Joël et Ami 12 : Où suis-je ? (2ème partie)

Write by Dja

De son côté, Aminata était loin de s’imaginer ce que les deux amis étaient en train de projeter.


Elle était toujours aux prises de nausées matinales et quelques jours après le départ de son père pour l’Ouganda, elle passa au bureau de Joël. Sa mère ne soupçonnait rien de son état. Il faut dire qu’elle faisait tout pour paraître en forme, alors qu’elle souffrait énormément de cette grossesse qu’elle maudissait au fur et à mesure que les jours passaient.


Elle avait été obligée d’attendre une semaine avant d’aller voir Joël. Yaye Fatou et ses sœurs l’accaparaient tous les jours. MalheureusementJoël s’était absenté pour aller voir du pays avec Richard.


« Sûrement qu’ils y étaient allés avec des filles. Et sûrement que cette Sandra était allée avec eux…. »

Elle s’en mordit la lèvre.


 A quoi cela lui servait-il de penser encore à elle. Mais, Ami ne pouvait s’en empêcher. A chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle avait l’impression de l’entendre gémir. Elle la revoyait crier sous les assauts de Joël. Et, la vision de leurs corps entrelacés la rendait folle. Comme elle se maudissait d’avoir pu croire aux belles paroles de ce salop.


La veille, elle lui avait finalement envoyé un message court :

« Demain, je passe à ton bureau. Je dois te parler ! »


Mais, elle n’avait pas tout de suite reçu de réponse. Elle l’avait alors appelé sur son portable, puis ne parvenant pas à le joindre, avait appelé chez lui. Le répondeur la reçut :


« Ecoute-moi bien ! Je sais que tu es rentré car ta secrétaire me l’a dit ce matin. Je passe te voir à ton bureau demain à midi. Tu as intérêt à être là. Je suis enceinte ! A demain ! »


Au moment où elle raccrocha, l’appel fut pris de l'autre côté de la ligne :

« Aminata, c’est Richard, Joël ne rentre que ce soir, il a eu un contretemps et… »


Mais, elle avait déjà raccroché. Il resta là, le combiné à la main. Puis, il se mit à sourire. Cet appel le rendait tellement heureux qu'il en tomba à genoux en riant aux éclats. De ce rire qui pouvait glacer les sangs, car qui l’aurait entendu aurait immédiatement compris qu’il avait une idée noire derrière la tête.


Le lendemain, Aminata se rendit donc au bureau de Joël. Il l’attendait, la sueur perlant sur son front.

« _ Bonjour Ami !

_ Bonjour Joël !

_ Assieds-toi ! Tu veux que je te serve quelque chose ?

_ Non, merci, je ne suis pas venue mettre du temps ici.

_ Ok, très bien ! Mais, moi j’ai besoin d’un verre. »



Joël se dirigea vers le mini bar qui se trouvait dans le bureau attenant. Il avait installé une petite chambre à côté pour les moments où il n’aurait pas le temps de se rendre chez lui et qu'il lui faudrait rester plus longtemps au bureau. Les affaires marchaient plutôt bien et Richard aidait beaucoup son père. Il leur avait apporté plusieurs clients et c’est même avec l’un d’entre eux qu’ils étaient allés en visite sur l’île de Gorée. Ce lieu que tout touriste se devait de visiter lorsqu’il foulait le sol sénégalais.


Il était bientôt treize heures et Joël avait donné son après-midi à la secrétaire. Totalement perdu, il n’avait même pas réussi à travailler le matin. Il avait attendu Ami avec une boule au ventre qui lui donnait envie de vomir. Mince ! Dans quelle merde ils s’étaient foutus ?


Aminata le regardait s’éponger le front. Qui eut cru que le beau Joël puisse se décomposer face à une telle situation. Si cela avait été possible, elle aurait pu se réjouir de le voir ainsi. Mais, malheureusement, ils devaient trouver une solution pour qu’elle se débarrasse de ce truc au plus vite.


Joël en profita pour échanger sa chemise contre un polo bleu marine et un bermuda. Il faisait très chaud aujourd’hui. Les pluies des jours passés avaient laissé la place à une chaleur qui lui donnait l’impression d’avoir pris une douche en étant habillé. Puis, il vint s’asseoir en face d’Ami.


Il voulut lui prendre la main, mais elle se dégagea :

« _ Je ne te permets plus de me toucher mon cher. Je ne suis pas venue pour ça.

_ Ami, calme toi s’il te plaît. Je sais que nous devons parler, mais ce n’est pas une raison pour que tu me témoignes autant d'animosité.

_ S’il te plaît arrête avec tes paroles mielleuses Joël. Je ne suis pas une des clientes que tu défends. »


Elle s’était levée pour aller s’asseoir sur un fauteuil, un peu plus loin. La veille, elle avait beaucoup pensé à leur relation. Que lui avait-il pris de vouloir tenir tête à son père ? Elle n’avait pas fait attention et maintenant, voilà !


Ami regrettait vraiment ce qu’ils avaient fait. Et surtout la façon dont tout s’était terminé. Elle avait pensé le haïr, mais le voir là comme ça la troublait quand même. Ils avait les yeux rouges, comme s'il faisait des efforts pour ne pas pleurer. Il lui faisait presque pitié. Elle en ressentit un picotement tout au fond d'elle.



Elle se releva.


Non! Ele ne lui montrerait pas combien elle était bouleversée.


Joël la regardait avec un air perdu. Il se mit à arpenter le bureau de long en large.Puis il se tourna vers elle :


"_ Que décides-tu?"

_ Le médecin dit qu’il faut se dépêcher car la grossesse arrive bientôt à trois mois et qu’il n’acceptera pas de me l’enlever si on tarde plus longtemps.

_ Tu es réellement obligée de l’enlever ?

_ Tu n’es pas sérieux ? Comment peux-tu me poser une telle question ?

_ Je voulais juste savoir si tu es vraiment prête à le faire. C’est une grande décision tu sais.

_ Et sinon, que me proposes-tu ? De le garder ?

_ Pourquoi pas ?

_ Tu es réellement fou !

_ Non, mais Ami, on pourrait peut-être imaginer les choses autrement. Et je suis prêt à aller rencontrer ton père s’il le faut.

_ Pitié, arrête ! Si tu veux mourir, ce ne sera pas par ma faute.

_ Ami, écoute, c’est quand même difficile pour moi de me dire que tu vas enlever une petite partie de moi. Tu sais, même si tu ne me crois pas, je ressens pour toi quelque chose que je n’ai jamais ressenti pour personne.

_ Hum ! A d’autres ok !

_ C’est la vérité. Même ma mère est au courant.


(Silence d’Ami)…


_ Tu sais que tu m’as manqué. Et que j’éprouve pour toi des sentiments que je n’ai jamais éprouvé pour aucune femme auparavant.

_ Tu te répètes !

_ Je sais, mais je ne peux pas m’empêcher de m’imaginer que peut-être, toi et moi, on pourrait essayer. Tu es une fille comme je n’en n’ai jamais rencontrée.

_ Han bon!? C'est bizarre ça ! Ce n’est pas ce que j’aurais dit quand je t’ai trouvé avec ta mexicaine.

_ Tu ne vas pas recommencer avec ça. Je me suis excusé. Je t’ai dit combien j’étais désolé. C’était une erreur. »


Joël avait réellement des regrets. Il aurait voulu que jamais elle ne les surprenne. Pourquoi revenait-elle encore là-dessus ? C’était une erreur bon sang !


« _ Pitié Joël ! Je ne suis pas là pour t’entendre débiter des mensonges. Tout ce que je veux, c’est l’argent. J’ai pris rendez-vous pour mardi prochain.

_ Et si je n’ai pas la somme que tu me demandes ?

_ Tu ne peux pas ne pas l’avoir. Je sais que tu as un compte en banque bien garni.

_ Et si je ne veux pas que tu l’enlèves. Tu pourrais au moins me donner une chance.

_ Mais qu’est ce que tu racontes ?

_ Aminata Traoré, en réalité, je me dis qu’on pourrait se servir de ce bébé pour essayer quelque chose toi et moi. (Joël était aux bords des larmes)

_ Tais-toi Joël ! Tu ne sais pas ce que tu dis. Un couple ne se construit pas ainsi. Mais, qu’est ce que tu as dans la tête ? C’est comme ça que tu défends tes clients ? Avec des idées aussi insensées ?

_ Un couple se construit comment alors s’il te plaît ? Comme le prévoit ton père, c’est ça ? Avec ce Abou ?

_ Ha ! Nous y voilà ! En réalité, c’est la seule chose qui te dérange en fait. Tu es jaloux !

_ Oui, et je ne m’en cache pas.

_ Ecoute ! Si cela peut te rassurer, je ne resterais pas mariée à Aboubacar. Mon idée de partir reste d’actualité.

_ Aminata !

_ Quoi !? Tu le savais depuis le début. Et ce n’est pas cette fichue grossesse qui va venir déranger mes plans.

_ Tu es donc décidée ?

_ Oui !

_ Très bien ! Comme c’est comme ça. Passe mardi matin ici. Je t’accompagnerais moi-même chez ton médecin. Je veux m’assurer que tout se passera bien.

_ Ok ! Je veux te demander autre chose.

_ Quoi ?

_ N’en parle à personne s’il te plaît ! Même pas à Jene.

_ Ok ! Comme tu veux ! Mais, réfléchis encore. Tu as jusqu’à mardi pour revenir sur ta décision. Et je suis prêt à affronter ton père Ami. Parce que…

_ Tais-toi ! Au risque de dire des mots que tu regretterais plus tard. Ma décision est déjà prise. Et rien ne me fera changer d’avis.

Bien ! Sur ce, je te laisse. A mardi ! Pas besoin de me raccompagner, je connais le chemin. »


Quand elle fut partie, Joël senti des larmes couler le long de ses joues. Jusque là, il ne s’était pas rendu compte à quel point il aimait cette fille. Il s’était amusé avec Sandra et les autres, mais jusqu’au jour où elle lui avait tourné le dos chez lui, il avait pensé tout maîtriser. Aujourd’hui, il s’apercevait qu’il s’était engagé plus loin qu’il ne l’aurait imaginé. Il avait besoin de parler à quelqu’un. Mais qui ?


Il savait. Il prit son téléphone pour appeler celui qu’il considérait comme son mentor, son ami.


Richard n’était pas loin. Il savait que Joël l’appellerait. La veille quand il était rentré, ils avaient longuement échangé sur des sujets différents. Richard lui avait assuré de son amitié en cas de besoin, même le plus impensable. Il lui avait dit qu’il le considérait un peu comme un fils et qu’il répondrait présent si Joël avait besoin de lui. Et, n'était-ce pas l’occasion ? Joël était persuadé que Richard saurait comment l’aider.


Il avait également des remords sur sa liaison avec Marlene. Si Richard l’avait su ! Il ne voulait même pas y penser. Maintenant, il se rendait compte du type formidable qu’il était et à tout ce que leur amitié avait apporté dans sa vie, et surtout au cabinet de son père. Joël prenait conscience seulement maintenant de la gravité de leur actes. Il regrettait sa disparition, mais il était soulagé que Richard n’en ait jamais rien su. Heureusement !


Deux jours plus tard, Aboubacar et sa famille étaient chez Aminata. Ibrahima les accompagnait. Le jour où son ami était passé lui confier ses soucis, ils avaient décidé d’en référer à Mbaye. Le viel homme était entré dans un grande colère après le choc de l'information passé. Après réflexion il avait espéré que ce n'était qu'une manigance d'un jaloux éconduit. Mais, il contacta l'informateur qui lui donna le nom de l'auteur de la grossesse. Aussitôt, il demanda à rencontrer Oumar sans vouloir rien lui expliquer au téléphone. Celui-ci rentrait le lendemain. Il le convia donc chez lui pour le dimanche après-midi.


Le dimanche donc, Abou et les siens furent reçus sous la véranda. Il pleuvait encore, mais ils étaient protégés par la verrière coulissante.



Après les salutations d’usage, Mbaye refusa de boire l’eau que la servante leur avait apportée. Il préférait rentrer directement dans le vif du sujet. Khady avait cette fois-ci accompagné son frère, ainsi que Coumba. Mbaye ne leur avait pas expliqué la raison de leur visite, mais il avait vivement souhaité leur présence.


Oumar étonné du refus de son ami était très inquiet. Qu’est-ce qui pouvait l’avoir mis aussi en colère pour qu’il refuse même le verre de bienvenu donné aux étrangers comme il est d’usage dans les familles africaines. Il regardait sa femme qui n'y comprenait rien non plus. Leur fils Fofana, rentré des USA spécialement pour le mariage de sa sœur était également présent. Il avait pris quelques mois de congé, et comptait en profiter pour se reposer et parcourir le pays comme un touriste. Lui aussi était intrigué par l’attitude de Mbaye.


Pourtant, à la différence de son père, il ne comprenait pas trop les raisons de ce mariage. Pour lui qui vivait depuis quelques années avec une américaine, il fallait laisser les gens choisir leurs époux. Il était contre les mariages arrangés, mais pour ne pas contrarier son père, il n’avait pas donné son avis. Sa fiancée viendrait le mois prochain, ainsi que leurs enfants. Ils avaient trois garçons à qui il avait donné les prénoms des triplés. Après presque dix ans de vie commune, ils n'étaient pas pressés de se marier.


Les triplés étaient eux aussi revenus pour le mariage. Ils continuaient de jouer leur rôle de cerbère auprès de leur sœur, même si, depuis la nuit où ils avaient accueilli bébé Fanta, ils avaient cessé de trop la surveiller. Toute la famille avait finalement adopté la petite fille. Elle aurait bientôt un mois. Et même Oumar qui n’avait pas été très « gaga » avec ses autres enfants, prenait parfois un moment pour jouer avec elle dans sa chambre. Sa femme continuait de le fuir, mais il se disait qu’avec le temps, les choses finiraient par s’arranger. Il ne voulait rien brusquer, de peur qu’elle ne rejette le bébé.


Sur un fauteuil en face des visiteurs, Fatoumata tenait la main de sa fille. Bizarrement, quand son mari leur avait annoncé leur venue, elle avait commencé à s’inquiéter sans trop savoir pourquoi. Elle regardait d’ailleurs Mbaye sans parvenir à comprendre les raisons de leur présence. Elle sentait son cœur battre à tout rompre. Une peur sourde lui faisait se tordre le ventre.



Ami de son côté avait très chaud. Elle ne pouvait expliquer l’appréhension qui lui nouait la gorge, mais la visite d’Abou et de sa famille ne semblait augurer rien de bon. Elle voyait bien qu’il lui jetait des regards à la dérobée et elle pouvait y lire du dégoût. Elle ne comprenait pas son animosité. Soudain, elle prit peur.


Et si…

Elle n’eut pas le loisir de pousser plus loin ses pensées. Son père avait commencé à parler :

« _ Mbaye mon ami, mon frère, Salamaleikum !

_ Bonjour Oumar ! Je suis désolé si je refuse ton verre, mais l’heure est grave. Et franchement, je suis très déçu.

_ Que se passe t-il mon ami ? Qu’ai-je fait pour que tu sois si fâché contre moi et les miens pour que tes paroles soient aussi dures ?

_ Ha mon cher ! Si seulement ce que j’ai appris pouvait être faux. Ainsi, je saurais m’amender auprès de ta famille et de toi en vous offrant un mouton.

_ Qu’as-tu appris mon ami ? »


Aminata ne pouvait plus tenir en place. Elle avait compris qu’il s’agissait d’elle. Mais, comment avaient-ils su pour la grossesse ? Joël cet idiot leur en avait-il parlé ? Avait-il osé aller provoquer Abou ? Elle commençait à paniquer. Qu’allait-il se passer ?


Les deux hommes continuaient de parler :

« _ Oumar ! Cela fait des années que toi et moi sommes amis. Tu m’as été d’une grande aide lorsque j’ai été dans le malheur. Et pour souder les liens entre nos deux familles, tu as permis que ta fille Aminata devienne la femme de mon unique fils Aboubacar.

_ Cela est vrai mon ami.

_ Mais alors, permets-moi de te demander comment cela se fait-il que mon fils, reçoive des messages disant qu’elle est enceinte ?

_ Quoi !? Qu’est-ce que tu dis ?

_ Oui ! Et, je peux te montrer ces messages. (il se tourna vers Abou) Viens et montre lui ton téléphone. Tu peux lire par toi-même Oumar. Tu comprendras ! »


Oumar s’était levé. Il n’avait même pas besoin de lire pour croire. La honte commençait à le gagner. Il prit néanmoins le téléphone et après avoir pris connaissance des messages, il s’excusa longuement auprès de son ami qu’il invita à prendre congé. La colère le gagnait peu à peu. Avant que les étrangers ne partent, il avait posé la question fatidique à Aminata qui, pour toute réponse avait baissé la tête et s’était jeté aux pieds de son père en le suppliant de lui pardonner.



Il l’avait regardée et avec mépris lui avait répondu d'une voix dans laquelle on entendait le dégoût et la honte :

« Tais-toi petite traînée ! »


Mbaye avant de partir demanda à son ami de ne pas agir sous l’effet de la colère. Puis, ils s’en allèrent. Derrière eux, Oumar revint à la véranda. Il avait son fusil de chasse.

Fatoumata effrayée se leva en criant et implorant le pardon pour sa fille. Les triplés également se levèrent. Mais, trop tard! Ami s’était éloignée du groupe pour pleurer. Elle n’avait pas vu son père. Elle releva la tête en entendant les cris et n’eut que le temps de fermer les yeux en sentant la morsure de la balle.


Oumar retourna dans sa chambre. Il venait ainsi de laver l’honneur de sa famille.


Fatoumata pleurait. Sa fille, son bébé qui n’avait pas fini de grandir et, qui par sa faute venait de tomber devant elle ne répondait pas à ses cris. Tout ce qui était arrivé était de sa faute.


Aminata ne sentait plus rien. Autour d’elle, c’était la cacophonie. Elle était ailleurs. Elle voyait son corps allongé par terre et tout le monde qui pleurait. Fofana la soulevait tandis que sa mère courrait au dehors.


Elle ne comprenait pas toute cette agitation.


Et puis, elle senti un vent froid tout le long de son corps. Elle ne reconnaissait pas cet endroit, et sombrant totalement dans le vide qui l’engloutissait, elle eut en pensée cette dernière question :

« Où suis-je ? »



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