Joël et Ami 25 : Les noces

Write by Dja

Yaye Fatou s’était levée à leur entrée. Elle regarda sa fille qui était allée s’asseoir à côté de son père et scruta son visage. Aminata avait l’air sérieux des jours où elle des jours où elle voulait annoncer quelque chose d’important.

Sa mère se doutait bien de ce qu’Abou avait à leur dire. Mais, son cœur battait la chamade. Elle vint se rasseoir aux côtés de son mari, après avoir débarrassé Abou des sacs qu’il portait et leur avoir servi des boissons et quelques grignotines.

Baye Oumar avait baissé le son de la télévision. Il salua Abou et lui demanda des nouvelles de sa famille et du travail. Ils devisèrent gaiement pendant quelques minutes, échangeant sur des sujets anodins. Puis, Oumar se tourna vers Aminata :

« _ Ma fille ! En rentrant, tu m’as dit quelque chose. Pourrais-tu me la répéter s’il te plaît ?

_ Oui Papa ! Je t’ai dit qu’Abou avait quelque chose à t’annoncer. … Abou ?

_ Oui ! Baye, je suis aujourd’hui venu te demander si tu acceptes que je reprenne les fiançailles avec ta fille.

_ Hum ! Je ne suis pas d’accord jeune homme. Tu ne peux pas venir ici comme ça.

_ Mais… !?

 _ Laisse-moi finir !

_ Pardon Baye ! (Abou baissa la tête, puis la releva pour écouter ce qu’Oumar avait à lui dire)

_ Tu ne peux pas venir tout seul comme cela me parler. Vas hercher ton père et, ensuite seulement nous pourrons discuter.

_ D’accord Baye ! Ouf ! J’ai eu peur !

_ Ha ! Ha ! Ha ! Vous les jeunes, êtes trop pressés. Les choses ne se passent pas aussi rapidement que vous le pensez. Allez, rentre maintenant. J’attends de tes nouvelles très vite. »

 

Puis, Oumar appela un domestique pour raccompagner Abou. Il expliqua à Ami que désormais, elle ne devait plus le fréquenter, étant donné que les choses sérieuses allaient commencer :

« A présent que tu vas devenir sa femme, il ne faudrait plus que les gens vous voient ensemble seuls. Je suis d’une certaine époque tu sais, et à mon âge, je veux encore croire que les us d’antan sont respectés. »

 

Ami regarda son père et alla se jeter dans ses bras. Comme elle était heureuse qu’ils aient fait la paix. Elle le retrouvait comme il avait toujours été. Quel bonheur !

Le lendemain, Abou et Mbaye ainsi que quelques hommes de sa famille vinrent trouver Oumar. Lui également étaient entourés d’hommes, dont Ousmane et Habib. Ils discutèrent pendant longtemps puis se mirent d’accord sur une date. Le mariage se ferait à ce moment là. Oumar en informa sa femme qui les reçut avec comme à son habitude, une grande tablée. Fofana et les autres seraient prévenus dès le soir.

Finalement, Oumar avait appelé l’école. Ami passerait les dernières épreuves de sélection à distance en vidéo. Elle irait en Norvège à la mi-août. Comme cela, elle aurait tout l’été pour faire ses adieux à ses proches.

La semaine s’écoula et Abou avait comme  disparu. Il ne répondait plus aux messages et n’avait pas appelé une seule fois. Ami commençait à se demander si maintenant qu’il avait réussi à obtenir l’accord de on père, il ne se comportait pas finalement comme tous les autres sénégalais. Sa mère se moquait gentiment d’elle lorsqu’elle la voyait scruter son téléphone. Elle répondait toujours que Fatoumata se faisait des idées et que ce n’était  pas après Abou qu’elle attendait.

Le week-end suivant, Tanta Coumba vint passer l’après-midi avec sa mère. Elles appelèrent Ami. La tante d’Abou se mit à lui poser plusieurs questions autant simples qu’indiscrètes. Ami était gênée par toute cette curiosité. Elle regardait sa mère qui faisait semblant de ne pas se sentir concernée. Ensuite, les deux femmes partirent d’un grand éclat de rire quand Coumba se mit à raconter comment elle « jouait » dans la chambre avec son époux. Ami que la conversation embarrassait de plus en plus s’enfuit en courant en les traitant de folles. Les deux mères se moquèrent encore plus d’elle et se frappèrent dans les mains. Ami était fin prête.

A la fin de la journée, alors qu’Oumar rentrait d’une sortie, ils s’entretinrent sur la cérémonie à venir. Abou avait appelé son futur beau-père pour l’informer d’un contretemps. En effet, il venait d’être appelé pour une mission importante à l’intérieur du pays et, il devait y aller pendant deux semaines. Cela devrait retarder les noces, car il ne reviendrait qu’à la fin du mois suivant. Oumar lui avait donné son accord et avait décidé d’en parler d’abord avec sa femme. Ami avait ses derniers examens à passer. Il était donc préférable de l’en informer après. Fatoumata avait expliqué à son mari que le docteur se faisait absent et que leur fille s’en inquiétait. Toutefois, Yaye Fatou était heureuse de la tournure que prenaient les choses. Enfin, la situation s’améliorait.

Plusieurs semaines plus tard, Ami se rendit à la clinique. Ses examens passés, elle attendait les résultats définitifs. Sa mère lui avait annoncé tout de suite après que le mariage était prévu pour dans un mois.

Elle n’avait pas revu Abou depuis le jour où il l’avait raccompagnée à la maison. De temps en temps, il envoyait des messages, mais n’avait plus de temps à lui consacrer. Il lui avait expliqué que pour le moment, elle devait se consacrer à ses épreuves. Lui également était très occupé par son travail. Or, on serait bientôt la fin du mois de juin et dans quelques semaines, ils uniraient leurs vies. Elle voulait avoir quelques réponses et lui était aux abonnés absents. Cette situation l’agaçait au plus haut point.

Après s’être renseignée à l’accueil, elle prit le chemin du bureau de son fiancé. Aussitôt, elle tomba nez à nez avec Sophie. Ami inspira profondément. Elle s’apprêta à répondre à des provocations éventuelles :

« _ Bonjour Mademoiselle !

_ Bonjour !

_ Je suppose que vous cherchez Abou ? Il n’est plus en service. Il a terminé plus tôt aujourd’hui.

_ Hum ! Ce n’est pas ce qui m’a été dit à l’accueil. Mais, je vous remercie. Je vais néanmoins aller voir dans son bureau.

_ Mais, puisque je vous dis qu’il…

_ J’ai entendu, merci ! »

 

Ami la dépassa pour se diriger vers le bureau d’Abou. Cette fille l’énervait tellement. Elle avait envie de lui tomber dessus et de l’étriper. Elle ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi elle éprouvait de tels sentiments à son égard, alors qu’elle ne représentait plus rien pour « SON » Abou.

Alors qu’elle allait ouvrir la porte du bureau, Sophie la bouscula et mit la main sur la poignée, l’empêchant de rentrer. Ami la regarda étonnée. Sophie se mit carrément devant la porte. De sa haute taille, elle voulait impressionner Ami :

« _ Je vous ai dit qu’il n’est pas là ! Pourquoi ne m’écoutez-vous pas ?

_ Non, mais, vous êtes folle ? Ça ne va pas dans votre tête ?

_ C’est vous qui êtes folle. Abou n’est pas là ! Alors, rentrez chez vous.

_ Laissez-moi passer ! Je ne vous le redirais pas une seconde fois.

_ Sinon quoi ?

_ Sinon, vous saurez ce que le chien a vu à Nzeng-Ayong à Libreville au Gabon !

_ Allez-y seulement pour voir. Vous devriez rentrer chez vous, au lieu de venir ici vous pavaner et empêcher les gens de travailler. Petite traînée ! »

        

Ami n’en attendit pas d’avantage. Elle lui assena un tranchant du poignet sur la main qui lui fit lâcher la poignée. Puis, lui donna une gifle si forte qu’elle envoya Sophie au sol. La porte s’ouvrit sur un Abou en plein entretien avec des personnes en blouse. Il ouvrait de grands yeux étonnés et s’excusant auprès de ses collaborateurs il se précipita dehors en refermant la porte sur lui :

« _ Mais, que fais-tu ici Ami ? Et pourquoi autant de bruit ?

_ Tu me le demandes ? Tu devrais poser la question à ton ex. Elle voulait m’empêcher de te voir.

_ Comment cela ? Et puis, que fait-elle par terre ? Ami... Tu ne l’as pas… ? »

 

Il venait seulement de s’apercevoir que Sophie était par terre, sonnée. Il regarda Aminata avec un regard étonné. Elle souriait méchamment.

« _ Je ne veux même pas savoir ce qui s’est passé. Seulement, si tu peux me dire pourquoi tu es là ?

_ Je voulais savoir pourquoi cette fois, c’est toi qui m’évite ? Tu ne m’appelles plus et ne réponds pas à mes messages.

_ Je suis un peu débordé par le travail et les choses à venir. Je n’ai pas eu le temps simplement. Et puis, je t’appelle de temps en temps non !?

_ Ha !? C’est ça ta réponse ? Les rares fois où tu daignes penser à moi, c’est pour me faire un coucou précipité.

_  S’il te plaît Ami, je suis occupé là ! Pouvons-nous en parler plus tard ? JE suis en réunion et c’est important.

_ Hum ! De toute façon, tu n’as plus de temps pour moi. Ou bien, c’est qu’en réalité tu as le temps pour d’autres …(elle désigna Sophie du doigt).

_ Arrête de dire n’importe quoi !

_ Ok, j’arrête ! De toutes les façons, je me rends compte que ce que tu disais c’était du vent. Tu n’étais pas sérieux sûrement. Tu es exactement comme les autres hommes. Une fois que vous avez eu ce que vous désirez, vous ne faites pus attention au reste. »

Elle lui tourna le dos pour s’en aller, mais il la retint. Il avait un regard étrange. Même le ton de sa voix avait changé :

« Tu devrais faire attention à ce que tu dis. Je n’ai pas encore eu ce que je veux de toi tu sais !

_ Hum ! C’est cela oui ! Bon, je te laisse. Va te consacrer aux choses les plus importantes de ta vie, ton boulot et ton ex.

Arrête Ami, s’il te plaît. Je viens de te dire que je suis très occupé depuis plusieurs jours.

_ Et donc, c’est pour cela que tu m’ignores ? Bon, je ne vois pas pourquoi j’insiste. Continue avec tes occupations. Ciao ! »

 

Elle lui tourna le dos. Elle sentait la colère monter petit à petit. Abou se prit la tête entre les mains. Il était partagé entre l’envie de ramasser Sophie et celle de secouer Aminata.

Alors qu’il mimait le geste de se baisser, elle se retourna. Abou se jeta sur elle, faisant comme s’il avait trébuché sur Sophie. La sagesse lui dictait d’attendre avant de s’occuper de l’inanimée qui, avait d’ailleurs sûrement bien méritée ce qui lui arrivait.

Ami le regarda d’un air soupçonneux. Si seulement il osait porter secours à cette fille, elle l’enverrait la retrouver au sol. Et tant pis pour les gens qui arrivaient. Il se rapprocha d’elle et lui tint le bras :

« _ Là maintenant, je suis trop pris, comprends-moi ! Mais, ce soir, je t’appelle. Promis !

_ Hum ! Je n’ai que faire de tes promesses. De toutes les façons, tu ne les tiens jamais.

_ Ami…

_ Bon, ok ! Ok ! J’attends ton appel.

_ Merci ! Et puis, sache que ce n’est pas parce que je n’appelle pas que je ne pense plus à toi. Tu hantes mes pensées chaque jour.

_ Hum… ! C’est ça oui ! Et puis tu es tellement hanté que mon téléphone a sonné mille fois ces derniers jours. »

 

Pour toute réponse, Abou se rapprocha d’elle. Les personnes qui l’attendaient dans le bureau étaient sorties et l’une d’entre elles avait aidé Sophie à se relever. Elle passa près d’eux en les toisant longuement. Le lendemain, elle donna sa démission au Directeur de la clinique. Il se doutait bien que la fin de sa liaison d’avec Abou en était pour quelque chose, mais il ne s’en formalisa pas. Sophie était un bon médecin en devenir. Il fallait juste quelle apprenne à ne pas mélanger sentiment et travail.

 

Abou se retourna vers ses collaborateurs et leur fit le signe qu’il avait bientôt terminé. Ces derniers, le sourire aux lèvres retournèrent dans le bureau et en profitèrent pour se servir du café. Il était déjà presque dix heures et la réunion avait commencé depuis longtemps sans qu’ils aient pensé à se restaurer. Restés seuls, Abou obligea Ami à s’asseoir sur une chaise :

« _ Ecoute Aminata Traoré ! Tu ne peux pas débarquer comme ça sur mon lieu de travail, boxer les gens et penser que c’est normal. As-tu seulement idée des conséquences que cela va entraîner ?

_ Ecoute également Aboubacar Diop ! Si seulement tu avais répondu à TOUS  mes appels, nous n’en serions pas là. De plus, je ne suis pas venu ici pour boxer qui que ce soit. C’est ta copine qui m’a provoquée. D’ailleurs, elle l’a bien cherchée.

_ Et c’est une raison valable selon toi pour la frapper ?

_ Hum !

_ Réponds !

_ Tu m’agaces ! Je ne suis pas venue ici pour me faire interroger. J’étais passée prendre de tes nouvelles. Mais, je vois que je ne suis pas la bienvenue. »

 

Elle se levait déjà mais, Abou la tira par le bras. Elle se retrouva sur ses cuisses. Il prit son visage dans ses mains et la regarda longuement. Puis, voulant l’embrasser, elle se dégagea :

« _ Tu penses vraiment que je suis venue ici pour ça ? Tu disparais pendant des jours et, tu crois que je vais me jeter dans tes bras comme ça, aussi facilement ?

_ Ami, s’il te plaît, ne…

_ Ne quoi …? Ouvre bien tes oreilles Docteur ! Ce n’est pas parce que je t’ai laissé me toucher une ou deux fois que tu vas aller t’imaginer que je suis aussi facile que tu le penses.

_ Hey ! Mais, qu’est ce qui te prend. Bon, écoute, je propose de t’appeler ce soir. Là je retourne en réunion. Accorde-moi jusqu’à ce soir et je te promets que je saurais me racheter.

_ Hum !

_ S’il te plaît !

_ Bon, ok (Ami avait hésité quelques secondes). Seulement, si tu t’amuses à ne pas me rappeler, hum…

_ Ce « hum » m’a bien manqué.

_ Laisse-moi tranquille !

_ Tu sais que tu es très attirante quand tu es en colère ? Ça me donne des envies. J’aime encore plus quand tu es jalouse.

_ Hé bien, tu vas garder tes envies pour toi. Désormais, je me réserve intimement pour mon époux.

_ Houlala ! Je vais devenir dingue jusque là ! Tu devrais faire attention, tu allumes un incendie en moi.

_ Bon, je ferais mieux d’y aller. J’attends ton appel.

_ A ce soir darling ! »

 

Aminata se leva au même moment. Pour toute réponse, elle lui tira la langue. Abou la regarda partir et retourna en réunion. Il se prépara mentalement à subir les moqueries des autres. Mais, il avait le sourire. Dieu ! Comme cela, cette fille, malgré ses dehors de princesse pouvait savait aussi se battre ? Pour la première fois, il se demanda quel genre d’amante elle pouvait être. A cette seule pensée, sa verge se mit à tressaillir dans son pantalon. Il prit quelques secondes pour se calmer et ouvrit la porte sur les rires de ses amis et collègues.

Le lendemain, Ami accompagna sa mère en ville. Abou ne l’avait finalement plus appelée. Elle n’en n’avait rien dit, mais Yaye Fatou sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Sa fille était d’humeur ronchon. Elle mit cela sur le compte de son prochain départ pour la Norvège et ne s’en formalisa pas longtemps.

Les deux femmes passèrent la journée à faire des emplettes et le soir venu, elles allèrent manger une glace. Fatou en profita pour questionner sa fille sur ses sentiments par rapport à Abou. Mais, Ami éludait les questions. Elle ne voulait pas parler de lui. Elle s’arrangea pour diriger la conversation vers les souvenirs de jeunesse de sa mère. Son subterfuge fonctionna et elles passèrent le reste de la journée à paresser et regarder le va et vient des promeneurs le long de la plage. Elles devisaient gaiement et la mère racontait à sa fille certains passages de son enfance et sa rencontre d’avec son père. La chaleur les avait contraintes à enlever leurs chaussures et à commander des boissons rafraîchissantes.

Des enfants jouaient à courir derrière des ballons et des touristes prenaient des photos des environs. Certains couples s’amourachaient sans se soucier des regards indiscrets. Une femme d’un âge très avancé à l’accent britannique vint leur demander de la prendre en photo avec son petit-fils. Mais, ce dernier qui ne l’entendait pas de cette oreille s’enfuit et tomba la tête la première dans le sable. Il se releva en riant et sa grand-mère le retrouva par terre en le grondant gentiment. Ami en profita pour capturer des images qui figureraient sans doute parmi les meilleurs souvenirs de leur voyage. La dame la remercia chaleureusement et lui planta une fleur jaune dans les cheveux.

Le chauffeur vint les chercher aux alentours de dix neuf heures et elles rentrèrent les bras chargés de paquets. Ami voulait se faire confectionner des vêtements à l’aide de tissu du terroir avant de prendre son envol. Même s’il restait encore plusieurs semaines, elle préférait s’y prendre à l’avance. Les couturiers sénégalais étaient parfois si débordés qu’une commande pouvait parfois mettre des mois avant d’être réalisée.

 

Alors qu’ils étaient déjà couchés, son téléphone sonna. Elle tenta vainement de se cacher sous l’un de ses oreillers, mais les vibrations de l’appareil avaient envoyé voyager ses rêves. Elle décrocha à la énième pulsation du combiné :

«  _ Oui allô !? Qui est-ce ? Je dormais purée !

_ Allô ! Ami, c’est moi, Abou.

_ Abou ? Que me veux-tu à cette heure ?

_ Je suis devant chez vous. Pourrais-tu sortir un instant s’il te plaît ?

_ Non, mais, tu ne vas pas bien toi. Il est trois heures du matin et tu voudrais que je sorte ? Tu veux que je dise quoi à mes parents ? Et puis, d’ailleurs, je ne sortirais pas. N’étais-tu pas sensé m’appeler hier soir ?

_ C’est pour cela que je suis là. S’il te plaît, sors, j’ai quelque chose de très important à te dire. Please ! Just a minut[1]

_ Hum ! Pardon, ne joue pas à l’américain avec moi. Bon, j’arrive ! J’espère que tu as une bonne raison pour me faire sortir à cette heure. Sinon !

_ Thank you darling ![2]

_ Pardon, c’est bon ! On sait que tu étais là-bas ! J’arrive ! »

 

Essayant de faire le moins de bruit possible, Ami sortit de sa chambre. Au moment où elle ouvrait la porte principale, elle entendit un « hum ! hum ! » derrière elle. Mince ! Son père s’était réveillé. Oumar venait de passer un moment agréable dans les bras de sa femme et il était sorti se rafraîchir. Tous les deux étaient étonnés de se rencontrer là à cette heure.

« _ Ami ?

_ Papa !?

_ Qui voudrais-tu que ce soit ? Que vas-tu faire dehors à pareille heure ? »

 

Il la regardait d’un air soupçonneux. Ami sentit ses jambes flageoler. Elle baissa la tète, car sans s’en rendre compte, elle avait appuyé sur le bouton de son téléphone et la voix d’Abou se fit entendre :

« Ami ? Tu viens oui ou non ? Je ne serais pas long. Je veux juste te passer un message. Je sais que tu es fâché, mais dès que tu m’auras écouté, tu comprendras. Ami !? Darling please, tell me something ![3]  »

 

Elle n’osait pas interrompre l’appel. Son père la regardait, le visage impassible. Il se rapprocha et lui prit le téléphone des mains :

«  Bonsoir Docteur ! Ce n’est pas une heure pour inviter une jeune fille à sortir de la maison de son père. »

 

A l’autre bout du fil, on entendit un « fuck ! » puis, un silence entrecoupé par des toussotements.

Quelques instants plus tard, Abou sonnait à la porte. Oumar renvoya Ami dans sa chambre, alors que Yaye Fatou était sortie de la sienne. Elle s’interrogeait sur la trop longue absence de son mari. Elle sermonna sa fille qui n’eut d’autre choix que de se diriger vers sa chambre. Mais, elle s’abrita derrière un battant de la porte du couloir pour entendre ce qu’Abou avait à lui dire :

«  Bonsoir Baye ! Bonsoir Yaye !

_ Oui, Bonjour même ! (c’était Oumar qui répondait)

_ Je suis désolé de vous dérangez à une heure aussi tardive, mais il était important que je vois Ami.

_ Et donc, ce que tu avais à dire ne pouvait pas attendre le jour ?

_ Je suis désolé Baye ! (il gardait la tête baissée)

_ Bien ! Vu qu’elle est en train de dormir et que tu ne t’es pas déplacé pour rien, dis-nous ce que tu avais de si urgent à lui annoncer. Nous lui passerons le message à son réveil.

_ Heu, mais, heu… Je venais de lui parler au téléphone. Je pensais qu’elle était avec vous.

_ Donc, tu veux insinuer que je me trompe ? (se tournant vers sa femme) Darling, notre fille ne dort-elle pas ?  (il prononça les mots avec le même accent qu’avait utilisé Abou précédemment.

_ Si darling ! »

 

Fatoumata avait bien du mal à garder son sérieux. Elle riait intérieurement de la situation. Oumar avait seulement l’intention d’effrayer un peu les jeunes pour avoir osé prendre certaines libertés. Et, elle savait qu’Ami était cachée derrière eux.

Abou qui ne savait plus où se mettre s’excusa encore du dérangement et expliqua que finalement, ce qu’il avait à dire attendrait le lever du jour. Il ne pouvait en parler qu’avec Aminata. Il préférait donc rentrer sans les déranger plus longtemps.  Oumar le raccompagna jusqu’à la porte en lui souhaitant de passer une bonne nuit.

Alors que leur fille voulait s’enfuir sur la pointe des pieds, Fatou l’intercepta :

« _ Aminata Traoré, que venait faire ce garçon chez nous à pareille heure ? Faites attention tous les deux.

_ Je ne sais pas Mâ ! C’est vrai ! Il a dit que c’était important. Je ne…

_ Stop ! Je ne veux pas en entendre plus. Seulement, que ce soit la dernière fois.

_ Oui Mâ !

_ Bien ! Vas te coucher maintenant ! »

Alors qu’Oumar secouait la tête et la menaçait du doigt, Ami leur tourna le dos pour regagner sa chambre. Sa mère traina le pas et, voyant que son mari mettait du temps dans la cuisine, elle s’empressa de rejoindre sa fille et lui chuchota :

« _ Dans trois semaines enfin, sa famille et lui viendront ici. Peut-être que c’est ce qu’il voulait t’annoncer.

_ Ho, Mâ, c’est vrai ?

_ Oui ! Bon, vas dormir maintenant, nous en parlerons au lever du jour. »

 

Ami se jeta dans les bras de sa mère. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était si heureuse, mais cette nouvelle lui ôta toute envie de dormir.

Entendant son mari arriver, Fatoumata s’enfuit dans leur chambre, pendant qu’Ami rentrait dans la sienne, le visage rayonnant.

Quelques instants après, elle prit l’appel vidéo sans laisser le temps à la sonnerie de résonner :

« _ Oui !?

_ Ho, Ami, pourquoi tu n’es pas sortie ?

_ Si, j’étais déjà presque dehors, mais papa m’a bloquée.

_ Ok ! J’espère qu’il n’est pas trop en colère ?

_ Non ! Je ne pense pas. Seulement, c’est vrai que c’était imprudent de sortir comme ça. Je ne l’ai jamais fait d’ailleurs. Bon, que me voulais-tu ?

_ D’abord, premièrement, m’excuser pour hier. Et puis, ce n’est pas que je ne voulais pas t’appeler. Mais, il y a eu une urgence. Un bébé tombé d’une fenêtre. Sa mère a sauté pour le rattraper et elle est tombée sur la tête. Il a fallu l’opérer pour résorber le caillot de sang qui s’était formé. Le bébé fort heureusement n’a rien eu, sa mère l’avait pris dans ses bras. Ensuite, j’étais tellement fatigué que je me suis écroulé en rentrant.

_ Bon, ok ! Deuxièmement c’est quoi ?

_ Deuxièmement, tu me manques ! Et juste, sache que quoi qu’il arrive par la suite, je veux et j’ai décidé de faire ma vie avec toi. Je suis désolé pour le comportement de Sophie. Je sais qu’elle ne t’importunera plus, elle a démissionné.

_ Ok ! Est-ce qu’il y a un troisièmement ?

_ Ami, tu ne me facilites pas la tâche… Je voulais te le demander de vive voix, mais comme cela n’est plus possible maintenant. Voilà : Est-ce que tu m’épouses pour faire plaisir à ta famille ou parce que tu m’aimes, ne fut-ce qu’un tout petit peu ? »

 

Maintenant qu’il le lui demandait, Ami ne savait plus quoi répondre. Elle s’était imaginé l’envoyer balader, le faire languir, ou même ne rien lui dire. Mais, là, présenté comme cela, alors qu’il la regardait et attendait sa réponse, elle était perdue. Abou lui reposa la question et voyant qu’elle ne réagissait toujours pas, il lui proposa d’attendre avant de répondre.

Ensuite, il promit de lui donner des nouvelles assez souvent désormais. Il lui envoya un baiser sonore et coupa l’appel.

Aminata resta longtemps avec le téléphone dans la main et, s’endormit sans trouver de réponse plausible à donner.

La semaine s’écoula sans d’autre surprise.

Aminata se préparait pour une prochaine excursion sur l’île de Gorée. Elle irait le lundi suivant avec des amis qui venaient en vacances. Bientôt la fin du mois de juillet et il lui faudrait penser elle aussi à s’en aller loin des siens. Cette idée lui souleva le cœur.

Le vendredi soir, alors quelle arrivait dans la cuisine, elle trouva sa mère au téléphone en grande conversation. Elle s’assit sur une chaise à table et attendit qu’elle ait terminé en piquant des chips dans une assiette.

« _ Bonsoir Mâ !

_ Bonsoir ma fille ! Comment va ? Tu es prête pour ton voyage ?

_ Oui ! Mais, je voulais te poser une question.

_ Oui !?

_ Cela fait des jours qu’Abou est passé ici et depuis, tu ne me dis plus rien.

_ C’est vrai ma chérie. Mais, c’est parce que je n’ai rien à dire. Il y a un problème ?

_ Ho ! Mâ ! S’il te plaît, ne fais pas comme si tu ne comprenais pas. »

 

Fatoumata se tourna complètement vers sa fille. Elle avait des larmes dans les yeux. Elle s’apercevait seulement que son bébé devenait une femme. Comme elle en avait mal. Heureusement, il lui restait Fanta à élever. La petite était encore loin d’en arriver au niveau de sa sœur. Elle se rapprocha d’Ami et lui prit les mains dans les siennes :

« _ Ma fille, es-tu amoureuse de ce garçon ?

_ Je ne sais pas Mâ ! Tout ce dont je suis sûre, c’est que je me sens bien à ses côtés. Et puis, quand je n’ai pas de nouvelle comme depuis ces derniers jours, je suis énervée et ça m’angoisse. Et, je n’aime pas ça.

_ Dis-moi la vérité Aminata Traoré. Je suis ta mère. Tu sais, je ne veux que ton bonheur. Est-ce que tu es prête à aller vivre chez ce garçon ? Si tu acceptes, cela voudra dire que désormais, tu appartiendras à sa famille. Tu ne pourras plus revenir ici sans ton mari ou un membre de sa famille. Tu devras te conformer à sa loi, à ses désirs. Es-tu prête pour cela ma fille ?

_ Je ne sais pas Yaye. Tout cela me fait peur ! (elle avait baissé la tête).

_ Je comprends Ami, je comprends ! Mais, tu sais, c’est normal que tu te sentes comme ça. Moi également, quand j’ai épousé votre père, je n’étais pas sûre. Mais, j’ai laissé mes parents se charger de tout. Et, vois-tu, je ne regrette pas. Même si nous avons connu des moments plus difficiles les uns que les autres, je suis heureuse d’être son épouse. En plus, nous avons eu de beaux enfants. Je suis une femme comblée.

_ Mais, Yaye, Papa n’a pas toujours été tendre. Et il n’a pas souvent été correct vis-à-vis de toi. Comment tu peux dire que tu es heureuse ?

_ Tu sais ma fille, la seule douleur qu’il m’ait réellement occasionnée, c’est lorsqu’il a failli t’ôter la vie. Le reste, je m’en suis remise. Je suis une femme forte et de caractère. Lui non plus n’a pas toujours eu la vie facile à mes côtés.

_ Hum, Mâ !

_ Bon, c’est vrai que j’ai beaucoup

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