Joël et Ami 23 : BAAL MA (1) !
Write by Dja
Alors que de son côté, Jeneba prenait ses marques dans la vie parisienne, Abou lui tentait par tous les moyens de montrer à Ami combien il tenait à elle…
Cela faisait maintenant des mois que Baye Oumar avait repris conscience. Ami le retrouvait presque chaque matin à la clinique. Elle lui racontait les dernières nouvelles de la maison, les espiègleries des triplés aux USA. Maintenant, bébé Fanta se mettait sur les fesses. Elle cherchait à ramper. Comme sa mère avait toujours souhaité avoir un chien et qu’Oumar n’en voulait pas, Fatoumata s’en était finalement offert un qu’elle avait appelé « Blacky ». C’était un bébé labrador derrière lequel il fallait courir tout le temps. Elle lui montra des vidéos de la petite et les pitreries de sa mère avec le chien. Yaye avait prétexté l’offrir à la petite afin que les deux grandissent ensemble. Mais, tout le monde savait à la maison qu’en réalité c’était elle qui en était le plus ravie.
Oumar en la voyant s’amuser ainsi sentit son cœur se serrer. Il s’en voulait tellement pour le mal qu’il avait fait autour de lui. En particulier à sa femme. Fatou avait toujours été douce et attentionnée. Il savait qu’elle avant l'intention de le quitter. Il s’en était rendu compte. Quand elle venait le voir, elle restait toujours loin de lui. Elle ne l’embrassait plus. Sauf pour faire semblant quand il y avait du monde. Et même là, elle le faisait du bout des lèvres et, sur la joue. Il ne l’avait plus entendu rire aux éclats comme il le voyait là, sur cette vidéo. Comme il regrettait toutes ces années où il s’était comporté comme un idiot et l’avait délaissée pour courir d’autres femmes. Quel gâchis !
Ami vit la larme rouler sur sa joue lorsqu’elle lui montra une image de sa mère prise en plein coucher de soleil. Elle en eut de la peine pour lui. Elle fit semblant de n’avoir rien remarqué et s’éloigna un peu en faisant mine de farfouiller dans le placard à la recherche de vêtements sales à ramener à la maison. Son père en profita pour reprendre contenance.
Elle se retourna alors qu’on frappait à la porte. C’était le kiné qui venait chercher Oumar pour les exercices du matin. Il avait deux séances de remise en forme : une le matin après le petit déjeuner, et une autre le soir vers dix sept heures. Cela lui faisait du bien de reprendre des forces. Et puis, les exercices ne le dérangeaient pas. Il avait toujours été un grand sportif. Avant l’accident, chaque matin, il se levait pour un footing de trente minutes et quelques étirements avant d’aller travailler.
Ami les accompagna comme souvent en salle de sport. Pour y arriver, il fallait que son père se tienne à la rambarde tout le long du mur. La première fois, il avait failli s’écrouler en ayant un vertige. Yaye Fatou l’avait soutenu et aidé à avancer. Elle avait lancé un petit cri de frayeur et avait accouru pour l’empêcher de tomber. Ce souvenir lui donna à nouveau un pincement au cœur. Il décida à cet instant qu’il lui fallait sortir de cette clinique assez vite afin de reconquérir le cœur de sa femme.
La séance allait bientôt terminer. Ils avaient bien travaillé.
Ami n’avait pas cessé de l’encourager. Elle le félicitait comme on applaudit un athlète. Et, pour chaque obstacle passé, lui faisait fête en mimant des danses de chearleader.
Son père devait se mettre sur des ballons sur lesquels s’asseoir et à l’aide desquels faire des bonds ; faire des flexions avec les jambes repliés sur le côté ; monter et descendre plusieurs fois des marches d’escalier, …. Autant d’exercices qui ne représentaient rien pour lui auparavant. Maintenant, c’était comme s’il gravissait des falaises. Il lui fallait fournir des efforts surhumains pour y arriver.
Au moment où Oumar descendit la dernière marche, la porte de la salle s’ouvrit. Abou était là.
Ami sentit son cœur s’affoler. Dieu qu’il était beau dans cette blouse et avec ses lunettes qu’il réajustait sans cesse sur le nez. Son cœur commençait à s’emballer et ses mains tremblaient. Elle regarda machinalement son téléphone. Il ne fallait pas qu’il se rende compte de son trouble.
Abou savait qu’elle serait là, comme presque chaque jour, aux côtés de son père. Il se présenta devant elle après avoir salué Oumar et le kiné :
« _ Bonjour ! Comment va ce matin ? Tu n’es pas à la maison à cette heure ? (il souriait)
_ Bonjour Abou ! Non, comme tu peux le constater (elle voulait se montrer hostile, mais n’y arrivait pas. Pourquoi ce garçon ne la laissait-il pas tranquille ?)
_ Il est 10h16. Tu es bien matinale dis donc ?
_ Cela dépend des jours. Aujourd’hui est exceptionnel.
_ Ha bon !? Et pourquoi donc ?
_ Parce qu’aujourd’hui c’est le 12 avril. Et, cela fait maintenant trois mois que papa est réveillé. Je voulais fêter ça avec lui.
_ Ho ! C’est vraiment touchant ton geste. C’est même très bien ! Tu devrais être fière de toi. C’est magnifique ton geste.
_ Ha !? Et pourquoi s’il te plaît ?
_ Parce qu’il n’y a rien de meilleur qu’un bon moment de tendresse pour faire accélérer la guérison des patients. C’est la meilleure thérapie qui soit.
_ Hum ! »
Ami commençait sans trop savoir pourquoi à être gênée par leur conversation. Sans oublier que son père était à côté et qu’il entendait tout. Elle tenta de dissuader Abou de continuer en le fusillant du regard. Mais, il fit comme s’il n’avait rien vu et se tourna vers Oumar :
« _ Alors Baye ! Comment vas-tu ce matin ? Tu progresses bien à ce que je vois.
_ Merci mon fils ! Ca va mieux c’est vrai ! Grâce à Dieu. Merci ! Et toi ? (il se tenait à une barre fixée le long du mur. Le kiné s’était éloigné pour répondre à un appel urgent sur son téléphone de service)
_ Moi, ça va ! Je vais passer te voir un peu plus tard dans la journée.
_ Ha ! Ok ! Il n’y a rien de nouveau j’espère ?
_ Non, ne t’inquiètes pas ! Comme je te le disais l’autre jour, je pense que tu vas bientôt rentrer à la maison. J’attends seulement de recevoir les résultats du labo par rapport aux dernières prises de sang et je te dirais ce qu’il en est.
_ Ha, ok ! Très bien ! Et sinon, comment va ton père
_ Baye ? Ça va ! Il va bien ! Il va bientôt épouser Tanta Coumba.
_ Ha bon !? (Ami écarquilla les yeux et s’avança d’un peu plus près)
_ Oui ! Ils étaient amoureux depuis des années déjà et n’en n’avaient jamais parlé à personne. Mais, comme elle a menacé de s’en aller, il a décidé de l’épouser finalement.
_ Hé bien ! Ça c’est une bonne nouvelle !
_ Oui, et comment ! Nous sommes si heureux pour eux, surtout pour ma tante. Elle toujours été notre mère en réalité à ma sœur et à moi.
_ Oui, ça c’est vrai. Bien, alors, le mariage, c’est prévu pour quand ?
_ Je ne sais pas trop. Ils disent qu’ils ne sont pas pressés.
_ Ok ! Hé bien, tu leur feras part de mes vœux de félicitations. Je suis très heureux pour eux. Ce vieux chenapan s’est enfin décidé. C’est super ! Je lui ferai envoyer une bonne bouteille de champagne.
_ Ok, merci ! Bien, je vais te laisser Baye. Je vais continuer la ronde des chambres. Bonne journée !
_ Merci mon fils ! Et encore merci pour tout ce que tu fais pour moi
_ Non, il n’y a pas de quoi. Bien, on se dit à tout à l’heure.
_ Ok ! Passe une bonne journée.
_ Merci ! Toi, encore plus. (il hésita quelques secondes puis ajouta) S’il te plaît, puis-je m’entretenir quelques minutes avec Ami ?
_ Oui, bien sûr ! »
Le kiné était revenu. Il avait finalement réglé son urgence au téléphone, ce qui l’avait accaparé moins longtemps que prévu.
Ayant la permission de son père, Abou tira Ami à l’écart. Il savait qu’elle allait faire les gros yeux. Mais là, il n’en pouvait plus, il fallait qu’il lui parle. Cette fille ne cessait de hanter ses pensées. Ils sortirent de la pièce et :
« _ Qu’est ce qu’il y a encore Abou ? Est-ce qu’il s’agit de mon père ?
_ Non, ce n’est pas à propos de lui. Mais de toi et moi.
_ Comment ça ?
_ Ami, arrête de faire l’enfant. Je t’ai appelée la semaine dernière alors que j’étais à un colloque au Zimbabwé et tu as refusé de me répondre. Pourquoi ?
_ Haa ! Je n’étais pas disponible.
_ Ok ! Et le jour d’après aussi ? Et toute la semaine ensuite ? Ami, pourquoi tu te comportes comme une gamine ?
_ Hé ! Ne m’insulte pas hein !
_ Je ne t’insulte pas ! Mais je ne te comprends plus. L’autre jour à la fin de mon service, tu es bien venue manger une glace avec moi. Pourquoi, si c’est pour me fuir par la suite
_ Parce que j’avais réellement envie de manger une glace. Mais, je ne savais que c’était un engagement. Tu m’aurais avertie, je ne serais pas venue.
_ Ami ! (Abou avait été piqué par ses paroles.)
_ Ecoute Abou ! Sérieusement ! Je sais que cela fais plusieurs mois que tu fais tout pour que l’on se voit. Mais, je ne suis pas prête pour une relation avec quelqu’un. En ce moment, je pense au rétablissement de mon père et à mon inscription à l’université. Je veux rattraper mon retard.
_ Et en quoi cela t’empêcherait-il d’être avec moi ou de répondre à mes invits’?
_ Je n’ai pas le temps pour cela.
_ Tu n’as pas le temps pour quoi ? Les invits ou être avec moi ?
_ Les deux !
_ Ami, pourquoi joues-tu à ce jeu là ? Je ne te demande pas la mer à boire. Juste de m’accorder un peu de temps. Qu’as-tu à y perdre ?
_ Rien ! Et c’est pour cela que je ne veux pas. Ecoute Abou, toi et moi savons qu’il n’y aura rien entre nous. Alors, pourquoi insister ?
_ Qu’est-ce qui te fait penser ça ?
_ Abou !
_ Dis que tu ne ressens rien pour moi Ami. Même pas un peu. Et je te promets que je te laisse tranquille.
_ Je ne suis pas une petite fille. A quoi bon nier l’attirance que j’éprouve. Mais, je ne suis pas prête. Tu peux trouver une autre fille. Je suis sûre qu’il y en a plusieurs ici même qui n’attendent que ça. Pourquoi t’obstines-tu à vouloir être avec moi ?
_ Parce que c’est toi que j’ai choisie Aminata Traoré. Et que mon père avait choisie pour moi bien avant que mes yeux ne se posent sur toi.
_ Abou… »
Sa voix était chaude. Ami ne s’attendait pas à une telle déclaration. Il les avait conduits jusqu’au petit parc de la clinique. Comme la salle de sport était au 1er, ils étaient descendus sans prendre l’ascenseur. Par les escaliers, ils étaient arrivés au rez-de-chaussée et étaient allés s’asseoir sur un banc, à l’ombre d’un arbre. Alors qu’il s’était penché près de son oreille pour lui murmurer tout cela, une main passée dans ses cheveux et le nez reniflant l’odeur qui en réchappait, une ombre se posa au dessus d’eux. Ils levèrent les têtes. Devant eux se dressait une jeune femme à la blouse ouverte sur le devant de la poitrine qu’elle avait pulpeuse ; des lèvres rougies par un baume violet et des yeux noircis par un eye-liner. Elle appela le jeune docteur avec une voix suave qui fit se crisper Ami. Les consultations libres allaient commencer, les patients attendaient. Abou fronça les sourcils et, s’excusant auprès d’Ami rappela à la femme qu’elle aurait pu le joindre sur son bipper. Il se leva néanmoins après avoir posé un baiser sur la bouche d’Ami qui en ouvrit les yeux de surprise. Sur ce, il s’en alla, le sourire aux lèvres. Mais, l’autre femme se tourna vers Ami et la toisa longuement. Puis, elle rejoignit Abou et, faisant mine d’enlever une poussière sur le dos de sa blouse, fit descendre sa main jusqu’à ses fesses. Elle s’y attarda en lançant un regard derrière elle.
Quelques instants après, Ami retrouva son père qui était retourné dans sa chambre. Ils passèrent encore un peu de temps ensemble, puis Baye Oumar commençant à montrer des signes de fatigue, elle prit congé en promettant de revenir le soir.
Elle fermait la porte lorsqu’elle tomba nez à nez avec la jeune femme de tout à l’heure. Aminata la regarda et sans savoir pourquoi, sentit poindre en elle un picotement terrible. Son cœur battait à tout rompre. Que lui voulait-elle ?
« _ Bonjour !
_ Bonjour ! Vous avez besoin de quelque chose ?
_ Oui ! Vous et moi devons avoir une petite conversation.
_ Ha ! Et à propos de quoi s’il vous plaît ?
_ A propos d’Abou ! Sachez que lui et moi sommes ensemble.
_ Haa !? Je ne savais pas. Et puis, même si c’est le cas, en quoi cela me concerne t-il ?
_ En ce que je vois votre petit manège à chaque fois que vous venez voir votre père. Vous devriez vous occuper de sa santé, plutôt que de chercher à piquer le mec d’une autre.
_ Ecoutez, je ne vous connais pas ! Je ne sais même pas pourquoi je vous écoute. Cela fait des mois que je connais Abou et il ne m’a jamais parlé de vous. Alors, fichez-moi la paix. »
Ami voulut la contourner, mais l’autre la retint par le bras. Elle se dégagea brusquement :
« _ Non mais, ho ! Si vous osez à nouveau me toucher, vous allez le regretter.
_ Et qu’est-ce qu’une petite idiote comme toi peux bien me faire ?
_ Hum ! Essayez seulement et vous verrez. Et je ne vous permets pas de me tutoyer.(le ton qu’elle employa fit reculer d’un pas l’autre femme)
_ Ecoute…tez ! Je venais juste vous dire qu’Abou est déjà pris, alors trouvez-vous quelqu’un d’autre.
_ Pffft ! Si c’est le cas, alors pourquoi venir vous produire devant moi ? Allez, laissez-moi passer. Vous me faites perdre mon temps.
_ Je tenais seulement à vous prévenir que cela ne sert à rien d’espérer quoi que ce soit entre vous. Abou est à moi. Alors, j’espère ne plus vous voir tourner autour de lui. »
Et, elle s’en alla.
Ami sentit son sang ne faire qu’un tour. Comment cette fille osait-elle venir lui parler ainsi ? Et de quel droit se permettait-elle de la menacer ? Alors qu’elle s’était déjà bien éloignée, Ami pressa le pas. Elle lui tapota l’épaule :
« _ Oui !?
_ Je savais que mon fiancé était très demandé, mais je n’aurais jamais pu m’imaginer que l’on vienne jusqu’à m’importuner. Je ne pense pas que vous soyez fiancée vous aussi à Abou, ni qu’il soit prêt à m’imposer une coépouse au risque de me perdre. Car, voyez-vous, lui et moi nous nous aimons et allons bientôt nous marier. Nos pères ont déjà arrangé l’affaire, ce n’est plus qu’une question de temps, en attendant que le mien se rétablisse et sorte d’ici. Alors, si je peux me permettre, vous feriez mieux de vite vous trouver un autre homme sur lequel vous agripper. »
Puis, elle la laissa là, la bouche ouverte et le visage rempli de colère. Les gens autour avaient tout entendu et les regardaient en espérant une suite. Au moment où l’autre voulut à nouveau retenir Aminata, Aboubacar la stoppa net :
« _ Ça suffit Sophie ! Tu ferais mieux d’aller voir tes patients.
_ Mais, c’est elle qui…
_ J’ai dit ça suffit ! Nous en reparlerons plus tard. »
Ami s’était arrêtée un instant. Elle se retourna vers Abou puis sortit presqu’en courant. Abou la laissa partir. Il ne savait trop quoi lui dire. Pourquoi Sophie avait-elle trouvé ce moment pour aller lui parler. Il craignait que maintenant Ami ne le repousse pour de bon. Mais, il avait également entendu sa réponse et, cela le faisait sourire. Décidément, elle ne se laissait pas faire la tigresse.
Le soir, elle reçut un message de sa part qui disait qu’il était désolé de la scène de Sophie et qu’il voulait tout lui expliquer. Mais, Ami piquée à vif lui répondit qu’elle n’avait rien à lui dire et qu’il pouvait continuer avec elle. Elle refusa de répondre aux autres messages.
Puis, elle reçut une petite vidéo sur watsapp où il lui expliquait que son histoire avec Sophie avait commencé quelques temps après son retour au pays. Au début il voulait juste s’accorder du bon temps avec quelqu’un, vu qu’Ami refusait de le rencontrer. Et puis, il avait réellement décidé de se poser et ils avaient ensemble choisi de mettre un terme à leur relation, jusqu’au jour où elle avait appris qu’Ami et lui étaient fiancés. Depuis lors, elle faisait des pieds et des mains pour se remettre avec lui. Mais, lui avait fait son choix et c’était elle Ami qu’il voulait pour femme. Seulement, il n’attendrait pas longtemps et commençait à en avoir assez de ce qu’il considérait comme des gamineries. La vidéo s’arrêtait là.
Ami fut tentée de répondre, mais elle se ravisa. Que lui dirait-elle ? Et puis, il n’avait pas tort après tout. Elle était toute retournée par ce qu’il venait de lui dire. Pourtant, elle avait tout fait pour qu’il cesse de la harceler. Mais force était de constater qu’Abou n’était pas prêt à abandonner la partie.
Mais, elle, que voulait-elle exactement ?
Des semaines passèrent et Abou ne chercha plus à la contacter. Ami se demandait même si réellement il avait été sérieux. Il ne pouvait pas comme cela, du jour au lendemain arrêter de l’appeler.
Finalement, Baye Oumar était sorti de la clinique et reprenait peu à peu des forces à la maison. Yaye Fatou s’occupait de lui comme d’un enfant. Devançant ses moindres désirs. Elle avait pris des jours de repos à l’université et s’était ensuite fait remplacer pour rester auprès de lui. Mais, Ami voyait bien que sa mère restait distante malgré tout. Un soir, elle les avait entendus se disputer et sa mère était sortie de la chambre de son père pour aller s’installer dans la sienne, bébé Fanta dans les bras.
Cette situation la rendait triste, mais elle ne savait pas comment faire pour les aider. Elle se sentait coupable. Si elle n’avait pas eu cette aventure avec Joël, rien de tout cela ne serait arrivé.
Quelques jours plus tard, une idée lui vint. Elle allait organiser une fête surprise en l’honneur du rétablissement de son père. Seuls des intimes seraient présents. Elle passa plusieurs coups de fil et sans rien dire à sa mère, s’activa autour de son projet. Elle fit intervenir ses frères et, comme c'était le mois de mai, les garçons aux USA ne pouvaient pas revenir. Ils devaient se concentrer sur leurs examens. Fof ne pourrait pas être là non plus. Il tentait de négocier un contrat avec un client important qui l’avait invité une semaine à une partie de chasse. Il n’y aurait donc que le ministre Ousmane et Habib qui étaient de plus en plus présent depuis l’accident de leur père.
Le soir de la fête arriva. Ami s’était vêtue de blanc de la tête aux pieds. Elle portait une tunique qui descendait au dessus d’un pantalon en lin. Ses orteils vernis de rouge faisaient ressortir la beauté des sandales, blanches elles-aussi qu’elle avait choisies. Ses cheveux étaient noués dans un chignon et elle avait piqué une rose blanche dans la touffe.
Elle espérait que sa mère ne serait pas trop fâchée, car jusqu’au dernier moment, elle avait tout préparé dans le secret, aidée d'une de ses grands-mères. Elles s’étaient entendues pour faire partir Fatoumata au village en prétextant un mal de l’aïeule. Ami avait toujours été très proche de sa mamie. Elle lui avait donc présenté son projet de réconciliation. La grand-mère avec des étoiles dans les yeux y avait tout de suite adhéré et, ensemble, elles avaient mis au point la stratégie.
Quelques semaines après, Mamie demanda à sa fille de l’accompagner en ville et le soir tombant, elles prirent la direction de Saly. Elle rentrerait le lendemain, là il était trop tard.
Fatoumata était heureuse d’avoir passé du temps avec sa mère qui était en réalité la sœur de sa mère. Mamie avait été d'un grand secours pour Fatoumata au décès de sa mère. C'était vers elle qu'elle se tournait en cas de besoin. En ville, celle-ci s’était comportée bizarrement. Elle entraîna sa fille dans des magasins de vêtements, des boutiques de lingerie fine, et même un spa. Elles avaient fini leur journée avec des sacs plein les bras et chacune habillée de blanc. Yaye avait une belle robe avec un jupon blanc en dessous. Les broderies en or sur les côtés enrichissaient la couture des vêtements. Mamie avait également porté la même robe que sa fille, mais avec un jupon bleu. Elle disait que sinon on les prendrait pour des jumelles.
Fatoumata se demandait ce qui se passait dans la tête de sa tante. Mais, elle voulait profiter de cette journée . Aussi la laissait-elle s’amuser.
Arrivées dans un salon de coiffure, Mamie avait demandé à une des filles du salon de lui couper les cheveux très courts. Elle disait qu’elle voulait ressembler à une star américaine. Fatoumata en avait ri jusqu’à en avoir mal aux côtes. Elle-même avait opté pour des tresses fines allant jusqu’à son dos. Elle préférait des nattes faites avec ses cheveux plutôt que des tissages et autres mèches sur sa tête. Elle ne supportait jamais de les avoir plus longtemps que deux semaines, trois tout au plus.
Au moment où elles finissaient leurs emplettes, elles tombèrent sur Joël accompagné de sa mère. Les deux femmes s’embrassèrent longuement. Gracia rentrait d’un long voyage qui avait duré presque deux mois. Elle avait dû aller à l’enterrement de son père qui avait succombé à un énième AVC. Quelle joie eurent-elles que de se revoir maintenant. Gracia s’étonna de voir les deux femmes aussi apprêtées et Fatou raconta leur journée à son amie.
Comme Mamie la connaissait bien, elle lui arracha la promesse de passer le soir à la maison avec son mari et leur fils. Elle souhaitait voir tout le monde avant de rentrer chez elle le lendemain. Fatou n’eut pas le temps de lui faire remarquer que peut-être n’était-ce pas une bonne idée que celle d’inviter Joël que déjà sa mère la tirait dans la voiture. Les deux femmes-amies se dirent au revoir en remettant à plus tard leurs retrouvailles.
A présent, la nuit était tombée et la voiture arrivait près de la maison. Fatoumata se demandait pourquoi il y avait autant de véhicules stationnés près de leur maison. Au fur et à mesure que le véhicule avançait, elle sentait monter en elle comme une appréhension. La salle de bal faite construire par son mari était illuminée et il y avait de la musique. Elle se tourna vers sa mère qui la regardait avec un sourire d’où manquaient quelques dents. Elle voulut ouvrir la bouche pour demander ce qui se passait quand le chauffeur alla se placer directement face à la salle et qu’il descendit lui ouvrir la portière. Elle fronça les sourcils et descendit avec des questions plein la tête. Ami l’attendait à l’entrée de la salle. Elle s’avança vers elle et se pencha pour déposer un baiser sonore sur la joue de sa grand-mère qu’elle dépassait de plu d’une tête :
« _ Dieureu Dieuf (2) mama bou djiguène (3) !
_ Nio Ko Bokk !(4) Da ma kontaan ! (5) Mais, maintenant Da ma xiif (6) »
Mamie se tourna ensuite vers sa fille et, avec un français approximatif lui dit :
« _ Dans la vie, il faut pouvoir pardonner aux autres. L’erreur est humaine et pardonner libère autant le fautif que celui qui a été blessé. Dama la nopp (7) ma fille ! »
Puis, elle se dirigea vers les cuisines de la salle. Son ventre faisait des bruits étranges. Elle avait besoin de se restaurer, après toutes ces émotions. Restées là toutes les deux, Yaye Fatou interrogeait sa fille du regard :
« _ Que se passe t-il Ami ?
_ Attends encore un peu Mâ ! Je t’expliquerais bientôt. Pour l’instant juste, suis-moi s’il te plaît.
_ Hum ! Je n’aime pas ça du tout jeune fille. Tu me caches quelque chose et, je n’aime pas ça du tout.
_ Allez Yaye, viens ! Tu vas adorer, je te promets.
_ Hum ! Bon, de toute façon, je n’ai pas le choix. Même ta grand-mère fait partie du complot.
_ Merci Maman ! Je t’aime tu sais !
_ Moi aussi je t’aime ma chérie ! Encore plus que tu ne le crois, même si je me demande si ça va continuer aujourd’hui. »
Elles se dirigèrent en riant vers la musique qui résonnait bien fort à présent. Arrivée au pas de la porte, Fatoumata se tourna vers sa fille. Oumar était installé sur une table dressée au fond de la salle. Une chaise vide attendait à côté de lui. Elle comprit que c’était la sienne. Il y avait également quelques invités, environ une vingtaine de personnes en tout. Les unes assises et les autres qui se dirigeaient vers le buffet. Elle connaissait presque tout le monde. Elle sentit ses jambes se dérober sous elle, alors que Mamie la prenait par la main pour l’installer aux côtés de son mari.
Fatoumata hésita quelques instants mais comme les autres les regardaient, elle n’eut d’autre choix que de s’asseoir.
Au même moment, la lumière fut réduite et, Aminata vint se placer au beau milieu de la pièce. Une musique douce se fit entendre. Ami s’était agenouillée, des larmes ruisselant sur ses joues :
« _ Baye, Yaye, baal ma! Pardon pour tout ce que j’ai fait et surtout de vous avoir désobéis. (elle s’avança un peu vers leur table en restant à genoux) Mâ’Fa, tu m’as fait confiance et moi, je t’ai trahie. Je me suis jetée dans les bras de Joël en n’écoutant pas tes conseils et tes avertissements. Je te demande pardon !
Baye ! Je t’ai défié et me suis laissée séduire jusqu’à apporter la honte et le déshonneur dans la famille. Je te demande pardon ! Je te promets que j’ai compris et, je veux maintenant écouter et accepter tes choix. (il y avait un écran géant sur le mur et les têtes des américains s’y apposèrent).
Mes frères, Fofana, Ousmane, Habib, Moussa, Demba et Oumar Jr et même toi bébé Fanta (la petite était à présent dans les bras de leur mère), je vous demande pardon ! Je vous aime tous et je ferais tout pour regagner votre confiance. Mais, je t’en supplie Yaye’Fa, ne quitte pas Papa. Tout est de ma faute. Je t’en supplie, pardonne-lui ce qu’il a fait. Je t’en supplie ! »
Quand elle eut terminé, elle resta dans la même position.
Dernièrement, elle avait beaucoup réfléchi aux derniers événements. Elle avait craint qu’un jour, un des membres de sa famille ne lui reproche sa bêtise et, pour entériner l’affaire, avait décidé de présenter des excuses à toute la famille. Elle n’avait pas pensé à la façon de faire, mais elle savait qu’il lui faudrait passer par là. Depuis son expérience onirique, elle avait bien compris l’importance de la famille, quoi que d’une malheureuse façon. Mais, elle tenait à ses proches et, elle ne voulait absolument pas être au milieu d’une querelle ou d’une désunion entre ses parents.
Sa mère encore chamboulée par ce que tous venaient de voir et entendre se leva de sa chaise et se dirigea vers elle. Puis, elle la prit dans ses bras et tamponna ses joues à l’aide d’un des pans de sa robe. Elle lui chuchota quelques mots dans l’oreille qui firent apparaître un mince sourire sur son visage. Puis, Ami retrouva sa grand-mère qui lui ouvrit les bras. Elle aussi s’était mise à pleurer. Elle espérait de tout cœur que sa fille passerait l’éponge et pardonnerait à son gendre.
D’ailleurs, tout le monde dans la salle et en visio attendait en espérant la même chose. Les garçons qui jusque là n’avaient rien dit se mirent eux aussi à supplier leur mère. Yaye Fatou les regardèrent un moment. Elle revivait à la vitesse de l’éclair la naissance de chacun d’eux et se rendait compte à quel point ils avaient tous grandi. Il ne restait plus que sa petite Aminata, déjà écorchée par la vie. Mais, même elle bientôt s’en irait. Il ne lui resterait plus aucun enfant à élever. Plus aucun bruit à la maison. Puis, comme si elle avait lu dans ses pensées, Fanta se mit à geindre. La mère se tourna vers elle et, sans trop comprendre comment, elle se rendit compte qu’elle aimait cette petite fille comme elle aimait tous ses autres enfants. Jusqu’à présent, elle l’avait acceptée par devoir d’épouse. Mais, aujourd’hui, elle comprenait qu’elle avait depuis longtemps adoptée cette enfant qui n’avait plus qu’elle comme mère. Elle se décida alors sur le champ. Cette petite, elle l’aimerait d’un amour sincère et l’élèverait comme elle l’avait fait pour les plus grands.
Elle regarda du côté de son mari, hésitante, ne sachant plus quoi faire.
Oumar n’avait jamais aimé les effusions publiques. Mais, comme il regrettait tout ce qu’il avait fait à sa femme. Il se leva doucement, s’approcha d’elle et, se mit également à genoux pour lui demander pardon. Yaye Fatou totalement bouleversée tomba dans ses bras et le supplia de se relever. Dès qu’il fut debout, Mamie laissa échapper un grand cri de joie à la manière que seules les femmes africaines connaissent. D’autres femmes de l’assemblée l’imitèrent.
Ce fut le coup d’envoi pour les réjouissances. Un groupe de danse qui attendait patiemment se mit à battre la mesure et les gens s’amusèrent jusqu’au petit matin. Au milieu du repas, Ami alla saluer Khady et sa famille. Elle était heureuse de voir qu’enfin tout finissait par s’arranger. Elle était saine et sauve et ses parents avaient fait la paix. Elle nageait dans le bonheur.
Elle voyait bien les regards qu’Abou lui lançaient. Ils étaient assis à une table proche de celle de ses parents, en tant qu’invités d’honneur. Car, malgré sa réticence à se mettre avec lui, elle lui était reconnaissante. C’était grâce à lui si elle était encore en vie et que son père remarchait. Quel bonheur ! En plus, Khady et elle avait développé une amitié assez proche de celle qu’elle partageait avec Jeneba auparavant, même si Ami restait encore sur la défensive. Elle savait que son amie espérait la voir avec son frère. Mais, pour l’instant, elle ne voulait pas y penser. L’heure était aux réjouissances.
Après le dessert, Oumar et sa femme s’éclipsèrent en laissant Fanta aux mains de sa grand-mère qui n’attendait que ça. Depuis le retour d’Oumar à la maison, il n’y avait plus de nounou. Malgré sa colère, Fatoumata ne voulait plus de jeune femme paradant devant son mari. Ils terminèrent donc la soirée en se rappelant à quel point ils s’aimaient et combien ils étaient heureux de se retrouver enfin.
Alors que la fête battait son plein et que les plus âgés étaient déjà rentrés pour la plus part, les plus jeunes résistaient encore à la piqûre de la fatigue. D’autres habitants du quartier les avaient rejoints. A présent, c’était une grande fête et la nourriture n’en finissait pas de remplir les assiettes. Ami et Khady étaient en train de se déhancher sur la musique d’un groupe qu’elles aimaient toutes les deux lorsque Joël vint la tirer par le bras. Elle se retourna étonnée et fronça les sourcils : il avait beaucoup bu. Ses parents étaient partis quelques temps après que les siens aient pris congé. Elle n’avait même pas remarqué qu’il était encore là. Elle s’excusa auprès de Khady et demanda à Joël de la suivre à l’extérieur. Elle savait qu’il était capable de faire un scandale. Ce qu’elle voulait éviter à tout prix.
Arrivés dehors, elle lui demanda de s’en aller mais, Joël ne l’entendait pas de cette oreille :
« _ Pourquoi m’évites-tu Ami ?
_ Joël, tu devrais t’en aller. Tu as trop bu.
_ Non, je n’ai pas trop bu.
_ Si !
_ Bon, ok, mais c’est à cause de toi. Tu me fais perdre la tête. Je n’arrive pas à t’oublier. »
Il s’était rapproché de son visage. Maintenant, elle ressentait les relents de ce qu’il avait bu. Il commençait à lui faire peur :
« _ S’il te plaît Joël, rentre chez toi. Si tu veux, appelle-moi demain et nous discuterons.
_ Non, il n’en n’est pas question. Maintenant que je suis là, je ne partirais pas avant de t’avoir dit ce que je ressens.
_ Ok, je t’écoute. Mais, après, tu t’en vas !
_ Ok ! Bon, Ami, pourquoi m’évites-tu ? Je t’aime énormément et depuis que je ne te vois plus, je n’arrive plus à vivre. Tu me manques trop ! J’ai besoin de toi dans ma vie. Pourquoi me faire souffrir autant ?
_ Joël, écoute ! Ce n’est ni le moment, ni le lieu pour parler de ces choses. Demain, je te promets que nous en discuterons. A présent, il faut que tu rentres. Moi, je dois aller rejoindre mes invités.
_ Ouais ! Ouais ! C’est cela oui ! Dis plutôt que tu es pressée d’aller retrouver ton américain raté oui ! Je me demande bien ce qu’il a de plus que moi ce connard. Tu crois que je n’ai pas vu les coups d’œil qu’il te lançait là-bas ?
_ Bien, je vais héler un taxi pour toi.
_ Je n’en n’ai pas besoin. C’est de toi dont j’ai besoin, sale cochonne. Dis-moi, il t’a déjà B*** é hein ? Il est meilleur coup que moi au pieu ? Hein, vas-y, dis-moi !
_ Arrête Joël, tu dérailles complètement. Si tu ne t’en vas pas tout de suite, j’appelle la sécurité et ils te feront partir de force.
_ Sale petite pute ! C’est comme ça que tu me remercie ? Alors que je t’ai appris à B***er. J’ai été ton premier mec Aminata Traoré. Tu n’as pas le droit de me jeter comme une merde.
_ Ca suffit maintenant ! Je m’en vais. Si tu veux rester là à raconter des bêtises, libre à toi. »
Elle lui tourna le dos pour retourner dans la salle. Mais, il fut plus rapide qu’elle et, lui bloquant le passage, il la tira dans un coin sombre. Ami fut prise de panique. Que se passait-il ? Ho non, pas ça ! Il n’allait tout de même pas lui faire ça ? Elle tenta vainement de se débattre. Mais, Joël était plus costaud et plus elle cherchait à se libérer, plus il la serrait contre le mur. Au moment où elle sentit son haleine sur son cou, elle lui planta les ongles dans les yeux et lui asséna un coup de genou dans les parties intimes. Surpris par la violence de la riposte, Joël desserra son étreinte. Ce qui permit à Ami de se libérer complètement et de courir vers la salle.
Elle n’eut que le temps de faire quelques pas et se sentit buter contre la poitrine d’Abou qui était sorti à sa recherche. Khady s’inquiétait de ne pas la voir revenir et était allé le prévenir. Ami rentra retrouver les autres sans s’inquiéter de ce qui allait se passer entre les deux hommes. A présent, elle n’avait plus le cœur à la fête.
Joël qui n’avait pas entendu Abou et pensait que c’était toujours elle lança un juron :
« Putain Ami, tu m’as explosé les burnes. Je n’allais tout de même pas te faire du mal. Je voulais seulement t’effrayer un peu. »
Il se retourna pour trouver en face de lui le docteur qui le regardait avec colère. Joël se mit à ricaner méchamment avant de crier :
« _ Qu’est ce que tu fais là toi ? Où est Ami ?
_ Vous feriez mieux de vous en aller.
_ Et de quel droit tu te permets de me le dire ?
_ Vous êtes fatigués et je pense que vous devriez aller vous reposer.
_ Tu es docteur ? Ho, mais oui, j’oubliais, tu l’es ! Et je m’en fiche ! Casse-toi, je veux aller faire la fête moi aussi.
_ Je vous répète qu’il serait mieux que vous rentriez chez vous.
_ Dégage de mon passage connard. D’ailleurs, avant de retourner là-bas, je vais te casser la figure. Ensuite, on verra bien qui de nous deux Ami choisira. Connard ! »
Disant cela, il se rua sur Abou et lança des coups. Malheureusement, l’alcool l’empêchait de coordonner ses gestes. Il était si maladroit que par deux fois, il manqua de tomber. Abou le rattrapa de justesse. Puis, il lui tourna le dos. Finalement, il ne voulait pas se battre. Joël n’en valait pas la peine. Seulement, ce dernier ne l’entendait pas ainsi, Il voulait réellement en finir avec son rival. A cause de lui, il avait perdu Ami. Depuis des semaines, il n’arrivait plus à dormir. Depuis ce soir où elle lui avait envoyé un message pour lui signifier que définitivement, il n’y aurait plus rien entre eux. Elle avait changé son numéro de téléphone alors qu’il avait maintes réessayé de la contacter. Il était même passé chez elle. Ami était absente, mais pas sa mère. Elle lui avait explicitement refusé l’accès de la maison en lui précisant que tant qu’il courrait après sa fille, jamais plus il ne devait essayer de l’approcher. Ensuite, elle avait appelé sa mère et Maria en colère l’avait sermonné comme s’il était encore un enfant. Au décès de son -père, elle l’avait obligé à le suivre. Depuis deux mois donc, il n’avait pas pu reconquérir celle qui possédait son cœur. Il était sûr que face à lui, Ami ne pourrait pas lui résister. Elle était amoureuse de lui et, personne ne pouvait les séparer. Surtout pas ce faux docteur qui se croyait tout permis.
Les souvenirs le remplirent encore plus de haine et, il couru se jeter sur Abou qui se poussa simplement sur le côté. Ne pouvant s’arrêter, Joël se retrouva le nez dans la poussière. La rage le gagnait complètement et ramassant une pierre, il la lança sur Abou qui l’esquiva de justesse. Celui-ci n’y tenant plus, il lui asséna un coup de poing sur la mâchoire. Il en mourrait d’envie depuis le premier jour de leur rencontre. Puis, comme Joël revenait à la charge, il lui lança un uppercut qui l’envoya valdinguer dans les buissons. Il était ko !
La tentation fut forte pour qu’Abou l’abandonne là. Mais, il craignait qu’il ne lui arrive quelque chose. Il appela donc Brahim et lui demanda s’il pouvait raccompagner chez lui. Il serait bientôt quatre heures et, à cette heure, aucun taxi ne passait par là. Son ami bougonna un peu mais, accepta de lui rendre service à la condition qu’il parle enfin ouvertement à Ami.
Celle-ci était allée s’asseoir près de Khady. Ses deux autres frères Habib et Ousmane étaient rentrés depuis longtemps déjà. Elle vit Abou rentrer et s’entretenir avec Brahim. Puis, il se tourna vers elles. Khady savait en voyant son frère approcher qu’il bouillait à l’intérieur.
Arrivés à leur hauteur, il lui demanda de les excuser. Il devait s’entretenir avec Ami. Khady le regarda longuement puis s’en alla vers le buffet. Elle en profiterait pour boire quelque chose. Restés seuls, Abou pris sa voix la plus douce :
« _ Ça va ?
_ Oui, merci, ça va ! Et heu… Merci pour tout à l’heure. Je ne sais pas comment j’aurais fait si tu n’étais pas arrivé.
_ Ho ! J’ai vu que tu débrouillais très bien toute seule. Dis donc, je dois faire attention hein, je tiens à mes bijoux de famille moi. »
Ami le regarda avec étonnement puis éclata de rire. La tête d’Abou qui mimait la douleur de Joël la fit se détendre complètement. Khady les trouva pliés dans les bras l’un de l’autre et se joignit à eux. Puis, Ami se rendit compte qu’elle s’appuyait sur lui et toute gênée à présent, elle se dégagea. Ils passèrent le reste de la soirée à se raconter des anecdotes les uns sur les autres. Ami voyait à quel point cette complicité lui avait manqué. Elle les enviait presque, elle qui avait toujours été surprotégée et entourée d’interdits. Les heures s’égrenèrent jusqu’au lever du soleil. Les rares invités encore présents se préparaient à partir. Khady et son frère devaient s’en aller aussi. Ami les raccompagna jusqu’à leur voiture et avant de monter, Abou la prit en aparté. Il fallait absolument qu’il lui dise ce qu’il avait sur le cœur :
« _ Ecoute Ami ! Je sais que tu as passé des moments difficiles depuis et que tu as fais beaucoup d’efforts pour t’en sortir et garder la tête haute.
_ Merci Abou ! C’est gentil ce que tu me dis.
_ C’est parce que c’est la vérité. Malgré tout, tu reviens de loin.
_ Et c’est grâce à toi si je suis encore en vie. Ainsi que mon père. Et pour cela je ne t’ai pas encore dit merci.
_ Je n’ai fait que mon travail. Et puis, je me devais bien de sauver ma future épouse. Sinon, je ne serais pas un super héros. (il l’avait dit avec une pointe d’ironie dans la voix)
_ Hum !
_ C’est vrai ma belle (un doigt sur son menton pour lui relever le visage.) A présent, je suis sérieux. Je ne sais pas pourquoi j’insiste autant alors que tu ne me facilites pas les choses. Mais, je tiens réellement à toi. (il marqua une pause puis reprit) Tout à l’heure, devant tout le monde, tu as promis à ton père de désormais écouter ses paroles. Alors, réponds à ma question, s’il te le redemande, m’épouseras-tu ?
_ Heuu… Je ne sais pas Abou ! Tu me prends au dépourvu.
_ Je te laisse le temps de réfléchir. Je vais la semaine prochaine à un séminaire à Ouagadougou. A mon retour, tu me diras ce que tu auras décidé.
_ Tu me donnes un ultimatum et, je n’aime pas trop ça.
_ Ecoute Aminata, il est temps qu’on avance et je perds mon temps. Je ne te demande pas de m’épouser demain ou dans la semaine comme il était prévu par nos pères. Mais, de me laisser une chance de te montrer qui je suis. Ensuite, tu pourras faire ton choix. Mais, laisse-moi la possibilité de te prouver que je suis réellement amoureux de toi. Même si je ne comprends pas pourquoi d’ailleurs. Tu es trop entêtée et pas du tout facile à vivre.
_ Huuum ! Ne m’insulte pas !
_ Je ne t’insulte pas tigresse, je ne fais que dire la vérité. Alors… !?
_ Bon, ok ! A ton retour, je te répondrais.
_ Très bien ! Je pars ce matin en fait. Je te souhaite une bonne semaine. Fais attention à toi et surtout, si ce type t’approche encore, je te promets que cette fois-ci, je le lui ferais réellement regretter. »
Elle voulut répondre, mais il ne lui en laissa pas l’occasion. Il plongea son regard dans le sien et prit ses lèvres dans les siennes. Ami surprise se raccrocha à la voiture et, répondit à son baiser avec une passion insoupçonnée. Puis, comme il l’avait commencé, il mit un terme à leur étreinte en déposant un bisou chaste dans ses cheveux desquels il avait ôté la fleur blanche :
« Je la garde comme souvenir et moyen de compensation pour avoir joué au garde du corps tout à l’heure. Prends soin de toi Aminata Traoré. A la semaine prochaine ! »
Ensuite, il grimpa dans le Range Rover gris qu’il avait fait venir expressément des USA. Ami resta plantée au même endroit jusqu’à ce que la voiture ait totalement disparu. Elle rentra chez elle, le sourire aux lèvres et alla directement se coucher. Elle voulait garder encore un peu l’odeur d’Abou sur elle.
Ami venait de prendre sa décision.
..........................
(1) Pardon
(2) Merci
(3) Mamie !
(4) De rien !
(5) Ça me fait plaisir.
(6) Mais, maintenant, j’ai faim.
(7) Je t’aime !