La fugue

Write by Plénitudes by Zoé

Chapitre 6 : La fugue Je me souviens comme si c’était hier du jour où j’ai goûté à la liberté pour la première fois. Le jour où Lotié partait était un déchirement, je sentais mon cœur se serrer dans ma poitrine pendant que je ravalais mes larmes parce qu’il ne fallait pas éveiller les soupçons sur la nature de notre relation. Nous avions encore une fois passé la nuit ensemble la veille et avions uni nos corps comme si nous ne nous reverrions plus jamais. Il en avait également profité pour me remettre le téléphone jetable qu’il avait acheté et j’y avais enregistré son numéro de téléphone avant de le cacher dans l’un des pots en terre dans la case. Et après qu’il se soit endormi, j’ai pleuré comme je n’avais plus pleuré depuis des années, pensant que mes larmes s’étaient taries. Apparemment non. En partant, il m’a prise dans ses bras et j’étais gênée parce que, d’une on ne fait pas cela chez nous et de deux, il ne l’avait fait à personne d’autre. Quand il s’est détaché de moi, toute la cour nous fixait comme s’ils assistaient à une manifestation fantomatique, les yeux exorbités. J’ai immédiatement baissé les yeux, s’ils découvraient notre plan, je serais foutue. Quand j’ai relevé les yeux, Abalo, le premier fils de Somié me fixait toujours alors que les autres avaient tourné la tête depuis longtemps. J’en ai eu des frissons, il m’a toujours un peu effrayée celui-là. Une semaine plus tard, tout était prêt pour que je parte pour la capitale, tout ce que j’attendais c’était Lotié. Nous avions finalement décidé qu’il vienne me rejoindre à la gare et que nous repartions immédiatement, le tout était que je puisse me faufiler hors de la concession sans éveiller les soupçons. Pour ce faire j’ai prévu de sortir au milieu de la nuit dehors et d’aller à la gare où je passerais la nuit. Le plan était bien ficelé, rien n’aurait dû pouvoir le faire échouer. Enfin c’et ce que je croyais. Le jour J, je me suis levée aux aurores pour faire mon sac, je pouvais presque sentir le doux parfum de la liberté. Après avoir fait mes tâches ménagères, j’ai fait ma valise qui se résumait à un sac à dos, je n’avais pas grand-chose à cette époque. C’est là que Somié m’a surprise, accroupie en train de fourrer mes quelques vêtements dans mon sac. J’ai commencé à suer à grosses gouttes. Je devais trouver une excuse valable pour qu’il ne devine pas mes plans ! Moi : Tonton Somié, je ne faisais que ranger mes affaires… Somié : Economise ta salive, Abalo m’a dit qu’il vous avais surpris Lotié et toi la veille de son départ, je ne voulais pas le croire mais il m’a apporté ceci (il sort mon téléphone de la poche de son boubou et mon cœur manque deux battements). J’ai pensé qu’il ne s’agissait que d’une erreur de jeunesse, que cela te passerait mais tu comptes réellement aller le rejoindre ? Moi (pétrifiée) : … Somié (hurlant) : REPONDS-MOI ! Moi : Mais non, je ne faisais que ranger… Somié (me giflant) : Arrête de me mentir (continuant de me donner des coups dans le ventre pendant que je suis à terre) Espèce d’ingrate ! P*te ! Vous êtes toutes les mêmes, des menteuses, des sorcières ! Puis il s’arrête brusquement et me saisit par le bras avant de me tirer vers le poulailler. Les volailles s’enfuient en nous voyant arriver. Il me jette à l’intérieur et je m’écrase la tête la première dans les fientes d’oiseau. Je me relève immédiatement pour essayer d’atteindre la porte avant qu’il ne la referme mais trop tard, dans ma hâte je me cogne contre la mangeoire et retombe à terre dans la poussière et les fientes. Je me relève et le supplie de me laisser sortir mais il se contente de me fixer froidement avant de tourner les talons. Je me suis mise à pleurer mais personne ne me prit en pitié, pire, ils se moquaient de moi. Je n’ai pas eu droit de manger non plus. Je suis donc restée prostrée en position fœtale un long moment, je n’ai pas bougé jusqu’au soir, puis durant la nuit. C’est vers minuit, quand tout le monde dormait depuis longtemps que j’entendis la porte du poulailler s’ouvrir, je me redressai immédiatement. Je n’y voyais rien et n’étais pas du tout rassurée. C’est la voie d’Abalo que j’entendis tout à côté de moi avant de sentir sa main se poser sur ma cuisse. Je sursaute violemment et essaie de me dégager mais il me tient fermement, j’étais prête à me battre et même à mourir s’il le fallait parce qu’il n’était pas question que je me fasse violer à nouveau. Mais il me dit juste « Si tu te laisses faire, je t’aiderai à t’échapper » et je me calmai aussitôt. Je pouvais bien endurer cela s’il me permettait de rejoindre Lotié. Alors je ravalai ma colère, mon humiliation, ma frustration, la douleur aussi et me couchai sur le dos en écartant les jambes et en tournant la tête. Lorsqu’il eût fini sa sale besogne, il se releva, ajusta son pantalon et me tendit les clés du poulailler et du portail avant de s’en aller. Je me relevai à mon tour, et la mort dans l’âme, me mis en route. Je n’avais pas le courage de retourner dans ma case chercher mes affaires, je me suis juste enfuie sans me retourner, le ventre douloureux, le visage en sang et complètement sale. Lorsque je fus à une bonne distance de la maison, je m’arrêtai et me mis à hurler, hurler, hurler parce que oui j’étais enfin libre. Blessée mais libre, brisée mais libre, humiliée mais LIBRE ! Avant d’aller à la station de bus, je fis un tour au marigot pour me débarrasser de la crasse et du sang. Il devait être près de 3h du matin et des rumeurs circulaient sur ce point d’eau dans le village ; il servirait de lieu de rencontre pour les créatures de la nuit. J’étais très effrayée par l’ambiance obscure des lieux mais je n’avais pas d’autre choix que d’y passer si je voulais être assez présentable pour qu’on ne me prenne pas pour une folle et qu’on me chasse de la station. Je me débarrassai donc de mes vêtements sales et frottai un peu les endroits tâchés pour ne pas les mouiller complètement. Ensuite, j’entrai dans l’eau pour me rafraîchir. Je remarquai que mon entrejambe saignait mais je me suis dit que ce devait être mes règles. En déchirant le bas de ma robe, je pourrais en faire des lingettes et tenir jusqu’à ce que Lotié arrive. Tout à coup, je sentis une présence dans mon dos. Un frisson glacé parcourut ma colonne vertébrale. Je me retournai immédiatement mais ne vis rien. Puis une voix d’outre-tombe retentit. « Tu m’appartiens désormais » Je n’avais jamais rien entendu de tel et ne pris certainement pas le temps de chercher le pourquoi du comment avant de ramasser mes affaires et de dégager de là plus vite que le vent. J’ai attendu d’arriver près de la station avant de m’habiller et d’entrer. J’ai repéré un banc un peu en retrait et m’y suis installée pour essayer de dormir un peu. Sans téléphone et sans argent je n’ai aucun moyen de contacter Lotié. Je n’ai plus qu’à espérer qu’il puisse me trouver dans cette station de bus. C’est sur ces pensées que je m’endormis. La suite demain les amis. Bisous baveux !
Sun, une histoire de...