Joël et Ami 24 : Abou a quelque chose à te dire

Write by Dja

Le lendemain de la soirée, Gracia et son mari étaient allés s'excuser auprès de Fatou et de son mari. Ils n’avaient pas amené Joël avec eux. Son père avait si honte de son attitude  qu’il lui avait fait payer tout un tas de choses pour tenter de régler tous les problèmes qu'il avait créés. Ils avaient  donc apporté des chèvres, des bouteilles de vin et de la cola pour payer l’amende de tous les désagréments causés par leur fils.

 

Oumar que son hospitalisation avait quasiment changé les reçut en leur offrant le thé. En effet, au Sénégal il est coutume de passer par « la cérémonie du thé » pour régler des conflits et réconcilier les gens. Ils passèrent l’après-midi à discuter et les parents de Joël rentrèrent chez eux le cœur tranquille, après que les deux mères eurent fini par se jeter dans les bras l’une de l’autre en pleurs. Leur amitié avait failli prendre fin à cause de la bêtise de leurs enfants.

Joël également passa quelques jours plus tard. Son père avait menacé de le déshériter s’il recommençait à faire du mal à Ami ou à l’un des membres de sa famille.

Dans la semaine qui suivit, en allant raccompagner Mamie au village, Oumar, Fatou et tous les enfants s’entretinrent avec les parents de Fatou. Oumar paya lui aussi une forte amende pour régler le problème du coup de fusil. Une autre fête fut organisée à cette occasion. De même, l’attitude d’Ami lui fut également pardonnée. Les aînés mirent son entêtement sur le compte de la jeunesse. Elle promit de ne plus jamais offensé sa famille et, tous burent le verre de l’amitié. Puis, ils rentrèrent chez eux en paix.

 

Une après-midi, Aminata et son père étaient assis à la véranda. Il faisait une chaleur incommodante, mais en bon sénégalais, ils avaient leurs petites habitudes. Ce jour-là, Yaye Fatou était allée rendre visite à une amie en ville. Elle ne serait de retour que le soir. Elle était partie avec la petite. Pourtant Ami lui avait proposé de la laisser, ainsi, elle n’aurait pas à se dépêcher au cas elle souhaiterait rentrer un peu plus tard que prévu. Mais, Yaye avait refusé. Elles étaient donc parties et Ami en avait profité pour discuter avec Baye Oumar. Depuis la fête, ils n’en n’avaient pas eu l'occasion. Ses parents avaient passé beaucoup de temps dans leur dépendance. Ce temps leur avait permis de se retrouver et commencer à panser les blessures.

 

Ami sirotait un verre de jus de gingembre en lisant une revue de presse. Elle appréciait énormément  cette boisson qui restait de loin sa préférée. Oumar de son côté somnolait, un chapeau sur les yeux et un magazine économique à ses pieds. Il avait commencé à le parcourir quand la moiteur doucereuse l’avait petit à petit fait sombrer dans le sommeil.

 

Le téléphone sonna :

« _ Oui, allô !

_ Bonjour ! (disait la voix de l’autre côté)

_ Bonjour ! Qui est à l’appareil s’il vous plaît ? Je ne vous entends pas très bien !

_ C’est moi, Abou. Comment vas-tu ma tigresse ?

_ Hum ! Bonjour Abou ! Ca va, merci ! Et toi ?

_ Moi, oui, je vais bien ! Nous sommes bien arrivés ici et franchement je suis super content de pouvoir enfin passer un appel.

_ C’est ça ! Depuis que tu as atterri, c’est seulement maintenant que tu penses à moi.

_ Mais non ! Je te promets que je voulais le faire depuis. Mais, ils ont établi un programme dès notre arrivée et il m’a été impossible de contacter le pays. Entre les visites au musée national, ou à la réserve de Nazinga, vraiment, je n’ai pas eu le temps. Sans compter tout le reste. D’ailleurs, un jour, il faudrait qu’on y vienne ensemble. Cette réserve est magnifique.

_ Hum ! Bon, alors, comment se passe le reste, quand tu ne joues pas au touriste ?

_ Hey ! Oui, je fais le touriste. Mais, c’est super ! … »

 

Et ils se mirent à discuter comme de vieux amis. Ami souriait pour tout et rien. Elle se sentait bien et le ton d’Abou lui donnait des frissons dans le dos sans qu’elle cherche à en comprendre le sens. De toutes les façons, à chaque fois qu’elle avait affaire à lui, elle avait à chaque fois des sensations étranges.

 

Le lendemain de son départ, il lui avait envoyé des messages dans lesquels il disait qu’il pensait fort à elle et qu’il espérait rentrer plus vite que prévu afin de passer du temps avec elle. Il ne lui avait plus reposé la question concernant leur avenir, préférant attendre son retour.

 

Ami quant à elle avait sauté de joie en recevant le premier message. Elle l’avait d'abord fait languir en attendant le lendemain pour lui répondre. Mais, Abou avait fait semblant de ne pas s’en rendre compte. Elle en avait été quelque peu déçue.

La conversation tourna autour des voyages et de la nourriture. Elle s'aperçut qu’il appréciait beaucoup la nourriture du terroir. D’ailleurs disait-il, cela lui avait longtemps manqué lorsqu’il était aux USA.

 

Ils restèrent ainsi, à parler de choses et d’autres lorsqu’une voix féminine appela le docteur. Ami tiqua et lui demanda qui c’était. Abou fit comme s’il n’avait pas entendu et éluda la question. Ami pensait reconnaître cette voix, mais elle ne releva pas. La personne insistait de l’autre côté en disant que le temps pressait et qu’il faudrait bientôt aller retrouver les autres.

 

Abou finit par mettre un terme à la conversation en promettant à Ami qu’il la rappellerait dès qu’il aurait du temps. Un bisou sonore après et il raccrocha en lui demandant de transmettre ses amitiés au reste de la famille.

 

Ami regardait son téléphone et se demandait pourquoi elle n’avait pas le pouvoir de la téléportation.

Elle sursauta en entendant la voix de son père :

« _ Tu sais que tu ne pourras pas rentrer dans cet objet ?

_ Oh, Baye ! Tu m’as fait peur !

_ Comment va Abou ? A t-il fait un bon voyage ?

_ Il va bien Papa. Et son voyage s’est bien passé. Il te salue.

_ C’est gentil à lui. Tu lui transmettras également mes salutations.

_ D’accord ! Bon, je vais aller dans ma chambre un peu.

_ Non ma fille, attends ! Je voudrais profiter du fait que nous soyons tous les deux pour discuter avec toi.

_ Oui Papa ! Qu’y a-t-il ?

_ Que se passe t-il entre le Docteur et toi ? »

 

La question la prit au dépourvu. Elle ne s’y attendait pas. Même si elle se doutait que son père ne tarderait pas à lui poser des questions. Seulement, elle ne pensait pas qu’il serait aussi direct. D’ailleurs, elle ne savait pas trop quoi lui répondre. La seule chose dont elle était sûre, c’est qu’elle avait des sentiments pour Abou. Depuis la soirée, lorsqu’il l’avait embrassée, elle avait décidé de tenter sa chance avec lui. Pourquoi continuer à nier ce qu’elle ressentait puisqu’elle ne pouvait pas lutter.

 

Elle se leva et alla devant son père. Depuis leurs retrouvailles, elle était redevenue la petite fille avide de conseils. Elle restait à ses côtés aussi longtemps qu’elle le pouvait. Baye Oumar n’avait toujours pas repris le boulot. Abou lui avait recommandé d’attendre qu’il soit complètement rétabli avant de se remettre à travailler. Le mois prochain, il avait d’ailleurs prévu de partir à Los Angeles avec Fatoumata. Ils en profiteraient pour aller voir les garçons à New York. Ami avait fait la moue quand il le lui avait annoncé. Elle aurait tellement souhaité faire partie du voyage. Mais, elle comprenait que ses parents avaient besoin de se retrouver tous les deux. Fatou avait promis de lui rapporter beaucoup de souvenirs de là bas. Et, si elle arrivait à rattraper son retard à l’école de Genève, elle lui paierait le voyage pendant les vacances scolaires suivantes.

 

Elle se tourna vers lui. Auparavant, ils avaient toujours eu des discussions franches. Avant que Joël ne lui tourne la tête, le père et la fille n’avaient jamais hésité à se parler à cœur ouvert. Comme elle était restée longtemps la seule fille de la famille, Oumar lui avait toujours laissé la liberté de discuter sans tabou. Toutes les questions pouvaient être posées. Elle n’eut donc aucune gêne à lui répondre.

« _ Je ne sais pas trop papa. Depuis mon hospitalisation, il est vrai que je me pose moi-même la question.

_ Hum ! Tu sais ma fille. Même si les raisons pour lesquelles j’ai souhaité vous faire faire ce mariage n’étaient pas les bonnes, ce garçon est bon. C’est le fils de mon ami et il saura prendre soin de toi.

_ Je ne sais pas Baye. Je ne voudrais plus me précipiter et faire de bêtise.

_ D’accord, je comprends ! Mais, ne t’inquiètes pas ! Tu n’es plus obligée de l’épouser si tu n’en n’as pas envie. Tu es libre de choisir le garçon qui te plaira.

_ C’est vrai Papa ?

_ Oui, ma fille, c’est vrai ! Seulement, je te demande une seule chose.

_ Quoi Baye ? Dis-moi et je ferai en sorte de respecter ta parole.

_ Tu ne dois plus te donner à un homme avant ton mariage. S’il te respecte et respecte ta famille, alors, il comprendra. Une fille doit pouvoir rester un trésor pour son époux. Si tu te laisses faire trop facilement, il n’aura aucun égard pour toi. Tu sais, il y a un proverbe sénégalais qui dit que « EDUQUER UNE FILLE, C'EST EDUQUER TOUTE UNE NATION ». Alors, considère-toi comme tel et tu comprendras pourquoi je tiens absolument à ce que tu te préserves.

_ Oui Baye, je comprends ! Je vais faire ce que tu dis. Je te le promets ! »

 

Et, elle alla se jeter dans ses bras. Comme tout cela lui avait manqué.

 

Le reste de la soirée se passa sans souci et à son retour, Fatoumata leur concocta un repas digne d’un chef. Blacky ne l’ayant pas vue depuis le matin l’accueillit avec des aboiements plaintifs et sauta sur la petite Fanta qui se laissa faire joyeusement. Les deux amis roulèrent au sol et finirent leurs embrassades dans le bain que Fatou fit couler. Elle s’écria en voyant que le chien avait sauté le premier dans l’eau et le gronda sans réellement être fâchée. Puis, elle le fit sortir de la maison et, l’un des domestiques s’occupa de lui à l’extérieur.

 

Le lendemain était mercredi. La petite devait aller voir le médecin pour des vaccins. Tout le monde fut de sortie. Oumar riait en entendant Fanta balbutier. Elle ne cessait de babiller et de tirer sur les poils du chien. La veille, au coucher, Fatou et Ami avaient repris le sujet sur Abou. La mère considérait que sa fille devait laisser une chance au jeune docteur. Elle avait même dit à Ami que si elle ne prenait pas garde, une autre le lui piquerait et alors, elle n’aurait plus que ses yeux pour pleurer. Abou était le gendre qu’elle avait toujours souhaité pour sa fille. Responsable, ayant fait de bonnes études, respectueux des traditions et surtout, il était très beau. Ce dernier élément fit baisser la tête à Ami qui se sentit confuse. Elle ne comprenait pas pourquoi, mais dès que sa mère disait ce genre de chose, elle se sentait ramollie à l’intérieur.

 

Après le passage chez le généraliste, ils firent un tour au restaurant de Khady. Oumar n’avait pas encore été mangé là bas et il avait hâte de vérifier par lui-même la qualité des plats. Il laissa un bon pourboire à la fin. Khady profita de leur présence pour leur présenter son fiancé, un jeune homme qui, comme elle était restaurateur. Ils étaient ensemble depuis un an déjà et, comme elle voulait faire un gros mariage, ils attendaient encore un peu avant de convoler en juste noce. Pourtant, elle aurait pu se faire aider par son frère, mais ils avaient en tête de d’abord rembourser l’argent de Baye Oumar avant toute autre dépense importante. Et, cela ne saurait tarder. Le mois prochain, si tout se passait comme le frère et la sœur l’avaient prévu, la dette serait résolue.

Khady qui n’avait pas vu Ami depuis le jour de la fête l’invita pour la semaine suivante. Elle voulait s’entretenir avec elle sur un sujet qui les concernait toutes les deux. Ami promit de passer la voir assez vite.

 

Deux semaines après, Ami reçut ses résultats. Elle s’était inscrite pour suivre une formation à distance en Sciences Politiques et elle était reçue avec mention « assez bien ». Sa mère fut la première à la féliciter. Elles sortirent toutes les deux pour fêter la bonne nouvelle pendant qu’Oumar restait avec la petite. Une de ses sœurs était arrivée du village pour recevoir des soins à l’hôpital de Dakar. Elle allait donc s’occuper de Fanta.

 

De son côté, Abou dû prolonger son voyage. Il avait informé Ami que le colloque terminerait plus tard que prévu et, que des confrères l’avaient convié en Afrique du Sud. Il devrait donc rentrer à la fin du mois finalement. Cette rencontre avait pour but de se renseigner sur les nouvelles technologies en matière de chirurgie faciale. Comme cette spécialité le passionnait, il ne pouvait pas refuser l’invitation. Ami fit comme si la nouvelle ne l’atteignait pas alors qu’en réalité, elle l’attristait.

 

Depuis quelques temps, ils s’appelaient tous les jours pour discuter de choses et d’autres. Depuis sa conversation avec son père, elle s’était quelque peu libérée et envisageait même finalement, d’accepter les avances d’Abou. Elle ne relevait plus lorsqu’il l’appelait « ma fiancée ». Tanta Coumba était même passée les voir pour s’entretenir avec Fatou. Les deux femmes s’entendaient à merveille. Et, malgré son insistance, elles n’avaient pas voulu partagé avec Ami leurs confidences. Curieusement, elle sentait qu’il se tramait quelque chose, même si elle ne pouvait pas dire quoi exactement.

 

Le samedi suivant alors qu’elle faisait des courses, elle reçut un appel watsapp du docteur. Mais, comme la batterie de son téléphone était déchargée, elle lui envoya un message pour lui dire qu’elle l’appellerait en rentrant le soir. Mais, le soir arrivé, sa mère l’accapara complètement. Et, elle s’endormit sans l’avoir rappelé. Vers deux heures du matin, la sonnerie du téléphone la réveilla :

« _ Allô !?

_ Oui, Ami ?

_ Oui, c’est moi. Que se passe t-il ? Il est tard ! Quatre heures du matin.

_ Ho, je suis désolé ! J’avais oublié le décalage horaire. Comme tu as oublié de me rappeler, je voulais parler un peu avec toi avant d’aller bosser Aujourd’hui, on va au Cap et je ne serais sûrement pas facilement joignable. Mais, rendors-toi, nous allons discuter plus tard. Désolé de t’avoir réveillée.

_ Non, ça va ! Maintenant je suis réveillée. Comment va ? En fait, hier soir, j’ai été occupée par maman. C’est pour cela que je t’ai un peu mis de côté.

_ Un peu beaucoup oui !

_ Hum ! Bon, je m’excuse ! Ca c’est bien passé quand même tes rendez-vous dans les hôpitaux ?

_ Oui, ça a été. Mais, je n’ai pas cessé de penser à toi.

_ Ha bon !? Et qu’est ce qui me prouve que tu dis vrai ?

_ Tu en doutes ? Attends quand je vais rentrer, je te montrerais à quel point.

_ Hum ! On verra bien ! Bon, moi, j’ai une nouvelle à t’annoncer.

_ Ha !? Vas-y, je t’écoute !

_ Je suis acceptée à l’école de Genève. Je suis si heureuse, tu ne peux pas savoir à quel point.

_ Wouahou ! Félicitations ! Je suis fière de toi. Tu comptes donc y aller pour quand ?

_ Je ne sais pas encore. Mais, sûrement en début d’année. J’ai la possibilité d’intégrer l’école en juillet, pour terminer ma remise à niveau. Je n’arrive pas à y croire ! Je rêve d’y aller depuis tellement d’années. En plus, ce qui me plaît là-bas, c’est que l’école combine la dernière année avec un séjour linguistique, Angleterre et Berne. Je veux pouvoir me former et battre la compétitivité.

_ Et, moi dans tout ça ? J’espère que je suis rangé quelque part dans tes projets.

_ Hum, Abou ! Arrête hein. Tu ne vas pas… »

 

Elle s’arrêta net. La silhouette d’une femme venait d’apparaître derrière Abou. Elle se releva tout à fait dans son lit et, les sourcils froncés, rapprocha son visage de l’écran :

« _ Qui est avec toi ?

_ Comment ça ? Je ne comprends pas ! De quoi parles-tu ?

_ Tu ne comprends pas ? Abou, ne m’énerve pas ! CEST QUI CETTE FEMME AVEC TOI ? TU M’APPELLES ALORS QUE TU ES AVEC CETTE FILLE DANS TON LIT POUR ME RACONTES DES SORNETTES ? TU TE FOUS DE MOI ?

_ Ami, calme-toi ! Je ne comprends pas, je… »

 

Elle avait raccroché. Abou se retourna au même moment pour voir Sophie qui se tenait derrière lui.

« Et merde ! »

 

Il la regarda avec animosité. Que faisait-elle encore là ? Plus tôt dans la soirée, elle était sortie avec des sud-africaines. Elles avaient fait le tour des bars et étaient rentrées éméchées. Puis, elle s’était trompée de chambre (pour la quatrième fois depuis leur arrivée) et s’était allongée dans le canapé de sa suite, après avoir ôté la moitié de ses vêtements en ne gardant que sa chemise.

Il l’avait complètement oublié. Cette fille était son pire cauchemar. Elle avait vraiment choisi le bon moment pour réapparaître. Merde ! Merde ! Et re-merde ! Comment allait-il pouvoir l’expliquer à Ami. Elle n’allait sûrement pas le croire.

 

S’il avait pensé un seul instant que Sophie serait autant un boulet, jamais il ne l’aurait conviée à ce colloque. Elle lui avait promis depuis la dernière fois à la clinique qu’elle avait compris qu’il n’y aurait plus rien entre eux. Il aurait dû se montrer plus méfiant.

Il se tourna vers elle. Elle était entièrement nue et se touchait le corps en mimant des gestes lascifs. Ses doigts courraient sur sa peau. Elle se mit à avancer à quatre pattes dans le lit.

Abou sauta hors de sa portée, lorsqu’elle plongea sir lui. Elle se retrouva donc plaquée contre le drap, les fesses à l’air.

 

« _ Qu’est-ce que tu veux Sophie ?

_ C’est toi que je veux Aboubacar. Pourquoi me repousses-tu ?

_ Qu’est ce que tu racontes ? Et puis, rhabilles-toi, tu risquerais de prendre froid.

_ Hé bien, viens me retrouver mon chéri, tu me réchaufferas. Tu te souviens comment tu aimais me prendre après la douche. Je viens d’en prendre une. Viens avec moi et laisse-moi m’occuper de toi.

_ Arrête de te ridiculiser. Purée Sophie, est ce que tu te rends comptes de ce que tu viens de faire ? Tu m’as foutu dans des problèmes.

_ Et alors ? Cette fille n’est rien pour toi Abou. Avant son arrivée tu avais dit que tu me donnerais une autre chance. Qu’a  t-elle de plus que moi, tu peux me dire ? En plus, elle t’a déshonoré. C’est une petite traînée qui ne connaît pas ta valeur. Moi si ! Et en plus, est-ce qu’elle pourra te satisfaire au lit ? Tu peux parfois être tellement gourmand »

 

Elle termina sa phrase en mettant un doigt dans sa bouche.

Abou se rapprocha d’elle. Il se contenait pour ne pas la frapper. Son éducation le lui interdisait. Mais, la colère qui montait en lui risquait de lui faire faire une bêtise. Il la souleva comme il l’aurait fait d’un sac de patates alors qu’elle se débattait en hurlant. Puis, il ouvrit grand sa porte et la jeta dehors. Elle se mit à tambouriner dessus en réclamant ses vêtements qu’Abou lui jeta finalement.

 

Il savait que cela ne servait à rien de rappeler Ami, mais il tenta quand même. Elle décrocha la troisième fois pour lui crier de ne plus jamais chercher à la voir et que cette fois-ci, c’était elle qui rompait définitivement leurs fiançailles :

 

« TU SAIS QUOI !? JE VOULAIS EGALEMENT TE DIRE QUE J’AVAIS REFLECHI ET QUE J’ACCEPTAIS DE ME METTRE AVEC TOI. MAIS, JE ME RENDS COMPTE QUE TU ES EXACTEMENT COMME JOËL, UN MENTEUR ET UN COUREUR. DEGAGE DE MA VIE ET NE T’AVISE PLUS JAMAIS DE M’APPROCHER »

 

Folle de rage, elle projeta son téléphone contre le mur de sa chambre. Heureusement, la coque empêcha qu’il ne se casse. Malgré ses paroles, Abou réessaya plusieurs fois encore de la joindre et, comme elle ne répondait plus, il appela Khady. Elle seule pouvait l’aider à tout arranger. Il le fallait. Elle venait de lui dire qu’elle avait accepté de se mettre avec. Mille fois merde !

 

Le lendemain, il n’avait plus la tête à suivre les conférences de ses confrères. Sophie lui avait fait parvenir un mot d’excuse et avait changé d’hôtel. Ils étaient sensés rentrer dans cinq jours. Mais, il avait demandé à partir plus tôt, en prétextant une urgence au pays. A l’aéroport, il appela Brahim pour que son ami vienne le chercher. Puis, tous les deux s’étaient rendus chez Ami mais, elle avait refusé de le voir. Même lorsque Brahim lui avait expliqué les manigances de Sophie, elle n’avait pas voulu le croire. Elle lui annonça au même moment qu’elle voyageait à la fin du mois prochain pour continuer le programme de remise à niveau dans sa nouvelle école. Elle laissait Abou à Sophie,  vu qu’il avait décidé de continuer avec elle. Ensuite, elle l’avait raccompagné au portail, refusant toujours de revoir Abou.

 

Le pauvre fit le pied de grue devant chez elle plusieurs jours de suite. Il avait pensé en parler à Yaye Fatou, mais s’était abstenu au dernier moment. Avec ce que sa fille avait subi à cause de Joël, il doutait de pouvoir la convaincre elle aussi. Il lui fallait absolument trouver une solution, sinon il allait perdre Ami. Les jours passaient trop vite à présent et il ne restait plus que deux semaines avant son départ pour Genève.

 

Ami de son côté faisait tout pour ne plus penser à lui. Elle s’était plongée à corps perdu dans les révisons. Comme l’école lui donnait la possibilité de rejoindre la deuxième année si elle réussissait à ses derniers examens. Elle avait donc passé le mois à travailler avec acharnement. Quelques fois, Tanta Coumba passait voir sa mère. Les deux femmes avaient essayé de la raisonner. Elle leur avait promis de réfléchir à tout cela après les examens. Elle suivait un programme intensif qui ne lui permettait pas de penser à autre chose. Dans une semaine, elle saurait si elle était admise ou pas. Elle ne s’était accordé aucun loisir, et répétait à son père qu’elle voulait à tout prix le rendre fier. Les frais dans cette école étaient suffisamment importants pour qu’elle se permette de s’amuser. Quand les résultats lui furent annoncés, elle était en train de passer le peigne dans les cheveux de Fanta. Le téléphone sonna. L’écran montrait un numéro étranger. Elle décrocha le cœur battant à tout rompre. Quelques instants plus tard, elle sautait de joie et Fatou trouva ses deux filles en train d’esquisser une danse joyeuse.

 

Elles appelèrent ensemble Oumar qui avait repris le travail en début de semaine et, il les invita au restaurant de Khady pour fêter l’événement. Ami n’avait pas pu refuser. Ilsse retrouvèrent tous en habits du dimanche à l’heure du dîner. Au moment du dessert, Fatoumata s’éclipsa pour aller se refaire une beauté. Elle revint le sourire aux lèvres et le regard pétillant de malice. Khady et elle venaient d’échafauder un plan.

 

Ami se demandait pourquoi elle était aussi mystérieuse. Mais, la joie de sa petite sœur qui ne cessait de faire des bulles avec sa salive lui fit penser à autre chose. La fin de la soirée se passa agréablement. Khady avait préparé un gâteau pour célébrer la réussite d’Ami. Fanta se mit à hurler de peur quand le bouchon de la bouteille de cidre sauta. Son cri fit rire toute l’assemblée. Ensuite, ils prirent congé et Khady promit à Ami qu’elle l’appellerait dans la semaine afin qu’elles passent un moment entre filles avant son départ.

 

Deux jours plus tard, Ami se préparait pour la retrouver. Ousmane était passé lui déposer un cadeau pour la féliciter. C’est lui qui s’occuperait de régler ses frais d’études. Khady lui avait envoyé un message. Elles devraient finalement se retrouver au restaurant, car elle n’avait pas réussi à se libérer.

 

Arrivée là, son frère lui promit de passer la chercher dès qu’elle serait prête à rentrer. Il avait été longtemps absent du pays, envoyé en mission pour un mois au moment où les événements tragiques avaient eu lieu. Il lui remit une belle somme pour qu’elle commence à faire des courses :

« _ Je serais en voyage à ton départ. Tu pourras donc commencer ton installation avec ça.

_ Ho merci beaucoup Ous ! C’est trop super !

_ Tu le mérites petite ! Tu as bien travaillé.

_ Merci mon grand frère, tu es un amour !

_ C’est ça oui ! Arrête de me baratiner. »

 

Puis, elle descendit de voiture. Quand Khady l’aperçut, elle se dirigea vers elle :

 

« _ Coucou Ami, comment vas-tu ?

_ Ca va, merci ! Et Toi ?

_ Bof, moi ça va ! Toujours en train de courir. Ce restaurant va finir par me tuer un jour.

_ Arrête ! Tu aimes ça ! Sinon, tu rendrais ton tablier.

_ Bon, c’est vrai, tu as raison. C’est mon bébé. Allez, viens, que je te fasse visiter. A chaque  fois que tu es venue, je n’ai jamais trouvé le temps. Là, tu arrives à l’heure de la pause et il n’y a pas beaucoup de client.

_ Ok ! Attends, je vais déposer mes affaires. Tu peux me trouver un coin tranquille s’il te plaît ? Je me suis dit que je vais bosser un peu après avoir manger. Je vais profiter avant de rentrer pour terminer un exercice.

_ Ok ! Mais, je ne sais pas si tu auras le temps de bosser avec ce que je te réserve.

_ Ha ! Et qu’est ce que c‘est donc ?

_ Rien ! Rien ! Tu verras ! Pour l’instant, suis-moi !

_ Hum ! Tu m’intrigues Khady !

_ Laisse tomber ! Viens, poses tes affaires là. Je vais te faire rentrer dans l’antre sacré de la cuisine. »

 

Le ton théâtral qu’elle avait utilisé fit sourire Ami. Khady la débarrassa de son sac et une sacoche où il y avait sûrement son ordinateur. Puis, elle lui fit visiter la totalité du restaurant qui était sur deux niveaux en commençant par les cuisines (il y en avait une à chaque étage. Elle disait qu’ainsi, les clients ne devaient pas attendre longtemps.). Dans les toilettes femmes, des mégots de cigarettes trainaient sur la moquette à l’entrée du vestiaire. Khady fronça les sourcils. Elle se doutait de qui avait osé enfreindre la règle « PAS DE FUMEE EN DEHORS DES CUISINES ».

Le détecteur avait été débranché. Elle réglerait ce souci plus tard. Les deux jeunes femmes redescendirent.

 

Heureusement que l’odeur du tabac était masquée par les senteurs qui parfumaient l’espace. La moquette rouge avec des pois noirs donnait envie d’ôter ses chaussures.

La sœur d’Abou expliqua à sa visiteuse qu’elle avait mis plus de deux ans avant « la naissance de son bébé ». Son père avait heureusement toujours cru en elle. C’était lui qui lui avait fourni les fonds nécessaires à son projet. Mais, elle avait d’abord voulu faire le tour du monde avant de faire construire. Elle voulait être sûre de ne pas se tromper. Et avait

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