’elle était aussi une
« jusqu’auboutiste ». Gagner ou gagner. Et même s’il l’avait aimé, il
n’avait pas su le lui démontrer par peur d’être rejeté.
C’est
cette même peur qui avait conduit la jeune femme à s’en éloigner ; à
refuser de lui parler au téléphone ; de le voir lors de ses séjours au
Bénin ; de prendre ses présents. Elle avait eu peur de s’attacher à un
père qui ne serait jamais présent dans sa vie. Elle avait besoin de lui en
vouloir ; de le haïr à la limite pour pouvoir se surpasser. Ce fut son
carburant pour fonctionner correctement depuis ses nombreuses années. Si elle
avait pu donner le meilleur d’elle-même, c’était grâce à cette rage.
Yassir
était mort mais il a fallu qu’il meurt pour qu’elle comprenne que c’était exactement le père qu’il lui fallait
pour être la femme dont tout le monde était fière aujourd’hui. Ses yeux
commençaient à s’humidifier et de crainte de fondre comme une madeleine ;
elle fit signe qu’elle devait sortir un moment.
-Laissons
le temps à votre sœur de retrouver ses esprits. Il faut avouer que tout cela
est lourd à porter pour les uns et les autres. Continuons. Votre tour maintenant
monsieur Richard dit le maître LAPERE.
Yaëlle
courra jusqu’au balcon le plus proche pour respirer une bonne bouffée d’air.
Non ; elle ne pleurerait pas. Elle était une « KPODEGBE » et jamais personne
n’avait vu Yassir couler une seule goutte de larmes alors elle se devait
d’honorer sa mémoire en faisant de même. Finalement, quoiqu’on dise les chiens
ne font pas de chats.