Joël et Ami 15: C’est fini
Write by Dja
L’arrivée de Joël surprit tout le monde. Ils ne s’attendaient pas à le voir. En tout cas, pas maintenant et surtout pas dans cet état là.
Joël avait le visage défait. Il semblait avoir négligé son apparence depuis des jours, ou plus. Il sentait également l’alcool. Yaye Fatou s’était levée de sa chaise, surprise de le voir là. Le devant de sa chemise était déboutonné et il portait deux chaussures différentes aux pieds.
Alors que Fofana voulait ouvrir la bouche, Abou le regarda avec dédain et lui dit :
« _ Que faites-vous ici Monsieur et qui vous a permis d’entrer dans mon bureau ?
_ Je suis Joël le petit ami d’Ami. Jeneba m’a appelé pour m’expliquer ce qu’il y a eu. Comment va Ami ? C’est vous qui vous êtes occupée d’elle ? Est-elle sortie d’affaire ? S’il vous plaît, répondez-moi.
(Abou le dévisageait avec mépris. Bien sûr qu’il savait qui il était. Son messager anonyme lui avait envoyé une photo lorsqu’il lui avait parlé de la grossesse de Ami)
_ Et de quel droit vous permettez-vous de vous présenter ici ? Sortez de mon bureau. Vous attendrez dehors pour avoir des nouvelles.
_ Mais… !
_ Il n’y a pas de « mais ». Vous ne faites pas partie de la famille proche. Et je ne reçois que la famille pour l’instant.
_ Hé ! Vous n’avez pas à me dire ce que je dois faire ou non, ok !? Ami est presque ma fiancée. Si vous n’étiez pas arrivé avec vos airs d’américain raté, je serais allé voir son père pour qu’il accepte notre union. Il a fallu que vous la forciez, vous et votre père pour qu’elle se retrouve dans cette situation. Tout est de votre faute.
_ Non, mais ! Vous n’êtes qu’un sale idiot coureur de jupons. Aminata est ma fiancée, et je ne vous permettrais plus de la toucher. Espèce d’imbécile ! »
Les autres les regardaient d’un air étonné. Abou avait presque bousculé Jeneba pour venir affronter Joël. Fofana vint se placer entre eux. Il ne comprenait pas, encore moins que les autres ce qui se passait. Pourquoi Abou était-il si énervé contre Joël ? Une chose était sûre néanmoins, c’était que si on les laissait continuer ainsi, ils finiraient par se sauter à la gorge.
« _ Hey ! Calmez-vous tous les deux ! Qu’est-ce que vous faites comme ça ? Joël, calmez-vous ! Abou, s’il te plaît, arrête !
_ Dis à ce type de sortir. Il n’a rien à faire ici.
_ Ok ! Ok ! Mais, il faut que tu te calmes. »
Abou était allé se rasseoir derrière le bureau et regardait toujours en direction de Joël avec l’envie de le trucider. Rien que le fait de le voir là lui donnait des envies de meurtres. Fofana s’était tourné vers Joël, l’invitant à le suivre à l’extérieur du bureau.
« _ Viens avec moi !
_ Et pourquoi donc ? Je dois également être tenu au courant de la situation, au même titre que vous. Ami porte mon enfant. »
Alors qu’elle n’avait encore rien dit, Yaye Fatou qui s’était rassise se tourna vers Joël et avec un ton qui ne souffrait aucune contestation, elle s’adressa à lui :
« _ Joël, maintenant cela suffit ! Tu vas sortir gentiment de ce bureau et, quand nous aurons terminé avec Abou, nous te dirons ce qu’il en est.
_ Mais, Yaye… !
_ J’ai dit « CA SUFFIT ! »
Elle n’avait pas crié, ni grondé. Mais, Joël avait compris que s’il restait encore là, elle serait capable de le sortir d’elle-même du bureau. Alors, suivant Fofana qui l’attendait toujours devant la porte, il sortit. Avant, il se tourna vers Abou et le menaça du poing. Ce dernier se leva comme pour répondre au défi, mais, le regard de Yaye Fatou le dissuada de rajouter quelque chose. Il attendit donc que la porte se referme sur les deux autres:
« Bien ! J’espère que nous ne serons plus dérangés.
_ Abou (c’était Jene) ! S’il te plaît, finissons-en !
_ Ok ! Bon, je vais essayer de faire au plus court.
_ Nous t’écoutons !
_ Bien! Alors, sachez qu’Ami ne craint plus rien. Nous avons pu extraire la balle de son ventre. Il s’en est fallu de peu pour qu’il atteigne la rate. (il baissa la tête et rajouta d'une voix moins assurée). Malheureusement, nous n’avons pas pu sauver le bébé. »
Il s’était rapproché de Fatoumata en finissant sa phrase. La pauvre mère avait ouvert les yeux en grand et s’était remise à pleurer. Jeneba la soutenait. Abou attendit encore un peu et rajouta :
« Je ne veux pas enfoncer le couteau dans la plaie, mais je suis désolé de rajouter qu’Ami pourrait ne plus faire d’enfant. Elle a perdu beaucoup de sang et a fait une hémorragie interne. Il nous fallait décider de la sauver en extrayant l’utérus. Je suis vraiment désolé Yaye. »
Alors qu’il terminait de parler, Fofana était rentré. Il regarda sa mère, Jeneba, Abou et sans que personne ne puisse l’arrêter, lui donna finalement un coup de poing sur la mâchoire. Ce dernier qui n’avait rien vu venir accusa le coup et retourna derrière son bureau. Fatou s’était levée :
« _ Fofana Traoré, quelles sont ces manières ? Qu’est ce qui te prend ?
_ C’est de sa faute Mâ ! Tout est de sa faute.
_ Ca suffit ! Si tu continues, toi aussi, tu vas sortir d’ici.
_ Mais… !
_ Tais-toi ! Tu vas t’excuser auprès d’Abou et te taire. »
Fofana regardait sa mère tel un enfant qui ne comprenait pas ce qu’on lui demandait, sa mère s’approcha de lui. Elle leva la main comme pour le frapper, aussitôt, il s’exécuta :
« _ Excuse-moi Abou !
_ Très bien ! Maintenant, tu restes sagement à ta place et tu n’en bouges plus ! Aboubacar mon fils, je suis désolée d’avoir mis au monde des enfants aussi mal élevés. Je voudrais m’excuser pour le geste de Fofana.
_ Ce n’est rien Yaye ! Et Fofana a sûrement raison. Je le mérite. Avec ce qu’il y a eu, je me suis rendu compte que je n’aurais pas dû venir vous annoncer ce que j’avais appris de cette façon. J’aurais dû mieux y réfléchir avant.
_ Non mon fils ! Il n’y a pas de problème. Ne t’inquiète pas. »
La voix de la mère était assurée, posée, calme. Qui l’aurait vu à cet instant n’aurait pas pu penser qu’elle avait été à deux doigts de perdre son unique fille. Elle avait rajusté le foulard sur sa tête. Il était de la même couleur que son pagne.
Yaye Fatou avait pris une décision. Elle ne pleurerait plus. Avec le mea culpa d’Abou, elle se disait que finalement, tout était de sa faute en réalité. C’était elle qui avait encouragé la relation entre sa fille et Joël. Elle avait jeté sa fille dans le lit de ce garçon, pourtant elle savait que c’était un coureur. Elle était responsable de cette grossesse qui avait rendu son mari fou.
Pourtant, elle avait cru en sa fille quand elle affirmait qu’ils ne faisaient rien de dangereux. Elle avait fermé les yeux sur les signes et sur son instinct de mère qui lui demandaient de les ouvrir.
Comment avait-elle fait pour croire qu’ils ne s’adonneraient qu’à des jeux innocents ? Elle aussi avait été jeune. Quelle naïveté elle avait été !
Lorsque dans entêtement Ami lui avait dit qu’elle s'arrangerait pour ne pas épouser Abou. Elle avait pensé que ce n’étaient que des paroles en l’air. Aujourd’hui, elle se rendait compte du contraire. Maintenant, par sa faute, sa fille, son bébé n’aurait plus d’enfant. Même si elle n’avait pas appuyé sur la gâchette, c’était elle qui avait actionné le mécanisme. Elle était coupable du malheur de sa fille. Elle ne se le pardonnerait jamais.
Elle regarda les jeunes avec elle dans la pièce. Elle était la seule ici qui savait ce que c’était que de s’inquiéter pour ses enfants. Elle s’attarda un peu plus sur Abou. Elle lui était reconnaissante pour tout ce qu’il venait de faire. Il avait sauvé sa fille. Et de cela, elle ne saurait jamais comment le remercier. Elle venait de comprendre que désormais, elle devrait affronter son mari, car il ne voudrait sûrement pas qu’Ami revienne à la maison. Pour lui, l’honneur passait avant tout. La preuve, il avait failli tuer leur fille.
Mais, désormais, c’est fini ! Elle ne le laisserait plus faire. S’il voulait tuer quelqu’un à nouveau, ça serait elle. Yaye Fatou ne le laisserait plus terroriser qui que ce soit parmi ses enfants. Aminata rentrerait chez elle. Ou alors, elles s’en iraient toutes les deux. « La tyrannie de Oumar Traoré, désormais c’est fini! » se dit-elle à cet instant.
Jeneba qui n’avait presque rien dit jusque là se leva pour se mettre à côté de sa tante. Puis, d’une voix qui trahissait une nervosité qu’elle voulait cacher, elle demanda :
« _ Dis-moi Abou ! Peut-on la voir ?
_ Non ! Pas encore !. Elle est en salle de réveil et il faut patienter encore un peu. L’opération a été longue et on doit d’abord la stabiliser avant de l’envoyer dans la chambre qui a été préparée pour elle.
_ Ok ! Merci ! Tanta Fatou, que fait-on ?
_ Attends Jene ! (elle se tourna vers lui). Abou, cela va mettre encore combien de temps s’il te plaît ?
_ Il faut compter environ une heure encore.
_ Ok !
_ Tanta, si tu veux, tu peux rentrer d’abord à la maison, je vais rester ici et t’appeler dès qu’il y a du nouveau. Tu as besoin de te reposer. Tu es fatiguée !
_ Non, merci ça va aller ma fille. Je vais attendre que ta sœur se réveille et que je puisse aller la voir. Elle aura besoin de moi.
_ D’accord ! Bon, moi je vais me changer et aller en cours si possible alors. Je viendrais dès que j’aurais terminé.
_ Bien ma fille ! Tu peux y aller. Nous te tiendrons au courant s’il y a du changement. Salue tes parents de ma part. »
Jeneba et Fatoumata s’enlacèrent longuement et la jeune fille parti. Elle était si navrée pour sa cousine. Elle sortit de l’hôpital, à la recherche d’un taxi qui la conduirait à l’université. Abou la raccompagnait. Il l’aida à monter dans le véhicule et lui remit une somme pour la course. Jeneba lui sauta au cou pour le remercier d’autant de gentillesse et montant dans le taxi, elle se mit à sourire en regardant les billets qu’elle tenait dans la main. Abou avait été très généreux. Il y avait là, plus que ce qu’elle aurait à régler pour le trajet jusqu’à l’université.
Là, le sourire aux lèvres, elle se mit à penser au malheur de sa cousine. Ami avait bien cherché ce qui lui arrivait. Comment avait-elle pu se laisser engrosser aussi facilement elle aussi ? En plus par Joël ? Elle savait pourtant qu’elle était promise à Abou qui était pourtant un garçon bien et de bonne famille. A la différence de Joël qui ne voulait que s’amuser avec elle.
Depuis longtemps elle avait compris qu’il se passait quelque chose entre eux. Elle avait lu l’autre fois le billet qu’il lui avait remis pour Ami. Elle savait aussi qu’ils avaient déjà couché ensemble, et pas qu’une fois. Elle faisait semblant de n’être au courant de rien, mais elle les avait déjà vu en ville plusieurs fois. Elle les avait même suivis jusque chez lui dans un taxi. Sa cousine était une vraie cachottière. Quelle sournoise !
Jeneba s’était sentie trahie de n'avoir pas été mise dans la confidence. Pourquoi Ami ne lui avait-elle rien dit. Elle n’en n’aurait parlé à personne pourtant. Mais, non, elle avait été mise à l’écart de leur histoire. Mais, c’est vrai aussi qu’elle avait caché à sa cousine sa romance d’avec le cousin d’Abou, Claude.
Au début, elle avait vraiment pensé que c’était Abou lui-même. Elle n’avait pas refusé lorsqu’il l’avait carrément draguée. Elle voulait montrer à Ami que l’Américain n’était pas un garçon bien. Et puis, par la suite, Claude lui avait dit la vérité sur son identité et ils avaient continué à s’envoyer des messages. Elle lui avait fait croire qu’elle savait depuis longtemps que ce n’était pas lui Abou. Alors, ils avaient sérieusement commencé à entretenir une relation malgré la distance.
Claude n’étudiait plus, il ne travaillait pas non plus. Il vivait de l’argent que ses parents lui envoyaient depuis le Cameroun. Claude et Abou étaient cousins du côté de son père. L’une des petites sœurs de M. Mbaye avait épousé un étudiant venu en vacances au Sénégal. Ils avaient eu une brève relation et le monsieur avait voulu la ramener chez lui. Alors, un an et demi plus tard, ils se mariaient et allaient s’installer au Cameroun.
Le père de Claude occupait un poste important là bas désormais. Et son fils était son préféré parmi tous les enfants qu’il avait. Il lui passait tous ses caprices. Aux dernières nouvelles, Claude avait décidé de devenir commerçant. Il voulait ouvrir une enseigne au Cameroun pour y vendre des appareils de télécommunication et électroménagers.
Jeneba rêvait qu’il l’épouse et l’amène avec lui. Elle l’encourageait et lui donnait quelques idées pour commencer son projet. Elle avait conscience que ce qu’elle lui disait n’était pas d’une grande aide, mais elle voulait qu’il la sente intéressée.
Dans le taxi, la jeune femme ferma les yeux. Elle avait pris une course en direction de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Elle voulait faire une licence en sciences économiques. Elle aussi avait réussi à l’examen du bac comme Ami. Mais, chez eux, il n’y avait pas eu l’énorme fête comme celle qui avait été donnée chez sa cousine. Ses parents étaient des gens aux revenus modestes. Sa mère, la sœur de Yaye Fatou vendait toutes sortes de produits au marché. Cela pouvait aller de la banane au poisson. Elle faisait en fonction de ce qu’elle pouvait revendre.
Jeneba enviait la vie de sa cousine. Elle la côtoyait depuis qu’elles étaient toutes petites et elles avaient toujours été amies. Souvent, elle ne comprenait pas Ami. Mais, elle se disait que c’était des allures d’enfant de riches. Et, de toute façon, elle en profitait bien, elle aussi. Ami l’amenait partout avec elle. Lorsqu’elle partait en vacances avec ses parents à l’étranger. Ou encore, lorsqu’elle jouait à la touriste dans le pays. Jamais Ami n’était allée quelque part sans elle. Elles s’aimaient comme de vraies sœurs. Rien ne devait les séparer.
Mais, quand Ami s’était entichée de Joël, Jeneba s’était sentie reléguée en arrière plan. Ami avait commencé à lui cacher des choses. Elle voyait bien que sa cousine préparait un coup. Mais, elle ne savait pas quoi. Et puis, un soir, elle était allée voir Joël où il avait bu jusqu’à épuisement. Elle l’avait questionné sur leur relation et il lui avait tout raconté, du projet de voyage d'Ami au Maroc, jusqu’à la grossesse. Jeneba n’en avait rien voulu croire dans un premier temps. Elle pensait qu’il était trop saoul pour savoir ce qu’il disait. Mais, Joël lui avait montré des messages sur son téléphone, et là, elle avait tout compris, les nausées de sa cousine, ses malaises, ses sautes d’humeur depuis quelques temps déjà. Elle avait compris que la pauvre était perdue.
Jeneba avait alors attendue qu’Ami la mette dans la confidence. Elle la questionnait parfois sur son état de santé. Elle même avait beaucoup insisté, mais Ami n’avait rien dit. Jeneba avait alors préféré abandonner. Elle se disait qu’au moment voulu, Ami lui en parlerait.
Mais, elle se posait la question concernant Abou. Que ferait-il s’il était au courant ? C’était sûr qu’il ne voudrait plus épouser Ami. Joël lui avait dit qu’ils avaient rendez-vous chez un médecin pour faire interrompre la grossesse, même s’il était presque trop tard. L’opération était donc risquée. Et si Ami mourrait ? Elle ne voulait même pas y penser.
Mais comment cette fille aussi riche, avec des parents aussi cools avait-elle pu se laisser avoir aussi facilement. Elle aurait pu prendre des précautions tout de même. Elle avait tout pour elle, : argent, beauté, avenir, et même deux prétendants. Mais, comme une écervelée, elle avait préféré tenir tête à son père. Si elle avait été à la place d’Ami, Jene aurait sauté sur l’occasion pour se marier et aller vivre aux USA. Quelle idiote cette Ami. Vraiment, elle ne savait pas où était son bonheur. Surtout qu’Abou était beau, grand et bien bâti. Un jour, elle l’avait vu qui sortait de chez lui. Il était en bermuda et débardeur, avec ses éternelles lunettes noires sur le nez. Comme ils s’étaient déjà rencontrés chez Ami alors qu’il passait prendre des nouvelles, elle avait pressé le pas pour aller le saluer.
Abou était le gentleman personnifié. Tanta Coumba avait fait de l’excellent travail. Il avait de bonnes manières et surtout, en le voyant, on pouvait tout de suite deviner qu’il n’avait pas toujours vécu au pays. Jeneba qui était moins haute qu’Ami devait lever bien haut la tête pour le regarder en face. Abou ce jour-là avait pris des nouvelles de la famille et comme il était en train de sortir, lui avait proposé de la raccompagner jusque chez elle. Jeneba avait accepté.
Elle ne voulait pas rester sous le soleil à chercher un taxi. Et surtout, ses économies commençaient à diminuer. Elle avait donc sauté sur l’occasion et en chemin, avait pris le temps de se renseigner plus longuement sur son futur beau-frère. Abou lui avait appris des choses sur sa vie aux USA et donné quelques détails sur des projets en cours. Jeneba restait suspendue à ses lèvres. Elle ne comprenait pas pourquoi sa cousine s’obstinait à refuser de l’épouser, alors qu’il était un bon parti.
Combien de filles au Sénégal pouvaient se vanter d’avoir la même aubaine. Elle se disait que si elle avait été à sa place, elle aurait accepté sans faire de chichis. En mettant sur le ton de la plaisanterie, elle avait même poussé un peu pour lui dire qu’elle accepterait de remplacer Ami si finalement il changeait d’avis. Abou avait paru surpris, mais elle l’avait rassuré qu'elle blaguait. Elle aimait trop sa cousine pour tenter quoi que ce soit avec lui. Et puis, comme il le lui avait rappelé, il y avait Claude. Il serrait d’ailleurs bientôt là. Les garçons avaient prévu de se retrouver un mois avant la date du mariage, histoire de travailler sur un projet commun.
Tout à sa rêverie, elle n’avait pas entendu le taxi se garer. Elle sentit la main de l’homme sur son bras qui la secouait. Il lui indiquait qu’ils étaient arrivés à destination et qu’il attendait d’être payé. Jeneba le regarda d’un air méprisant. De quel droit se permettait-il de poser sa grosse main crasseuse sur elle. En descendant, elle lui jeta au visage le prix de la course et sorti sans refermer la portière.
Le taximan la regarda partir en pestant sur la mauvaise éducation des jeunes d’aujourd’hui. Il sorti donc pour fermer à sa place. Alors qu’il s’apprêtait à retourner au volant, quelque chose de brillant attira son regard. Il sourit quand il vit le téléphone qui était sûrement tombé de la poche de Jeneba. Le clavier n’était pas verrouillé. Il voulu la rappeler, mais comme elle s’était montrée impolie, il se dit qu’il réfléchirait pour savoir si oui ou non il rendrait le téléphone. Le taximan démarra en laissant derrière lui un nuage de poussière. On pouvait lire à l’arrière de sa voiture l’inscription « C’EST DIEU QUI DONNE ».
Après les cours de la journée, Jeneba rentra chez elle et ne se rendit même pas compte qu’elle avait égaré son téléphone. Ce ne fut que deux jours plus tard, alors qu’elle en avait besoin qu’elle s’aperçut de son oubli. Elle pesta contre elle-même et contre ce fichu taxi qu’elle avait pris. De toutes les façons, il n’était plus utile. Elle en avait un autre qu’elle utilisait quotidiennement. Celui du taxi ne lui servait que de seconde main, lorsqu’elle avait utilisé le forfait de son abonnement principal. Bof, se dit-elle. Elle avait d’ailleurs décidé de le vendre sur le campus. Alors, si ce maudit chauffeur avait décidé de le garder, tant pis. Il pouvait en faire ce qu’il voulait.
A l’hôpital, alors que Fatou était retournée en salle d’attente, Abou avait pris à partie Fofana. Il tenait à avoir une explication avec lui. Ce dernier aurait pu refuser, mais le regard de sa mère l’obligea à rester avec le Docteur. Il ne tenait pas à se faire réprimander comme un petit garçon. Ou pire encore, qui savait. Yaye Fatou pouvait parfois se montrer dure. Eelle disait souvent qu’elle gardait
Quand les deux hommes sortirent du bureau, le frère aîné de Ami se sentait mieux. Il était rassuré concernant sa cadette. Il ne cessait de penser qu’elle avait eu de la chance d’avoir été prise en charge aussi rapidement. Et, il était finalement heureux que ce fut par Abou. Sans son intervention, qui sait si sa sœur serait encore en vie.
Abou lui avait expliqué qu’il avait fait tout ce qu’il avait pu pour maintenir sa petite sœur en vie. Malheureusement, il n’avait pas pu sauver la grossesse à cause de la forte hémorragie provoquée par la perte de sang. Il lui avait assuré que plus tard, sa sœur pouvait toujours faire appel à la médecine pour tenter d’avoir des enfants. Même s’il pensait que le mal était irrémédiable.
Fofana n’avait pas cessé de le remercier. Il lui était reconnaissant. Et deux fois plus encore, car Abou voulait à tout prix prendre en charge tous les frais liés à l’hospitalisation. C’est, disait-il, une façon de se faire racheter. Or, réflexion faite, Fof se disait maintenant qu’il n’avait fait que ce qu’il fallait. A sa place, lui serait rentré dans une grande colère et aurait réagi autrement. Il était sûr que si Abou avait pensé que leur père deviendrait fou, il ne serait pas venu chez eux. Car, oui, Fof était persuadé de la folie de Baye Oumar. Sinon, comment expliquer son geste ? Il avait carrément voulu tuer sa petite sœur, sa fille propre.
Depuis leur arrivée à l’hôpital, Oumar n’avait pas pris de nouvelles d'Ami. Il s’en fichait royalement. Fof était rempli de colère. Mais, il préférait remettre à plus tard ses pensées noires. Pour l’instant, il irait soutenir sa mère qui attendait devant la salle que les médecins lui permettent d’aller voir sa fille.
« _ Ca va Yaye ?
_ Oui mon fils, ça va ! Tu as parlé avec Abou ? Vous vous êtes entendus ?
_ Oui, ne t’inquiète pas ! Ca va mieux entre nous deux. Il m’a tout expliqué et, véritablement je ne sais pas si sans lui, nous aurions pu espérer quelque chose.
_ Amine mon fils ! Je lui dois la vie de ma fille. (Sa voix se brisa en disant ces mots)
_ Ne pleure plus Mâ ! Tout va s’arranger ! Tu verras, tout ira bien ! Abou m’a dit qu’il se charge de tout.
_ Dieu le lui rendra mon fils ! C’est un bon garçon. Dommage que ta sœur n’ait pas voulu de lui.
Dommage !
_ Oui, c’est dommage ! »
La mère et le fils avaient la tête baissée maintenant. Chacun de son côté s’était mis à s’imaginer ce qu’aurait été la vie de Ami si elle avait accepté la proposition de son père. Et si….
Mais, il était trop tard ! les choses ne changeraient pas comme ça. Fof leva brusquement la tête et demanda :
« _ Mâ, où est Joël ?
_ Il a fait un tour chez lui. Je lui ai dit que je le rappellerais s’il y a du nouveau.
_ Ok !
_ Oui ! Je ne voulais pas qu’il y ait un autre problème ici.
_ Tu as bien fait ! (il la regarda longuement en plissant les yeux. Fatoumata semblait si faible)
_ Tu es sûre que ça va ?
_ Oui mon chéri ! (Elle lui passa la main sur le visage. Fof compris que non. Quand elle faisait ça, c’était qu’elle tentait de dissimuler une angoisse).
_ Hum ! Mâ, je sais que tu t’inquiètes. Mais, il faut que tu sois confiante.
_ Je le suis mon fils, je le suis ! C’est juste que j’ai hâte que ta sœur se réveille.
_ Ne t’inquiète pas, tout ira bien !
_ Oui ! Tu as raison, je… »
Fatoumata n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Elle vit des infirmières en blouses blanches courir vers la salle de réveil et Abou arriver en trombe d’un couloir. Elle voulu le happer pour lui poser des questions, mais déjà la porte se refermait sur lui.
Pourvu que ce ne soit pas Ami…