Jour 3: Sauve qui peut
Write by Owali
JOUR 3
***Larissa Same***
On est vraiment bien nulle part ailleurs que chez soi...
La tête collée contre le hublot, un sourire plaqué sur mon visage, je contemple, non sans un soulagement certain, la magnifique vue que m'offre Douala by night.
Les lumières de la ville qui n'étaient, quelques minutes plus tôt, encore que des petits points semblables à des étoiles dans le ciel, grossissaient à mesure que nous perdions en altitude, dévoilant aux occupants de l'oiseau de fer dans lequel nous étions, toute l'agitation qui régnait dans les rues de la cité très animés en ce début de soirée. Je me vois déjà sortant de chez moi simplement vêtu d'une robe Kaba et me mêler à cette foule en me rendant chez mon vendeur de soya préféré.
Hummm rien qu'à y penser je sens déjà le piment me piquer la langue et la moutarde me monter au nez.
Vite, vite une bonne gorgée de top ananas glacé pour faire passer ça.
Klock (claquement de langue )
Ah! Ça fait du bien.
'DING DONG'
Le signal lumineux indiquant que nous avons désormais le droit de déboucler notre ceinture de sécurité retentit, me sortant de mes pensées.
Lorsqu' il y a quelques jours j'ai innocemment quitté mon pays pour cette soit disant destination de rêve, j'étais loin de me douter que j'étais sur le point de vivre la pire expérience de ma vie. J'ai bien cru ne jamais m'en sortir vivante, tellement la mort a marché à mes côtés dès les premiers instant où mes pieds avaient foulées le sable blanc de cette île privée... Mais tout ça c'est derrière moi désormais. Je suis enfin de retour à la maison et toute cette mésaventure ne restera qu'un lointain souvenir.
- Mamannnnn !" s'écrit mon fils en courant vers moi, à peine je sors de la zone réservée aux passagers en provenance des vols internationaux.
J'abandonne mon chariot sur le côté et m'accroupis et tendant mes mains vers lui, mon visage illuminé par un large sourire.
- Ohhh ! Tu m'as trop manqué mon bébé, lui dis-je en le serrant très fort contre moi.
- Huuummm...Mamannnnn arrête tu m'étouffes! Et puis je ne suis un bébé mais un grand garçon moi! Boude t-il en essayant de se dégager de mon étreinte.
Je le lâche mais non sans l'avoir recouvert de bisous qu'il se précipite d'essuyer en accompagnant son geste d'un "Beurk". Ah la la, mon bébé a grandi trop vite !
Je me redresse et me retrouve devant l'homme de ma vie qui, du haut de son mètre soixante cinq, me tend ses bras pour que je m'y blottisse. Sans perdre une seconde de plus je plonge sur lui et l'enlace comme si ma vie en dépendait.
- Eh bien, si tu m'avais dit que j'aurai eu droit à de telles retrouvailles, je t'aurais laissé partir sans la moindre hésitation!
- Non, non mon amour. Plus jamais, ne me laisse plus jamais m'éloigner de toi. Plus jamais !
Je resserre encore plus mon étreinte, quand je sens quelqu'un me taper à l'épaule. Hum que cette personne attende, et me laisse encore profiter de mon homme.
- Tu m'as trop manqué bébé... Lui murmurais-je à l'oreille.
- Chérie...
- Non ne dis rien, je sais que je n'aurais jamais dû partir et vous laisser Tristan et toi mais maintenant je ne vous quitterai plus. Je vous en fait la promesse.
La personne qui me tapait à l'épaule se met à me bousculer maintenant franchement.
Non mais c'est quoi son problème ?!?
- Chérie je pense que tu devrais y aller...
- Quoi mais qu'est-ce que tu me rac...
CLAP!
AÏEEEEEE !!!
Mais... Mais... Qu'est-ce que cela signifie ?!?
Une douleur atroce partant de ma joue droite et se diffusant sur le reste de mon corps me force à ouvrir les yeux...
Oh non... Qu'est-ce que je fais encore la?!?
L'odeur de la terre humide, le bruit des feuilles mortes craquant sous des pas et cette verdure. Oh Seigneur ! Ne me dites pas que tout ceci n'était qu'un rêve ?!? Non ne me dites pas que je suis encore dans cet endroit maudit!
- Je pense que t'y es allé un peu fort Liliane, regarde comment sa joue a rougit!
- Mais qu'est-ce que tu voulais que je fasse Massa, elle ne m'a pas laisser le choix en même temps. C'était ça où on la laissait mourir pour de vrai ici...
Les yeux hagards, je tente de distinguer les silhouettes qui se dressent au dessus de moi mais ma vue est complètement brouillée par la terre qui recouvre mon visage. Une des deux ombres se rapproche de moi.
- Bonjour, Larissa, c'est Liliane Bossé, je suis avec Massa Ndira. Tu nous entends?
Au Seigneur! Tu ne m'a donc pas abandonné! Je tentais de répondre mais ma gorge était trop sèche pour que je puisse prononcer un mot, alors je me contentais d'hocher ma tête.
- Je pense qu'elle doit être assoiffé, donne moi ta gourde Massa s'il te plaît... Quoi?!?... Arrête tes conneries, ça t'avance à quoi? Garder une gorgée te sauvera pendant quoi 10min? Et après tu vas faire quoi? Boire tes urines ? Allez donne moi l'eau s'il te plaît, elle en a plus besoin que nous. !
Je sens un liquide tiède entrer dans ma bouche et s'écouler à travers ma gorge avant de glisser dans mon œsophage ravivant tous les organes qu'il croisait sur son passage. Quelques minutes plus tard, je me sens mieux et entreprend de me redresser.
Liliane m'aide tandis que Massa reste à distance.
- Mer...merci pour tout les filles snif snif vous n'imaginez pas à quel point ça me fait plasir de vous voir...mais...mais qu'est-ce que vous faites la? Vous faites aussi partie de ses invités VIP de...
- RACH!! repondent-elles en coeur
- Oui oui, c'est lui même! De l'association "Nos écrivains ont du talent", c'est trop bien que vous soyez la, ça fait tellement longtemps qu'on ne s'est pas vu!
Je suis tellement heureuse et soulagée que je saute dans leurs bras à tour de rôle. Leur attitude plutôt froide calme mon enthousiasme assez rapidement.
-Les filles, vous pourrez m'accompagner jusqu'à l'hôtel? Mon guide est allé chercher la trousse secours quand hier j'ai...
- KIAKIAKIA !!! Massa vient subitement d'éclater de rire nous laissant Larissa et moi complètement interdites.
- Heu...tout vas bien ? J'ai dit quelque chose de drôle la ? Je demande dans le doute
- Hum...non ne fait pas attention à elle, nos nerfs ont été mis à rude épreuve depuis que nous sommes là. En fait nous sommes comme toi, nous avons également été abandonné par nos guide et étions en marche pour l'hôtel lorsque nous sommes tombés sur toi.
- Ah oui?!? Oh la la. Mais ces guides se sont donnés le mot ou quoi? Quelles sont ces manières ? Pourquoi ? Qui?...
- Hum! Tu poses les questions à qui, me demande Massa qui a repris ses esprits. On t'a dit qu'on est toutes dans la même galère et toi tu viens nous poser des questions comme si nous étions les instigatrices de ce blague pourrie! Tchiuuupppp !
- Bon du calme Massa, inutile de t'en prendre à elle. Larissa, tu es la bienvenue si tu souhaites te joindre à nous dans la recherche de l'hôtel. On a assez perdu de temps, on va reprendre la route.
- Très bien les filles, je vous suis.
- Super ! Alors et si tu nous racontais en détail ce qui t’es arrivé pendant qu’on marche ? me demande Liliane
- Bien sur alors tout à commencé quand j’ai reçu cette fameuse invitation…
***Flashback***
En trois jours ???
Mon Dieu c’était très juste pour organiser mon départ, changer les programmes de mes sœurs qui au final n’étaient pas si mécontente que ca, informer ma mère qu’elle devait garder Tristant et…convaincre Alois de me laisser y aller.
J’avais sortie le grand jeu, bain moussant pour qu’il soit bien détendu, diner aux chandelles sous fond sonore pour qu’il soit bien repu et enfin dessous sexy pour finir de la convaincre de prendre la bonne décision. Malheuruesement, rien de toute ma mise en scène n’avait marché comme prévu et c’est à contre cœur que je n’ai pas tenue compte de son avis et suis tout de même partie. J’avais eu la surprise juste avant mon décollage de recevoir un sms de sa part « Je t’aime fort, bon voyage ! ». Une larme de joie s’était échappée de mes yeux.
Arrivée à l’aéroport internationale de Zanzibar, je lève la tête en sortant de la douane et j’aperçois une pancarte à mon nom. Ravie, je me dirige vers le monsieur qui la porte et lui fait un large sourire.
- Bonjour, je suis Larissa SAME
- Bonjour madame, je vous souhaite la bienvenue, allons y ! Je le suis en observant autour de moi et suis agréablement surpris par la façon dont les gens s’habillent dans ce pays. Mon guide m’expliquent que les femmes portent de grands foulards appelé « UNGUJA » et revêtent une tenue traditionnel et symbole de la féminité Zanzibarienne appelé « KANGA ». Je suis amusé par ce mot, car chez nous au Cameroun « KANGA » désigne dire le poisson, péché à Akonolinga.
Une fois sortis de l’aéroport nous nous installons et il m’indique que nous prenons la direction de la marina ou un yatch nous attend.
L’accueil fut digne des films d’une princesse, pancarte de bienvenu, buffet dressé à mon honneur, bon vin, jus exotiques et pour couronner le tout du champagne…elle n’est pas belle la vie? Après un coup de fil rapide à la famille nous voici en route pour l’ile.
- Nous allons arriver la nuit malheureusement mais ce n’est pas grave. Vous aurez un autre guide qui va vous conduire à votre hôtel.
- Merci.
Deux heures plus tard, Je voyais enfin l’ile . Il faisait très noir, il n’y avait pas d’éclairage, j’entendais les cris des oiseaux par ci par là, le hululement des hiboux, et le grondement des vagues au large de la côte. Seul le phare joue le rôle d’éclaireur pour ce yacht, et ces quelques navires, bateaux ou autres qui s’hasarderaient à passer par là. J’étais surprise, par tant de pénombre, je frissonnai et je me crispai.
- N’ayez crainte madame, l’ile n’est pas hostile. Suivez-moi. C’était censé me rassurer ça ? Pensai-je tout bas.
Etait ce censé me rassurer ?
Il m’aida à récupérer mes bagages, une fois arrivés sur la plage, nous nous sommes enfoncé plutôt dans la brousse ; je ne comprenais pas, j’étais perdue, nous étions censés nous rendre à l’hôtel ; il m’avait dit qu’un autre guide devait venir me chercher mais la il ne parlait plus. Il était subitement devenu silencieux; nous marchions toujours dans le noir, à un moment donné je piétinai je ne sais quoi, je me mis à hurler tellement la douleur était vive. On aurait dit une épine, elle me lacerait l’orteil.
Mon guide s’arreta et revint sur ses pas.
- Vous … allez bien ?
- Bien ???? Je me suis fait mal ! Vous n’avez pas de torche ?
- Si…Mais…
- Mais quoi ? Qu’est ce que vous attendez pour l’allumer? J’ai l’orteil en feu ! ça fait un bon moment qu’on marche dans l’obscurité, je ne suis pas rassurée ! Où est l’autre guide ?
- Il n’est pas très loin !
- Mais bon sang !!! Allumez cette torche ! Je ne vois rien ! Mes jambes… Il y a comme des insectes qui me piquent un peu partout !
Je sautillai de plus belle, je devins hystérique ! Mon guide revint vers moi aussi rapidement et il alluma enfin sa torche pour éclaire la zone où je sentais cette drôle de piqûre ; j’avais la chair de poule, il s’agissait en fait d’un énorme araignée noire et poilue, je pousse un cri d’horreur, je déteste les araignées ! Je manque même de vomir.
- Calmez – vous ! Ce n’est qu’une piqûre d’araignée ! Je vais chercher la trousse médicale, ce n’est rien, vous serez un peu dans les vap’s ; mais rien de très grave, ce genre d’araignée pique mais son venin ne tue pas !
Il m'a fait asseoir sur un tronc d’arbre, j’avaisi très peur, je regardais ma jambe elle enflait à vue d’œil. Je me mis à sangloter.
- Snif snif…s’il vous plait ! Ne me laissez pas toute seule ici !
- Je n’en ai pas pour longtemps ! Restez calme ! Je reviens tout de suite !
Je sentais la chaleur me gagner, en même temps je frissonnais ; j’avais mal, je me tordais de douleur ; je paniquais, le guide ne revenait toujours pas. De longues minutes s’ étaient écoulées depuis qu’il était parti chercher cette fameuse trousse de secours. Je tremblais d’effroi, ma tête se mit à tourner, j’avais des vertiges et je fus prise de violentes nausées ! On dirait un film d’horreur…
Seigneur ! Où suis-je ? Dans quel coup me je suis fourrée ? Je me sentais tout d’un coup fiévreuse, et je transpirais à grosses gouttes, je respirais très fort, si bien que je manquais d’étouffer.
J’ai juste eu le temps d’entendre un craquement de branches pas très loin, de me retourner, mais ma vue commençais à se brouiller, tout devint flou, très flou !
Je me lèvais et tentais de marcher mais je n’y arrivais pas. J’ai titubé quelques mettre avant de m’écrouler à terre et TROU NOIR…
***Fin Flashback***
-Eh ben, quelle histoire ! Heureusement que ce n'était pas un animal veneneux. Ta jambe ca va mieux? demande Massa qui m'avait écouté sans en perdre une miette.
- Oui oui, elle s'est dégonflées dans la nuit je pense.
Nous marchions depuis plus de trois heures déjà et entre les cris d’oiseaux, les piqûres d’insectes, les troncs d’arbres qui tombaient ça et la, la peur est plus grandissante que jamais. Je repensais à Alois sa colère et sa tristesse de me voir partir, sa question lorsqu’il me demandait pourquoi je voulais les abandonner. J’étais si mal que je n’avais pas vue le tronc d’arbre qui était sur mon passage et me suis pris les pieds dedans avant de m'étaler sur le sol boueux. Réalisant la merde dans laquelle je me suis fourré, je me met à pleurer
- Snif snif … Alois, bébé pourquoi ne t’ai-je pas écouté ??? Mon bébé Tristan…ooohh mon pauvre bébé…
- Ecoute, Larissa ce n’est pas le moment il est 17h, nous n’avons pas avancé relèves toi prend courage pense justement à ton bébé, comment tu voudrais aller le retrouver et bats toi pour aller jusqu’au bout. Allez lève toi, on va s’en sortir, M’encourage Liliane.
De nous trois c’était elle est la plus forte. Je rassemble tout ce qui me reste de courage, me relève et nous voila repartie pour une heure de marche supplémentaire.
CCCCRRRRAAAACCKKK !!!
Pendant qu’on essaye de souffler, une grosse branche placée juste au dessus de nos têtes se détache brusquement de son arbre pour atterrir à 2m de l’endroit où nous étions assises.
- AAAHHHHHHH !!!!
‘CROÂ CROÂ CROÂ !’
Un nombre incalculable de corbeau s’envolait à travers les branchages dans un vacarme capable de recouvrir l’ouï à un sourd, accentuant l’angoisse et la terreur qui avait pris possession de nos corps.
- Seigneur pitié ! Je t’en prie sauve nous !!! Se mit à pleurer Liliane.
Oh la la…si elle aussi craque c’est que nous sommes vraiment foutus !
- Il est clair que nous sommes dans la merde !!!Essayons de garder notre sans froid. Lancai-je dans un regain de courage. Regardez, il y a une piste par la-bas, c’est sur que nous ne sommes plus loin du chemin qui mène à l’hôtel, courage les filles !
Toutes les trois nous nous tenions par la main, regardant avec une grande méfiance, les arbres en dessous desquelles nous marchions. Au bout de quelques minutes c’est avec un grand soulagement que nous tombons sur une clairière, où de l’eau claire jaillissait d’une mini cascade. Un feu avait été fait et à côté une marmite contenant du riz cuit avait été abandonné. Il y avait aussi des morceaux de tissus disposés ca et la sur des arbustes, et un peu plus loin une glacière avait été posé.
- Mon Dieu, on est arrivé au Paradis ??? s’exclame Massa en se dirigeant sans perdre une minute vers la cascade.
Liliane et moi restons à distance.
- Apparemment, il y a d’autres personnes dans les parages…fis remarquer Liliane
- Hum… Tu penses que ce serait prudent de rester ici ?
- A-t-on seulement le choix ? La nuit est en train de tomber. Ici il y a un feu, à boire et à manger…
-Tu as raison mais si jamais les propriétaires reviennent ici comment on va faire ?
-Ben on leur expliquera ce qui nous arrive, si ça se trouve ils pourront nous aider à nous en sortir…
-Tu as peut être raison…
« Eh les filles ! Qu’est-ce que vous attendez ?!? L’eau est fraîche venez me rejoindre ! » s’écrit Massa.
Liliane et moi nous nous regardons, sourions avant de courir rejoindre Massa sous l’eau. Oh la la…c’est vrai que ça fait un bien fou. Enfin un peu de répit !
--------INCONNU---------
« ahhh, ça fait un bien fou »
« tu as raison Massa, mais vient manger, il faut aussi penser à prendre des forces. Larissa comme tu es près de la glacière, tu peux regarder ce qu’elle contient »
« oui attends…. Oh les filles, regardez ! Il y a une variété de boissons softs et alcoolisées ! Et les bouteilles sont toutes fraîches ! »
« ah bon?! Fais voir…. Ohhhh merci mon Dieu ! Passe-moi le top ananas! »
« on va se la partager Liliane, je rêve t’en boire une gorgée. Mais comment allons-nous l’ouvrir, il n’y a pas de décapsuleur »
« Roh vous aussi les filles, vous ne savez pas ouvrir avec les dents ? Donnez-la moi… ‘TCHIIII’… voilà »
« krkrrr Ah Massa et ses dents décapsuleur !»
« kiekiekiekiekie »
« kiekiekiekiekie »
- J’y vais ?
- Pas maintenant….. pas maintenant…. Laissons-les pensez encore quelques minutes, qu’elles sont arrivées au bout de leur périple….
Voir leurs visages illuminés par de franc sourire, et entendre leurs éclats de rire cristallins résonner à travers cette clairière, en sachant que dans quelques heures, ils seront marqués par la peur et l’angoisse, me fait jubiler intérieurement
-… cela ne sera que plus jouissif…
- Bien Boss!
Riez, mesdames, savourez, bénissez…espérez… mais pas trop… l’espoir fait vivre… un court instant.
Je continue de les observer, et d’analyser chacun de leur geste, de leur mouvement que je finis par anticiper. Prévisibles. Elles sont tellement prévisibles. La soif de reconnaissance de Larissa, la suffisance de Liliane, et la douce naïveté de Massa, les ont conduites ici sans grande surprise. J’ai eu le temps de les étudier, d’apprendre à les connaitre et déceler leurs points faibles. Ce qui me permet de les contempler à loisir sur mon territoire. Ici c’est moi qui ai toutes les cartes en main… et il est temps qu’elles l’apprennent. La nuit était tombée depuis un moment, et leurs visages, éclairés par les flammes rougeoyantes et dansantes du feu de bois, laissaient percevoir la fatigue accumulée. C’était le signal que j’attendais…
- Boy !
- Boss ?
- Maintenant !
- A vos ordres !
Je l’entends s’éloigner de moi et partir vers le nord. Je regarde ma montre et compte jusqu’à 60 mentalement. « 58.59.60 »
« PAN »
Je lève la tête et souris en lisant l’étonnement puis la peur sur leurs visages
« vous avez entendu les filles ? On aurait dit un coup de fusil »
« oui, et ça avait quand même l’air proche »
« mais non les filles, ça doit être autre chose. Ne commencez pas à paniquer, il faut qu’on reste calmes »
Je me remets à compter mentalement mais cette fois jusqu’à 30 « 28.29.30 »
« PAN »
Je souris franchement en voyant Massa bondir sur ses jambes et regarder autour d’elle tel une hystérique
« Ahhhhh vous avez entendu, c’est…. C’est plus proche de nous »
« Massa calme toi ! C’est peut-être…. »
« C’est peut-être quoi Liliane ?! Ce sont des coups de feu bordel ! »
4.3.2.1… « PAN »
Elles se mettent à courir dans tous les sens, puis se séparent sans s’en rendre compte, s’enfonçant dans la forêt chacune empruntant une direction différente et laissant derrière elles, le crépitement des bout de bois qui finissent de se consumer. Je soupire de satisfaction, et me mets en route en sifflotant le générique de X-files. Un navet comme bon nombre de série B. Mais, les notes de ce générique me portent et m’inspirent.
Elles trouvent un bel écho dans la noirceur de cette forêt… « fui-fui-fui-fui-fui-fuiiiiiiii, fui-fui-fui-fui-fui-fuiiiiiiiiiiiiiiiii »
Je sors de la forêt et longe la côte d’un pas lent, tout en continuant de siffloter.
Je m’arrête lorsque de ma lampe, j’aperçois, une grosse trainée que je suis avec fascination jusqu’à... elle…
Je m’approche de son corps étendu dans le sable, et dégage d’un geste délicat, les mèches de cheveux qui barrent son visage…Larissa… Je caresse du revers de la main sa joue légèrement creuse, et retire à l’aide de mon index, cette petite larme qui perle dans le coin intérieur de son œil… Larissa… j’ai toujours admiré sa ténacité, et sa détermination…
-C’est la bonne ?
-Oui… Prends la et suis-moi.
Je le regarde installer Larissa au travers de ses épaules, puis j’ouvre la marche pour retourner dans la forêt. J’ai sélectionné l’endroit parfait pour elle. Son cœur. Après une trentaine de minutes de marche ponctuée par des raccourcis, nous arrivons enfin devant de hauts arbres qui se dressent devant nous en deux lignées formant une haie jusqu’au cœur de la forêt.
Ça y’est, nous y sommes, le public est prêt.
Prêt pour une dernière lecture.
-Elle commence à bouger
- Pose là au sol, et mets les bougies
Stan dépose Larissa au sol puis se dirige vers les douze bougies que j'avais préalablement apportées et les allume en formant un cercle, avant de s'en aller.
Je récupère, les cordes se trouvant dans mon sac à dos puis me dirige vers le corps de Larissa et atèle à lui lier les pieds et les mains avant de lui bâillonner la bouche à l’aide d’un bout de tissu. Avec ma dernière corde, je fais un noeud au niveau des liens de ses pieds, puis lance l' autre extrémité par-dessus la branche de l' arbre le plus haut de la place.
Lorsqu’elle retombe, je la récupère et hisse le corps de Larissa. Je le vois trainer sur un mètre avant de se lever doucement pour finir par se balancer dans l’air.
Quelques minutes plus tard, elle se décide à ouvrir ses paupières, et battre des cils, telle une princesse de conte de fée endormie depuis trop longtemps.
- Bonsoir Lari
Prenant conscience de l’endroit, ou peut-être de la posture dans laquelle elle se trouve, elle se met à gigoter dans tous les sens et à crier, enfin je suppose.
- Hhummm, hummm
- Chuuuuut, ça ne sert à rien de gesticuler ou tenter de crier, personne ne peut t’entendre. Ils sont bien trop loin.
- Hummmm
- Pourquoi te bâillonner alors ? Oh, c’est parce que j’ai beau aimer le son de ta voix, je n’ai pas envie de l’entendre ce soir. Ecoute, je t’ai prévu une soirée magnifique ou enfin tu recevras la consécration qui t’est due ! Ce soir le cœur, l’essence même de la vie, t’entendra, et t’acclamera, et le corps suivra ! Ils seront transpercés par ton talent ! Puis tu t’endormiras pour toujours avec la gloire qui t’es due…..
-HUUUMMM ! HUUUMMM
- Quoi ? C’est ce tout petit couteau qui te fait peur ? Non, il ne faut pas… il va te mener à la gloire. Chuchoté-je à son oreille.
Elle se met à gesticuler de plus bel, et je l’attrape par la tête puis lui fais une entaille petite mais assez profonde au cou.
Une coulée de sang vient cheminer sur sa mâchoire puis sa joue, ensuite le coin de son œil, et son arcade sourcilier avant de finir sa course sur le haut de son front, en de petites gouttelettes de sang qui s’écrasent au sol, les unes sur les autres… Quel spectacle fascinant… Je regarde la scène pendant un court instant, puis attrape mon sac, et sors son livre…
- J’ai adoré le lire, il était tellement profond, tellement intense, qu’il m’a été difficile de le finir. Je voulais rester dans ce monde… Et ce passage de la page 36 …
Je vais m’asseoir sous l’arbre, où elle est pendue, et lis à haute et intelligible voix ledit passage, à côté de cette marre de sang grandissante.
"...Il fit aussi un tour au supermarché ce dimanche matin, question de se trouver quelque chose à manger, ainsi que des liqueurs… Il n’avait pas vu la jeune fille qui s’était attardé devant les étalages de produits laitiers. Elle était avec un homme, et ils se tenaient la main… Elle aussi ne le vit pas... lui, Marco... il marchait à reculons, en hésitant entre différents types de fromages. il ne savait pas quoi choisir. Il leva les yeux dans un soupire … et son regard se riva au sien...L'interrogation, la confusion et la surprise pouvaient se lire dans leurs regards... puis une série d'émotions intenses les ayant animés dans les bras l'un et de l'autre refit douloureusement surface dans le coeur et dans le corps de chacun... tous les deux restèrent immobiles … Nahema et Marco venaient de se croiser… Enfin"
Je ferme les yeux et me projette dans ce rayon laitier du super marché, où le fraicheur des lieux vient hérisser les poils de mes bras dénudés.
J'aperçois Nahema et Marco, si proche et si loin l'un de l'autre, et peux sentir les émotions brutales qui les animent, l'intensité du dialogue que seul leurs yeux peuvent comprendre, et l'espoir que procure cette rencontre, tant espérée.
J'ouvre les yeux et me retrouve de nouveau au centre de la forêt illuminée par cette ombre orangée crée que dessinent les bougies...
J'arrache la page, puis la regarde encore une dernière fois, avant de l'épingler sur l'arbre où est pendue Larissa
- Tu es maintenant gravée dans le coeur... Tu entends ces acclamations ! Elle se réveille pour toi !
Je agenouille puis passe mon index dans la marre de sang et le porte à mon nez.
Le fer, ça sent le fer. De mon doigt tacheté de sang, j'inscris un message, pour les autres puis range mon livre et me relève.
-Tu l'as ta consécration. Murmuré-je à son oreille avant de légèrement pousser son corps inanimé qui se meut dans le vide.
Je te laisse saluer ton public
Je reprends mon sac à dos, le met sur mes épaules et reprends le chemin formé par la haie en sifflant cet air entêtant:
fui-fui-fui-fui-fui-fuiiiiiiiiiii, fui-fui-fui-fui-fui-fuiiiiiiiiiiiiii